Maurice Allais et la Physique

Dossier : ExpressionsMagazine N°665 Mai 2011
Par Jean-Bernard DELOLY (65)

Une règle d’or : la primauté de l’expérience

Une règle d’or : la primauté de l’expérience

Tout au long de son exis­tence Mau­rice Allais n’a ces­sé de consa­crer une impor­tante par­tie de ses acti­vi­tés à la phy­sique, qui d’ailleurs avait été sa voca­tion pre­mière. Si son œuvre dans ce domaine est infi­ni­ment moins connue que son apport à la science éco­no­mique, elle pour­rait bien pour­tant, pour­sui­vie dans le cadre de pro­grammes à long terme et par des équipes dis­po­sant de moyens suf­fi­sants, débou­cher sur des pro­grès déci­sifs dans la connais­sance des lois les plus fon­da­men­tales de la physique. 

Per­sonne ne conteste bien sûr que l’ex­pé­rience soit sou­ve­raine : les pro­grès en phy­sique résultent tou­jours de la mise en évi­dence de phé­no­mènes inex­pli­cables dans le cadre des théo­ries en vigueur, d’une part parce qu’elles sont ain­si remises en cause, bien sûr, mais aus­si parce qu’il en résulte des indi­ca­tions pour la construc­tion de théo­ries nouvelles. 

Pour­tant la situa­tion actuelle n’est guère satisfaisante.

Tout ce qui se passe dans le domaine qui nous est le plus immé­dia­te­ment acces­sible (le domaine macro­sco­pique, sur la Terre) étant répu­té expli­qué par les théo­ries clas­siques éven­tuel­le­ment com­plé­tées par les cor­rec­tions rela­ti­vistes, la recherche de phé­no­mènes sus­cep­tible d’in­fir­mer les théo­ries en vigueur s’est pour l’es­sen­tiel retrou­vée can­ton­née aux domaines des extrêmes : l’as­tro­phy­sique et la phy­sique des par­ti­cules. Outre les dif­fi­cul­tés ‑et le coût- de la réa­li­sa­tion effec­tive d’ob­ser­va­tions, un pro­blème majeur est que, même lorsque l’on met en évi­dence un phé­no­mène nou­veau, il est géné­ra­le­ment mal­ai­sé d’en déduire quoi que ce soit, un exemple typique en étant le pro­blème de la » matière noire « . 

La matière noire
Il est appa­ru qu’il y avait une dif­fé­rence entre d’une part la masse des galaxies cal­cu­lée à par­tir de la matière obser­vée direc­te­ment, et d’autre part la masse cal­cu­lée à par­tir de l’ob­ser­va­tion du mou­ve­ment des étoiles, en appli­quant les lois de la gra­vi­ta­tion : pour toutes les galaxies ana­ly­sées, la seconde est envi­ron dix fois plus impor­tante que la première.
>Cela est-il dû à la pré­sence de » matière noire « , ou au fait que les lois de la gra­vi­ta­tion ne sont pas exactes (mais alors la rela­ti­vi­té géné­rale, qui englobe ces lois, serait inexacte elle aus­si, avec toutes les remises en cause concep­tuelles qui en résul­te­raient) ? S’a­gis­sant de phé­no­mènes qui se pro­duisent à des mil­lions ou des mil­liards d’an­nées lumières, et qui impliquent des élé­ments que l’on ne connaît qu’à tra­vers les modèles que l’on s’en est construit, gageons que l’on risque d’at­tendre encore un cer­tain temps la réponse à cette question. 

Mau­rice Allais, avec la totale indé­pen­dance d’es­prit qui marque l’en­semble de son œuvre, s’est avant tout atta­ché sans aucun à prio­ri à la recherche de phé­no­mènes remet­tant en cause aus­si direc­te­ment que pos­sible les théo­ries en vigueur. Il a ain­si mis en évi­dence qu’il existe bel et bien de tels phé­no­mènes (et même des gise­ments de tels phé­no­mènes…) dans le domaine macro­sco­pique, sur des sites ter­restres fixes, et dans des condi­tions d’en­vi­ron­ne­ment qui n’ont rien d’extrême. 

