Une route en terre au Cameroun

L’Afrique : entre attachement historique et opportunités

Dossier : Dossier FFEMagazine N°716 Juin/Juillet 2016
Par Laurent CHAUVEL

Quels sont vos principaux marchés africains ?

Aujourd’hui, nous opérons en Algérie, au Séné­gal, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Camer­oun, en Guinée Équa­to­ri­ale, au Con­go Braz­zav­ille, au Mozam­bique et en Ango­la. L’Afrique représente plus de 30 % de l’activité glob­ale du groupe. 

His­torique­ment, nous avons eu l’opportunité de tra­vailler sur l’ensemble des pays d’Afrique sub­sa­hari­enne fran­coph­o­nes. Sur l’Afrique du Nord, nous avons opéré exclu­sive­ment en Algérie. Nous avons égale­ment mené à bien des pro­jets inter­na­tionaux dans des pays non fran­coph­o­nes, en Éthiopie et au Ghana. 

Cette ten­dance s’est accélérée à par­tir de 2006 avec des pro­jets en Guinée Équa­to­ri­ale, au Mozam­bique et en Ango­la. Depuis 2014, nous sommes même sor­tis du périmètre du con­ti­nent africain avec une activ­ité nou­velle en Haïti, au Myan­mar et en Jordanie. 

En par­al­lèle, la société Bec, avec laque­lle nous avons fusion­né en 2011, avait aus­si une expéri­ence à l’export, au Nigéria, au Sri Lan­ka et en Malaisie. 

Sur quels métiers êtes-vous positionnés ?

Le groupe Razel-Bec est un groupe mul­ti­méti­er, même si la route et les bar­rages restent nos métiers his­toriques en Afrique. 

Aujourd’hui, nous avons : 

  • une activ­ité routière et de voiries urbaines : nous réal­isons évidem­ment dans le même temps tous les ouvrages néces­saires à la mise en cir­cu­la­tion, ouvrages d’art et ouvrages hydrauliques ; 
  • une activ­ité de bar­rage : actuelle­ment, nous final­isons un impor­tant bar­rage BCR (Béton Com­pacté au Rouleau) en Algérie qui com­prend aus­si une galerie de 13 km. 
  • une activ­ité de périmètres irrigués com­prenant pris­es d’eau, canaux et planage 
  • une activ­ité de génie civ­il indus­triel qui se traduit par exem­ple par la con­struc­tion de cen­trales ther­miques et de plate­formes minières ; 
  • une activ­ité d’adduction et de traite­ment d’eau ;
  • une activ­ité de réha­bil­i­ta­tion d’ouvrages d’art ;
  • une activ­ité de con­struc­tion de ports ; 
  • une activ­ité de travaux aéro­por­tu­aires qui s’est énor­mé­ment dévelop­pée depuis 2010. 

Nous opérons de moins en moins sur les chantiers de routes interur­baines qui sont plus con­cur­ren­tiels et sou­vent moins dis­crim­i­nants d’un point de vue du savoir-faire technique. 

Nous avons fait le choix de nous recen­tr­er sur des métiers et des exper­tis­es plus com­plex­es et haute­ment tech­niques (travaux urbains, eau, génie civ­il) pour nous dif­férenci­er sur un marché en plein essor. 

Le Cameroun détient une place particulière dans votre stratégie de développement sur le continent africain. Pourquoi ?
Et comment cela se traduit-il ?

En effet, nous allons bien­tôt fêter nos 70 ans de présence au Camer­oun ! C’est le pays africain au sein duquel nous comp­tons le plus grand nom­bre de collaborateurs. 

Razel-Bec est l’entreprise la plus impor­tante du pays et nous y jouis­sons d’une très forte notoriété. Nous avons dévelop­pé au Camer­oun une grande var­iété dans nos métiers. 

IL EST NÉCESSAIRE DE DÉVELOPPER UNE STRATÉGIE QUI COMBINE OPPORTUNISME, UNE APPROCHE MULTIMÉTIER DU MARCHÉ TOUT EN ÉTANT VIGILANT POUR ANTICIPER LES TENDANCES DE FINANCEMENT DES BAILLEURS DE FONDS.

D’ailleurs, lorsque nous déci­dons de lancer ou de tester une nou­velle activ­ité à l’export, nous choi­sis­sons de le faire au Camer­oun. Le Camer­oun est devenu notre pépinière de savoir-faire, un lab­o­ra­toire au coeur duquel nous dévelop­pons les proces­sus et approches qui seront ensuite appliqués au reste du continent. 

Quand la ques­tion de la cer­ti­fi­ca­tion de notre activ­ité en Afrique s’est posée (ISO 9001 et 14001), nous avons mis au point les proces­sus au Camer­oun en nous appuyant sur notre encadrement local, qui nous per­met de mieux iden­ti­fi­er nos limites. 

Le niveau de for­ma­tion de nos col­lab­o­ra­teurs camer­ounais est assez élevé, avec un taux d’encadrement inter­mé­di­aire et de haut niveau qui dépasse large­ment celui des autres pays africains où nous sommes implan­tés. Notre anci­en­neté sur le ter­ri­toire camer­ounais et notre notoriété nous per­me­t­tent d’attirer plus facile­ment les cadres et les tal­ents de demain. 

Le Camer­oun est égale­ment un pays bilingue. Pour nous dévelop­per dans des pays non fran­coph­o­nes, nos ingénieurs et cadres camer­ounais, qui maîtrisent sou­vent le français et l’anglais, sont de véri­ta­bles atouts. Lorsque nous nous déployons sur un nou­veau ter­ri­toire, l’ossature ini­tiale de notre encadrement local est majori­taire­ment con­sti­tuée de cadres et de man­agers camerounais. 

