En 2018, Arthur Breitman (X02) a cofondé Tezos, qui est une plateforme évolutive de registres décentralisés pour le développement des contrats intelligents autour de la cryptomonnaie tez.

Tezos, une blockchain décentralisée fondée sur la preuve d’enjeu

Dossier : TrajectoiresMagazine N°792 Février 2024
Par Hervé KABLA (84)

En 2018, Arthur Breit­man (X02) a cofon­dé Tezos, qui est une pla­te­forme évo­lu­tive de registres décen­tra­li­sés pour le déve­lop­pe­ment des contrats intel­li­gents autour de la cryp­to­mon­naie tez. La fon­da­tion Tezos est un orga­nisme sans but lucra­tif qui coor­donne les moyens de déve­lop­pe­ment de cette infra­struc­ture. En sep­tembre 2020, sa capi­ta­li­sa­tion bour­sière attei­gnait 1,8 mil­liard de dol­lars, la pla­çant au 15e rang des cryptomonnaies.

Quelle est l’activité de Tezos ? 

Tezos est un réseau pair-à-pair décen­tra­li­sé per­met­tant les paie­ments en cryp­to­mon­naie et le déploie­ment de contrats intel­li­gents. Tout cela est ren­du pos­sible grâce à un logi­ciel open source per­met­tant à tout le monde de par­ti­ci­per à ce réseau. Tezos se dis­tingue d’autres blo­ck­chains par son modèle de gou­ver­nance, qui per­met au logi­ciel d’évoluer en per­ma­nence, par sa faible consom­ma­tion éner­gé­tique et par son atta­che­ment à la sécurité.

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Le pro­jet Tezos a deux fon­da­teurs, Arthur Breit­man – moi-même – et Kath­leen Breit­man. Je suis X2002 et j’ai sui­vi un mas­ter en mathé­ma­tiques finan­cières à NYU entre 2005 et 2007. J’ai pour­sui­vi une car­rière dans la finance, en par­ti­cu­lier le tra­ding haute fré­quence, entre des hedge funds et des banques (Gold­man Sachs, Mor­gan Stan­ley). J’ai aus­si tra­vaillé en robo­tique sur les véhi­cules auto­nomes chez Way­mo. Kath­leen, Amé­ri­caine née à New York, a obte­nu un bache­lor en phi­lo­so­phie de Cor­nell en 2013 et a pour­sui­vi sa car­rière chez Brid­ge­wa­ter, Accen­ture et R3, avant de se lan­cer dans Tezos.

Comment t’est venue l’idée ?

Tezos repose sur un constat : la gou­ver­nance des pro­jets open source par le fork ne s’adapte pas aux pro­jets de blo­ck­chain, dont l’intérêt est pré­ci­sé­ment de four­nir une ver­sion cano­nique d’une struc­ture de don­nées écrite de manière concur­ren­tielle. À ce constat s’ajoute le fait que de nom­breuses inno­va­tions, comme la preuve d’enjeu, sont venues après la créa­tion de nom­breuses blo­ck­chains. Com­ment main­te­nir à la fois la décen­tra­li­sa­tion des pro­jets et leur com­pé­ti­ti­vi­té tech­no­lo­gique ? Tezos apporte une solution.

Qui sont les concurrents ? 

Les prin­ci­paux concur­rents comme pla­te­forme de contrats intel­li­gents sont des réseaux comme Ethe­reum ou Sola­na. En termes de mon­naie, Bit­coin est bien évi­dem­ment le concur­rent le plus avancé.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

En août 2014, nous avons publié notre Posi­tion Paper. Puis, peu de temps après, nous avons pu mener une levée de fonds pour la fon­da­tion Tezos, qui est une enti­té à but non lucra­tif et qui finance de nom­breuses acti­vi­tés dans l’écosystème. Enfin, en juillet 2017, nous avons démar­ré le lan­ce­ment de la chaîne, opération­nelle en juin 2018.

Entre cryptomonnaies et blockchains, on a tendance à tout confondre (surtout si on a plus de 40 ans). Quelles sont les principales différences ? 

Une blo­ck­chain est une struc­ture de don­nées qui per­met de repré­sen­ter un led­ger (autre­ment dit un grand livre de comptes) par une série d’opérations pou­vant être véri­fiées de manière cryp­to­gra­phique. Autour de ces blo­ck­chains, on place en géné­ral un algo­rithme de consen­sus qui per­met de main­te­nir une ver­sion cano­nique, fai­sant foi, du led­ger. Cette construc­tion per­met la créa­tion de cryp­to­mon­naies décen­tra­li­sées. Au-delà de ces cryp­to­mon­naies, les blo­ck­chains auto­risent aus­si la créa­tion de contrats intel­li­gents qui per­mettent de répli­quer des acti­vi­tés finan­cières sans pas­ser par des inter­mé­diaires ou des tiers de confiance. C’est en un sens du séquestre auto­ma­tique. Le concept de cryp­to­mon­naie et celui de blo­ck­chain sont bien séman­ti­que­ment dif­fé­rents, mais il ne faut pas pour autant oppo­ser les deux ; les cryp­to­mon­naies res­tent à mon sens une des appli­ca­tions les plus impor­tantes et fonda­mentales de cette technologie.

Et, finalement, quel concept survivra sur le long terme ? 

Les deux. La moti­va­tion prin­ci­pale pour la blo­ck­chain est la créa­tion de cryp­to­mon­naie décen­tra­li­sée, et sans cryp­to­mon­naie on ne peut pas non plus faire tour­ner de blo­ck­chain décen­tra­li­sée. Les blo­ck­chains cen­tra­li­sées, qu’elles soient dis­tri­buées ou non, ont des coûts supé­rieurs et n’ont que des avan­tages limi­tés par rap­port aux solu­tions traditionnelles. 

Les fluctuations un peu erratiques du cours du bitcoin n’ont-elles pas un impact sur la confiance qu’on accorde à ce type de technologie ? 

Je pense qu’elles ont un impact sur la per­cep­tion des cryp­to­mon­naies, mais moins sur la tech­no­lo­gie elle-même. Cela dit, je rejette l’idée, qu’on entend par­fois en entre­prise, de la blo­ck­chain comme une excel­lente techno­logie, mais « souillée » par les méchantes cryptomonnaies.

L’enjeu environnemental associé à la blockchain semble également une donnée critique ; la blockchain survivra-t-elle au réchauffement climatique ?

Tezos a été la pre­mière chaîne à uti­li­ser un consen­sus construit sur la preuve d’enjeu avec une sécu­ri­té éco­no­mique. La consom­ma­tion d’énergie est mini­male, com­pa­rable à l’utilisation de n’importe quel autre logi­ciel d’IT. C’est un modèle qui est sui­vi aujourd’hui par pra­ti­que­ment toutes les blo­ck­chains, bien qu’encore récem­ment Ethe­reum ait uti­li­sé la preuve de tra­vail, très gour­mande en éner­gie. Il ne reste que Bit­coin comme chaîne de pre­mier plan uti­li­sant la preuve de travail.

Pour finir, quand pourrons-nous utiliser les tez pour payer la cotisation à l’AX ?

C’est à l’AX de prendre cette déci­sion, mais j’aiderai volon­tiers à l’intégration technique !

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