On voit donc tout l’in­té­rêt de ses tra­vaux – et l’ab­sence totale dans sa démarche du moindre cal­cul car­rié­riste : la nature humaine étant ce qu’elle est, la noto­rié­té va tou­jours, au moins sur le court terme, à ceux qui pro­posent des théo­ries, et non aux expérimentateurs. 

L’es­sen­tiel de son œuvre a été pré­sen­tée dans son ouvrage de 1997, » l’A­ni­so­tro­pie de l’Espace « .

Les phénomènes découverts par Maurice Allais

Les anomalies de la précession d’un pendule court.

Ayant tout d’a­bord remar­qué que l’ob­ser­va­tion de la pré­ces­sion d’un pen­dule court relan­cé fré­quem­ment (toutes les 20mn) était un outil par­ti­cu­liè­re­ment appro­prié à la détec­tion de forces très petites, il uti­li­sa en 1953 cet outil pour recher­cher si un champ magné­tique impor­tant pou­vait agir sur un pen­dule ama­gné­tique, ce qui aurait témoi­gné de l’exis­tence d’un cou­plage entre champ magné­tique et champ gravitationnel. 

Ceci n’a­bou­tit pas à des résul­tats signi­fi­ca­tifs, mais son atten­tion fut alors atti­rée par le fait que la pré­ces­sion du pen­dule ne se rédui­sait abso­lu­ment pas à l’ef­fet de Fou­cault, et pré­sen­tait des ano­ma­lies très impor­tantes et variables avec le temps. 

Effet de Fou­cault et pré­ces­sion d’Airy
La rota­tion du grand axe de l’el­lipse décrite par l’ex­tré­mi­té d’un pen­dule résulte à la fois de l’ef­fet de Fou­cault (=> vitesse de rota­tion= – ome­ga x sinL, ome­ga étant la vitesse de rota­tion de la terre et L la lati­tude) et des autres forces s’exer­çant sur le dis­po­si­tif, les­quelles agissent pour l’es­sen­tiel par l’in­ter­mé­diaire de l’o­va­li­sa­tion de la tra­jec­toire qu’elles entraînent (pré­ces­sion d’Airy).
Cette ova­li­sa­tion entraîne en effet une vitesse de rota­tion égale 3/8x racine(g/l)x α(t)x β(t), où l est la lon­gueur équi­va­lente du pen­dule, et α(t) et β(t) les angles sous les­quels le grand axe et le petit axe de l’el­lipse sont vus du point de sus­pen­sion du pendule
Le sui­vi de la pré­ces­sion du grand axe de l’el­lipse donne donc des infor­ma­tions sur les actions qui s’exercent sur le pen­dule, avec une sen­si­bi­li­té d’au­tant plus impor­tante que le pen­dule est court.
Pour fixer les idées, dans les expé­ri­men­ta­tions de Mau­rice Allais, l est d’en­vi­ron 80 cm, α est voi­sin de 0,1 rd, et β reste infé­rieur à 0, 001 rd. 


Fig.1
Pho­to du chef de labo­ra­toire de Mau­rice Allais (Sciences et Ave­nir, n°135, mai 1958)

Il s’at­ta­cha alors à l’é­tude de ces ano­ma­lies, ce qui, de 1953 à 1960, l’a­me­na tout d’a­bord à conce­voir un pen­dule doté d’un mode de sus­pen­sion par­ti­cu­lier (pen­dule appe­lé » para­co­nique »), puis à conduire, outre de mul­tiples expé­ri­men­ta­tions des­ti­nées à la mise au point du dis­po­si­tif et à l’é­tude fine de son com­por­te­ment, 6 expé­ri­men­ta­tions conti­nues d’une durée d’un mois, l’une d’entre elle ayant mis en œuvre simul­ta­né­ment deux pen­dules iden­tiques implan­tés dans des sites dif­fé­rents, dont l’un au cœur d’une pro­fonde car­rière sou­ter­raine (tota­le­ment manuelles, ces expé­ri­men­ta­tions étaient évi­dem­ment extra­or­di­nai­re­ment exi­geantes et fastidieuses…). 

