Maurice Allais et la Physique

Dossier : ExpressionsMagazine N°665 Mai 2011
Par Jean-Bernard DELOLY (65)

Une règle d’or : la primauté de l’expérience

Une règle d’or : la primauté de l’expérience

Tout au long de son exis­tence Mau­rice Allais n’a cessé de con­sacr­er une impor­tante par­tie de ses activ­ités à la physique, qui d’ailleurs avait été sa voca­tion pre­mière. Si son œuvre dans ce domaine est infin­i­ment moins con­nue que son apport à la sci­ence économique, elle pour­rait bien pour­tant, pour­suiv­ie dans le cadre de pro­grammes à long terme et par des équipes dis­posant de moyens suff­isants, débouch­er sur des pro­grès décisifs dans la con­nais­sance des lois les plus fon­da­men­tales de la physique. 

Per­son­ne ne con­teste bien sûr que l’ex­péri­ence soit sou­veraine : les pro­grès en physique résul­tent tou­jours de la mise en évi­dence de phénomènes inex­plic­a­bles dans le cadre des théories en vigueur, d’une part parce qu’elles sont ain­si remis­es en cause, bien sûr, mais aus­si parce qu’il en résulte des indi­ca­tions pour la con­struc­tion de théories nouvelles. 

Pour­tant la sit­u­a­tion actuelle n’est guère satisfaisante.

Tout ce qui se passe dans le domaine qui nous est le plus immé­di­ate­ment acces­si­ble (le domaine macro­scopique, sur la Terre) étant réputé expliqué par les théories clas­siques éventuelle­ment com­plétées par les cor­rec­tions rel­a­tivistes, la recherche de phénomènes sus­cep­ti­ble d’in­firmer les théories en vigueur s’est pour l’essen­tiel retrou­vée can­ton­née aux domaines des extrêmes : l’as­tro­physique et la physique des par­tic­ules. Out­re les dif­fi­cultés ‑et le coût- de la réal­i­sa­tion effec­tive d’ob­ser­va­tions, un prob­lème majeur est que, même lorsque l’on met en évi­dence un phénomène nou­veau, il est générale­ment malaisé d’en déduire quoi que ce soit, un exem­ple typ­ique en étant le prob­lème de la ” matière noire “. 

La matière noire
Il est apparu qu’il y avait une dif­férence entre d’une part la masse des galax­ies cal­culée à par­tir de la matière observée directe­ment, et d’autre part la masse cal­culée à par­tir de l’ob­ser­va­tion du mou­ve­ment des étoiles, en appli­quant les lois de la grav­i­ta­tion : pour toutes les galax­ies analysées, la sec­onde est env­i­ron dix fois plus impor­tante que la première.
>Cela est-il dû à la présence de ” matière noire “, ou au fait que les lois de la grav­i­ta­tion ne sont pas exactes (mais alors la rel­a­tiv­ité générale, qui englobe ces lois, serait inex­acte elle aus­si, avec toutes les remis­es en cause con­ceptuelles qui en résul­teraient) ? S’agis­sant de phénomènes qui se pro­duisent à des mil­lions ou des mil­liards d’an­nées lumières, et qui impliquent des élé­ments que l’on ne con­naît qu’à tra­vers les mod­èles que l’on s’en est con­stru­it, gageons que l’on risque d’at­ten­dre encore un cer­tain temps la réponse à cette question. 

Mau­rice Allais, avec la totale indépen­dance d’e­sprit qui mar­que l’ensem­ble de son œuvre, s’est avant tout attaché sans aucun à pri­ori à la recherche de phénomènes remet­tant en cause aus­si directe­ment que pos­si­ble les théories en vigueur. Il a ain­si mis en évi­dence qu’il existe bel et bien de tels phénomènes (et même des gise­ments de tels phénomènes…) dans le domaine macro­scopique, sur des sites ter­restres fix­es, et dans des con­di­tions d’en­vi­ron­nement qui n’ont rien d’extrême. 

On voit donc tout l’in­térêt de ses travaux — et l’ab­sence totale dans sa démarche du moin­dre cal­cul car­riériste : la nature humaine étant ce qu’elle est, la notoriété va tou­jours, au moins sur le court terme, à ceux qui pro­posent des théories, et non aux expérimentateurs. 

L’essen­tiel de son œuvre a été présen­tée dans son ouvrage de 1997, ” l’Anisotropie de l’Espace “.

