Union France Allemagne une utopie en marche

Dossier : Union France Allemagne une utopie en marcheMagazine N°Union France Allemagne une utopie en marche
En avril dernier, Alain Nicolaïdis (62) publiait dans nos colonnes un plaidoyer pour une union de la France et de l’Allemagne. Le groupe X‑Europe a tout naturellement voulu débattre de cette surprenante proposition avec son auteur, débat qui a eu lieu le 17 octobre à la Maison des X.

Ce soir-là, devant un salon Caro­line Aigle comble, Daniel Rey­del­let (64), pré­sident du groupe X‑Europe, a ouvert les débats en rap­pe­lant les dif­fi­cul­tés et obs­tacles qui s’accumulent face au grand pro­jet euro­péen – Brexit, mon­tées des popu­lismes, rejet des ins­ti­tu­tions euro­péennes, diver­gences de vue sur l’avenir en par­ti­cu­lier entre pays du Nord et pays du Sud… Ces dif­fi­cul­tés et obs­tacles sus­citent de nom­breuses pro­po­si­tions pour sor­tir de l’impasse, cer­tains allant même jusqu’à pro­po­ser de « ren­ver­ser la table », par exemple en recréant un noyau dur des anciens pays caro­lin­giens. La démarche de l’invité du jour s’inscrit dans cette pers­pec­tive de refon­da­tion de l’Europe.

Alain Nico­laï­dis, avant de don­ner place aux débats, a rap­pe­lé la teneur de son pro­jet ; il s’agit, pour créer au sein de l’Europe une vraie force d’entraînement, d’unir dans une enti­té unique les 13 régions fran­çaises et les 17 län­der alle­mands. Cette enti­té serait dotée d’une consti­tu­tion et d’un gou­ver­ne­ment fédé­ral et pour­rait pro­gres­si­ve­ment s’élargir par l’adhésion d’autres pro­vinces ou d’autres États de taille modeste. Pour aller vite, le pré­sident fran­çais et la chan­ce­lière alle­mande pour­raient créer une assem­blée consti­tuante et celle-ci pour­rait s’inspirer du modèle suisse.

Les échanges qui sui­virent furent riches et abor­dèrent une grande varié­té de ques­tions. Tout d’abord autour du pro­jet et de son conte­nu. Com­ment faire pas­ser les Fran­çais du col­ber­tisme et du jaco­bi­nisme à une culture du fédé­ra­lisme ? Com­ment conci­lier la diver­si­té des tem­pé­ra­ments – prus­siens et pro­ven­çaux par exemple ? Les coopé­ra­tions fran­co-alle­mandes n’ont pas tou­jours été faciles : seront-elles faci­li­tées par le nou­veau cadre ? Quel degré d’autonomie sera don­né à chaque région (langue, lois, bud­get, res­sources…) ? N’y a‑t-il pas un risque de dés­équi­libre entre les régions ger­ma­no­phones et les régions francophones ?

Les débats ont aus­si por­té sur la façon de don­ner corps à une telle uto­pie, sur les che­mins à suivre, les forces à mobi­li­ser, et sur­tout sur la façon d’amener l’adhésion des peuples. Ils ont don­né à Alain Nico­laï­dis l’occasion de rap­pe­ler que cette idée n’était pas inédite et avait été évo­quée depuis long­temps par des diri­geants fran­çais et alle­mands, le pre­mier ayant été Kon­rad Ade­nauer. Cer­tains ont fait remar­quer qu’il fau­drait sans doute un fac­teur déclen­chant pour que ce chan­tier soit ouvert : par exemple une véri­table catas­trophe – que nul ne sou­haite – ou l’émergence d’un lea­der euro­péen fort qui por­te­rait le pro­jet. La ques­tion de l’opinion publique est évi­dem­ment capi­tale et il fau­dra plus que des argu­ments ration­nels pour sus­ci­ter l’adhésion et l’enthousiasme néces­saires à un bas­cu­le­ment aus­si radi­cal. Cela passe vrai­sem­bla­ble­ment par l’affichage d’une ambi­tion forte et mobi­li­sa­trice, par exemple autour de l’idée de puis­sance – une puis­sance qui défende et pro­tège. Mais ne faut-il pas dési­gner un enne­mi pour que cette idée de puis­sance entre dans les esprits ? D’aucuns font remar­quer que, pour entraî­ner cette convic­tion, il faut un tra­vail de fond sur de nom­breuses années.

De nom­breuses ques­tions pra­tiques sur la mise en place d’une telle union ont éga­le­ment été abordées.

En conclu­sion, Daniel Rey­del­let a don­né son sen­ti­ment per­son­nel. Tout d’abord, les dif­fi­cul­tés évo­quées sont sur­mon­tables : quand on évoque les dif­fé­rences entre Fran­çais et Alle­mands, il ne faut pas oublier qu’entre Fran­çais d’une part et entre Alle­mands d’autre part, il y en a aus­si. En second lieu, la dyna­mique de ce pro­jet peut s’apparenter à celle d’un train auquel on accroche pro­gres­si­ve­ment des wagons.

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