L’astronaute Jean-François Clervoy (X78) lors d’un entraînement en mer dans le scaphandre à microgravité développé par le docteur en robotique spatiale Peter Weiss / Comex. © Alexis Rosenfeld

Observer l’océan : une conquête technologique

Dossier : L'océanMagazine N°791 Janvier 2024
Par Jérôme PAILLET (X87)
Par Fabrice ARDHUIN (X94)
Par Juliette LAMBIN (X94)

Le sys­tème d’observation des océans, sur le plan tech­nique comme sur le plan de sa coor­di­na­tion inter­na­tio­nale, a atteint un niveau de matu­ri­té remar­quable, à l’instar de son alter ego le sys­tème d’observation météo­ro­lo­gique. La France est par­mi les lea­ders de cette aven­ture scien­ti­fique. Les pro­grès à venir, pour impor­tants qu’ils puissent être, ne chan­ge­ront sans doute pas radi­ca­le­ment ce sys­tème. Il n’en reste pas moins beau­coup à décou­vrir sur ce monde secret qu’est l’océan.

Une conclu­sion qui se dégage des divers articles du pré­sent dos­sier est que, pour agir, nous devons obser­ver les océans, pour com­prendre ce qui s’y passe et com­ment ils évo­luent. Mais obser­ver les océans, ce n’est pas si simple !

Observer l’océan : une activité récente

On peut mesu­rer assez sim­ple­ment beau­coup de pro­prié­tés de la sur­face de la mer : tem­pé­ra­ture, sali­ni­té, vagues, vent, pré­sence de glace… Ces pro­prié­tés, obser­vées depuis des navires, long­temps ont essen­tiel­le­ment ser­vi à ali­men­ter les pre­miers ser­vices météo­ro­lo­giques. Mais, au-delà de quelques mètres de pro­fon­deur, l’océan est dif­fi­cile à péné­trer et est long­temps res­té un mys­tère. Pour résu­mer, jusqu’en 1950 on ne savait pra­ti­que­ment rien des pro­prié­tés de l’océan en des­sous de sa sur­face. Les seules don­nées de tem­pé­ra­ture et de sali­ni­té dans l’intérieur de l’océan pro­ve­naient d’explorations pion­nières, qui étaient encore assi­mi­lables à des aven­tures scien­ti­fiques et humaines. Les pro­grès ont alors été extrê­me­ment rapides, puisque aujourd’hui l’océan est obser­vé, mesu­ré en conti­nu par des dizaines de satel­lites, des mil­liers de sondes auto­nomes, des cen­taines de mouillages fixes et per­ma­nents, et pério­di­que­ment sillon­né par des navires océa­no­gra­phiques le long de radiales répétitives.

Un parallèle avec la conquête spatiale

La mise en place d’un sys­tème d’observation per­ma­nent et pérenne de l’océan n’est pas sans rap­pe­ler la conquête spa­tiale, à la fois par des simi­li­tudes de calen­drier, par les déve­lop­pe­ments tech­no­lo­giques qui ont été néces­saires à chaque étape et par l’intense coopé­ra­tion inter­na­tio­nale qui a été à l’œuvre, bien au-delà des conflits entre blocs. Et puis l’observation de l’océan a aus­si impli­qué le déve­lop­pe­ment de la télé­dé­tec­tion satel­li­taire : donc une par­tie de cette aven­ture est elle-même spa­tiale. Nous allons illus­trer ce pro­pos en décri­vant quelques grandes étapes de la conquête de l’observation océa­nique, in situ et par télé­dé­tec­tion, et pré­sen­te­rons les sauts tech­no­lo­giques sous-jacents.