Il en est résul­té la mise en évi­dence dans l’é­vo­lu­tion de la pré­ces­sion du pen­dule de com­po­santes pério­diques liées à des évè­ne­ments astro­no­miques et dont l’a­na­lyse a mon­tré qu’elles ne pou­vaient résul­ter de l’ac­tion directe ou indi­recte d’un phé­no­mène connu : en par­ti­cu­lier leur ampli­tude était plus d’un mil­lion de fois supé­rieure à celle qui aurait résul­té de l’ac­tion clas­sique de la gravitation. 

Sont à citer tout par­ti­cu­liè­re­ment, outre une com­po­sante diurne d’en­vi­ron 24h, une com­po­sante diurne lunaire (24h50), une com­po­sante men­suelle lunaire sidé­rale (27,32j), ain­si qu’une com­po­sante semi annuelle dont les extre­mums sont voi­sins des équi­noxes et des sol­stices. Par ailleurs une dévia­tion très mar­quée du plan d’os­cil­la­tion du pen­dule vers la direc­tion com­mune du soleil et de la lune a été enre­gis­trée pen­dant la durée de l’é­clipse totale de soleil du 30 juin 1954, dont il s’est trou­vé qu’elle est sur­ve­nue lors de la pre­mière des 6 expé­ri­men­ta­tions. Fig.2

Un phé­no­mène ana­logue s’est pro­duit lors de l’é­clipse du 2 octobre 1959. 

Fig.2
(data­tion en T.U.)
L’Anisotropie de l’Espace, page 165
L’anomalie sur­ve­nue lors de l’éclipse se détache très net­te­ment d’un sché­ma d’évolution par ailleurs assez remar­quable éta­lé sur un peu plus de 2 jours. A noter que l’éclipse avait pré­cé­dé d’environ 6h une conjonc­tion de Jupi­ter (ali­gne­ment Terre-Soleil-Jupi­ter), ce dont il n’a été pris conscience que récemment. 


Mau­rice Allais a pu en outre mon­trer que l’effet de l’ensemble des actions de nature incon­nue ten­dait à rap­pe­ler le plan d’oscillation du pen­dule vers une direc­tion variable dans le temps, qu’il a appe­lée « direc­tion d’anisotropie de l’espace », les com­po­santes pério­diques ci-des­sus et les dévia­tions rele­vées à l’occasion d’éclipses ne consti­tuant qu’une par­tie de l’évolution de cette direc­tion, qui n’a pu mal­heu­reu­se­ment être sui­vie que pen­dant bien trop peu de temps (sa connais­sance effec­tive a néces­si­té une modi­fi­ca­tion du pen­dule qui n’a été intro­duite que pour les 2 der­nières expé­ri­men­ta­tions). Fig.3

Fig.3
Sui­vi de la « direc­tion d’anisotropie de l’espace » du 20/11/1959 au 15/12/1959.
L’Anisotropie de l’Espace, p.275

Existence de déviations anormales dans des visées sur mires et sur collimateurs.

En paral­lèle avec les tra­vaux pré­cé­dents Mau­rice Allais a orga­ni­sé 2 cam­pagnes d’ob­ser­va­tions optiques conti­nues d’une durée d’un mois (en 1958 et 1959). La pre­mière, menée en même temps que l’ex­pé­ri­men­ta­tion ayant mis en œuvre deux pen­dules, et sur le même site que l’un d’entre eux, consis­tait à viser toutes les 20 mn une mire ver­ti­cale au moyen d’une lunette ; la seconde com­por­tait en sup­plé­ment des visées sur col­li­ma­teur (visée du fil ver­ti­cal du réti­cule, éclai­ré par une ampoule mon­tée en lieu et place de l’o­cu­laire, d’une lunette mise au point à l’in­fi­ni et uti­li­sée donc comme collimateur). 