Les phénomènes découverts par Maurice Allais

Les anomalies de la précession d’un pendule court.

Ayant tout d’abord remar­qué que l’ob­ser­va­tion de la pré­ces­sion d’un pen­d­ule court relancé fréquem­ment (toutes les 20mn) était un out­il par­ti­c­ulière­ment appro­prié à la détec­tion de forces très petites, il util­isa en 1953 cet out­il pour rechercher si un champ mag­né­tique impor­tant pou­vait agir sur un pen­d­ule amag­né­tique, ce qui aurait témoigné de l’ex­is­tence d’un cou­plage entre champ mag­né­tique et champ gravitationnel. 

Ceci n’aboutit pas à des résul­tats sig­ni­fi­cat­ifs, mais son atten­tion fut alors attirée par le fait que la pré­ces­sion du pen­d­ule ne se rédui­sait absol­u­ment pas à l’ef­fet de Fou­cault, et présen­tait des anom­alies très impor­tantes et vari­ables avec le temps. 

Effet de Fou­cault et pré­ces­sion d’Airy
La rota­tion du grand axe de l’el­lipse décrite par l’ex­trémité d’un pen­d­ule résulte à la fois de l’ef­fet de Fou­cault (=> vitesse de rota­tion= — omega x sinL, omega étant la vitesse de rota­tion de la terre et L la lat­i­tude) et des autres forces s’ex­erçant sur le dis­posi­tif, lesquelles agis­sent pour l’essen­tiel par l’in­ter­mé­di­aire de l’o­val­i­sa­tion de la tra­jec­toire qu’elles entraî­nent (pré­ces­sion d’Airy).
Cette oval­i­sa­tion entraîne en effet une vitesse de rota­tion égale 3/8x racine(g/l)x α(t)x β(t), où l est la longueur équiv­a­lente du pen­d­ule, et α(t) et β(t) les angles sous lesquels le grand axe et le petit axe de l’el­lipse sont vus du point de sus­pen­sion du pendule
Le suivi de la pré­ces­sion du grand axe de l’el­lipse donne donc des infor­ma­tions sur les actions qui s’ex­er­cent sur le pen­d­ule, avec une sen­si­bil­ité d’au­tant plus impor­tante que le pen­d­ule est court.
Pour fix­er les idées, dans les expéri­men­ta­tions de Mau­rice Allais, l est d’en­v­i­ron 80 cm, α est voisin de 0,1 rd, et β reste inférieur à 0, 001 rd. 


Fig.1
Pho­to du chef de lab­o­ra­toire de Mau­rice Allais (Sci­ences et Avenir, n°135, mai 1958)

Il s’at­tacha alors à l’é­tude de ces anom­alies, ce qui, de 1953 à 1960, l’a­me­na tout d’abord à con­cevoir un pen­d­ule doté d’un mode de sus­pen­sion par­ti­c­uli­er (pen­d­ule appelé ” para­conique ”), puis à con­duire, out­re de mul­ti­ples expéri­men­ta­tions des­tinées à la mise au point du dis­posi­tif et à l’é­tude fine de son com­porte­ment, 6 expéri­men­ta­tions con­tin­ues d’une durée d’un mois, l’une d’en­tre elle ayant mis en œuvre simul­tané­ment deux pen­d­ules iden­tiques implan­tés dans des sites dif­férents, dont l’un au cœur d’une pro­fonde car­rière souter­raine (totale­ment manuelles, ces expéri­men­ta­tions étaient évidem­ment extra­or­di­naire­ment exigeantes et fastidieuses…). 

Il en est résulté la mise en évi­dence dans l’évo­lu­tion de la pré­ces­sion du pen­d­ule de com­posantes péri­odiques liées à des évène­ments astronomiques et dont l’analyse a mon­tré qu’elles ne pou­vaient résul­ter de l’ac­tion directe ou indi­recte d’un phénomène con­nu : en par­ti­c­uli­er leur ampli­tude était plus d’un mil­lion de fois supérieure à celle qui aurait résulté de l’ac­tion clas­sique de la gravitation. 

