Laure Jamot et Frédéric Saudou travaillent chez HuntX Pharma pour développer des traitements pour la maladie de Huntington et plus largement les maladies neurodégénératives.

HX127 : un nouvel espoir pour la maladie de Huntington

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Laure JAMOT

Créée en 2022, HuntX Phar­ma tra­vaille sur le déve­lop­pe­ment de trai­te­ments pour la mala­die de Hun­ting­ton et plus lar­ge­ment les mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives. Alors que la jeune pousse fran­çaise a d’ores et déjà un pre­mier can­di­dat-médi­ca­ment, HX127, Laure Jamot, PhD, cofon­da­trice et pré­si­dente de HuntX Phar­ma, revient sur la créa­tion de l’entreprise, ses recherches et les pistes qu’elle explore. Entretien.

HuntX Pharma est avant tout une aventure entrepreneuriale et humaine. Dites-nous en plus. 

Forte d’une double exper­tise scien­ti­fique et busi­ness, j’évolue dans le monde de la bio­tech depuis plus de 22 ans. Au cours de ces années, j’ai tou­jours eu une réelle appé­tence pour le déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments. Dans ce cadre, la mala­die de Hun­ting­ton est l’une des pre­mières patho­lo­gies sur laquelle j’ai tra­vaillé. Puis après avoir créé la socié­té, c’est aus­si la pre­mière indi­ca­tion qui mobi­lise HuntX Pharma. 

Dans cette aven­ture entre­pre­neu­riale, je suis asso­ciée avec un décou­vreur de tech­no­lo­gies qui évo­lue dans mon entou­rage scien­ti­fique depuis 1995, Fré­dé­ric Sau­dou. Dans le cadre de nos pré­cé­dentes col­la­bo­ra­tions, nous avions tra­vaillé sur le déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments pour la mala­die de Hun­ting­ton. Le pro­gramme s’était arrê­té au bout de sept ans pour des rai­sons de chi­mie d’optimisation, une situa­tion assez déce­vante au regard du fait qu’il n’existe pas de trai­te­ment pour cette mala­die mor­telle. Même si nous avons ensuite évo­lué cha­cun de notre côté, avec Fré­dé­ric, nous nous sommes réser­vé la pos­si­bi­li­té de reve­nir à ce pro­jet si l’opportunité se pré­sen­tait. Et en 2019, suite au dépôt de bre­vet de Fré­dé­ric et de son uni­ver­si­té, il m’a recon­tac­tée afin de déter­mi­ner si ce bre­vet pou­vait faire l’objet d’un déve­lop­pe­ment indus­triel. À par­tir de là, nous nous sommes lan­cés dans le par­cours clas­sique de valo­ri­sa­tion de la recherche publique : matu­ra­tion et incu­ba­tion, dos­sier pour le concours d’innovation i‑Lab dont nous avons été grand prix en 2022.  

En décembre 2022, nous avons créé la socié­té. Fré­dé­ric tra­vaille sur la mala­die de Hun­ting­ton depuis plus de 30 ans et capi­ta­lise sur une très fine connais­sance de l’écosystème. Pour ma part, je fais du déve­lop­pe­ment de médi­ca­ment pour mala­dies rares depuis plus de 22 ans. En paral­lèle, nous béné­fi­cions de l’accompagnement d’une cli­ni­cienne de l’AP-HP avec laquelle nous avons com­men­cé de col­la­bo­rer il y a 25 ans. À ce noyau, qui par­tage une vision com­mune, se sont gref­fées des com­pé­tences clé avec qui j’ai eu la chance de tra­vailler au cours de ma car­rière professionnelle. 

Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur les maladies neurologiques, et plus particulièrement la maladie de Huntington ? 

La mala­die de Hun­ting­ton est une mala­die neu­ro­dé­gé­né­ra­tive qui appa­raît essen­tiel­le­ment à l’âge adulte. Elle touche près de 300 000 per­sonnes dans le monde, dont 100 000 ont déjà décla­ré la mala­die. Les deux tiers res­tants sont por­teurs de la muta­tion géné­tique res­pon­sable de la mala­die et vont inexo­ra­ble­ment déve­lop­per cette mala­die. Il n’existe actuel­le­ment aucun trai­te­ment qui per­met de soi­gner la mala­die, mais des trai­te­ments symp­to­ma­tiques qui ont voca­tion à accom­pa­gner les patients jusqu’à leur décès. 

Les malades déve­loppent des symp­tômes moteurs, cog­ni­tifs et psy­chia­triques. Les médi­ca­ments ont pour fina­li­té de pal­lier ces trois types de symp­tômes. Pour cette mala­die très inva­li­dante, incu­rable et sans trai­te­ment, la prise en charge glo­bale des patients à une échelle mon­diale repré­sente plus de 15 mil­liards de dol­lars par an. En France, pen­dant toute la durée de la mala­die, qui est esti­mée à 20 ans, les coûts de prise en charge pour un patient s’élève à un mil­lion d’euros.

Par­mi les mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives aux­quelles nous nous inté­res­sons, la mala­die de Hun­ting­ton est celle que nous connais­sons le mieux et sur laquelle nous somme le plus avan­cés. Fré­dé­ric Sau­dou est à l’origine de la décou­verte du rôle du gène res­pon­sable de la mala­die. Il a aus­si décou­vert la cible thé­ra­peu­tique de HuntX Phar­ma, une enzyme que nous pou­vons inhi­ber pour res­tau­rer la fonc­tion de la pro­téine alté­rée par la muta­tion dans le gène. 