Des dévia­tions appa­rem­ment inex­pli­cables sont appa­rues. Bien que n’ayant pu être que par­tiel­le­ment exploi­tées du fait de divers pro­blèmes de mise au point, ces obser­va­tions ont per­mis la mise en évi­dence d’une com­po­sante pério­dique men­suelle lunaire sidé­rale, ain­si que d’une com­po­sante diurne lunaire de 24h50 qui s’est révé­lée être en phase (à 5mn près) avec la com­po­sante iden­ti­fiée au moyen des pendules. 

L’exploitation par Maurice Allais des observations optiques de Dayton C. Miller et d’Ernest Esclangon.

Mau­rice Allais a en outre réex­ploi­té les obser­va­tions conduites par Day­ton C. Mil­ler au Mt Wil­son en 1925–1926 (au moyen d’un inter­fé­ro­mètre de type Michel­son et Mor­ley), et par Ernest Esclan­gon à l’ob­ser­va­toire de Stras­bourg en 1927–1928 (au moyen d’un dis­po­si­tif très par­ti­cu­lier de mesure par auto­col­li­ma­tion de dévia­tions de rayons réfléchis). 

De toutes les obser­va­tions effec­tuées avant 1930, date à par­tir de laquelle, l’emprise de la théo­rie de la rela­ti­vi­té sur la com­mu­nau­té scien­ti­fique étant deve­nue à peu près totale, il n’é­tait réel­le­ment plus guère pos­sible de remettre en ques­tion le prin­cipe de la constance de la vitesse de la lumière, elles sont les seules à avoir été éta­lées sur une année envi­ron : toutes les autres avaient été des obser­va­tions ponc­tuelles (au maxi­mum quelques séries de mesures répar­ties sur quelques jours) 

Ce sont aus­si les seules dont les auteurs ont conclu à l’exis­tence effec­tive de varia­tions de la vitesse de la lumière, en l’oc­cur­rence de varia­tions pré­sen­tant une impor­tante com­po­sante pério­dique diurne sidé­rale (23h 56mn). 

De l’im­por­tance fon­da­men­tale des obser­va­tions de longue durée…
On ne peut en effet rien conclure d’ob­ser­va­tions courtes :

• Si l’on observe quelque chose, on est inca­pable de le carac­té­ri­ser de façon suf­fi­sam­ment pré­cise pour pou­voir l’interpréter :
Ain­si les varia­tions de vitesses d’en­vi­ron 5 à 10 km/s consta­tées lors de la plu­part des nom­breuses obser­va­tions effec­tuées au moyen d’un inter­fé­ro­mètre Michel­son et Mor­ley de 1887 à 1930, qui étaient très infé­rieures aux vitesses atten­dues de plu­sieurs cen­taines de km/s cor­res­pon­dant au dépla­ce­ment de la Terre, ont été sys­té­ma­ti­que­ment consi­dé­rées comme étant du bruit.
C’est parce que les obser­va­tions de Mil­ler ont été suf­fi­sam­ment nom­breuses et éta­lées dans le temps que d’une part ce » bruit » s’est d’une part révé­lé com­por­ter une impor­tante com­po­sante diurne, et que d’autre part cette com­po­sante diurne est appa­rue être diurne sidé­rale (23h56mn), et non diurne solaire (24h), ce qui est évi­dem­ment essen­tiel pour son interprétation.
C’est parce que les expé­ri­men­ta­tions de Mau­rice Allais ont duré un mois qu’il a pu dis­tin­guer, dans les ano­ma­lies de la pré­ces­sion du pen­dule, la com­po­sante diurne lunaire de 24h50 de la com­po­sante d’en­vi­ron 24h.

