Campus_Batiment

Le Campus Cyber : la force du collectif pour lutter contre la menace cyber

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°795 Mai 2024
Par Michel VAN DEN BERGHE

Michel Van Den Ber­ghe, pré­sident du Cam­pus Cyber, dresse pour nous un bilan des deux pre­mières années de ce lieu totem de la cyber­sé­cu­ri­té. Il revient ain­si sur la genèse du Cam­pus Cyber, ses mis­sions, ses com­po­santes et sa volon­té d’animer un éco­sys­tème dont toutes les par­ties pre­nantes tra­vaillent ensemble à la lutte contre le risque cyber. Rencontre.

Le Campus Cyber a vu le jour il y a maintenant deux ans afin de doter la France d’un lieu totem de la cybersécurité. Quelle était la genèse du projet ?

Le Cam­pus Cyber est né de la volon­té du Pré­sident de la Répu­blique, Emma­nuel Macron, de doter la France d’un lieu totem de la cyber­sé­cu­ri­té pour, d’une part, fédé­rer l’ensemble des acteurs de cet éco­sys­tème, et, d’autre part, faire rayon­ner l’expertise et l’excellence fran­çaises dans ce domaine. À cela s’ajoute aus­si la volon­té d’inverser le rap­port de forces dans le monde de la cyber­sé­cu­ri­té, où il y a des pirates et des cybe­rat­ta­quants très actifs, d’une part, et des défen­seurs qui sont plu­tôt dans un mode réac­tif, d’autre part. Il s’agit aus­si de don­ner de la visi­bi­li­té à ce domaine qui est en forte crois­sance et qui est créa­teur d’emplois, mais qui peine à atti­rer de jeunes talents.
Aujourd’hui, le Cam­pus Cyber est une socié­té pri­vée publique dotée d’un capi­tal de 8,9 mil­lions d’euros, dont 39 % de fonds publics (3,5 mil­lions d’euros pour l’État) et 61 % de fonds pri­vés. Plus de 280 enti­tés pri­vées et publiques, fran­çaises, euro­péennes et inter­na­tio­nales ont fait le choix de rejoindre Cam­pus Cyber. Cela repré­sente 187 membres, 46 par­te­naires et 134 rési­dents qui se sont ins­tal­lés dans nos locaux.

Quel est le périmètre d’action du Campus Cyber ?

Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, l’action du Cam­pus Cyber s’articule autour de quatre grands piliers :
• Une approche opé­ra­tion­nelle de la cyber­sé­cu­ri­té qui s’appuie sur le par­tage des don­nées pour ren­for­cer la capa­ci­té de cha­cun à maî­trise le risque numé­rique ; le ras­sem­ble­ment d’experts de l’analyse cyber afin de ren­for­cer les capa­ci­tés de veille, de détec­tion et de réponse à la menace… ;
• Le déve­lop­pe­ment de la for­ma­tion et de l’attractivité des métiers de la cyber­sé­cu­ri­té : nous avons plus que jamais un enjeu de visi­bi­li­té afin de sus­ci­ter des voca­tions et atti­rer plus de femmes et de jeunes dans les métiers de la cyber­sé­cu­ri­té. En paral­lèle, nous par­ti­ci­pons à la for­ma­tion ini­tiale et conti­nue ain­si qu’à la mon­tée en com­pé­tences des dif­fé­rents publics (agents de l’État, sala­riés, étu­diants, per­son­nels en recon­ver­sion…) au tra­vers du déploie­ment de pro­grammes com­muns d’entraînement et de for­ma­tion, le par­tage de res­sources… À date, une quin­zaine d’écoles a adhé­ré au Cam­pus Cyber et cinq y dis­pensent des cours ;
• L’accélération de l’innovation et de la recherche en matière de cyber­sé­cu­ri­té pour faci­li­ter le trans­fert tech­no­lo­gique vers les indus­triels et les entre­prises. Pour ce faire, nous tra­vaillons notam­ment avec Inria, le CEA, l’IMT et le CNRS afin que les cher­cheurs inventent, déve­loppent et créent les solu­tions et les tech­no­lo­gies qui nous per­met­tront de contrer les cyber­me­naces. Il s’agit aus­si de les trans­fé­rer vers la sphère pri­vée et de faci­li­ter la créa­tion de start-up innovantes ;
• L’animation de cet éco­sys­tème : le Cam­pus Cyber a été pen­sé pour être un lieu vivant et ouvert. Il pro­pose ain­si une pro­gram­ma­tion très riche avec des évé­ne­ments inno­vants pro­pices aux échanges, aux par­tages de bonnes pra­tiques, à la veille tech­no­lo­gique et à la décou­verte des évo­lu­tions de la socié­té numé­rique de confiance (confé­rences, webi­naires, pod­casts, tables rondes, pitchs, job dating, créa­tion des com­muns de la cyber, expé­ri­men­ta­tions, lear­ning expé­di­tions, évé­ne­ments inter­na­tio­naux, speed dating investisseurs…).

