Campus cyber

Campus Cyber : la vitrine de l’excellence française en cybersécurité

Dossier : CybersécuritéMagazine N°773 Mars 2022
Par Michel VAN DEN BERGHE

Michel Van Den Berghe, Prési­dent du Cam­pus Cyber, revient pour nous sur la créa­tion de ce lieu totem de la cyber­sécu­rité qui va per­me­t­tre à la France de se posi­tion­ner comme une grande nation cyber et une référence dans ce domaine en mobil­isant l’ensemble des par­ties prenantes. Entretien.

Quelle a été la genèse du Campus Cyber ? 

Suite à la vis­ite du CyberSpark de Beer She­va, un site dédié à la cyber­sécu­rité et au numérique en Israël, le Prési­dent de la République a souhaité dot­er la France d’un lieu totem pour réu­nir l’ensemble des acteurs de l’écosystème de la cyber­sécu­rité, mais aus­si afin de faire ray­on­ner l’expertise et l’excellence français­es dans ce domaine. 

Dès le départ, l’idée a été de met­tre en place une ini­tia­tive portée par les acteurs privés et soutenue par le pub­lic. Dans cette con­ti­nu­ité, le 16 juil­let 2019, le Pre­mier min­istre m’a con­fié la mis­sion d’étudier la fais­abil­ité d’un « Cam­pus Cyber » dédié aux enjeux du numérique. Con­crète­ment, ce lieu totem soutenu par l’ANSSI vise à ren­forcer les syn­er­gies entre acteurs publics, privés et académiques en les rassem­blant au sein d’un même lieu de dimen­sion nationale, attrac­t­if, con­nec­té aux développe­ments en régions et vis­i­bles en Europe et à l’international. Nous avons ain­si inter­rogé l’ensemble des par­ties prenantes du pro­jet : des ser­vices de l’État, des organ­ismes de for­ma­tion, des acteurs de la recherche et des asso­ci­a­tions, des start-up, ain­si que des entre­pris­es (grands groupes, ETI, PME) qui seront les béné­fi­ci­aires afin d’évaluer la fais­abil­ité. Et en par­al­lèle, nous avons observé ce que d’autres pays avaient mis en place en ce sens, dont Beer She­va en Israël, Skolko­vo en Russie, ou encore le Glob­al Cyber Cen­ter à New York. 

Nous avons remis au Pre­mier min­istre un rap­port très posi­tif sur la mobil­i­sa­tion de l’écosystème, dont l’ensemble des com­posantes a bien saisi qu’il est essen­tiel d’unir toutes les forces et de tra­vailler ensem­ble pour lut­ter con­tre toutes les formes de cyber­crim­i­nal­ité. Enfin, il est aus­si ressor­ti de ce tra­vail prélim­i­naire et des deman­des des dif­férents acteurs la néces­sité d’implanter le Cam­pus Cyber au cen­tre de Paris ou dans la pre­mière couronne ouest afin d’en faciliter l’accès à toutes les par­ties prenantes. 

Le Campus Cyber a donc vocation à être un lieu totem de la cybersécurité. En quoi est-ce essentiel de disposer d’une telle entité aujourd’hui ?

Dans une société où le numérique est omniprésent, la mise en place d’un écosys­tème cyber est le levi­er pour accélér­er la créa­tion d’une société numérique de confiance. 

À par­tir de là, le Cam­pus Cyber a voca­tion à met­tre en place des actions visant à fédér­er la com­mu­nauté de la cyber­sécu­rité et à dévelop­per des syn­er­gies entre ces dif­férents acteurs. À ce jour, 113 acteurs ont con­fir­mé leur engage­ment dans cette ini­tia­tive qui s’est con­stru­ite autour de 3 valeurs fortes : l’excellence, la con­fi­ance et le partage. 

En effet, pour lut­ter con­tre cette men­ace et les cyber­crim­inels qui sont, quant à eux, très bien organ­isés et struc­turés, il est essen­tiel de tra­vailler ensem­ble pour ren­vers­er le rap­port de force. L’idée est de favoris­er les syn­er­gies et le développe­ment d’une intel­li­gence col­lec­tive sur ces dif­férents sujets. Le Cam­pus Cyber n’est pas seule­ment un lieu physique avec des espaces de tra­vail pri­vat­ifs, c’est avant tout un lieu dédié à la col­lab­o­ra­tion et au partage. Dès les prémices de l’opérationnalisation du cam­pus, nous avons créé des groupes de tra­vail sur dif­férents sujets. Ces groupes sont très pro­lifiques et, alors que nous n’avons pas encore ouvert nos portes, plusieurs livrables sont déjà prêts : un rap­port d’anticipation sur l’évolution de la men­ace ; un référen­tiel de com­pé­tences des métiers de la cyber­sécu­rité ; une base com­mune de « Threat Intel­li­gence » com­posée des indices de com­pro­mis­sion assem­blés par les dif­férents parte­naires publics et privés ; une plate­forme de sim­u­la­tion pour la ges­tion de crises cyber, une plate­forme d’intelligence arti­fi­cielle dédiée à la cybersécurité… 

Plus de 200 experts issus de plus de 100 entre­pris­es et admin­is­tra­tions ont col­laboré pour pro­duire ces éléments. 

Quelles en seront les différentes parties prenantes ? 

