Lionel STOLERU (56)

Colloque de l’AX 2016 Table ronde : Insertion sociale , un peu d’audace

Dossier : Publications des lecteursMagazine N°Colloque de l'AX 2016 Table ronde : Insertion sociale , un peu d'audace

Les autres articles consacrés au colloque
 

 Présen­ta­tion générale (vidéos résumés) 

 Table ronde Énergie : un peu de sérieux (52 + 16 min.) 

 Table ronde Numérique : du rêve à la réal­ité (1 heure) 

 Inter­ven­tion de Jean-Paul Bail­ly (65) (27 min.) 

 Table ronde Emploi : un peu d’am­bi­tion (1 heure) 

 Con­clu­sion de Claude BÉBÉAR (12 min.) 

Les articles de la brochure concernant l’insertion sociale

Revenu de base : un consensus social est possible

Lionel STOLERU (56)
Ancien ministre et économiste

Le Sénat a récem­ment ren­du un rap­port favor­able au revenu de base. Pour l’ancien min­istre Lionel Stoléru, ce mécan­isme révo­lu­tion­naire serait effi­cace, mais aus­si beau­coup plus sim­ple tant pour l’administration que pour les citoyens. 

À une époque où un can­di­dat à l’élection prési­den­tielle a droit à une minute dans le débat télévisé pour dire com­ment réformer la France, il est dou­teux que les 400 pages du récent rap­port du Sénat sur le revenu de base soient lues et com­men­tées. C’est bien dom­mage car la vraie révo­lu­tion sociale de notre pays est dans ces pages qui, en pleine cam­pagne poli­tique, ont en out­re le mérite d’être cosignées par des séna­teurs de droite, du cen­tre et de gauche. Cela me rap­pelle le temps où M. Rocard et moi-même avions pu faire vot­er le RMI à l’unanimité.

La marche de l’Histoire, dans la lutte contre la misère, est claire

La marche de l’Histoire, dans la lutte con­tre la mis­ère, est claire. Le RMI don­nait de quoi manger à tous, mais sous forme sta­tique : 100 euros de gag­nés par un tra­vail le fai­saient dimin­uer de 100 euros. Pour don­ner une inci­ta­tion finan­cière au tra­vail, le RSA lui suc­cé­da, en ne dimin­u­ant que de 32 euros pour 100 euros de gag­nés. La prime d’activité qui vient de lui suc­céder uni­fie un peu plus le dis­posi­tif social en inté­grant l’ancienne prime pour l’emploi. Et le rap­port Sirugue de févri­er dernier pro­pose de rassem­bler tous les min­i­ma soci­aux. La voie est donc ouverte à une presta­tion unique. 

Laquelle ?

Le Sénat, au terme de nom­breuses audi­tions aux­quelles j’ai par­ticipé et de mis­sions à l’étranger pour s’informer des solu­tions à l’étude, s’est ral­lié au pro­jet d’un « revenu de base » qui con­forte le dis­posi­tif actuel en y ajoutant deux inno­va­tions « révolutionnaires ». 

La pre­mière, celle qui retien­dra le plus l’attention et fera le plus débat, con­siste à don­ner, de l’âge adulte à la mort, une même somme men­su­elle à tout citoyen quel que soit son revenu. 

Je pense que, en bas de l’échelle, depuis la créa­tion du RMI, on a exor­cisé le démon de la « prime aux fainéants » en con­statant que le niveau mod­este du RMI ou du RSA per­met de sur­vivre mais n’enlève pas la moti­va­tion de trou­ver un tra­vail. Par con­tre, en haut de l’échelle, l’idée de vers­er une prime men­su­elle à Mme Bet­ten­court ou à Car­los Ghosn va inex­orable­ment sus­citer une stupé­fac­tion et une indig­na­tion jusqu’à ce qu’on arrive à expli­quer que cette prime sera reprise par l’impôt. Vient alors la ques­tion : « pourquoi don­ner si c’est pour repren­dre ? ». Et la réponse : pour ne plus avoir à avoir des mil­liers de fonc­tion­naires deman­dant aux can­di­dats de rem­plir des dossiers de 15 pages et de jus­ti­fi­er leur sit­u­a­tion financière. 

Pour que les béné­fi­ci­aires n’aient plus honte à le deman­der et à être con­sid­érés comme des men­di­ants de la char­ité publique, de l’assistanat et autres stig­ma­ti­sa­tions. Tout citoyen, pau­vre ou riche, béné­fi­cie de la Sécu­rité Sociale : il en sera de même pour le revenu de base. 

Tout citoyen, pauvre ou riche, bénéficie de la Sécurité Sociale : il en sera de même pour le revenu de base.

La sec­onde révo­lu­tion, au moins aus­si impor­tante que la pre­mière, est de sor­tir cette aide du sys­tème social pour l’intégrer au sys­tème fis­cal. Finis les dossiers aux caiss­es sociales, aux aides départe­men­tales, et autres acteurs soci­aux syn­di­caux ou admin­is­trat­ifs. C’est l’impôt qui gère le dispositif. 

Pour pour­suiv­re la com­para­i­son précé­dente, chaque citoyen aura un compte fis­cal de la même manière qu’il a son compte médi­cal « AMELI » à l’Assurance Mal­adie. Ce compte fis­cal existe déjà par la mise en ligne de nom­breux contribuables. 