1958 : l’année géophysique internationale (AGI)

L’Année géo­phy­sique inter­na­tio­nale (AGI), qui s’est dérou­lée offi­ciel­le­ment de juillet 1957 à décembre 1958, a été une période de coopé­ra­tion scien­ti­fique mon­diale visant à mieux com­prendre les phé­no­mènes géo­phy­siques de la Terre. Un ensemble coor­don­né de cam­pagnes océa­no­gra­phiques ont été menées durant cette période et ont per­mis d’obtenir la pre­mière « pho­to » de l’hydrologie de l’intérieur de l’océan. Les para­mètres mesu­rés étaient basiques, la tem­pé­ra­ture et la sali­ni­té, mais ils suf­fi­saient à décrire les grands cou­rants marins, à la fois par une approche diag­nos­tique (par exemple : « si l’eau est très salée, c’est qu’elle vient d’un endroit où il y a de l’évaporation ») et par une approche dyna­mique : tem­pé­ra­ture et sali­ni­té per­mettent d’estimer la den­si­té et la pres­sion de l’eau de mer, qui sont reliées aux cou­rants par les équa­tions de la quan­ti­té de mouvement.

Un ensemble de navires océa­no­gra­phiques de plus de dix pays, dont les USA, l’Union sovié­tique, le Japon, l’Australie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, a donc sillon­né les océans du globe en met­tant en œuvre un pro­to­cole simple : des­cendre par câble un châs­sis jusqu’au fond de l’océan et pen­dant la remon­tée, à des pro­fon­deurs pré­dé­fi­nies, fer­mer des bou­teilles et action­ner des ther­mo­mètres « à retour­ne­ment » (pour figer la valeur de la mesure) grâce à des mes­sa­gers les­tés glis­sant le long du câble. La sali­ni­té était ensuite mesu­rée par conduc­ti­vi­té élec­trique, à par­tir de l’eau enfer­mée dans les bouteilles.

Ce carrousel muni de bouteilles permet de prélever à des profondeurs stratégiques des échantillons d’eau de mer qui seront ensuite analysés.
Ce car­rou­sel muni de bou­teilles per­met de pré­le­ver à des pro­fon­deurs stra­té­giques des échan­tillons d’eau de mer qui seront ensuite ana­ly­sés.  © IRD – Hubert Bataille

Années 1990 : le World Ocean Circulation Experiment (WOCE)

Un nou­veau pro­gramme inter­na­tio­nal d’observation coor­don­née de l’hydrologie des océans a vu le jour dans les années 1980, pour une réa­li­sa­tion essen­tiel­le­ment dans les années 1990 : le pro­gramme WOCE. Le prin­ci­pal saut tech­no­lo­gique entre les cam­pagnes de l’AGI et celles de WOCE est l’avènement de la bathy­sonde : une sonde élec­tro­nique mul­ti­pa­ra­mètre connec­tée au navire par un câble élec­tro­por­teur, qui mesure en conti­nu tem­pé­ra­ture, sali­ni­té et pression. 

La bathy­sonde des années 1990 com­porte tou­jours un ensemble de bou­teilles de pré­lè­ve­ment, mais ces pré­lè­ve­ments servent désor­mais à ana­ly­ser des pro­prié­tés chi­miques com­plé­men­taires : teneur en oxy­gène dis­sous, en sels nutri­tifs (nitrates, phos­phates, sili­cates), en métaux-traces, en fréons… qui sont des tra­ceurs de la cir­cu­la­tion océa­nique et de l’activité bio­lo­gique. L’autre avan­cée majeure est la réso­lu­tion spa­tiale des mesures : d’un son­dage tous les 140 km envi­ron, on est pas­sé à un son­dage tous les 70 km par grands fonds. Cela peut sem­bler un détail, mais cela a per­mis de cap­tu­rer l’échelle spa­tiale des prin­ci­paux tour­billons et méandres océa­niques, dits de méso-échelle, qui concentrent une grande part de l’énergie des cou­rants. Alors qu’on ne dis­tingue pra­ti­que­ment pas de varia­bi­li­té de méso-échelle dans les atlas issus de l’AGI, on en voit beau­coup dans les atlas et coupes issus de WOCE. 