Ensem­ble, nous for­mons une grande nation cyber. La France dis­pose d’une exper­tise sig­ni­fica­tive recon­nue dans ce domaine. Avec ce lieu totem, notre ambi­tion est de nous posi­tion­ner comme un acteur leader de la cyber­sécu­rité et de met­tre en avant notre capac­ité à se réu­nir et à créer un lieu dédié à ces enjeux, à l’innovation, la for­ma­tion et la technologie.

Le pilotage opéra­tionnel du Cam­pus Cyber sera assuré par une société par actions sim­pli­fiée (SAS). La société est détenue à 56 % par le privé (indus­triels, PME, start-up) et 44 % par le pub­lic. Je pré­side cette SAS. Son con­seil d’administration est représen­tatif de l’écosystème et est notam­ment com­posé de 9 col­lèges représen­tat­ifs de l’écosystème avec cha­cun 1 siège : ETI-PME, start-up, recherche (Inria, CNRS, CEA…), for­ma­tion (7 écoles), asso­ci­a­tions, insti­tu­tion­nels (le min­istère de l’Intérieur, le min­istère des Armées, le min­istère de la Jus­tice…), des indus­triels (Wave­stone, Head­Mind Part­ners…), une trentaine de groupes du CAC 40 et des cam­pus ter­ri­to­ri­aux. Le directeur de l’ANSSI a été offi­cielle­ment nom­mé mem­bre du con­seil d’administration de la SAS en qual­ité de représen­tant de l’État.

Situé au cœur de la Défense (la Tour ERIA), le Cam­pus Cyber va s’étendre sur 26 000 m2, dont 17 000 m2 d’espaces de tra­vail partagés ou privés, 6 000 m2 de plateau pro­jets et inno­va­tion, et 3 000 m2 dédiés à la formation. 

Quel sera son périmètre d’action ?

Le Cam­pus Cyber s’appuie sur 4 piliers : 

  • Les opéra­tions : partage des don­nées pour ren­forcer la capac­ité de cha­cun à maîtris­er le risque numérique ; rassem­ble­ment d’experts de l’analyse cyber afin de ren­forcer les capac­ités de veille, de détec­tion et de réponse à la men­ace… ; l’innovation : développe­ment des syn­er­gies entre les acteurs publics et privés pour ori­en­ter l’innovation tech­nologique et ren­forcer son inté­gra­tion dans le tis­su économique ; mise en place de pro­grammes com­muns qui rassem­bleront les indus­triels, les start-up et les cen­tres de recherche… ; 
  • La for­ma­tion : aide à la for­ma­tion ini­tiale et con­tin­ue des dif­férents publics (agents de l’État, salariés, étu­di­ant, per­son­nels en recon­ver­sion…) pour une mon­tée en com­pé­tence glob­ale de l’écosystème ; déploiement de pro­grammes com­muns d’entraînement et de for­ma­tion dis­pen­sés par des écoles ou des cen­tres de for­ma­tion ; partage de ressources matérielles et académiques ; sen­si­bil­i­sa­tion et créa­tion de nou­velles vocations… ;
  • L’innovation : le développe­ment des syn­er­gies entre les acteurs publics et privés pour ori­en­ter l’innovation tech­nologique et ren­forcer son inté­gra­tion dans le tis­su économique ; la mise en place de pro­grammes com­muns qui rassem­bleront les indus­triels, les start-ups et les cen­tres de recherche.
  • La mobil­i­sa­tion : dévelop­per un lieu vivant et ouvert dédié à la pro­gram­ma­tion d’événements inno­vants prop­ice, aux échanges et à la décou­verte des évo­lu­tions de la société numérique de con­fi­ance avec une équipe Cam­pus Cyber qui accom­pa­g­n­era la réal­i­sa­tion de con­férences, webi­naires, pod­casts, tables ron­des, pitchs, job dat­ing, créa­tion des com­muns de la cyber, expéri­men­ta­tions, learn­ing expe­di­tions, événe­ments inter­na­tionaux, speed dat­ing investisseurs.

Ces 4 piliers ser­vent un objec­tif com­mun : créer une grande nation cyber. À une échelle nationale, cela passe notam­ment par la volon­té de créer un réseau de cam­pus ter­ri­to­ri­aux avec des parte­nar­i­ats entre le Cam­pus et des pôles de cyber­sécu­rité en région (Hauts de France, Pays de la Loire, Rennes, PACA…). 

Aujourd’hui, en prenant exem­ple sur notre démarche, d’autres pays souhait­ent égale­ment se dot­er de leur pro­pre struc­ture, notam­ment à un niveau européen. L’enjeu est de se posi­tion­ner comme la référence, mais aus­si de con­tribuer à la créa­tion d’un réseau de cam­pus inter­na­tionaux afin de pou­voir met­tre en place un mail­lage européen qui vien­dra servir la sou­veraineté numérique européenne. 

À sa tête, quelle sera votre feuille de route et quels seront vos principaux enjeux ? 

Mon prin­ci­pal défi est de faire en sorte que le Cam­pus Cyber ne soit pas juste un pro­jet immo­bili­er, mais un pro­jet col­lab­o­ratif et col­lec­tif au sein duquel ver­ront le jour des syn­er­gies et une dynamique favor­able à la lutte con­tre la cyber­crim­i­nal­ité. Il s’agit aus­si de créer une mar­que recon­nue qui sera un gage de qual­ité, d’expertise et de con­fi­ance. Enfin, mon rôle est aus­si de con­tribuer à aug­menter l’attractivité de ce secteur pour sus­citer des voca­tions et attir­er les tal­ents et les com­pé­tences, mais égale­ment de féminis­er la profession. 

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