Au cœur de nos mis­sions, on retrouve aus­si la volon­té de fédé­rer l’ensemble des par­ties pre­nantes et de l’écosystème afin de tra­vailler ensemble et de construire des solu­tions qui vont capi­ta­li­ser sur les exper­tises et les savoir-faire de cha­cun et qu’il ne serait pas pos­sible de déve­lop­per sans cette mise en com­mun et ce partage.

Campus_Batiment
Cam­pus Batiment
“le Campus Cyber coordonne désormais l’EDIH (European Digital Innovation Hub) CYBIAH, un consortium de 11 partenaires, qui propose un parcours d’accompagnement personnalisé et adapté aux PME et collectivités territoriales afin de les aider dans leur montée en maturité cyber.”

Aujourd’hui, quel est le bilan que vous tirez de ces premières années d’activité ?

La pre­mière étape struc­tu­rante a été de réus­sir le lan­ce­ment du pro­jet. Aujourd’hui, le Cam­pus Cyber s’étend sur 26 000 m² et 13 étages. L’ensemble des espaces de tra­vail sont occu­pés. En sep­tembre 2023, nous avons, d’ailleurs, accueilli nos der­niers loca­taires, le minis­tère de l’Intérieur qui occupe près de 1 000 m². Au quo­ti­dien, plus de 1 000 experts viennent tra­vailler au Cam­pus Cyber.
Nous avons élu notre Conseil d’administration com­po­sé de 19 membres repré­sen­ta­tifs de l’écosystème : des grandes entre­prises, des PME, des start-up, des asso­cia­tions, des écoles, des clients finaux, des ins­ti­tu­tion­nels et Minis­tères… À la fin 2022, pre­mière année d’exploitation, le Cam­pus Cyber était ren­table et, à la fin 2023, nous avions réa­li­sé un résul­tat net de plus de 500 000 euros.
En paral­lèle, dans les ter­ri­toires, nous avons labé­li­sé trois Cam­pus Cyber ter­ri­to­riaux : Hauts-de-France, Nou­velle-Aqui­taine et Bre­tagne. Nous avons aus­si accueilli plus de 50 délé­ga­tions inter­na­tio­nales au sein du Cam­pus ce qui démontre notre por­tée et visi­bi­li­té dans le monde. Enfin, nous avons orga­ni­sé plus de 750 évé­ne­ments sur les deux pre­mières années.

“Plus de 280 entités privées et publiques, françaises, européennes et internationales ont fait le choix de rejoindre Campus Cyber. Cela représente 187 membres, 46 partenaires et 134 résidents qui se sont installés dans nos locaux.”

Quelles sont les principales actions et initiatives qui ont été portées par le Campus Cyber ?

Dans cette logique de déve­lop­pe­ment de solu­tions com­munes, depuis deux ans, notre équipe du Stu­dio des Com­muns fait col­la­bo­rer les enti­tés enga­gées auprès du Cam­pus Cyber autour de groupes de tra­vail thé­ma­tiques. Aujourd’hui, ce sont plus de 650 experts qui font émer­ger chaque jour de nou­veaux pro­jets communs.
Nous avons notam­ment tra­vaillé sur une pla­te­forme d’intelligence arti­fi­cielle, dont la voca­tion est de ren­for­cer l’intégration de l’intelligence arti­fi­cielle dans la cyber­sé­cu­ri­té. Nous avons déve­lop­pé une matrice de com­pé­tences afin de mieux iden­ti­fier les métiers et les par­cours pro­fes­sion­nels pos­sibles dans le monde de la cyber­sé­cu­ri­té. Après avoir rédi­gé une doc­trine pré­sen­tée au niveau euro­péen, nous avons éga­le­ment lan­cé une pla­te­forme de Cyber Threat Intel­li­gence (CTI) com­mune afin de par­ta­ger ensemble et des don­nées et ren­sei­gne­ments sur la menace cyber.

Alors que la menace cyber reste un enjeu stratégique pour les entreprises, comment contribuez-vous à la lutte contre ce risque cyber ?

L’idée est de pas­ser d’un mode de fonc­tion­ne­ment réac­tif à une pos­ture plus proac­tive afin de faire face aux nou­velles typo­lo­gies de cybe­rat­taque. Les cybe­rat­ta­quants sont extrê­me­ment inno­vants et tous les jours de nou­velles tac­tiques d’attaques mal­veillantes appa­raissent. Ils ont, en outre, un avan­tage sur les défen­seurs : l’effet de surprise.
L’enjeu est donc de pou­voir dis­po­ser de solu­tions les plus réac­tives pos­sibles et de construire ensemble des méca­nismes de défense plus effi­caces. Par exemple, les grands acteurs ban­caires se sont ras­sem­blés au sein du Cam­pus Cyber pour que leurs experts en matière de cyber­sé­cu­ri­té puissent construire et déve­lop­per ensemble ces solu­tions et par­ta­ger des expé­riences et des infor­ma­tions autour de ces attaques et du mode opé­ra­toire des pirates.