Aujourd’hui encore, il existe un pro­gramme inter­na­tio­nal de cam­pagnes océano­graphiques répé­ti­tives qui réa­lise, tous les deux à cinq ans, des séries de mesures pour la plu­part com­men­cées pen­dant WOCE : le pro­gramme GO-SHIP (https://www.go-ship.org/).

Observation de l'océan par le programme Argo : relevé de novembre 2023
Argo est un pro­gramme d’observation prin­ci­pa­le­ment dédié au sui­vi du réchauf­fe­ment cli­ma­tique des océans.

Des années 2000 à aujourd’hui : le programme Argo

Les enjeux d’observation du chan­ge­ment cli­ma­tique dans l’océan sont deve­nus clairs en même temps qu’ap­paraissaient les pre­miers signaux de ce chan­ge­ment, à la fin des années 1990. La com­mu­nau­té inter­na­tio­nale s’est mise d’accord sur un pro­gramme d’observation in situ, inno­vant et ambi­tieux, prin­ci­pa­le­ment dédié au sui­vi du réchauf­fe­ment cli­ma­tique des océans : le pro­gramme Argo (https://argo.ucsd.edu/). L’objectif était de déployer un réseau de flot­teurs auto­nomes, capables d’osciller ver­ti­ca­le­ment entre la sur­face et 2 000 m de pro­fon­deur en un cycle d’une dizaine de jours et de com­mu­ni­quer par satel­lite un pro­fil ver­ti­cal de mesures [0 – 2 000 m] tous les dix jours. 

Au démar­rage du pro­gramme, en 2000, de tels ins­tru­ments n’existaient que sous forme de concept ou de pro­to­type dans des labo­ra­toires d’océanographie. Depuis 2003 envi­ron, ils sont pro­duits en petite série par des indus­triels. La cible ini­tia­le­ment fixée de 3 000 flot­teurs opé­ra­tion­nels en mer a été atteinte en 2007 et ce nombre est supé­rieur à 3 500 depuis 2012. Ces flot­teurs vivent plus de cinq ans en moyenne. 

Aujourd’hui 21 États, plus l’Europe, sont contri­bu­teurs de ce pro­gramme, la France arri­vant en deuxième posi­tion après les USA. Le réseau Argo four­nit, année après année, des indi­ca­teurs du chan­ge­ment cli­ma­tique et, en tout pre­mier lieu, l’augmentation du conte­nu ther­mique des océans qui reflète le dérè­gle­ment du cli­mat. Les flot­teurs du réseau Argo suivent aus­si la cir­cu­la­tion de l’océan à grande échelle, et donc sa capa­ci­té à conti­nuer à absor­ber la cha­leur. De nou­veaux flot­teurs dits bio­géo­chi­miques savent désor­mais mesu­rer le pH (donc l’acidification de l’océan), les concen­tra­tions en oxy­gène dis­sous, nutri­ments, chlo­ro­phylle, etc., variables qui sont essen­tielles pour suivre la san­té des éco­sys­tèmes marins. 

L’observation spatiale et l’aventure de l’altimétrie française

L’observation in situ est certes indis­pen­sable pour mesu­rer de nom­breuses pro­prié­tés de l’océan mais, pour d’autres, prendre de la hau­teur depuis l’orbite ter­restre est beau­coup plus effi­cace. Par construc­tion, l’observation satel­li­taire offre une cou­ver­ture glo­bale et homo­gène : le même ins­tru­ment fait les mêmes mesures par­tout. Les ins­tru­ments optiques ou micro-ondes pas­sifs four­nissent une mesure des champs de tem­pé­ra­ture de sur­face, de sali­ni­té de sur­face, et cer­taines mesures de bio­géo­chi­mie des océans (concen­tra­tion en chlo­ro­phylle, tur­bi­di­té) ; les mesures actives comme le radar vont don­ner une sen­si­bi­li­té à la topo­gra­phie et aux états de sur­face (vent de sur­face, vagues, cou­rants, glaces de mer, mais aus­si détec­tion de navires, ice­bergs, nappes d’algues ou de polluants). 

