Armagnac : l’eau-de-vie des mousquetaires

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°593 Mars 2004Rédacteur : Laurens DELPECH

Doyen des eaux-de-vie, l’armagnac existe depuis le XVe siè­cle. Il n’a pas eu la chance de béné­fici­er des mêmes facil­ités de trans­port que le cognac et a donc con­nu un des­tin plus con­fi­den­tiel, moins inter­na­tion­al. Mais il pos­sède des car­ac­téris­tiques qui le classent par­mi les plus grandes eaux-de-vie.

D’abord, les cépages autorisés pour le pro­duire sont très var­iés : on retrou­ve l’ugni blanc (le cépage du cognac), mais aus­si le colom­bard, le picpoul ou “ folle blanche ”, le jurançon, le baco, qui appor­tent une grande diver­sité aro­ma­tique. Ce sont des cépages tardifs, qui don­nent un vin léger mais très parfumé.

Le vin de dis­til­la­tion est élaboré de manière tra­di­tion­nelle : le soufrage et la chap­tal­i­sa­tion sont inter­dits. La région de pro­duc­tion pra­tique les deux types de dis­til­la­tion exis­tants, la charentaise (dou­ble dis­til­la­tion) et la dis­til­la­tion en con­tinu, qui donne des eaux-de-vie vieil­lis­sant plus rapidement.

Après la dis­til­la­tion, l’armagnac va pass­er cinq, dix, voire même vingt ans ou plus dans un fût de chêne qui lui apportera une com­plex­ité aro­ma­tique sup­plé­men­taire, et per­me­t­tra, grâce à la “ part des anges ” ou éva­po­ra­tion (qui peut attein­dre 3 % de l’eau-de-vie con­tenue dans le fût par an), “ d’oxyder ” l’armagnac et de dompter sa fougue alcoolique (l’alcool s’évaporant plus vite que l’eau, le degré alcoolique baisse de 1° à 1° 5 env­i­ron par an).

Une sim­pli­fi­ca­tion des dénom­i­na­tions a été adop­tée en 1999, il existe désor­mais qua­tre caté­gories d’eau-devie : la blanche d’armagnac (sans vieil­lisse­ment), l’armagnac (assem­blage de moins de six ans), le vieil arma­gnac (assem­blage de plus de six ans) et les mil­lésimes (une seule année de pro­duc­tion et au moins dix ans de maturation).

La zone d’appellation est répar­tie en trois secteurs prin­ci­paux : • Le Haut-Arma­gnac, le plus au sud, ne pro­duit que 5% de l’appellation, des eaux-de-vie surtout util­isées pour les assem­blages. • La Ténarèze, autour de Con­dom, donne des eauxde- vie corsées, qui vieil­lis­sent très bien. • Le Bas-Arma­gnac, à cheval sur les Lan­des et le Gers, avec ses “ sables fauves ” donne les arma­gnacs les plus fins et les plus aptes à vieillir.

Un des intérêts de l’armagnac est le recours aux mil­lésimes indiqués sur l’étiquette, qui per­met de faire de beaux cadeaux d’anniversaire, d’autant que l’armagnac doit vieil­lir plus longtemps que le cognac pour exprimer toutes ses qual­ités, plus de dix ans pour les hors d’âge et bien sûr davan­tage pour les mil­lésimes. Les meilleurs arma­gnacs ont une saveur aro­ma­tique, un côté déli­cat et racé qui donne une sen­sa­tion de per­fec­tion et d’harmonieuse pléni­tude. Ils sont dans tout l’éclat de leur matu­rité entre quinze et vingt ans. Trop jeunes, ils ont ten­dance à brûler le palais par leur feu, passé vingt ans, ils risquent de per­dre de leur fruit et de leur vivac­ité. Rap­pelons qu’il s’agit du temps passé en fût et non du mil­lésime (l’armagnac ne vieil­lit plus, une fois mis en bouteille). Vous pou­vez donc déguster sans crainte un 1961 ou un 1970, qui n’aura passé que vingt ans en fût…

Clas­sique­ment, on déguste l’armagnac en diges­tif. Il accom­pa­gne très bien le café car les arômes liés à l’élevage (boisé, gril­lé, fumé, café, cacao…) cor­re­spon­dent bien aux arômes du café. L’accord avec le cig­a­re est aus­si excel­lent. Qu’ils vien­nent de La Havane, du Hon­duras ou encore de Saint-Domingue, leurs arômes de miel, de cuir, de mousse de chêne, de poivre et de caramel sont très com­plé­men­taires de ceux de l’armagnac.

L’armagnac peut aus­si se déguster en apéri­tif, avec un ton­ic et une ron­delle de cit­ron, comme il peut être la base de plusieurs cock­tails orig­in­aux. Il s’accorde aus­si très bien avec quelques plats, par­ti­c­ulière­ment les plats sucrés­salés comme le magret de canard au miel, ou plus clas­sique­ment les desserts comme la tarte Tatin ou un moelleux au chocolat.

On peut aus­si l’utiliser en cui­sine, pour flam­ber des volailles ou des crus­tacés, déglac­er une pré­pa­ra­tion, aro­ma­tis­er une crème ou une pâtis­serie. Il y a mille façons d’aborder cette eau-de-vie sen­suelle et gour­mande, la plus anci­enne des eaux-de-vie françaises.

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