Chaque mois, tout citoyen, riche ou pau­vre, ver­ra appa­raître sur son compte fis­cal le verse­ment du revenu de base. S’il n’a aucun revenu, le Tré­sor Pub­lic lui enver­ra le chèque cor­re­spon­dant ou le vir­era sur son compte en banque. Au fur et à mesure qu’il acquiert des revenus, ce verse­ment dimin­uera, s’annulera à un cer­tain seuil au-delà duquel ce sera au citoyen de pay­er son impôt. La tranche supérieure des revenus com­portera, dans l’impôt glob­al, le reverse­ment inté­gral du revenu de base. 

Alors, reste évidemment la question essentielle : combien ?

Première réponse : le revenu de base doit être au moins égal au SMIC.

Pre­mière réponse, « lib­er­taro-utopiste » : le revenu de base doit être au moins égal au SMIC (1 000 euros par mois env­i­ron) pour que tout homme ou toute femme puisse con­duire sa vie sans référence oblig­a­toire au « tra­vail ». Dans cette con­cep­tion, tout être humain a par nature une activ­ité pro­pre qui lui per­met de s’épanouir, et, ce faisant d’apporter une con­tri­bu­tion à la société : le tra­vail, certes, mais aus­si la vie asso­cia­tive, la vie famil­iale, la pein­ture, l’ornithologie… Pourquoi une société riche ne lui en don­nerait-elle pas les moyens ? 

Deuxième réponse : le revenu de base doit être toujours nettement inférieur à la rémunération de tout travail à temps plein.

Deux­ième réponse (la mienne, acces­soire­ment) : le revenu de base est une « sécu­rité sociale » de base, un filet de sécu­rité qui per­met d’écarter l’angoisse de la faim, de la pau­vreté, de l’exclusion, qui per­met, dans une passe trag­ique de la vie, de sur­vivre et de pré­par­er son retour dans la société. Il doit donc être tou­jours net­te­ment inférieur à la rémunéra­tion de tout tra­vail à temps plein. Le niveau actuel du RSA (500 euros par mois env­i­ron) sem­ble répon­dre à la ques­tion, ce qui prou­ve, soit dit en pas­sant que le revenu de base ne coûtera pas plus cher que le dis­posi­tif actuel, et même sans doute moins grâce à la sup­pres­sion de mil­liers de fonc­tion­naires du sys­tème social actuel. 

Un rapport national transpartisan

La Suisse vient de vot­er sur ce sujet, avec 70 % de votes con­tre et 30 % de votes pour. Un jour ou l’autre, ces 30 %, score non nég­lige­able, devien­dront 50 %. La Fin­lande lance au 1er jan­vi­er prochain une expéri­men­ta­tion ambitieuse de ce dis­posi­tif. Le rap­port du Sénat, qui a com­pris le sens de l’Histoire pro­pose des expéri­men­ta­tions régionales. Plusieurs can­di­dats de gauche à l’élection prési­den­tielle com­men­cent à en parler. 

Qu’attendent les can­di­dats de droite pour en faire autant ? Que Mme Le Pen le pro­pose ? Ne voient-ils pas qu’il y a là un pro­jet nation­al transpar­ti­san ? Entre la paru­tion de mon livre sur le revenu min­i­mum et la créa­tion du RMI, il a fal­lu 15 ans. Entre le RMI et le RSA, il a fal­lu 20 ans. Entre le RSA et le revenu de base, il fau­dra sans doute à nou­veau 20 ans. 

Qu’importe, pourvu que nous avan­cions ! « Prenons garde, nous dis­ait déjà Paul Valéry, de ne pas entr­er dans l’avenir à reculons. » 

Jean SAAVEDRAL’apprentissage, une expérience unique

Jean SAAVEDRA
Conseil stratégique en projet d’éducation

Les écoles, puis les admin­is­tra­tions recu­lent volon­tiers devant les exi­gences humaines de l’apprentissage. Mais celles-ci pour­raient bien être le prix à pay­er pour arracher les jeunes de tous niveaux au sort qui leur est fait aujourd’hui.

Dans les années 1990, la région Île-de-France entrevoit l’impact décisif que pour­rait avoir l’apprentissage sur les rela­tions entre étab­lisse­ments d’enseignement et entre­pris­es. Elle en fait le fer de lance de sa poli­tique ter­ri­to­ri­ale. Il lui faut pour cela réanimer le bloc de l’apprentissage nation­al, figé dans l’affrontement sans mer­ci entre Édu­ca­tion nationale et organ­i­sa­tions patronales. L’une tient les diplômes ; les autres déti­en­nent les fonds des entreprises. 

L’idée de génie est de désta­bilis­er ce bloc en ouvrant l’apprentissage au-dessus et au-dessous des niveaux aux­quels il sévit, à charge pour l’enseignement supérieur d’être la loco­mo­tive de l’ensemble.

Il y a vingt-cinq ans, il n’y avait rien mais, en un sens, il y avait déjà tout


C’est ain­si que je peux con­tribuer au développe­ment de l’apprentissage à l’Essec, auprès du pro­fesseur Alain Bernard, son archi­tecte et son âme même, et à notre action com­mune de pro­mo­tion de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Aupar­a­vant, j’avais par­ticipé à la créa­tion à Pois­sy, au tout début des années 1990, d’un Cen­tre de for­ma­tion d’apprentis pré­parant aux CAP, BEP et BAC pro­fes­sion­nel com­merce des jeunes de zones sensibles. 

Revenir à Poissy

Il fal­lait revenir à Pois­sy pour ren­dre vivante une époque habitée par des pionniers. 