La plu­part de ces mesures font désor­mais l’objet de pro­grammes satel­li­taires opé­ra­tion­nels garan­tis­sant acqui­si­tion sys­té­ma­tique, dis­tri­bu­tion en temps court, conti­nui­té et contrôle qua­li­té des don­nées : citons notam­ment le pro­gramme euro­péen Coper­ni­cus avec en par­ti­cu­lier les satel­lites Sentinel‑1 (ima­ge­rie radar), Sentinel‑3 (ima­ge­rie optique et infra­rouge, alti­mé­trie) et Sentinel‑6 (alti­mé­trie).

Image Copernicus Sentinel 3 observée par le capteur OLCI au-dessus de la France le 17/04/2023 permettant de mesurer le contenu en phytoplancton à la surface de l’océan.
Image Coper­ni­cus Sen­ti­nel 3 obser­vée par le cap­teur OLCI au-des­sus de la France le 17/04/2023 per­met­tant de mesu­rer le conte­nu en phy­to­planc­ton à la sur­face de l’océan. Don­nées modi­fiées Coper­ni­cus Sentinel‑3 2023, source https://ovl.oceandatalab.com

L’altimétrie spatiale, quésaco ? 

Par­mi toutes ces tech­niques de télé­dé­tec­tion qui contri­buent à une meilleure connais­sance des océans, la com­mu­nau­té scien­ti­fique fran­çaise, le Cnes et le sec­teur indus­triel ont par­ti­cu­liè­re­ment déve­lop­pé l’altimétrie spa­tiale, qui vise à mesu­rer la topo­gra­phie de sur­face de la mer par satel­lite. Le prin­cipe en est simple : le satel­lite émet un bref signal radar, puis mesure le temps de retour de son écho et en déduit avec pré­ci­sion la dis­tance entre le satel­lite et la sur­face de la mer. Les pre­miers alti­mètres radars, déployés en 1974 sur la sta­tion amé­ri­caine habi­tée Sky­lab, offraient une pré­ci­sion de l’ordre du mètre. 

“La communauté scientifique française, le Cnes et le secteur industriel ont particulièrement développé l’altimétrie spatiale.”

Les méthodes de mesure n’ont pas ces­sé d’évoluer en pré­ci­sion, et pas moins de vingt mis­sions satel­li­taires, déve­lop­pées par les USA, la France, l’Agence spa­tiale euro­péenne ou la Chine, se sont suc­cé­dé sur dif­fé­rentes orbites depuis 1992. La série des satel­lites Jason (Nasa/C­nes/­NOAA-Eumet­sat) uti­lise un radar alti­mé­trique Posei­don fabri­qué à Tou­louse par Thales Ale­nia Space. Ces mis­sions sont appe­lées « mis­sion de réfé­rence » car elles assurent la pré­ci­sion abso­lue la meilleure et la plus stable, une conti­nui­té par­faite d’une mis­sion à une autre : c’est à tra­vers ces mis­sions que l’augmentation du niveau de la mer sur ces der­nières décen­nies est mesu­rée et elles servent d’étalon à l’ensemble des autres mis­sions d’altimétrie.

Planeur sous-marin autonome équipé de capteurs de mesures. © IRD - Christophe Maes
Pla­neur sous-marin auto­nome équi­pé de cap­teurs de mesures. © IRD – Chris­tophe Maes