Sont à citer tout par­ti­c­ulière­ment, out­re une com­posante diurne d’en­v­i­ron 24h, une com­posante diurne lunaire (24h50), une com­posante men­su­elle lunaire sidérale (27,32j), ain­si qu’une com­posante semi annuelle dont les extremums sont voisins des équinox­es et des sol­stices. Par ailleurs une dévi­a­tion très mar­quée du plan d’oscil­la­tion du pen­d­ule vers la direc­tion com­mune du soleil et de la lune a été enreg­istrée pen­dant la durée de l’é­clipse totale de soleil du 30 juin 1954, dont il s’est trou­vé qu’elle est sur­v­enue lors de la pre­mière des 6 expéri­men­ta­tions. Fig.2

Un phénomène ana­logue s’est pro­duit lors de l’é­clipse du 2 octo­bre 1959. 

Fig.2
(data­tion en T.U.)
L’Anisotropie de l’Espace, page 165
L’anomalie sur­v­enue lors de l’éclipse se détache très net­te­ment d’un sché­ma d’évolution par ailleurs assez remar­quable étalé sur un peu plus de 2 jours. A not­er que l’éclipse avait précédé d’environ 6h une con­jonc­tion de Jupiter (aligne­ment Terre-Soleil-Jupiter), ce dont il n’a été pris con­science que récemment. 


Mau­rice Allais a pu en out­re mon­tr­er que l’effet de l’ensemble des actions de nature incon­nue tendait à rap­pel­er le plan d’oscillation du pen­d­ule vers une direc­tion vari­able dans le temps, qu’il a appelée « direc­tion d’anisotropie de l’espace », les com­posantes péri­odiques ci-dessus et les dévi­a­tions relevées à l’occasion d’éclipses ne con­sti­tu­ant qu’une par­tie de l’évolution de cette direc­tion, qui n’a pu mal­heureuse­ment être suiv­ie que pen­dant bien trop peu de temps (sa con­nais­sance effec­tive a néces­sité une mod­i­fi­ca­tion du pen­d­ule qui n’a été intro­duite que pour les 2 dernières expéri­men­ta­tions). Fig.3

Fig.3
Suivi de la « direc­tion d’anisotropie de l’espace » du 20/11/1959 au 15/12/1959.
L’Anisotropie de l’Espace, p.275

Existence de déviations anormales dans des visées sur mires et sur collimateurs.

En par­al­lèle avec les travaux précé­dents Mau­rice Allais a organ­isé 2 cam­pagnes d’ob­ser­va­tions optiques con­tin­ues d’une durée d’un mois (en 1958 et 1959). La pre­mière, menée en même temps que l’ex­péri­men­ta­tion ayant mis en œuvre deux pen­d­ules, et sur le même site que l’un d’en­tre eux, con­sis­tait à vis­er toutes les 20 mn une mire ver­ti­cale au moyen d’une lunette ; la sec­onde com­por­tait en sup­plé­ment des visées sur col­li­ma­teur (visée du fil ver­ti­cal du rétic­ule, éclairé par une ampoule mon­tée en lieu et place de l’oc­u­laire, d’une lunette mise au point à l’in­fi­ni et util­isée donc comme collimateur). 

Des dévi­a­tions apparem­ment inex­plic­a­bles sont apparues. Bien que n’ayant pu être que par­tielle­ment exploitées du fait de divers prob­lèmes de mise au point, ces obser­va­tions ont per­mis la mise en évi­dence d’une com­posante péri­odique men­su­elle lunaire sidérale, ain­si que d’une com­posante diurne lunaire de 24h50 qui s’est révélée être en phase (à 5mn près) avec la com­posante iden­ti­fiée au moyen des pendules. 

L’exploitation par Maurice Allais des observations optiques de Dayton C. Miller et d’Ernest Esclangon.

Mau­rice Allais a en out­re réex­ploité les obser­va­tions con­duites par Day­ton C. Miller au Mt Wil­son en 1925–1926 (au moyen d’un inter­féromètre de type Michel­son et Mor­ley), et par Ernest Esclan­gon à l’ob­ser­va­toire de Stras­bourg en 1927–1928 (au moyen d’un dis­posi­tif très par­ti­c­uli­er de mesure par auto­col­li­ma­tion de dévi­a­tions de rayons réfléchis). 

