Les jeunes ingénieures ont tous les atouts en main

Dossier : PolytechniciennesMagazine N°712 Février 2016
Par Sophie GUIEYSSE (82)

La conjonc­ture est favo­rable, car la demande est forte avec la nou­velle révo­lu­tion indus­trielle – tous les objets vont être connec­tés – et les femmes sont recon­nues pour enri­chir la vision du pro­duit et être sen­sibles à l’es­prit de coopé­ra­tion qui per­met de mieux gérer l’ambiguïté et la diver­si­té des regards

Année après année, il se confirme que le diplôme et le métier d’ingénieur offrent de nom­breux atouts sur le mar­ché du tra­vail. 95 % des titu­laires d’un tel diplôme en France trouvent leur pre­mier emploi dans les six mois sui­vant leur sor­tie d’école et beau­coup signent avant l’obtention du diplôme.

Celui-ci ouvre à des métiers stables de cadres bien rému­né­rés avec des pro­gres­sions rapides et assez peu de « trous » de car­rière. Le taux de chô­mage des ingé­nieurs n’est que de 4 %.

Ce phé­no­mène est mon­dial et les États-Unis sont les pre­miers à s’inquiéter d’une pénu­rie de pro­fils scien­ti­fiques : les jeunes issus des écoles fran­çaises, et notam­ment les poly­tech­ni­ciens, y sont très appré­ciés, que ce soit direc­te­ment dans les entre­prises ou dans les uni­ver­si­tés de renom que sont Har­vard, Stan­ford ou le MIT.

REPÈRES

Une enquête sur le premier emploi des X a été réalisée en 2014 auprès des élèves diplômés en juin 2013 (majoritairement des X 2008). Le taux de réponse était de 79 %, 16 % des réponses émanaient de filles et 84 % de garçons. Parmi les filles, 24 % se sont dirigées vers les Corps de l’État, 23 % vers un doctorat, 49 % vers l’entreprise et 5 % étaient en recherche d’emploi. 13 % des garçons seulement ont choisi les Corps de l’État, les autres chiffres étant comparables à ceux des filles.
Il existe une disparité de répartition des effectifs masculins et féminins dans les différents secteurs de l’industrie. L’énergie est celui qui attire majoritairement les filles (22 %), à égalité avec le secteur BTP, matériaux de construction et infrastructures et les technologies de l’information. Puis viennent le secteur biotechnologie, pharmacie et cosmétique (17 %), la construction aéronautique, ferroviaire et navale et l’armement (6 %), la chimie (6 %) et enfin les autres secteurs (6 %).
Les garçons se dirigent principalement vers les technologies de l’information (33 %), suivies de l’énergie (25 %), de la construction aéronautique, ferroviaire et navale et l’armement (17 %) et du secteur BTP, matériaux de construction et infrastructures (11 %). Chacun des autres secteurs représente moins de 5 % des choix.
Les polytechniciennes ont leur place dans tous les secteurs de l’industrie. Elles sont même plus recrutées que les garçons en biologie, pharmacie et cosmétique. On trouve pratiquement le même pourcentage (55 %) des filles et des garçons dans les grandes entreprises (plus de 5 000 personnes), dans les moyennes entreprises de 250 à 4 999 personnes (19 % des filles, 18 % des garçons) et dans celles de 50 à 249 personnes (16 % des filles, 17 % des garçons). Le salaire d’embauche moyen annuel brut est pour les filles de 41 500 € et de 45 500 € pour les garçons.

Clau­dine Her­mann, pro­fes­seure hono­raire au dépar­te­ment de phy­sique, École polytechnique
Yas­mi­na Mokrane, ser­vice Stages, orien­ta­tion, inser­tion et entre­prises (SOIE), École polytechnique

Un immense champ des possibles

La place crois­sante des tech­no­lo­gies au sein de notre socié­té, dans de nom­breux domaines comme le numé­rique et l’informatique, l’énergie, les maté­riaux, la san­té, l’électronique ou les équi­pe­ments de trans­port ne feront que ren­for­cer cette tendance.

“ Les jeunes issus des écoles françaises sont très appréciés aux États-Unis ”

Des entre­prises comme LVMH ou Canal+, qui sont moins connues pour leurs dimen­sions tech­no­lo­giques, ont aus­si besoin d’ingénieurs et se battent pour atti­rer les meilleurs. John Cham­bers, l’emblématique pré­sident de Cis­co, disait en novembre 2015 qu’« avec la seconde révo­lu­tion de l’Internet, tous les pays, les villes, les entre­prises, les mai­sons, les voi­tures, les objets… tout sera connecté.

