L’inconnue du Lancastria

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°651 Janvier 2010Par : Philippe Bonnamy (61)Rédacteur : Marcel Cassou (61)Editeur : Paris - L’Harmattan - 2009 - 5-7, rue de l’École polytechnique, 75005 Paris.

Phi­lippe Bon­na­my est le pré­sident du groupe X‑Auteurs, qui vient de se consti­tuer. Est-ce pour célé­brer l’événement ? En tout cas, il nous livre un nou­veau roman : L’inconnue du Lan­cas­tria.

Couverture du livre : L'inconnue du LancastriaL’action se déroule essen­tiel­le­ment sur le lit­to­ral atlan­tique, dans la région nan­taise, entre le prin­temps 1941 et le prin­temps 1942 ; elle met aux prises le couple, inat­ten­du, d’un com­mis­saire de police pari­sien en semi-dis­grâce et d’une jeune anthro­po­logue, à une cer­taine France occu­pée, sous l’œil au mieux méfiant de l’autorité allemande.

Encore un roman poli­cier sur fond d’occupation, direz-vous ? Oui, et un bon poli­cier même, mais ce n’est pas que cela. À côté d’une intrigue à tiroirs et à rebon­dis­se­ments, qui ne se dénoue que dans les der­nières pages, L’inconnue du Lan­cas­tria est aus­si une étude de mœurs, toute en nuances, de la France occu­pée, à une période mar­quée par le bas­cu­le­ment de l’opinion publique à l’égard de Vichy et de l’occupant. Une période où, comme au gré du vent, tous les germes des hor­reurs qui vont suivre ont été dis­per­sés et où sont déjà semés ceux des excès de la Libération.

Bon­na­my uti­lise éga­le­ment, pour nour­rir l’intrigue, deux évé­ne­ments, l’un encore à peu près tota­le­ment igno­ré et l’autre presque oublié, mais tous les deux par­fai­te­ment authen­tiques, qui se sont dérou­lés à l’époque dans l’estuaire de la Loire. Leur des­crip­tion par images suc­ces­sives, comme si l’auteur y était, ne fait qu’ajouter à l’intérêt de la lecture.

Le pre­mier est le nau­frage du Lan­cas­tria, un trans­port de troupes anglais cou­lé par la Luft­waffe au large de Saint-Nazaire le 17 juin 1940, quelques jours après Dun­kerque, alors qu’il par­ti­ci­pait au rem­bar­que­ment des uni­tés non com­bat­tantes du corps expé­di­tion­naire bri­tan­nique. Le nombre des vic­times ense­ve­lies dans l’épave reste encore incer­tain mais il est éta­bli qu’il est de l’ordre de cinq à six mille : en com­pa­rai­son, cinq fois le Tita­nic, quatre fois Pearl Har­bor, autant de fois Mers el-Kébir, etc., et le triste pri­vi­lège d’être encore la plus grande, ou l’une des deux plus grandes tra­gé­dies mari­times de l’Histoire.

Suprême hor­reur : pour des rai­sons his­to­riques, dont parle Bon­na­my, elle a été immé­dia­te­ment et déli­bé­ré­ment, sur ordre de Wins­ton Chur­chill lui-même, recou­verte d’une chape de silence qui ne s’est fen­due que des dizaines d’années plus tard. Et il fau­dra attendre 2040 pour avoir accès aux archives officielles.

Le second est le raid anglais sur Saint- Nazaire en mars 1942, des­ti­né à rendre inuti­li­sable par les gros cui­ras­sés alle­mands le seul port atlan­tique où ils auraient pu être abri­tés et entre­te­nus. Rap­pe­lons-nous que la Bataille de l’Atlantique bat­tait son plein et que le ren­fort de ces mas­to­dontes était de nature à peser lour­de­ment dans la balance. Un raid d’une audace inouïe, pro­ba­ble­ment encore un modèle du genre, et dont le sou­ve­nir des braves qui l’ont réa­li­sé, et dont beau­coup ne sont pas ren­trés, a, lui, du mal à sur­vivre à l’usure du temps.

En défi­ni­tive, un livre pre­nant que, une fois ouvert, le lec­teur l’abandonne qu’à la der­nière page.

Poster un commentaire