De toutes les obser­va­tions effec­tuées avant 1930, date à par­tir de laque­lle, l’emprise de la théorie de la rel­a­tiv­ité sur la com­mu­nauté sci­en­tifique étant dev­enue à peu près totale, il n’é­tait réelle­ment plus guère pos­si­ble de remet­tre en ques­tion le principe de la con­stance de la vitesse de la lumière, elles sont les seules à avoir été étalées sur une année env­i­ron : toutes les autres avaient été des obser­va­tions ponctuelles (au max­i­mum quelques séries de mesures répar­ties sur quelques jours) 

Ce sont aus­si les seules dont les auteurs ont con­clu à l’ex­is­tence effec­tive de vari­a­tions de la vitesse de la lumière, en l’oc­cur­rence de vari­a­tions présen­tant une impor­tante com­posante péri­odique diurne sidérale (23h 56mn). 

De l’im­por­tance fon­da­men­tale des obser­va­tions de longue durée…
On ne peut en effet rien con­clure d’ob­ser­va­tions courtes :

• Si l’on observe quelque chose, on est inca­pable de le car­ac­téris­er de façon suff­isam­ment pré­cise pour pou­voir l’interpréter :
Ain­si les vari­a­tions de vitesses d’en­v­i­ron 5 à 10 km/s con­statées lors de la plu­part des nom­breuses obser­va­tions effec­tuées au moyen d’un inter­féromètre Michel­son et Mor­ley de 1887 à 1930, qui étaient très inférieures aux vitesses atten­dues de plusieurs cen­taines de km/s cor­re­spon­dant au déplace­ment de la Terre, ont été sys­té­ma­tique­ment con­sid­érées comme étant du bruit.
C’est parce que les obser­va­tions de Miller ont été suff­isam­ment nom­breuses et étalées dans le temps que d’une part ce ” bruit ” s’est d’une part révélé com­porter une impor­tante com­posante diurne, et que d’autre part cette com­posante diurne est apparue être diurne sidérale (23h56mn), et non diurne solaire (24h), ce qui est évidem­ment essen­tiel pour son interprétation.
C’est parce que les expéri­men­ta­tions de Mau­rice Allais ont duré un mois qu’il a pu dis­tinguer, dans les anom­alies de la pré­ces­sion du pen­d­ule, la com­posante diurne lunaire de 24h50 de la com­posante d’en­v­i­ron 24h.

• Si l’on n’ob­serve rien du tout, on ne peut en aucune façon en déduire l’ab­sence d’anisotropies. Ain­si, lors des expéri­men­ta­tions de Miller, il y a eu des péri­odes pen­dant lesquelles nulle vari­a­tion diurne sig­ni­fica­tive ne se man­i­fes­tait. Pour­tant, au vu des don­nées recueil­lies sur l’ensem­ble de l’an­née, l’ex­is­tence d’une impor­tante com­posante péri­odique diurne sidérale était incon­testable. Cela résul­tait sim­ple­ment de ce que ces don­nées ne se rédui­saient pas à cette com­posante, et que cette dernière s’é­tait alors retrou­vée pro­vi­soire­ment masquée. 

Fig.4
Hodographes de D.C.Miller
Com­mu­ni­ca­tion du Pro­fesseur Allais à l’A­cadémie des Sci­ences (26 Avril 1999) 

En reprenant les don­nées de Miller et d’Esclan­gon, Mau­rice Allais a mis en évi­dence des régu­lar­ités qui n’avaient pas été perçues à l’époque : 

• Exis­tence de com­posantes annuelles ou semi-annuelles, une cir­con­stance remar­quable étant que les extremums sont dans le pre­mier cas voisins des équinox­es, et dans le sec­ond voisins des équinox­es et des sol­stices (comme pour les azimuts du pendule). 

• Dans le cas des obser­va­tions de Miller, qui four­nis­saient à la fois le mod­ule de la vari­a­tion max­i­mum de la vitesse de la lumière sur un tour d’hori­zon et l’az­imut de cette vari­a­tion max­i­mum (défi­ni à 180° près), le tracé de l’hodographe cor­re­spon­dant fait ressor­tir des fig­ures tout à fait extra­or­di­naires. Fig.4

Il en résulte en par­ti­c­uli­er presque immé­di­ate­ment qu’il est impos­si­ble d’ex­pli­quer les obser­va­tions de Miller par l’in­flu­ence de gra­di­ents de tem­péra­ture internes au bâti­ment dans lequel se trou­vait l’in­ter­féromètre, con­traire­ment à ce qu’avait con­clu l’ar­ti­cle de R.S.Shankland pub­lié en 1955 dans une revue de tout pre­mier plan, arti­cle dont le rôle a été déter­mi­nant dans l’en­ter­re­ment des travaux de Miller (et dont un exa­m­en atten­tif et le recoupe­ment avec les autres infor­ma­tions disponibles sur ces travaux con­firme bien qu’il a été établi à par­tir de con­sid­éra­tions totale­ment biaisées). 