Toutes les entre­prises deviennent des entre­prises tech­no­lo­giques et vont devoir accep­ter de chan­ger pour ne pas dis­pa­raître. Il faut avoir le cou­rage de se réin­ven­ter. » Le champ des pos­sibles pour les ingé­nieurs est donc immense.

Et les entre­prises ouvertes savent les faire évo­luer dans toutes les fonc­tions grâce à leurs qua­li­tés intel­lec­tuelles, leur curio­si­té, leur capa­ci­té à dou­ter et à se remettre en cause.

Un vecteur de réussite

Les ingé­nieures res­tent très, trop peu nom­breuses et sont sous-repré­sen­tées à tous les niveaux de l’entreprise, notam­ment dans les fonc­tions diri­geantes. Mal­gré les actions menées depuis quelques années, à peine 28 % des étu­diants en écoles d’ingénieurs sont des jeunes filles. À l’X, ce chiffre varie entre 13 % et 19 % seule­ment ces dix der­nières années, ce qui pré­fi­gure l’avenir. Ces sta­tis­tiques sont stag­nantes, hélas.

UN AVANTAGE CERTAIN

Les entreprises cherchent actuellement à embaucher et à promouvoir des ingénieures : certaines polytechniciennes que j’ai eu l’occasion de recevoir à l’AX semblent ne pas se rendre compte de l’avantage certain qu’elles pourraient en tirer et ne souhaitent pas que ce critère soit mis en avant en ce qui les concerne.

Nico­las Zar­pas (58), res­pon­sable du Bureau des car­rières de l’AX

Pour­tant, un flo­ri­lège d’études montre que la diver­si­té des pro­fils per­met aux entre­prises de mieux se déve­lop­per dans un monde de plus en plus com­plexe et que les femmes sont un for­mi­dable vec­teur de réussite.

Sans comp­ter la pré­sence désor­mais impo­sée de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des socié­tés en France, et peut-être bien­tôt dans les ins­tances diri­geantes des entreprises.

La rare­té est une for­mi­dable chance pour les ingé­nieures talen­tueuses dis­po­sant d’une solide for­ma­tion. La dis­cri­mi­na­tion posi­tive n’est pas tou­jours bien per­çue car nous pré­fé­re­rions être recon­nues pour nos compétences.

Peu importe : je sug­gère aux femmes d’en pro­fi­ter et de prendre les places qu’elles méritent.

L’intelligence des situations

La culture et les orga­ni­sa­tions des entre­prises changent, notam­ment pour atti­rer et accueillir les jeunes géné­ra­tions. Elles sont deve­nues moins hié­rar­chiques, plus col­la­bo­ra­tives, plus agiles, plus flexibles et com­binent créa­ti­vi­té, rapi­di­té et plai­sir au travail.

J’ai pu consta­ter que les femmes, outre qu’elles enri­chissent la vision du pro­duit, sont plus sen­sibles que les hommes à cet esprit de coopé­ra­tion, à l’intelligence col­lec­tive et à l’intelligence des situa­tions qui per­met de mieux gérer l’ambiguïté et la diver­si­té des regards.

Elles sont sou­vent éga­le­ment plus tra­vailleuses et sur­tout plus courageuses.

Se faire confiance

À l’inverse, l’ambition est sou­vent per­çue comme une valeur néga­tive chez les femmes, notam­ment les jeunes femmes, parce qu’elles manquent de confiance en elles, s’interrogent sur leur dis­po­ni­bi­li­té pro­fes­sion­nelle et leur vie de famille.

“ La rareté est une formidable chance pour les ingénieures talentueuses ”

Je me suis réso­lue chez Canal+, mal­gré ma réti­cence ini­tiale, à créer des réseaux de femmes pour qu’elles s’inspirent d’exemples de col­lègues qui ont du lea­der­ship et réus­sissent dans des postes à res­pon­sa­bi­li­té tout en menant des vies équi­li­brées sans tom­ber dans la cari­ca­ture des superwomen.

Elles pèchent sou­vent par excès d’humilité et s’inquiètent du bon moment pour avoir leurs enfants.

Comme il n’y en a pas, il faut s’affranchir de la ques­tion et se faire confiance pour tou­jours rebondir.

Foncez

J’ai envie de dire aux jeunes filles qui en ont la capa­ci­té : fon­cez ! En pré­pa comme à l’X, les études scien­ti­fiques sont extrê­me­ment sti­mu­lantes et vous serez au contact d’enseignants de haut vol qui vous mar­que­ront pour la vie et éveille­ront votre curiosité.

Dans la recherche ou en entre­prise, vous serez par­ti­cu­liè­re­ment choyées car peu nom­breuses, alors même que les défis qui s’ouvriront à vous seront pas­sion­nants et que la nou­velle flexi­bi­li­té du tra­vail vous per­met­tra de les exer­cer dans de meilleures condi­tions que vos aînées.

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