Je suis donc redescen­du à la gare de Pois­sy, j’ai longé la Col­lé­giale et me suis enfon­cé dans un mer­veilleux chemin pavé, assez large, qui ser­pente entre les murs des pro­priétés implan­tées sur ce qui fut le prieuré roy­al et le monastère des Domini­caines. Tout au bout de cet enc­los de l’abbaye, je suis repassé sous le porche pour admir­er cette cathé­drale laïque toute de pierre, de bois et de verre, dont la con­struc­tion, qui jouxte la grange de Pois­sy, fut orchestrée par les Bâti­ments de France et financée par le Con­seil région­al d’Île-de-France, sur le vaste ter­rain en pente situé à l’arrière du col­lège Notre-Dame de Poissy. 

De tous les beaux CFA érigés par la Région, celui-ci est sans doute l’un des plus élé­gants, l’un des plus iconiques aus­si, aux con­fins imag­i­naires du roy­aume de Saint Louis et des zones sensibles. 

Raconter l’histoire de l’apprentissage, c’était ressentir à nouveau le souffle puissant qui, dans les années 1990, s’est emparé des établissements d’enseignement de niveaux très différents qui se dotèrent de Centres de formation d’apprentis (CFA) afin de travailler comme jamais avec les entreprises au quotidien et de façon concrète. Mais impossible d’oublier que cette innovation essentielle pour la France – être révolutionnaire avec les entreprises et non pas contre elles – a déclenché une réaction d’intolérance relayée par la folie administrative de la collecte de la taxe, des réglementations mouvantes et des lobbyistes furieux. Il fallait donc retrouver le souffle avant de traiter de la folie.

L’invention d’un CFA

Quand j’y suis arrivé, il y a vingt-cinq ans, on entrait par le col­lège et der­rière, jusqu’à l’enclos, il n’y avait rien. Mais, en un sens, il y avait déjà tout car il y avait le pro­jet qui réu­nis­sait Pierre Gan­dos­si, le directeur de la mis­sion locale qui souhaitait offrir l’apprentissage aux jeunes qu’il accom­pa­g­nait, et Monique François, la direc­trice du col­lège, qui voulait déploy­er un dis­posi­tif d’enseignement allant jusqu’au bac et qui cher­chait déjà des pistes pour des élèves de troisième en souffrance. 

Ils avaient con­va­in­cu les pou­voirs publics d’ouvrir un CFA et allaient con­fi­er à un novice la direc­tion des opéra­tions. Pen­dant que le bâti­ment s’élevait, je m’appuyais simul­tané­ment sur la tra­di­tion péd­a­gogique de l’enseignement catholique et sur l’expérience de l’accompagnement de la mis­sion locale. 

Trouver des solutions

J’ai con­stru­it un binôme for­mé de Marie-Odile Morice, issue du col­lège, et Daniel Bléri­ot, un ancien édu­ca­teur qui avait oeu­vré dans le com­merce de chaus­sures. Pen­dant des années, ils recevraient ensem­ble tout jeune en déli­catesse avec l’école pour trou­ver une solu­tion. Lui arpen­tait la val­lée de la Seine et expli­quait l’apprentissage à tous les types de com­merces. Elle rece­vait les jeunes en dehors des cours et de l’entreprise, pour régler les mille prob­lèmes que l’on a à cet âge-là. 

Tel jeune, telle his­toire, telle envie, telle entre­prise. Pré­par­er le jeune, y met­tre le temps qu’il faut grâce à des passerelles spé­ci­fiques, trou­ver un con­trat, faire tenir le con­trat, retrou­ver un con­trat en cas de rup­ture, éviter que ni l’entreprise ni l’apprenti ne se découra­gent. Les for­ma­teurs effec­tu­aient des vis­ites régulières en entreprise. 

Suiv­re cha­cun, un par un, pen­dant des années. Michèle Pons, elle aus­si issue du col­lège, ani­mait l’équipe péd­a­gogique et résolvait les ques­tions d’examens. Les résul­tats étaient au ren­dez-vous et ils le sont restés : entre 90 % et 100 % aux dernières sessions. 

Le métier de l’apprentissage

Bruno Mari­ette, l’actuel directeur, qui accueille 450 appren­tis, m’a dit avoir perçu, dès sa prise de fonc­tions, cet ADN de l’accompagnement qui con­stitue la sig­na­ture de ce CFA. C’est cet ADN qui nous avait apporté nos heures de gloire, quand le recteur Fré­mont de l’académie de Ver­sailles, que j’invitai dans le bâti­ment flam­bant neuf, avait tenu à y rassem­bler les chefs d’établissement du pub­lic des envi­rons pour leur enjoin­dre d’orienter cer­tains de leurs élèves vers notre CFA : inou­bli­able pragmatisme. 

UN JOUR DE GLOIRE

Il y a eu aussi ce jour où Daniel et moi avons scellé avec le groupe Casino notre premier grand partenariat, qui dure toujours. Depuis, il y en a eu tant d’autres : toute la grande distribution alimentaire, l’univers de la maison, Bricolex, Castorama, et aussi Norauto, Marks & Spencer, Emling, Allianz, La Poste, LCL, sans parler des boutiques toujours fidèles.

Le CFA s’est adap­té à l’émergence d’un bac pro en trois ans et aux licences pro­fes­sion­nelles, tout en demeu­rant expert en ingénierie pour accrocher les décrocheurs, en main­tenant des par­cours aux­quels d’autres renon­cent, en se mon­trant vig­i­lant lors des tran­si­tions qui sont autant de moments cri­tiques. Mais toutes ces exten­sions n’ont été pos­si­bles que parce que la struc­ture de direc­tion a su se situer entre le corps pro­fes­so­ral et l’entreprise.

