Jean Bergougnoux

Jean Bergougnoux (X59) le « Pavarotti de l’énergie »

Dossier : TrajectoiresMagazine N°792 Février 2024
Par François AILLERET (X56)
Par Michel FRANCONY (X67)

Décé­dé le 3 sep­tembre 2023, Jean Ber­gou­gnoux a mar­qué de son empreinte l’histoire d’EDF. Il a su théo­ri­ser et mettre en œuvre des méthodes de mana­ge­ment qui ont fait de lui un direc­teur géné­ral una­ni­me­ment admi­ré et respecté.

Né le 15 octobre 1939 à Cau­dé­ran et reçu à l’X en 1959, Jean Ber­gou­gnoux com­mence en 1964 sa car­rière comme adminis­trateur de l’Insee et la pour­suit au minis­tère de l’Industrie. En 1970, il rejoint l’EDF à la direc­tion de la recherche, dans le ser­vice des études de réseaux dont il devient rapi­de­ment le direc­teur. Il y a acquis une sérieuse expé­rience de la modé­li­sa­tion du sec­teur de l’électricité qui sera sa marque de dirigeant.

En 1980, Jean sera pro­je­té en pleine lumière comme chef du Ser­vice des études éco­no­miques géné­rales, puis direc­teur de la Direc­tion géné­rale en charge des études éco­no­miques et de la tari­fi­ca­tion. Il s’inscrit alors dans la lignée des Mau­rice Allais (X1930), Pierre Mas­sé (X1916) et Mar­cel Boi­teux. Sa maî­trise du monde de l’énergie lui vau­dra quelques années plus tard d’être recon­nu par le pré­sident d’EDF, Pierre Dela­porte (X1949), comme le « Pava­rot­ti de l’énergie », exploi­tant avec facé­tie sa res­sem­blance avec le célé­bris­sime ténor.

Management stratégique intégré 

Jean avait, sur les ques­tions les plus com­plexes, cette capa­ci­té extra­or­di­naire d’apporter des réponses simples, claires et opé­ra­toires. Dans les négo­cia­tions tari­faires, son sou­ci de la cohé­rence le condui­sait à être ferme sur le fond, mais souple dans la recherche des néces­saires compromis.

En 1987, Jean Ber­gou­gnoux est nom­mé direc­teur géné­ral d’EDF. Il forme, avec le pré­sident Pierre Dela­porte, un tan­dem à la com­plé­men­ta­ri­té et la com­pli­ci­té remar­quables. Il peut y mon­trer un vrai talent de mana­geur de la grande entreprise.

Jean Ber­gou­gnoux a d’abord théo­ri­sé la méthode de mana­ge­ment qu’il enten­dait voir décli­ner à tous les niveaux de l’entreprise, de la direc­tion géné­rale jusqu’aux uni­tés. Son « mana­ge­ment stra­té­gique inté­gré » s’est révé­lé une redou­table méthode pour arti­cu­ler les dif­fé­rents hori­zons du temps et ain­si garan­tir la per­for­mance dans la durée. Pour chaque déci­sion, il pro­cé­dait à un tour de table, lais­sant à cha­cun le soin d’exprimer sa posi­tion. La syn­thèse qu’il en fai­sait démon­trait qu’il avait été à l’écoute de tous et sa déci­sion claire appe­lait néces­sai­re­ment le consen­sus et la cohésion.

Jean était aus­si un com­mu­ni­cant hors pair. Il fal­lait le voir, lorsqu’il allait sur le ter­rain, quit­ter la veste, retrous­ser les manches, au propre comme au figu­ré, et, le micro en main, arpen­ter la scène pen­dant une heure et demie, sans que per­sonne ne voie le temps pas­ser. Tout était fluide et lumi­neux. Tous repar­taient gon­flés à bloc et empreints d’une confiance communicative.

Assurer l’avenir d’EDF

Paral­lè­le­ment, Jean Ber­gou­gnoux a inlassable­ment tra­vaillé à la construc­tion d’un mar­ché de l’électricité euro­péen, vou­lu pour des rai­sons plu­tôt dog­ma­tiques par Bruxelles. Il a en per­ma­nence cher­ché à pré­ser­ver les fonda­mentaux du mar­ché de l’électricité. Son impli­ca­tion a été à la hau­teur de la crainte de Pierre Dela­porte de voir, selon sa for­mule, « le mas­sacre d’EDF à la tronçonneuse ».

Cette impli­ca­tion s’est concré­ti­sée en 1992 par la pré­si­dence d’Eurelectric, asso­cia­tion des élec­tri­ciens euro­péens. Et puis vint en 1994 la pro­po­si­tion faite à Jean de ser­vir la France autre­ment, à la pré­si­dence de la SNCF. Il a accep­té non par ambi­tion person­nelle, mais tout sim­ple­ment parce que, disait-il, « ça ne se refuse pas ». Il y avait tant à faire ! Mal­heu­reu­se­ment, les grandes grèves de fin 1995 contre le plan Jup­pé l’amènent à dé­mission­ner et à pour­suivre sa car­rière comme consul­tant inter­na­tio­nal sur les ques­tions d’énergie.

Jean laisse à tous l’empreinte d’un homme à l’humanisme pro­fond et à l’éthique exi­geante. EDF a per­du un grand diri­geant et la France un grand serviteur.

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