• Si l’on n’ob­serve rien du tout, on ne peut en aucune façon en déduire l’ab­sence d’a­ni­so­tro­pies. Ain­si, lors des expé­ri­men­ta­tions de Mil­ler, il y a eu des périodes pen­dant les­quelles nulle varia­tion diurne signi­fi­ca­tive ne se mani­fes­tait. Pour­tant, au vu des don­nées recueillies sur l’en­semble de l’an­née, l’exis­tence d’une impor­tante com­po­sante pério­dique diurne sidé­rale était incon­tes­table. Cela résul­tait sim­ple­ment de ce que ces don­nées ne se rédui­saient pas à cette com­po­sante, et que cette der­nière s’é­tait alors retrou­vée pro­vi­soi­re­ment masquée. 

Fig.4
Hodo­graphes de D.C.Miller
Com­mu­ni­ca­tion du Pro­fes­seur Allais à l’A­ca­dé­mie des Sciences (26 Avril 1999) 

En repre­nant les don­nées de Mil­ler et d’Es­clan­gon, Mau­rice Allais a mis en évi­dence des régu­la­ri­tés qui n’a­vaient pas été per­çues à l’époque : 

• Exis­tence de com­po­santes annuelles ou semi-annuelles, une cir­cons­tance remar­quable étant que les extre­mums sont dans le pre­mier cas voi­sins des équi­noxes, et dans le second voi­sins des équi­noxes et des sol­stices (comme pour les azi­muts du pendule). 

• Dans le cas des obser­va­tions de Mil­ler, qui four­nis­saient à la fois le module de la varia­tion maxi­mum de la vitesse de la lumière sur un tour d’ho­ri­zon et l’a­zi­mut de cette varia­tion maxi­mum (défi­ni à 180° près), le tra­cé de l’ho­do­graphe cor­res­pon­dant fait res­sor­tir des figures tout à fait extra­or­di­naires. Fig.4

Il en résulte en par­ti­cu­lier presque immé­dia­te­ment qu’il est impos­sible d’ex­pli­quer les obser­va­tions de Mil­ler par l’in­fluence de gra­dients de tem­pé­ra­ture internes au bâti­ment dans lequel se trou­vait l’in­ter­fé­ro­mètre, contrai­re­ment à ce qu’a­vait conclu l’ar­ticle de R.S.Shankland publié en 1955 dans une revue de tout pre­mier plan, article dont le rôle a été déter­mi­nant dans l’en­ter­re­ment des tra­vaux de Mil­ler (et dont un exa­men atten­tif et le recou­pe­ment avec les autres infor­ma­tions dis­po­nibles sur ces tra­vaux confirme bien qu’il a été éta­bli à par­tir de consi­dé­ra­tions tota­le­ment biaisées). 

Compte tenu de la struc­ture de cet hodo­graphe, il est en outre impos­sible de rete­nir, comme avait cru pou­voir le faire Mil­ler, que les varia­tions de vitesse mesu­rées résul­taient de la vitesse abso­lue de la Terre : leur ori­gine est cer­tai­ne­ment beau­coup plus complexe. 

Pourquoi tous ces phénomènes ont-ils pu rester à peu près ignorés ?

Toutes les expé­ri­men­ta­tions men­tion­nées ci-des­sus datant d’un demi-siècle ou plus, c’est évi­dem­ment la pre­mière ques­tion qui vient à l’es­prit. En fait cela s’ex­plique très bien par leur nature même. Il s’a­git en effet de phé­no­mènes qui, bien que plus de mille fois supé­rieurs aux cor­rec­tions résul­tant de la rela­ti­vi­té géné­rale, demeurent très petits (10-6 à 10-5 en valeur rela­tive) et qui, soit ne se mani­festent que dans des cir­cons­tances excep­tion­nelles (éclipses), soit sont des per­tur­ba­tions à carac­tère pério­dique de moyenne nulle. 