Trop de col­lu­sion avec le corps pro­fes­so­ral, et on entre au lycée pro­fes­sion­nel ; trop d’influence des entre­pris­es, et l’on perd de vue l’ouverture diplô­mante. Du point de vue macroé­conomique, le monde de l’enseignement et celui de l’entreprise sont hos­tiles l’un à l’autre. Il faut retourn­er cette hos­til­ité, matière pre­mière avec laque­lle nous tra­vail­lons. Il faut créer du lien entre le for­ma­teur, l’apprenti et le maître d’apprentissage. Faire des réu­nions à trois, où le for­ma­teur expose la pro­gres­sion organ­isée par l’alchimie des cours, le maître d’apprentissage les pro­jets de son entre­prise et l’apprenti ses réal­i­sa­tions. L’apprentissage est une vic­toire sur le malaise qui domine les rela­tions entre le monde de l’éducation et celui de l’entreprise.

Une scolarité heureuse

Avec l’expérience de Pois­sy, j’ai appris à déchiffr­er le dis­posi­tif telle­ment inven­tif qui s’installait à l’Essec. L’apprentissage parachevait des années d’évolution des écoles de man­age­ment, il assur­ait la fusion du recours aux stages et de la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion du corps pro­fes­so­ral. Un intense tra­vail de paramé­trage de la for­mule de l’apprentissage Essec était mené à coups d’enquêtes très sophis­tiquées dans lesquelles s’impliquaient les appren­tis, cer­tains pro­fesseurs et les respon­s­ables RH d’entreprises comme Shell ou IBM. 

Le CFA était la direc­tion du développe­ment du groupe et, à tra­vers son prisme, se décidaient les options qui ont fait l’Essec d’aujourd’hui. Les allées et venues dans les entre­pris­es de ces appren­tis à la sco­lar­ité heureuse révo­lu­tion­naient l’école et tout l’enseignement supérieur français qui décou­vrait que l’apprentissage, qui allait comme un gant à l’Essec, était tout sim­ple­ment le mod­èle achevé des grandes écoles français­es. L’Essec était de plain-pied avec la réal­ité et entrait sans heurts dans la glob­al­i­sa­tion. Mais l’alerte aurait dû venir de ces pro­fesseurs pour qui il était impos­si­ble d’assurer les rela­tions à trois en entreprise. 

Un dispositif trop exigeant

La vérité est toute sim­ple, le dis­posi­tif était trop exigeant. L’éducation à la réal­ité qu’offre le tutorat ou l’accompagnement de l’apprenti, tout le monde n’est pas à même de la dis­penser. On peut être un très bon pro­fesseur sans avoir envie de puis­er en soi les ressources néces­saires à l’accomplissement d’une telle tâche. 

L’apprentissage est une victoire sur le malaise qui domine les relations entre éducation et entreprise


Le temps s’est sus­pendu dans l’enseignement supérieur : l’Essec demandait trop. Et c’est HEC, en créant la vogue de l’année de césure, qui a soulagé toute une pro­fes­sion en vidant de son exi­gence le mod­èle mis à jour par l’Essec et son effort inédit de coopéra­tion des mon­des de l’éducation et de l’entreprise. Dans les affron­te­ments qui s’en sont suiv­is, l’Essec a lais­sé trop de forces pour pou­voir devenir la loco­mo­tive de tout l’apprentissage et, par exem­ple, amen­er le CFA de Pois­sy dans une entre­prise proche de l’Essec pour un parte­nar­i­at tri­par­tite fondé sur une expéri­ence com­mune, unique. Le souf­fle était trop court. 

La folie administrative

Tous les affron­te­ments, à peine évo­qués ici, se cristallisèrent sur la taxe d’apprentissage qui devint un enjeu démesuré pour tout l’enseignement supérieur. À tel point que les régions craig­nirent que ce dernier ne finisse par con­fis­quer l’argent des autres niveaux de l’apprentissage. Alors, par un retour de bal­anci­er, à l’heure où l’on est cen­sé aimer les entre­pris­es, on réduisit con­sid­érable­ment leur anci­enne capac­ité d’affecter leur taxe à l’établissement d’enseignement de leur choix. 51 % de cette taxe seront désor­mais affec­tés par les régions et plutôt aux bas niveaux de qualification. 

Ce genre d’argument admin­is­tratif est impa­ra­ble. L’orientation annon­cée de l’argent vers les bas niveaux de qual­i­fi­ca­tion vaut bien la sup­pres­sion d’une liber­té. Mais, sub­rep­tice­ment, cette dif­féren­ci­a­tion en hauts et bas niveaux ne serait-elle pas un renon­ce­ment de plus, car, si l’éducation est une pri­or­ité, ne faudrait-il pas abon­der l’ensemble du sys­tème de l’apprentissage ? Le divis­er n’est-ce pas déjà une façon de l’affaiblir en tant que tel ? 

Une autre injonc­tion admin­is­tra­tive du même type nous apprend, dans un rap­port récent du Con­seil d’analyse économique (CAE), que l’apprentissage « devrait con­cern­er en pri­or­ité les jeunes sans diplôme ». Mais au CFA de Pois­sy, il devient de plus en plus dif­fi­cile d’attirer ces jeunes, or une cen­taine d’entre eux pour­raient y être accep­tés sur-le-champ. Où sont-ils ? Sont-ils injoignables du fait de leur sit­u­a­tion dégradée ? Mais surtout n’est-ce pas une vieille tac­tique de nous dire ce que nous devons faire pour nous détourn­er de ce que nous faisons ? 