Enfin, la mala­die de Hun­ting­ton est un enjeu majeur de san­té publique. Un des défis de la recherche est d’arriver à trou­ver des solu­tions thé­ra­peu­tiques accep­tables pour ces mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives. Notre action et notre ambi­tion sont tota­le­ment en ligne avec cette nécessité. 

Au-delà, il est impor­tant de rap­pe­ler le rôle de lea­der de la France dans la recherche et le déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments pour trai­ter les mala­dies rares. Le 4e Plan Natio­nal Mala­dies Rares (PNMR) va être déployé et je par­ti­cipe, comme repré­sen­tante des star­tups phar­ma­ceu­tiques à l’un des groupes de réflexion qui tra­vaillent à son élaboration 

Forts de cette expérience et de cette fine connaissance de la maladie de Huntington, vous développez donc un premier candidat-médicament, « HX127 ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il existe essen­tiel­le­ment deux grands axes de recherche autour de cette maladie : 

  • La neu­ro-inflam­ma­tion : une inflam­ma­tion qui crée des désordres au niveau du cer­veau et per­turbe son fonctionnement ;
  • La toxi­ci­té de la forme mutante : la muta­tion géné­tique entraîne un gain de fonc­tion toxique et une perte de fonc­tion nor­male. Par exemple, une muta­tion qui s’opère au niveau des enzymes va les empê­cher de fonc­tion­ner cor­rec­te­ment. Il s’agit alors de les sub­sti­tuer par une nou­velle enzyme ou des sub­strats pour qu’elles puissent fonc­tion­ner de nouveau. 

Notre stra­té­gie est dif­fé­rente : res­tau­rer la fonc­tion nor­male du gène dont la muta­tion entraine la mala­die de Huntington.

Dans la mala­die de Hun­ting­ton, le gène qui est muté et qui s’appelle la hun­ting­tine, sert à trans­por­ter un fac­teur de sur­vie, le BNDF (Brain-Deri­ved Neu­ro­tro­phic Fac­tor), entre le cor­tex et le stria­tum, deux régions du cer­veau. La sur­vie du stria­tum dépend du BDNF fabri­qué au niveau du cor­tex et trans­por­té jusqu’à lui. Quand cette fonc­tion est alté­rée, petit à petit, ces deux par­ties dépérissent. 

À par­tir de cette décou­verte majeure, la ques­tion que nous nous sommes posée est simple : com­ment res­tau­rer ce trans­port ? De manière sché­ma­tique et didac­tique, le trans­port axo­nal, dans le cer­veau, peut être com­pa­ré à un sys­tème fer­ro­viaire à l’intérieur des cel­lules. Il est donc com­po­sé de rails, qui sont appe­lées les micro­tu­bules sur les­quels sont trans­por­tées les vési­cules conte­nant le BDNF par des wagons : les com­plexes moteurs. La hun­ting­tine per­met de sta­bi­li­ser ces com­plexes moteurs sur les rails. Quand cette der­nière est sujette à une muta­tion, les wagons déraillent et le BDNF n’est donc plus ache­mi­né à bon port. Néan­moins, en inhi­bant une enzyme par­ti­cu­lière appe­lée APT1, nous sommes en mesure de res­tau­rer l’attachements des vési­cules sur les rails mal­gré la muta­tion et donc de trans­por­ter de nou­veau le BDNF. 

Il est impor­tant de sou­li­gner qu’il ne s’agit pas d’une thé­ra­pie génique, car nous ren­dons de nou­veau le gène actif sans tou­cher à la muta­tion. C’est là que réside l’originalité de notre démarche. Notre molé­cule, qui fait l’objet d’un bre­vet, sera la pre­mière molé­cule à adres­ser cette cible thérapeutique. 

Au-delà de la mala­die de Hun­ting­ton, nous connais­sons plus de 50 mala­dies neu­ro­lo­giques qui sont liées à des muta­tions dans des gènes impli­qués dans ce trans­port axo­nal. Nous pen­sons, au sein de HuntX Phar­ma, qu’en réac­ti­vant le trans­port via cette inhi­bi­tion d’enzyme, nous serons capables de soi­gner ces maladies. 

À partir de là, quelles sont les prochaines étapes ?

À l’heure actuelle, nous avons quatre pro­grammes en cours de déve­lop­pe­ment : le déve­lop­pe­ment du médi­ca­ment HX127 pour la mala­die de Hun­ting­ton et 3 pro­grammes créa­teurs de valeur pour la socié­té. Dans ce cadre, nous sommes encore en phase pré-cli­nique. Nous visons le pré-cli­nique règle­men­taire en 2025, pour s’assurer de l’innocuité de cette molé­cule chez l’animal avant de la tes­ter chez des volon­taires sains en 2026, ce qu’on appelle une étude cli­nique de phase I. Une fois cette étape vali­dée, dès 2027, nous pour­rons nous enga­ger dans l’étude cli­nique de phase 2 pour tes­ter l’efficacité de la molé­cule chez les patients. 

Les trois autres pro­grammes visent à obte­nir de nou­veaux médi­ca­ments qui ciblent l’enzyme APT1 pour les autres indi­ca­tions que nous sou­hai­tons cibler. Le second doit démon­trer le béné­fice de notre stra­té­gie thé­ra­peu­tique dans un mini­mum de deux autres mala­dies. Et le troi­sième pro­gramme a pour but de déve­lop­per un bio­mar­queur pour d’objectiver le niveau de déve­lop­pe­ment de la mala­die chez les patients et le niveau de béné­fice obte­nu par notre traitement.

Nous vou­lons faire une pre­mière levée de fonds de 750 000 euros en 2024 auprès de Busi­ness Angels afin de mener de front l’ensemble de ces pro­jets ambi­tieux, mais très prometteurs. 

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