Les grands vins de la rive gauche (Graves et Sauternes)

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°605 Mai 2005Rédacteur : Laurens DELPECH

Le vig­no­ble des Graves com­mence quelques kilo­mètres au sud de Bor­deaux, et s’étend jusqu’à Lan­gon sur une bande de terre de soix­ante kilo­mètres de long et vingt kilo­mètres de large. La région doit son nom à la nature par­ti­c­ulière de son sol, où abon­dent les galets de l’âge glaciaire amenés des Pyrénées par la Garonne. Dans les meilleurs ter­roirs, le sol naturelle­ment pau­vre et bien drainé est par­ti­c­ulière­ment prop­ice à la cul­ture de la vigne.

Les plus grands crus sont au nord de la région, ils ont été regroupés en 1987 dans l’appellation Pes­sac-Léog­nan, qui rassem­ble dix com­munes. Ce vig­no­ble pro­duit d’excellents vins rouges, à par­tir d’un encé­page­ment com­pa­ra­ble à celui du Médoc, mais aus­si les plus grands vins blancs secs de Bordeaux.

Les Graves ont été classés en 1953, classe­ment qui a été con­fir­mé en 1959. Tous les crus classés appar­ti­en­nent à l’appellation Pes­sac-Léog­nan. Le plus grand vin de l’appellation est bien sûr le Château Haut-Brion, dont les 46 hectares sont situés dans la ban­lieue sud de Bor­deaux, 42,2 hectares sont con­sacrés au vin rouge (45 % de caber­net sauvi­gnon, 37 % de mer­lot et 18% de caber­net franc) et 2,7 hectares (63 % de sémil­lon et 37 % de sauvi­gnon) au vin blanc. La renom­mée du cru, dont l’histoire s’étend sur plus de cinq siè­cles, est immense. Haut-Brion est le seul cru classé en 1855 qui ne soit pas situé dans le Médoc ; il appar­tient, de sur­croît, au cer­cle très fer­mé des pre­miers crus classés.

C’est un vin pré­coce, char­nu, très savoureux avec un très beau bou­quet de con­fi­ture caramélisée de fruits noirs et des notes fumées. Il se recon­naît sou­vent en dégus­ta­tion par une touche de café froid en fin de bouche. Assez vite agréable à boire, il vieil­lit fort bien, faisant mon­tre d’une remar­quable longévité. Le vin blanc (63 % sémil­lon, 37 % sauvi­gnon) est déli­cieux mais pro­duit en quan­tité con­fi­den­tielle (9 600 bouteilles). Depuis 1935, la pro­priété appar­tient à la famille améri­caine Dil­lon. Elle est actuelle­ment gérée par le prince Robert de Lux­em­bourg, fils de la duchesse de Mouchy (née Dillon).

Meilleurs vins : Château Haut-Brion (Bahans-Haut- Brion), Château La Mis­sion-Haut-Brion (La Chapelle de La Mis­sion), Château Lav­ille-Haut-Brion, Domaine de Cheva­lier (L’Esprit de Cheva­lier), Château Smith Haut-Lafitte (Les Hauts de Smith), Château Pape- Clé­ment (Le Clé­mentin de Pape-Clé­ment), Château Haut-Bail­ly (La Parde de Haut-Bail­ly), Château Malar­tic- Lagrav­ière (Le Sil­lage de Malar­tic), Château de Fieuzal (L’Abeille de Fieuzal).

Le Sauternes, con­sid­éré comme l’un des plus grands vins blancs liquoreux du monde, est à la fois le nom d’un vin et d’un vil­lage, situé à 40 kilo­mètres au sud de Bor­deaux. Il existe égale­ment une appel­la­tion Barsac, mais beau­coup de pro­duc­teurs de Barsac préfèrent com­mer­cialis­er leur vin sous l’appellation Sauternes, comme ils en ont le droit. Le Sauter­nais est tra­ver­sé par le Cirons, une riv­ière froide, qui se jette dans la Garonne, fleuve plus chaud, favorisant ain­si l’apparition de brumes mati­nales. Cette humid­ité ambiante per­met le développe­ment d’un champignon appelé Botry­tis cinerea qui décol­ore les baies, les recro­queville et con­cen­tre leur teneur en acide et en sucre. Le sauternes est un vin riche, onctueux et mielleux, relevé par une forte acid­ité qui met en valeur les saveurs sucrées du vin. Il faut boire le sauternes jeune, dans les trois ans qui suiv­ent la récolte, pour prof­iter des arômes d’ananas con­fit et de cit­ron, ou alors le laiss­er vieil­lir plus de dix ans.

Le plus célèbre des sauternes est le Château d’Yquem, dont le vig­no­ble s’étend sur une croupe de 102 hectares, au som­met de laque­lle se trou­vent le château et ses dépen­dances. L’encépagement est con­sti­tué de sauvi­gnon (20%) et de sémil­lon (80 %). Le sémil­lon est par­faite­ment adap­té aux con­di­tions par­ti­c­ulières du Sauter­nais. Il est riche, séveux, et four­nit au vin char­p­ente et vol­ume. Le sauvi­gnon, plus pré­coce et moins réguli­er que le sémil­lon, apporte ses arômes puis­sants et son incom­pa­ra­ble finesse. Ren­de­ments très faibles (cinq fois moins qu’un cru classé du Médoc), chaque pied de vigne ne donne qu’un verre d’Yquem… Aléas du cli­mat, dif­fi­cultés de vini­fi­ca­tion, tout se com­bine pour jus­ti­fi­er la rareté de ces vins, dont la pro­duc­tion moyenne varie entre 100 000 et 110 000 bouteilles par an. Cer­taines années, il n’y a pas d’Yquem. Ce fut le cas en 1910, 1915, 1930, 1951, 1952, 1964, 1972, 1974, 1992. Par sa qual­ité con­stante, par ses références his­toriques (une récente dégus­ta­tion, organ­isée en févri­er 1999 a porté sur un ver­ti­cal d’Yquem allant de 1991 à… 1784), Yquem s’est affir­mé comme le plus grand vin liquoreux du monde et le plus mythique des grands crus bor­de­lais ; d’ailleurs le classe­ment de 1855 situe Yquem à part dans la classe qu’il est seul à occu­per de “ pre­mier cru supérieur ”. En 1999, la majorité de la société du Château d’Yquem a été acquise par le groupe LVMH.

Meilleurs vins : Château d’Yquem, Château Rieussec, Château Suduiraut, Château de Fargues.

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