Bertrand CHÉDÉNQT, le réseau des entreprises pour l’égalité des chances

Bertrand CHÉDÉ
Responsable national partenariats et bénéficiaires de l’association NQT

Née d’une expéri­men­ta­tion auprès de 200 jeunes diplômés en 2005, l’association NQT a per­mis à 30 000 jeunes diplômés issus de milieux soci­aux mod­estes, dont cer­tains rési­dent en quartiers pri­or­i­taires, de trou­ver emploi pérenne et qual­i­fié, en inscrivant son action dans les engage­ments socié­taux des entre­pris­es qui la soutiennent. 

En 2005, Yazid Chir et Ray­nald Rim­bault, alors prési­dent et délégué général du Medef 93 Ouest, hommes d’entreprises qui con­nais­sent bien les spé­ci­ficités du ter­ri­toire de la Seine-Saint-Denis, s’inquiètent de la sit­u­a­tion des jeunes diplômés. Leur chô­mage est par­ti­c­ulière­ment impor­tant, et surtout celui des jeunes diplômés issus de quartiers pri­or­i­taires ou de milieux soci­aux mod­estes. Ces jeunes diplômés man­quent de con­fi­ance et de méthodolo­gie, leurs con­nais­sances du marché du tra­vail, du monde de l’entreprise et de ses codes sont insuff­isantes pour répon­dre aux exi­gences des employeurs, et le réseau pro­fes­sion­nel leur fait défaut. 

C’est en réponse qu’est mise en place l’opération « Nos Quartiers ont des Tal­ents », qui donne nais­sance à un accom­pa­g­ne­ment indi­vid­u­al­isé des jeunes diplômés vers l’emploi grâce au sou­tien d’un réseau d’entreprises engagées et de leurs col­lab­o­ra­teurs. Les jeunes accom­pa­g­nés sont tous diplômés d’un bac + 3 min­i­mum, Île-de-France excep­tée où le mas­ter 1 est req­uis, au minimum. 

LES CHIFFRES CLÉS

32 000 jeunes diplômés accompagnés depuis 2005
8 140 parrains marraines impliqués
800 partenaires-mécènes
69 % des jeunes diplômés trouvent un emploi en 6 mois en moyenne

Parrainage collégial

Dans le cadre du par­rainage col­lé­gial, l’entreprise pro­pose à ses col­lab­o­ra­teurs cadres ou assim­ilés d’accompagner bénév­ole­ment un jeune diplômé. Le par­rainage NQT n’est pos­si­ble que si l’entreprise sou­tient l’association. Les par­rains et mar­raines font béné­fici­er de leur expéri­ence les « filleuls » qu’ils accom­pa­g­nent dans leur recherche, coachent et aident à la con­sti­tu­tion de leur réseau. NQT veille à faire cor­re­spon­dre le domaine de for­ma­tion des filleuls et le domaine d’expertise des par­rains ou des marraines. 

Animations RH

Ces actions per­me­t­tent aux entre­pris­es mécènes de sen­si­bilis­er les jeunes diplômés aux métiers et réal­ités des entre­pris­es et des secteurs d’activité, tout en inscrivant leur action dans une démarche glob­ale de trans­mis­sion des savoirs et de val­ori­sa­tion des savoir-être et des savoir-faire. 

De dif­férents for­mats, elles sont ani­mées par des col­lab­o­ra­teurs RH ou métiers : ate­liers coach­ing, décou­vertes des métiers ou d’un secteur d’activité, vis­ites de site ou de ser­vices, actions en faveur de la trans­féra­bil­ité de com­pé­tences, ou encore afterworks. 

Un regard de chercheurs

« Nous vous pro­posons de con­tribuer au livre blanc que va éditer l’association NQT à l’occasion des dix ans de son expéri­men­ta­tion fon­da­trice, et qui sera présen­té au prési­dent de la République. » Telle était l’offre faite au Cen­tre de recherche en ges­tion de l’X (CRG), et qui a rassem­blé qua­tre chercheurs de l’École et un de Neo­ma Busi­ness School. Dès les pre­miers con­tacts, NQT a frap­pé par l’énergie qu’elle véhic­u­lait, un atout pré­cieux pour des jeunes diplômés, sou­vent découragés, qui arrivaient dans le giron de l’association après de nom­breux échecs. 

Ensuite, c’est l’originalité du dis­posi­tif qui sur­prend, par l’articulation qu’il réalise entre deux mon­des aus­si éloignés que celui de l’entreprise, représen­tée par des cadres dirigeants de haut niveau, et celui de jeunes diplômés qui vien­nent soit de quartiers pri­or­i­taires, soit de caté­gories sociales défa­vorisées. Enfin, NQT se dis­tingue aus­si par sa réussite. 

Une relation singulière mais reproductible

Sin­gulière, la rela­tion de par­rainage véhicule des attentes par­ti­c­ulières, l’un des enjeux étant de réus­sir à créer ce noeud entre les dif­férentes par­ties prenantes. Pour le par­rain, il s’agit de dégager quelques heures pour ren­con­tr­er le jeune diplômé. Motivés par l’envie d’aider la jeune généra­tion, de refuser l’injustice et l’exclusion, ou encore de ren­dre le coup de pouce qu’ils ont reçu, les par­rains revis­i­tent un CV, aident à pré­par­er un entre­tien, ouvrent un réseau, tra­vail­lent sur la con­fi­ance en soi du jeune diplômé. Pour le jeune diplômé, le sim­ple accès à l’entreprise et à un cadre de haut niveau est déjà un pre­mier pas vers cette confiance. 