Ils sont donc en règle géné­rale sans inci­dence notable sur les appli­ca­tions pra­tiques des lois de l’op­tique et de la méca­nique et, lorsque d’a­ven­ture ce n’est pas le cas, ils ont toutes chances d’être consi­dé­rés comme résul­tant d’ar­te­facts divers : ils ne peuvent en fait être réel­le­ment mis en évi­dence que par des expé­ri­men­ta­tions dédiées à leur recherche, et qui plus est d’une nature tout par­ti­cu­liè­re­ment exi­geante, car elles doivent être d’une durée suf­fi­sante, suf­fi­sam­ment nom­breuses, et répé­tées sur des durées suf­fi­sam­ment longues. 

La suite donnée aux travaux de Maurice Allais, et les travaux connexes.

• S’ils sont assu­ré­ment très loin d’a­voir eu à ce jour la suite qu’ils auraient méri­tée, les tra­vaux de Mau­rice Allais n’ont pas été pour autant oubliés, et sont l’ob­jet d’un regain d’in­té­rêt depuis une dizaine d’an­nées. Cer­tains scien­ti­fiques uti­lisent le sui­vi de la pré­ces­sion d’un pen­dule de Fou­cault comme outil de recherche de phé­no­mènes gra­vi­ta­tion­nels anor­maux à l’oc­ca­sion d’é­clipses (fig. 5 par exemple), et l’exis­tence de tels phé­no­mènes (qui ont d’ailleurs été appe­lés » l’ef­fet Allais ») peut aujourd’­hui être consi­dé­rée comme confirmée. 

Il semble bien en outre qu’on les retrouve aus­si dans des ali­gne­ments de pla­nètes (les éclipses ne sont qu’un ali­gne­ment de corps célestes par­ti­cu­lier). A noter que d’autres ano­ma­lies ont été signa­lées à l’oc­ca­sion d’é­clipses (varia­tions de la période d’un pen­dule de tor­sion, varia­tions de la mesure de g par cer­tains types de gra­vi­mètres, modi­fi­ca­tion de la fré­quence d’hor­loges ato­miques…) Par ailleurs la seule cam­pagne d’ob­ser­va­tions de longue durée qui ait été menée à ce jour (grâce à l’u­ti­li­sa­tion d’un pen­dule auto­ma­ti­sé) a appa­rem­ment per­mis de retrou­ver les com­po­santes pério­diques lunaires iden­ti­fiées par Mau­rice Allais. 

A ce jour aucune expli­ca­tion conven­tion­nelle de tous ces phé­no­mènes n’a tou­jours pu être donnée.

Fig.5
Les 2 pen­dules mis en œuvre, de carac­té­ris­tiques méca­niques très proches, avaient été pla­cés tous deux au pla­né­ta­rium de Sucea­va (mais dans des pièces dif­fé­rentes). Cha­cun d’entre eux était relan­cé toutes les 12 mn dans un azi­mut don­né, qui res­tait le même tout au long de l’expérimentation, mais cet azi­mut n’était pas le même pour les 2 pendules.
Extrait de “Cor­re­la­ted ano­ma­lous effects obser­ved during the August 1st 2008 solar eclipse;Thomas J. Goo­dey, Alexan­der F. Pugach, and Dimi­trie Ole­ni­ci ; Jour­nal of Advan­ced Research in Phy­sics 1(2), 021007 (2010)”


L’anisotropie de l’espace méca­nique décou­verte par Mau­rice Allais pour­rait bien jouer un rôle dans ce qui est l’un des pro­blèmes les plus irri­tants du moment : l’impossibilité de connaître à mieux que 10-4 près la valeur de la constante de gra­vi­ta­tion G (les four­chettes d’incertitude asso­ciées aux dif­fé­rentes méthodes de mesure ne se recoupent pas). 