Sur le marché camer­ounais, Razel-Bec reste un choix priv­ilégié pour les pro­jets sur lesquels nous dis­posons d’une exper­tise avérée, même si le secteur est de plus en plus con­cur­ren­tiel. La péren­nité de notre activ­ité au Camer­oun est aus­si forte­ment liée à l’équilibre des ressources du pays (pét­role, mine, agri­cul­ture puis­sante) qui le ren­dent moins directe­ment dépen­dant des fluc­tu­a­tions du marché. 

Le marché BTP africain est en pleine expansion et attire régulièrement de nouveaux acteurs. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette dynamique ?

L’Afrique a un fort poten­tiel : elle regorge de matières pre­mières, mais ne dis­pose pas for­cé­ment des infra­struc­tures néces­saires pour les exploiter. Implan­té en Afrique depuis 1948, nous avons eu l’opportunité d’assister à toutes les vagues d’arrivée de nou­veaux acteurs. 

Les Chi­nois ont com­mencé à se dévelop­per de manière con­tin­ue sur le con­ti­nent il y a plus de 20 ans. Les pays européens dure­ment touchés par la crise (Espagne, Por­tu­gal) se sont naturelle­ment tournés vers l’Afrique.

Aujourd’hui, nos con­cur­rents sont européens, asi­a­tiques, mais aus­si africains et sud-améri­cains. Il n’est plus excep­tion­nel de par­ticiper à des appels d’offres avec plus d’une dizaine de candidats. 

Il est donc néces­saire de dévelop­per une stratégie qui com­bine oppor­tunisme et approche mul­ti­méti­er du marché, tout en étant vig­i­lant pour anticiper les ten­dances de finance­ment des bailleurs de fonds. 

Notre choix se porte d’ailleurs de plus en plus sur des pays ne dépen­dant pas exclu­sive­ment des finance­ments internationaux. 

La formation de vos collaborateurs locaux est un aspect central de votre stratégie de développement. Qu’est-ce que cela implique ?

Niveleuse sur la route en terreNous ne sommes pas dans une optique de « oneshot ». Nous nous instal­lons dans un pays avec la volon­té de rester et de con­stru­ire un pro­jet durable. Notre philoso­phie se reflète dans l’importance que le groupe accorde à la for­ma­tion de ses col­lab­o­ra­teurs locaux. 

En effet, les coûts de for­ma­tion sont générale­ment assez lourds au lance­ment d’un pro­jet, car tout le monde doit être for­mé, et ce cap­i­tal ne doit pas être dilapidé. 

Nous avons ain­si créé une école de for­ma­tion au Camer­oun qui a pour voca­tion de for­mer les mécani­ciens de chantiers, les chefs d’ateliers et les con­duc­teurs d’engins, qui sont les postes sur lesquels nous compt­abil­isons le plus de collaborateurs. 

Sur des métiers tech­niques, comme la topogra­phie ou le lab­o­ra­toire, nous organ­isons régulière­ment des ses­sions de for­ma­tion très techniques. 

Afin d’attirer des tal­ents et des cadres africains de haut niveau, nous étab­lis­sons des parte­nar­i­ats avec des écoles africaines en pro­posant, par exem­ple, des stages en France aux élèves ingénieurs ou des for­ma­tions en alter­nance. Nous souhaitons aus­si éten­dre ce type de parte­nar­i­ats en facil­i­tant l’accueil d’ingénieurs africains au sein d’écoles françaises. 

Dans le contexte actuel propre au marché africain, quelles sont vos principales actions de progrès ?

Afin de con­serv­er une cer­taine autonomie, nous essayons de ne pas dépen­dre exclu­sive­ment de la volon­té des bailleurs inter­na­tionaux ou du prix des matières pre­mières. Mais en par­al­lèle, nous menons des actions de lob­by­ing afin que les appels d’offres s’appuient sur d’autres critères que le sim­ple coût. Nous souhaitons que soit plus prise en compte la dimen­sion socié­tale de l’entreprise et son apport à la société. 

RAZL BEC EN AFRIQUE

  • 133 ans d’expérience ;
  • 13 pays en activ­ité à l’export ;
  • 30 à 40 % du chiffre d’affaires à l’export ;
  • 800 mil­lions d’euros de travaux ; 
  • Env­i­ron 6 000 collaborateurs ; 
  • 350 mil­lions de valeurs d’équipements en matériel. 

Par exem­ple, dans le cadre de notre poli­tique RSE en Afrique, pour notre per­son­nel clé, nous avons mis en place un sys­tème de retraite com­plé­men­taire pour leur per­me­t­tre de faire face aux prob­lèmes financiers con­nus par de nom­breuses caiss­es de retraite africaines. Nous pen­sons que cela nous démar­que de nom­bre de nos concurrents. 

La recherche de finance­ment est un autre axe de développe­ment fort. Actuelle­ment, nous essayons de mon­ter des offres qui com­bi­nent la con­struc­tion et son finance­ment. Pour ren­forcer notre notoriété sur le con­ti­nent, nous nous recen­trons sur des métiers et des exper­tis­es pointues. 

Enfin, dans le con­texte géopoli­tique actuel, la sécu­rité et la sûreté sont des enjeux de plus en plus impor­tants sur lesquels nous por­tons de lourds efforts.

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