Créer la bonne rencontre

Il se peut que, d’un côté comme de l’autre, cela ne fonc­tionne pas. Le tra­vail de NQT est alors de réaigu­iller, de réa­juster, de créer la « bonne » ren­con­tre entre par­rain et jeune. De rel­a­tivis­er aus­si cer­taines attentes : ain­si, les jeunes ne doivent pas voir dans la rela­tion de par­rainage l’occasion de trou­ver un emploi dans l’entreprise du par­rain. On le voit, le respect de la sin­gu­lar­ité et de la rela­tion per­son­nelle est une préoc­cu­pa­tion con­stante de NQT. Mais com­ment faire pour con­cili­er cette exi­gence avec le fonc­tion­nement à grande échelle de l’association ?

Singulière, la relation de parrainage véhicule des attentes particulières


Côté par­rains, c’est un suivi détail­lé du par­cours du par­rain qui est réal­isé, grâce à des ren­con­tres et appels réguliers. Mais c’est aus­si grâce au lien avec les entre­pris­es que se fait ce tra­vail à plus grande échelle. Des « bilans de par­rainage » sont régulière­ment organ­isés dans les entre­pris­es. De manière plus quo­ti­di­enne, les per­son­nes référentes dans les entre­pris­es sont un relais pour trou­ver de nou­veaux par­rains et soutenir les par­rains existants. 

Côté jeunes, l’un des défis est celui du sourc­ing des jeunes, qui ren­voie à la néces­sité de mieux faire con­naître le dis­posi­tif. Com­ment faire savoir et dif­fuser au plus grand nom­bre le ser­vice offert tout en essayant de nouer un con­tact direct et per­son­nal­isé avec le jeune diplômé ? La prise en charge indi­vid­u­al­isée repose ensuite large­ment sur le par­rain et sur des con­tacts réguliers avec NQT, ain­si que sur la par­tic­i­pa­tion à des activ­ités pro­posées par l’association.

Un espace des possibles

Au-delà du principe sim­ple et effi­cace du par­rainage, l’association en est venue à dévelop­per avec ses parte­naires-mécènes un ensem­ble d’autres « out­ils » et dis­posi­tifs. Il y a par exem­ple les ses­sions d’accompagnement col­lec­tif, où se ren­con­trent un groupe de jeunes et un groupe de salariés de la même entre­prise (sou­vent une équipe), pour un ate­lier sur les CV, une présen­ta­tion de l’entreprise.

Il y a aus­si, avec les parte­naires publics comme les col­lec­tiv­ités ou les uni­ver­sités, l’organisation de ren­con­tres rassem­blant les jeunes d’un ter­ri­toire don­né, pour dynamiser les actions d’insertion locale vers l’emploi. Du seul dis­posi­tif du par­rainage, qui tire en par­tie son évi­dence de sa sim­plic­ité, on est passé à un ensem­ble de dis­posi­tifs rassem­blés dans le cadre d’un partenariat. 

Un laboratoire permanent

Qu’est-ce qui car­ac­térise ces parte­nar­i­ats ? Ils per­me­t­tent un fonc­tion­nement à deux niveaux, puisqu’ils favorisent la par­tic­i­pa­tion des indi­vidus tout en garan­tis­sant une place à l’institution. C’est une des clés de l’image de lab­o­ra­toire per­ma­nent ren­voyée par NQT : en fonc­tion­nant comme un meu­ble à mul­ti­ples tiroirs, lais­sant chaque acteur, privé ou pub­lic, indi­vidu­el ou insti­tu­tion­nel, trou­ver une place dans l’action asso­cia­tive, elle favorise les ren­con­tres, les inter­ac­tions, les sur­pris­es, les idées. Les parte­nar­i­ats offrent un espace rela­tion­nel sta­bil­isé à l’intérieur duquel une diver­sité d’actions est possible. 

Transmettre des énergies

Toutes les actions évo­quées précédem­ment ne seraient pas aus­si effi­caces sans la for­mi­da­ble énergie qui cir­cule dans le réseau NQT. Tel un courant élec­trique, celle-ci vient ali­menter, nour­rir et démul­ti­pli­er les ini­tia­tives et les actions engagées. Cette énergie, qui sus­cite l’engagement des acteurs, passe générale­ment par des ren­con­tres par­ti­c­ulières – entre tel dirigeant d’entreprise soucieux et l’un des mem­bres de l’association, entre tel par­rain et tel jeune sur un ensem­ble d’actions à men­er con­join­te­ment –, mais aus­si (et surtout) par des événe­ments col­lec­tifs créés par NQT. 

Créer des liens

Les lance­ments et autres bilans de par­rainage, les événe­ments fes­tifs organ­isés par l’association, les séances d’information organ­isées chez les parte­naires publics en direc­tion des jeunes diplômés, les réu­nions d’intégration à des­ti­na­tion des jeunes nou­velle­ment entrés dans le dis­posi­tif, les remis­es de trophées NQT con­stituent autant d’événements fédéra­teurs et mobil­isa­teurs qui per­me­t­tent de créer des liens, de sen­si­bilis­er les acteurs, de sus­citer des voca­tions (de par­rains ou mar­raines), de dévelop­per le sen­ti­ment d’appartenance à la com­mu­nauté NQT et de don­ner du sens à l’action collective. 

Ces événe­ments per­me­t­tent aus­si de faire naître chez les par­tic­i­pants un cer­tain nom­bre d’émotions et de sen­ti­ments posi­tifs qui sont des leviers puis­sants sur le plan de l’engagement et de la moti­va­tion. Cette force, cette énergie impal­pa­ble et dif­fi­cile à objec­tiv­er con­stitue un act­if immatériel, une sorte de « cap­i­tal social » qui est l’une des sources de la per­for­mance de NQT. 

