Les accords mets-vins

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°597 Septembre 2004Rédacteur : Laurens DELPECH

Appren­dre à con­naître les accords entre les mets et les vins est une activ­ité qui peut se com­par­er à l’apprentissage de la langue anglaise par un étranger. Quelques règles de pronon­ci­a­tion exis­tent, mais on ne sait jamais vrai­ment com­ment pronon­cer cor­recte­ment un mot avant de l’avoir enten­du énon­cé par un “ native speak­er ”… Il en est de même quand on cherche à appari­er cor­recte­ment les mets et les vins, activ­ité où la con­nais­sance des pro­duits et l’intuition des accords jouent un rôle essen­tiel, sans qu’il soit vrai­ment pos­si­ble de les théoris­er, car il faut les vivre pour les comprendre.

L’amateur peut quand même se référ­er à un cer­tain nom­bre de règles, qui ne sont pas intan­gi­bles (il y a presque tou­jours des excep­tions), mais qui ont le mérite de rassem­bler un fonds de sens com­mun utile. C’est un domaine où il n’y a pas de carte pré­cise pour trou­ver son chemin, mais où, avec un peu de goût pour le sujet et un min­i­mum d’expérience, on peut se con­stru­ire une sorte de bous­sole rudi­men­taire très utile non pas pour trou­ver “ le ” chemin (car il en existe plusieurs), mais au moins pour ne pas faire de gross­es erreurs d’orientation.

La pre­mière idée qui vient à l’esprit, dès qu’il s’agit d’un accord mets-vin, est de jouer sur l’accord aro­ma­tique. C’est sou­vent un bon choix : les vins de Pomerol arrivés à matu­rité déga­gent de sub­tils effluves de truffes. On pense sou­vent à eux spon­tané­ment quand on recherche un accord avec un plat à base de truffes. Un pois­son accom­pa­g­né d’une sauce à base d’agrumes s’accordera bien avec un vin aux sen­teurs d’agrumes, comme un Sauvi­gnon blanc. Le cacao se retrou­ve dans un vieux Banyuls qui s’harmonisera bien avec un dessert au chocolat…

Mais il ne faut pas oubli­er l’accord des tex­tures : un plat est sec ou onctueux, moelleux ou cro­quant… Un pois­son ten­dre et fin s’harmonisera bien avec un vin blanc suave et rond comme un Chas­sagne-Mon­tra­chet. Un agneau rôti à la tex­ture ser­rée s’accommodera bien d’un vin puis­sant et tan­nique comme un Pauil­lac. On peut aus­si, dans cer­tains cas, rechercher des accords de con­traste : un vin blanc sec et acide sera par­fait avec des huîtres très grasses.

Un accord réus­si doit égale­ment pren­dre en compte la gar­ni­ture et la sauce qui peu­vent boule­vers­er l’équilibre des saveurs d’un plat : les hari­cots verts soulig­nent l’amertume des tan­nins, un pois­son dans une sauce au vin rouge s’harmonisera mieux avec un Saint-Julien qu’avec un Riesling…

L’accord idéal doit tenir compte de toutes ces con­traintes. Et qu’est-ce que l’accord idéal sinon celui qui vous apportera le plus de plaisir, vous lais­sera les plus beaux sou­venirs ? L’expérience mon­tre cepen­dant qu’on obtient plus de sat­is­fac­tion en jouant d’après les règles plutôt qu’en mul­ti­pli­ant les ten­ta­tives d’accords icon­o­clastes. Il existe au moins onze règles que vous pou­vez appli­quer sans crainte, neuf règles que nous appellerons hor­i­zon­tales car elles s’appliquent à des alliances ponctuelles et deux règles ver­ti­cales qui s’imposent à un repas com­posé de plusieurs mets différents.

Deux règles verticales

La règle de la progression des vins

On a cou­tume de dire que le vin que l’on boit ne doit pas faire regret­ter le précé­dent. Il faut tenir compte de la pro­gres­sion des vins tout au long du repas et présen­ter les vins par ordre de force et de com­plex­ité crois­santes. Les blancs secs avant les rouges, les vins légers avant les vins tan­niques, les vins jeunes avant les vins vieux…

La règle de l’alternance

Il est con­seil­lé, dans un repas raf­finé, de faire altern­er les accords d’harmonie et les accords de con­traste, d’éviter les “ menus crescen­dos ”, en ménageant des moments de res­pi­ra­tion au milieu du repas, comme autre­fois la salade… Cette règle est une adap­ta­tion de la règle précé­dente, en ce qu’elle pour­rait avoir de trop rigoureux : le domaine des accords mets-vins est vrai­ment celui du pragmatisme…

Règles horizontales

1. Un vin puis­sant doit accom­pa­g­n­er un plat riche en saveur (et inverse­ment un vin léger…).
2. Des plats où pré­domi­nent des saveurs acides (tomate, cit­ron, vinai­gre…) doivent être accom­pa­g­nés de vins qui ont une bonne acidité.
3. Les vins tan­niques vont bien avec la viande rouge.
4. Avec des plats épicés, essayez des vins un peu doux (rosé d’Anjou, Gewurztraminer…).
5. Servir des vins rouges légers avec des volailles à chair blanche et des vins rouges plus corsés avec les volailles plus goû­teuses ou à chair fon­cée (canard).
6. Il est (presque) tou­jours préférable de servir des vins blancs avec des plats à dom­i­nante claire et des vins rouges avec des plats à dom­i­nante foncée…
7. À la rigueur un vin rouge léger et frais, mais jamais de grand vin rouge avec des coquil­lages ou du poisson.
8. Avec les grands vins rouges, éviter de façon générale ce qui est herbacé, acide, sucré, très salé et/ou très épicé.
9. Ne pas servir de vins liquoreux avec les vian­des “ noires ” ou les gibiers.

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