Et SWOT vint… 

En décembre 2022, une nou­velle révo­lu­tion est appor­tée par la mis­sion fran­co-amé­ri­caine SWOT (Sur­face Water and Ocean Topo­gra­phy), déve­lop­pée conjoin­te­ment par la Nasa et le Cnes. Le satel­lite SWOT embarque aus­si un radar Poseidon‑3, mais sa charge utile prin­ci­pale est un inter­fé­ro­mètre radar com­plè­te­ment nou­veau, appe­lé KaRIn et déve­lop­pé par le Jet Pro­pul­sion Labo­ra­to­ry de la Nasa en par­te­na­riat avec le Cnes et Thales Ale­nia Space. KaRIn per­met de révé­ler la topo­gra­phie de sur­face des océans sur une fau­chée de 100 km de large, avec une pré­ci­sion ver­ti­cale qui attein­dra pro­ba­ble­ment quelques mil­li­mètres. Un deuxième objec­tif scien­ti­fique prin­ci­pal de la mis­sion SWOT est la mesure des hau­teurs des eaux conti­nen­tales, rivières, lacs ou réservoirs.

Le niveau de la mer au millimètre près

La mesure du niveau de la mer a d’abord été un moyen d’étudier la Terre solide puisque, si l’on met de côté les effets dyna­miques, la sur­face de l’eau se confond avec le géoïde (iso­po­ten­tielle du champ de gra­vi­té, soit la « forme de la Terre »). Loca­le­ment, la per­tur­ba­tion du champ de gra­vi­té par les monts sous-marins est donc détec­table par une varia­tion du niveau de la mer : ain­si, une « bosse » per­ma­nente de quelques kilo­mètres d’étendue est géné­ra­le­ment asso­ciée à un mont sous-marin.

Aujourd’hui la topo­gra­phie mon­diale des fonds marins par grands fonds est sur­tout connue par l’altimétrie spa­tiale, plus que par les cam­pagnes de mesures par navire, et grâce à sa réso­lu­tion SWOT va cer­tai­ne­ment révé­ler des mil­liers de monts sous-marins non réper­to­riés. Si l’on prend en compte main­te­nant les effets de dyna­mique de l’océan, en enle­vant du signal l’effet des marées, la topo­gra­phie de sur­face des océans va alors reflé­ter une com­bi­nai­son de phé­no­mènes d’échelles tem­po­relles et spa­tiales variées.

La circulation océanique

Elle engendre des varia­tions de quelques mètres du niveau de la mer : pour des échelles spa­tiales supé­rieures à quelques dizaines de kilo­mètres, l’hypothèse géo­stro­phique (équi­libre dyna­mique entre le gra­dient de pres­sion hydro­sta­tique et la force de Corio­lis liée à la rota­tion de la Terre) lie direc­te­ment la topo­gra­phie de sur­face à la dyna­mique interne de l’océan ; on parle de « topo­gra­phie dyna­mique ». Comme dans l’atmosphère, où le vent tourne autour des régions de haute pres­sion (anti­cy­clones) et des dépres­sions, les cou­rants marins tournent autour des bosses et des creux de la topo­gra­phie dyna­mique. Ain­si, le Gulf Stream est asso­cié à un déni­ve­lé de la sur­face de la mer d’un mètre de haut, qui s’étale sur quelques dizaines de kilo­mètres de large. Quand le Gulf Stream fai­blit, le niveau d’eau aug­mente sur la côte est des États-Unis, contribu­ant à y aggra­ver les inondations.

Les effets de surface

Ils sont liés aux dépla­ce­ments d’eau du fait d’interactions avec l’atmosphère : les varia­tions du vent et de la pres­sion atmo­sphé­rique sont à l’origine de « sur­cotes » qui peuvent aus­si contri­buer aux inon­da­tions côtières. Ain­si une baisse du baro­mètre de 10 hPa fait mon­ter le niveau de la mer de 10 cm, et cette sur­cote peut être ampli­fiée par les effets du vent et des vagues près de la côte.

Les variations en volume des océans

Lorsqu’on évoque la varia­tion du niveau de la mer dans le contexte du chan­ge­ment cli­ma­tique, c’est à ce der­nier phé­no­mène que l’on se réfère : sur l’ensemble du globe le volume des océans aug­mente à cause du trans­fert de masse d’eau des conti­nents vers l’océan par la fonte des gla­ciers et calottes gla­ciaires, mais aus­si à cause de la dila­ta­tion de l’eau direc­te­ment du fait du réchauf­fe­ment global.