DES ENTREPRISES ENGAGÉES POUR L’ÉGALITÉ DES CHANCES

Les entreprises sont au coeur de l’association. Outre les grands groupes, des ETI, PME et TPE sont toujours plus nombreuses à rejoindre les rangs des partenaires-mécènes de NQT.
De même, la mobilisation des collaborateurs est un enjeu décisif. Il est essentiel que le nombre de parrains et marraines croisse dans une proportion similaire à celui des jeunes diplômés. En 2015, plus de 220 entreprises adhérentes sont des PME, près de 120 sont des ETI et plus de 20 sont des grands groupes, dont 13 ont plus de 20 000 salariés.
En 2015, NQT s’est lancé un grand défi : accompagner 100 000 jeunes d’ici à 2025.

Franck CHAIGNEAUUne utopie qui dure

Franck CHAIGNEAU
Fondateur des tables de CANA

Depuis 30 ans, du point de vue de l’emploi, la sit­u­a­tion s’est grave­ment détéri­orée, reléguant les plus frag­iles au rang de lais­sés-pour-compte d’un mod­èle économique de plus en plus con­traig­nant. Face aux con­traintes de pro­duc­tiv­ité et au coût du tra­vail, les besoins en qual­i­fi­ca­tions gran­dis­sant sans cesse, la liste des « inadapt­a­bles » s’allonge. L’automatisation, plébisc­itée au nom du pro­grès, rem­place pro­gres­sive­ment le tra­vail humain peu qual­i­fié. L’industrialisation rem­place l’artisanat. La mon­di­al­i­sa­tion et la finan­cia­ri­sa­tion exclu­ent beau­coup plus qu’elles n’incluent.

C’est en 1985, dans un envi­ron­nement économique dom­iné par le début de la crise du chô­mage – avec 300 000 inscrits – et le début de la mar­gin­al­i­sa­tion des plus dému­nis, qu’est créée La Table de Cana. Depuis, l’association assume une mis­sion d’insertion par l’activité économique (IAE) dans le secteur du trai­teur et de la restauration. 

Après avoir accom­pa­g­né des mil­liers de béné­fi­ci­aires force est de con­stater que les « freins à l’emploi » repérés en phase d’insertion des act­ifs mar­gin­al­isés, sont les maux clas­siques affligeant notre société 

  • dépres­sion, mar­gin­al­ité, suren­det­te­ment, drogue, mau­vaise ali­men­ta­tion, vio­lence, etc. 
  • mais trou­vent leur caisse de réso­nance dans l’absence d’emploi et le sen­ti­ment d’injustice.

Schéma de fonctionnement des tables de Cana
Voici com­ment La Table de Cana de Gen­nevil­liers, à l’instar des autres Table de Cana, résume son impact sociétal

Deux tiers des effec­tifs de La Table de Cana sont con­sti­tués de publics très éloignés du marché de l’emploi (85 % ont un niveau CAP ou inférieur et 50 % perçoivent le RSA Socle) à qui elle pro­pose un accom­pa­g­ne­ment per­son­nal­isé dans sa glob­al­ité. L’objectif est dou­ble : appren­dre un méti­er avec le com­porte­ment pro­fes­sion­nel adap­té, iden­ti­fi­er et agir sur les freins à l’emploi dans un périmètre très large. 

Le but étant d’aborder le marché du tra­vail avec disponi­bil­ité et ouver­ture en vue de s’y main­tenir dans le temps. 

Vers un impact sociétal grandissant

L’entreprise d’insertion a pour mis­sion de con­cili­er l’économique et le social, un équili­bre entre deux con­traintes antin­o­miques par nature : la recherche du prof­it pour péren­nis­er l’entreprise et une action sociale réfléchie visant des objec­tifs de pro­grès indi­vidu­els. Elle est un lieu d’échanges et d’interactions et, par beau­coup de côtés, un véri­ta­ble lab­o­ra­toire d’expériences.

Remplacer le droit au chômage par le droit à l’emploi


En ten­sion per­pétuelle entre des par­ties prenantes pas tou­jours en cohérence (clients, four­nisseurs, pou­voirs publics, béné­fi­ci­aires et référents soci­aux, salariés per­ma­nents), elle est prédis­posée à dévelop­per une approche holis­tique fondée sur la recherche de sens. 

La chaîne de sens

  • Une gou­ver­nance par­tic­i­pa­tive impli­quant tous ses per­ma­nents dans les déci­sions du quo­ti­di­en et dans ses résul­tats, invi­tant les col­lab­o­ra­teurs à devenir des coélab­o­ra­teurs au ser­vice des clients et de l’insertion.
  • Un choix de cui­sine « fait mai­son », plus lourd et à con­tre ten­dance, mais por­teur de for­ma­tion et per­me­t­tant la trans­mis­sion d’un pré­cieux savoir-faire. 
  • Des appro­vi­sion­nements don­nant la pri­or­ité aux pro­duits frais, de sai­son, issus de l’économie locale et arti­sanale, sou­vent aus­si bio ou équita­bles, garants de qual­ité et de san­té, et respectueux de l’homme et de son environnement. 
  • Un fort impact sur l’emploi local en tant qu’employeur direct, en posant des choix à forts besoins de maind’oeuvre (restau­ra­tion tra­di­tion­nelle et inser­tion), et indi­rect, en plébisc­i­tant des appro­vi­sion­nements de la petite dis­tri­b­u­tion de proximité. 
  • Une démarche écore­spon­s­able volon­tariste, engagée dans les enjeux d’une planète durable et au ser­vice de l’homme.
  • Une presta­tion sociale réfléchie pour et avec des exclus du marché du tra­vail grâce à un accom­pa­g­ne­ment per­son­nal­isé et glob­al visant l’épanouissement indi­vidu­el et l’emploi pérenne. 
  • Une entre­prise trans­par­ente, ouverte aux parte­nar­i­ats avec clients, entre­pris­es, insti­tu­tions du monde asso­ci­atif, por­teurs de créa­tion d’emploi et de jus­tice sociale. 