La construction d’une théorie unitaire de la physique : et si une voie nouvelle avait été ouverte ?

Les tra­vaux de Mau­rice Allais, qui abou­tissent au constat que l’es­pace est ani­so­trope tant dans le domaine de l’op­tique que dans celui de la méca­nique (les ani­so­tro­pies rele­vées étant liées à des phé­no­mènes astro­no­miques), et qui font de plus appa­raître des connexions entre ces deux domaines, s’ins­crivent assu­ré­ment dans cette construction. 

De toute façon une théo­rie ayant l’am­bi­tion d’être uni­taire devra pou­voir rendre compte des phé­no­mènes qu’il a décou­verts- et de tous ceux qui res­tent à décou­vrir en pour­sui­vant ses tra­vaux. Il est en effet cer­tain que des ensei­gne­ments extra­or­di­nai­re­ment pré­cieux seraient à tirer d’un sui­vi conti­nu, au moyen de pen­dules appro­priés, de la » direc­tion d’a­ni­so­tro­pie de l’es­pace « , sur plu­sieurs années et en dif­fé­rents lieux, sur­tout si ce sui­vi était dou­blé d’ob­ser­va­tions optiques. Les tech­no­lo­gies aujourd’­hui dis­po­nibles auto­risent la conduite de telles expé­ri­men­ta­tions de façon lar­ge­ment automatisée. 

  Depuis des décen­nies la construc­tion d’une théo­rie uni­taire- du moins est-ce ain­si que cela est pré­sen­té- est axée sur la recherche d’une théo­rie englo­bant à la fois la méca­nique quan­tique et la théo­rie de la rela­ti­vi­té (théo­ries dont l’in­té­rêt empi­rique actuel est assu­ré­ment tout à fait cer­tain), et c’est dans ce cadre qu’un cer­tain nombre de théo­ries ont été pro­po­sées, les plus connues étant celles qui font inter­ve­nir la notion mathé­ma­tique de cordes. Bien qu’ayant mobi­li­sé des cen­taines de cher­cheurs par­mi les plus brillants de la pla­nète, cette démarche semble bien aujourd’­hui avoir conduit à une impasse : on pour­ra par exemple lire sur ce sujet le remar­quable ouvrage de Lee Smo­lin, » Rien ne va plus en phy­sique ; l’é­chec de la théo­rie des cordes « . 

En effet, pour qu’une théo­rie nou­velle soit vali­dée, on doit en reve­nir à l’ex­pé­rience : il faut bien sûr qu’elle soit com­pa­tible avec tous les faits expé­ri­men­taux connus, mais il faut en outre qu’elle four­nisse au moins une pré­dic­tion nou­velle concer­nant une expé­rience non encore réa­li­sée, ou l’ex­pli­ca­tion d’un fait expé­ri­men­tal non expli­cable par les théo­ries en vigueur, et cela n’a à ce jour été le cas pour aucune des théo­ries proposées. 

Dans ce contexte on ne peut évi­dem­ment que sou­hai­ter que les tra­vaux de Mau­rice Allais soient pour­sui­vis en y consa­crant enfin des moyens appro­priés. Si les expé­ri­men­ta­tions à conduire, qui pour appor­ter signi­fi­ca­ti­ve­ment des don­nées nou­velles devraient pou­voir s’é­ta­ler sur plu­sieurs années et être conduites en plu­sieurs lieux, sont assu­ré­ment exi­geantes en com­pé­tence, capa­ci­té d’or­ga­ni­sa­tion et moti­va­tion, ces moyens demeurent en regard de leur enjeu modestes, et tech­no­lo­gi­que­ment très acces­sibles : nulle néces­si­té de créer les condi­tions extrêmes que l’on trouve dans un cyclo­tron, ou de pou­voir obser­ver fine­ment ce qui se passe dans de loin­taines galaxies.

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