Compte tenu de la struc­ture de cet hodographe, il est en out­re impos­si­ble de retenir, comme avait cru pou­voir le faire Miller, que les vari­a­tions de vitesse mesurées résul­taient de la vitesse absolue de la Terre : leur orig­ine est cer­taine­ment beau­coup plus complexe. 

Pourquoi tous ces phénomènes ont-ils pu rester à peu près ignorés ?

Toutes les expéri­men­ta­tions men­tion­nées ci-dessus datant d’un demi-siè­cle ou plus, c’est évidem­ment la pre­mière ques­tion qui vient à l’e­sprit. En fait cela s’ex­plique très bien par leur nature même. Il s’ag­it en effet de phénomènes qui, bien que plus de mille fois supérieurs aux cor­rec­tions résul­tant de la rel­a­tiv­ité générale, demeurent très petits (10-6 à 10-5 en valeur rel­a­tive) et qui, soit ne se man­i­fes­tent que dans des cir­con­stances excep­tion­nelles (éclipses), soit sont des per­tur­ba­tions à car­ac­tère péri­odique de moyenne nulle. 

Ils sont donc en règle générale sans inci­dence notable sur les appli­ca­tions pra­tiques des lois de l’op­tique et de la mécanique et, lorsque d’aven­ture ce n’est pas le cas, ils ont toutes chances d’être con­sid­érés comme résul­tant d’arte­facts divers : ils ne peu­vent en fait être réelle­ment mis en évi­dence que par des expéri­men­ta­tions dédiées à leur recherche, et qui plus est d’une nature tout par­ti­c­ulière­ment exigeante, car elles doivent être d’une durée suff­isante, suff­isam­ment nom­breuses, et répétées sur des durées suff­isam­ment longues. 

La suite donnée aux travaux de Maurice Allais, et les travaux connexes.

• S’ils sont assuré­ment très loin d’avoir eu à ce jour la suite qu’ils auraient méritée, les travaux de Mau­rice Allais n’ont pas été pour autant oubliés, et sont l’ob­jet d’un regain d’in­térêt depuis une dizaine d’an­nées. Cer­tains sci­en­tifiques utilisent le suivi de la pré­ces­sion d’un pen­d­ule de Fou­cault comme out­il de recherche de phénomènes grav­i­ta­tion­nels anor­maux à l’oc­ca­sion d’é­clipses (fig. 5 par exem­ple), et l’ex­is­tence de tels phénomènes (qui ont d’ailleurs été appelés ” l’ef­fet Allais ”) peut aujour­d’hui être con­sid­érée comme confirmée. 

Il sem­ble bien en out­re qu’on les retrou­ve aus­si dans des aligne­ments de planètes (les éclipses ne sont qu’un aligne­ment de corps célestes par­ti­c­uli­er). A not­er que d’autres anom­alies ont été sig­nalées à l’oc­ca­sion d’é­clipses (vari­a­tions de la péri­ode d’un pen­d­ule de tor­sion, vari­a­tions de la mesure de g par cer­tains types de grav­imètres, mod­i­fi­ca­tion de la fréquence d’hor­loges atom­iques…) Par ailleurs la seule cam­pagne d’ob­ser­va­tions de longue durée qui ait été menée à ce jour (grâce à l’u­til­i­sa­tion d’un pen­d­ule automa­tisé) a apparem­ment per­mis de retrou­ver les com­posantes péri­odiques lunaires iden­ti­fiées par Mau­rice Allais. 

A ce jour aucune expli­ca­tion con­ven­tion­nelle de tous ces phénomènes n’a tou­jours pu être donnée.