Spa­tia­le­ment, l’apport de masse va aug­men­ter le niveau de la mer sur tout le globe, alors que la dila­ta­tion va aug­men­ter le niveau dans les zones se réchauf­fant le plus : c’est ain­si que la mon­tée du niveau de la mer est bien supé­rieure à la moyenne dans cer­taines zones, nota­ble­ment dans le Paci­fique Sud. L’altimétrie satel­li­taire est la prin­ci­pale source de don­nées pour révé­ler que la vitesse de mon­tée du niveau de la mer a dépas­sé les 4 mm par an et conti­nue de s’accélérer.

Les premières données de SWOT

La mis­sion SWOT apporte un pro­grès signi­fi­ca­tif dans nos capa­ci­tés d’observation alti­mé­trique : grâce à la mesure « en fau­chée » (en 2D sui­vant une bande sous la trace du satel­lite), elle va per­mettre d’observer le niveau de la mer avec une finesse inéga­lée et, entre autres choses, de mieux com­prendre le rôle des tour­billons dans la cir­cu­la­tion océa­nique et le trans­port de cha­leur. Les pre­mières mesures, encore très récentes à ce jour, sont à la hau­teur des espé­rances : SWOT donne à voir des phé­no­mènes jusqu’alors peu ou mal obser­vés, comme les ondes internes, les struc­tures de sous-méso-échelle, la dyna­mique des zones côtières. Les échos de SWOT sur la glace de mer per­met­tront aus­si d’accéder, plus fine­ment qu’aujourd’hui, à l’épaisseur de la banquise.

Le futur de l’observation de l’océan

Les pro­grès tech­no­lo­giques ont donc été consi­dé­rables dans le domaine de l’observation de l’océan durant ces der­nières décen­nies. Mais quels sont les pro­grès à venir ? Dans le domaine de l’océanographie in situ, un objec­tif majeur est d’arriver à auto­ma­ti­ser et à rendre plus sobre, éner­gé­ti­que­ment par­lant, les sys­tèmes d’observation, tout en éten­dant la gamme de para­mètres mesu­rés par chaque équi­pe­ment. Argo, réseau de flot­teurs-pro­fi­leurs auto­nomes, est un bon exemple de ce pro­ces­sus, mais Argo ne peut pas tout mesu­rer, en par­ti­cu­lier parce que ses flot­teurs dérivent au gré des cou­rants et que leur tra­jec­toire n’est donc pas pilo­tée. Actuel­le­ment, les prin­ci­paux déve­lop­pe­ments techno­logiques portent donc sur des drones sous-marins et de sur­face, pro­pul­sés par moteur élec­trique et pan­neaux solaires, ou à la voile, ou par l’énergie de la houle, et capables d’opérer une gamme de plus en plus éten­due de capteurs.

Du côté de la télé­dé­tec­tion satel­li­taire, il existe pour tous les para­mètres mesu­rés des espoirs de gain en cou­ver­ture et en réso­lu­tion spa­tiale (comme illus­tré par la mis­sion SWOT pour l’altimétrie), voire spec­trale. Un autre enjeu pour les océa­no­graphes est de par­ve­nir à mesu­rer le vrai cou­rant de sur­face, sachant que le cou­rant déduit des alti­mètres, le cou­rant géo­stro­phique, n’est qu’une approxi­ma­tion à basse fré­quence et en sub­sur­face des cou­rants océa­niques. Pour mesu­rer ce vrai cou­rant de sur­face, plu­sieurs tech­niques sont encore à l’étude, fon­dées sur une mesure pré­cise de la vitesse des vagues, elle-même sen­sible au cou­rant de sur­face : mesure par radar Dop­pler, par inter­fé­ro­mé­trie radar ou par optique à haute réso­lu­tion temporelle.

Poster un commentaire