Aujourd’hui, se pose aussi un enjeu d’attractivité des métiers de la cybersécurité. Comment appréhendez-vous cette dimension ?

Il y a, en France, plus de 15 000 postes ouverts, alors que chaque année, on forme 600 à 700 experts en cyber­sé­cu­ri­té. Il ne s’agit donc pas d’une ques­tion de for­ma­tion, car nous avons la chance d’avoir des écoles qui dis­pensent des for­ma­tions d’excellence dans ce domaine. D’ailleurs, plu­sieurs d’entre elles sont pré­sentes au Cam­pus Cyber.
Nous sommes, en effet, essen­tiel­le­ment face à un enjeu d’attractivité de ces métiers. Ce constat est encore plus mar­qué si on consi­dère les jeunes femmes. Il y a, en effet, moins de 11 % de femmes dans les métiers de la cyber­sé­cu­ri­té à l’heure actuelle.
Notre enjeu est de cas­ser les idées reçues et les cli­chés autour de l’expert en cyber­sé­cu­ri­té pour construire un nou­vel ima­gi­naire et atti­rer les jeunes. Avec le minis­tère de l’Éducation natio­nale et l’ANSSI, nous avons lan­cé un grand pro­gramme #DemainS­pé­cia­lis­te­Cy­ber afin de tou­cher plus de six mil­lions de col­lé­giens et lycéens. Cette mobi­li­sa­tion prend la forme d’une cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion avec des affiches au style man­ga pour mon­trer à ces jeunes que, dans le monde de la cyber­sé­cu­ri­té, il n’y a pas que des hackers éthiques et des « geeks ». Nous avons aus­si mis en place un pro­gramme de for­ma­tion des pro­fes­seurs de tech­no­lo­gie afin qu’ils puissent par­ler de nos métiers et répondre aux ques­tions de leurs élèves.
Dans le cadre du Stu­dio des com­muns, nous avons éga­le­ment créé une pla­te­forme de chal­lenges, TOP, « The Osint Pro­ject » pour faire décou­vrir ces enjeux autre­ment via l’OSINT (Open Source Intelligence) ;
Face à la menace cyber qui est en constante muta­tion, l’attractivité de nos métiers reste la prin­ci­pale de nos pré­oc­cu­pa­tions, car sans le renou­vel­le­ment et le ren­for­ce­ment de forces vives, nous ne pour­rons pas faire face aux pirates et aux cyberattaquants.

“Il y a, en France, plus de 15 000 postes ouverts, alors que chaque année, on forme 600 à 700 experts en cybersécurité. Il ne s’agit donc pas d’une question de formation. Nous sommes, en effet, essentiellement face à un enjeu d’attractivité de ces métiers.”

Quelles sont les priorités que vous avez identifiées pour 2024 ?

On retrouve bien évi­dem­ment tout le volet autour de l’attractivité de nos métiers. En paral­lèle, notre second défi est celui de la sécu­ri­sa­tion des plus faibles. Contrai­re­ment aux grandes entre­prises qui ont majo­ri­tai­re­ment pris la mesure de ce risque et se sont équi­pées, les PME, qui sont, par ailleurs, des four­nis­seurs de ces grands groupes, sont très sou­vent dému­nies face à la menace cyber.
Notre mis­sion est d’aider et d’accompagner ces PME, qui n’ont pas for­cé­ment les com­pé­tences tech­niques et tech­no­lo­giques en interne, afin qu’elles puissent se pro­té­ger effi­ca­ce­ment contre ce risque. D’ailleurs, en décembre 2022, nous avions été mis­sion­nés par Jean-Noël Bar­rot afin de pro­po­ser des recom­man­da­tions visant à mieux sécu­ri­ser ces PME. Le Cam­pus Cyber a remis son rap­port en octobre der­nier et a mis en évi­dence prin­ci­pa­le­ment trois recom­man­da­tions : rendre plus lisibles les diag­nos­tics pour pal­lier leurs com­plexi­tés et tech­ni­ci­tés ; créer une place de mar­ché natio­nale afin de faci­li­ter la mise en œuvre opé­ra­tion­nelle selon leurs taille, loca­li­sa­tion et sec­teur d’activité ; et mieux sen­si­bi­li­ser les PME fran­çaises au tra­vers de cam­pagne natio­nale de pré­ven­tion cyber.

Dans cette démarche et après avoir été sélec­tion­né par la Com­mis­sion euro­péenne, le Cam­pus Cyber coor­donne désor­mais l’EDIH (Euro­pean Digi­tal Inno­va­tion Hub) CYBIAH. Com­po­sé d’un consor­tium de 11 par­te­naires, CYBIAH pro­pose un par­cours d’accompagnement per­son­na­li­sé et adap­té aux PME et col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales afin de les aider dans leur mon­tée en matu­ri­té cyber.

Poster un commentaire