Fig.5
Les 2 pen­d­ules mis en œuvre, de car­ac­téris­tiques mécaniques très proches, avaient été placés tous deux au plané­tar­i­um de Sucea­va (mais dans des pièces dif­férentes). Cha­cun d’entre eux était relancé toutes les 12 mn dans un azimut don­né, qui restait le même tout au long de l’expérimentation, mais cet azimut n’était pas le même pour les 2 pendules.
Extrait de “Cor­re­lat­ed anom­alous effects observed dur­ing the August 1st 2008 solar eclipse;Thomas J. Good­ey, Alexan­der F. Pugach, and Dim­itrie Oleni­ci ; Jour­nal of Advanced Research in Physics 1(2), 021007 (2010)”


L’anisotropie de l’espace mécanique décou­verte par Mau­rice Allais pour­rait bien jouer un rôle dans ce qui est l’un des prob­lèmes les plus irri­tants du moment : l’impossibilité de con­naître à mieux que 10-4 près la valeur de la con­stante de grav­i­ta­tion G (les fourchettes d’incertitude asso­ciées aux dif­férentes méth­odes de mesure ne se recoupent pas). 

La construction d’une théorie unitaire de la physique : et si une voie nouvelle avait été ouverte ?

Les travaux de Mau­rice Allais, qui aboutis­sent au con­stat que l’e­space est anisotrope tant dans le domaine de l’op­tique que dans celui de la mécanique (les anisotropies relevées étant liées à des phénomènes astronomiques), et qui font de plus appa­raître des con­nex­ions entre ces deux domaines, s’in­scrivent assuré­ment dans cette construction. 

De toute façon une théorie ayant l’am­bi­tion d’être uni­taire devra pou­voir ren­dre compte des phénomènes qu’il a décou­verts- et de tous ceux qui restent à décou­vrir en pour­suiv­ant ses travaux. Il est en effet cer­tain que des enseigne­ments extra­or­di­naire­ment pré­cieux seraient à tir­er d’un suivi con­tinu, au moyen de pen­d­ules appro­priés, de la ” direc­tion d’anisotropie de l’e­space “, sur plusieurs années et en dif­férents lieux, surtout si ce suivi était dou­blé d’ob­ser­va­tions optiques. Les tech­nolo­gies aujour­d’hui disponibles autorisent la con­duite de telles expéri­men­ta­tions de façon large­ment automatisée. 

  Depuis des décen­nies la con­struc­tion d’une théorie uni­taire- du moins est-ce ain­si que cela est présen­té- est axée sur la recherche d’une théorie englobant à la fois la mécanique quan­tique et la théorie de la rel­a­tiv­ité (théories dont l’in­térêt empirique actuel est assuré­ment tout à fait cer­tain), et c’est dans ce cadre qu’un cer­tain nom­bre de théories ont été pro­posées, les plus con­nues étant celles qui font inter­venir la notion math­é­ma­tique de cordes. Bien qu’ayant mobil­isé des cen­taines de chercheurs par­mi les plus bril­lants de la planète, cette démarche sem­ble bien aujour­d’hui avoir con­duit à une impasse : on pour­ra par exem­ple lire sur ce sujet le remar­quable ouvrage de Lee Smolin, ” Rien ne va plus en physique ; l’échec de la théorie des cordes “. 

En effet, pour qu’une théorie nou­velle soit validée, on doit en revenir à l’ex­péri­ence : il faut bien sûr qu’elle soit com­pat­i­ble avec tous les faits expéri­men­taux con­nus, mais il faut en out­re qu’elle four­nisse au moins une pré­dic­tion nou­velle con­cer­nant une expéri­ence non encore réal­isée, ou l’ex­pli­ca­tion d’un fait expéri­men­tal non explic­a­ble par les théories en vigueur, et cela n’a à ce jour été le cas pour aucune des théories proposées. 

Dans ce con­texte on ne peut évidem­ment que souhaiter que les travaux de Mau­rice Allais soient pour­suiv­is en y con­sacrant enfin des moyens appro­priés. Si les expéri­men­ta­tions à con­duire, qui pour apporter sig­ni­fica­tive­ment des don­nées nou­velles devraient pou­voir s’é­taler sur plusieurs années et être con­duites en plusieurs lieux, sont assuré­ment exigeantes en com­pé­tence, capac­ité d’or­gan­i­sa­tion et moti­va­tion, ces moyens demeurent en regard de leur enjeu mod­estes, et tech­nologique­ment très acces­si­bles : nulle néces­sité de créer les con­di­tions extrêmes que l’on trou­ve dans un cyclotron, ou de pou­voir observ­er fine­ment ce qui se passe dans de loin­taines galaxies.

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