Si au lieu de remet­tre à l’emploi des salariés qui, à chô­mage con­stant, pren­dront inévitable­ment la place d’autres, à l’image d’un vase trop plein, une évo­lu­tion volon­taire de la société per­me­t­tait la créa­tion de nou­veaux emplois pour les plus frag­iles, on enclencherait un cer­cle vertueux aux effets démultipliés. 

Pourquoi alors, ne pas oser mur­mur­er tout haut l’utopie du rem­place­ment du droit au chô­mage par le droit à l’emploi ?

Louis BROUSSE (53)Plaidoyer pour la réinsertion des sortants de prison

Louis BROUSSE (53)
Président d’honneur de Motorola

Pour beau­coup de nos conci­toyens, la libéra­tion d’un détenu est perçue comme un dan­ger pour la société. Cette atti­tude est en par­tie la con­séquence de la médi­ati­sa­tion des grandes affaires judi­ci­aires. Les médias ne s’intéressent qu’aux cas les plus spec­tac­u­laires, dans lesquels les vic­times attirent la com­pas­sion de l’opinion publique qui, en retour, con­damne le prévenu sans nuances. 

Le 9 jan­vi­er 2013, à l’occasion de l’audience solen­nelle de ren­trée de la cour d’appel de Paris, Jacques Degran­di, Pre­mier Prési­dent, déclarait ain­si : « La mise en scène du mal­heur des­tinée à favoris­er le deuil des vic­times déna­ture la jus­tice pénale et la trans­forme en sim­ple instru­ment de vengeance col­lec­tive et indi­vidu­elle ». L’horreur des atten­tats ter­ror­istes a encore accru le rejet indis­crim­iné de ceux qui ont con­nu la prison, quelle qu’ait pu être la rai­son de leur incarcération. 

Tous les détenus ne sont pas des criminels ou des délinquants dangereux

Les per­son­nes coupables de crimes, de dél­its sex­uels ou pas­si­bles de peines lour­des ne représen­tent qu’une minorité de con­damnés. La pop­u­la­tion car­cérale est extrême­ment diverse : qu’y a‑t-il de com­mun entre un braque­ur de bijouterie, un vendeur de cannabis, un escroc, un voleur de voiture ou un jeune con­damné à deux mois de prison pour con­duite sans per­mis ? L’opprobre, com­préhen­si­ble, envers les auteurs de dél­its graves aux con­séquences douloureuses, s’étend à l’ensemble des délinquants. 

Trop de nos conci­toyens en vien­nent à con­sid­ér­er que la place d’un con­damné est en prison, quelle que soit la faute qu’il a com­mise, et qu’il serait préférable qu’il en sorte le plus tard pos­si­ble. Il n’en reste pas moins que 87 000 détenus sor­tent chaque année de prison. Et, sauf à décider que désor­mais tout délit sera puni d’emprisonnement à vie, ce nom­bre ne peut guère diminuer. 

Rendre la prison enfin utile

Un détenu sor­tant de prison se retrou­ve sans emploi, sans argent et sou­vent sans abri : c’est une recette garantie pour la récidive. 

Et c’est bien ce que l’on con­state : 38 % des détenus sont des récidi­vistes. La prison n’a pas le pou­voir de dis­sua­sion que l’opinion publique en attend. L’Institut Mon­taigne, ce groupe de réflex­ion de haut niveau créé par Claude Bébéar (X 55), fon­da­teur d’AXA, a pub­lié un rap­port remar­quable inti­t­ulé Com­ment ren­dre la Prison (enfin) utile. Ce rap­port souligne le rôle essen­tiel des associations. 

38 % des détenus sont récidivistes


Il com­mence ain­si : « Vous ne savez pas qui je suis : j’ai fait trois mois à Bois‑d’Arcy. » C’est ce qu’a hurlé ce jeune homme aux policiers qui l’appréhendaient pour vio­lence sur la voie publique. Il a été con­damné en com­paru­tion immé­di­ate à deux mois de prison ferme. Qui peut croire qu’il appren­dra pen­dant ces deux mois ce qu’il n’a pas appris pen­dant les trois mois précédents ? 

Et d’ajouter : En France, comme l’indique un taux de récidive élevé, la prison ne rem­plit pas son rôle de réin­ser­tion. Cela est par­ti­c­ulière­ment vrai des jeunes gens con­damnés à de cour­tes peines : leur pas­sage en prison, loin d’être béné­fique, se révèle sou­vent cat­a­strophique. C’est à eux que le Groupe de tra­vail Prison de l’Institut Mon­taigne a souhaité con­sacr­er ce rapport. 

Enrayer la récidive, aider les sortants de prison à prendre un nouveau départ

Aux côtés de l’administration péni­ten­ti­aire les asso­ci­a­tions ont pour mis­sion de faire com­pren­dre aux détenus ou sor­tants de prison la portée de leurs actes et de les pré­par­er à une autre vie que l’enchaînement de dérives qui con­duisent à des peines de plus en plus lour­des. Leur réin­ser­tion est ren­due dif­fi­cile par leur très faible niveau d’instruction (29 % sont issus de cur­sus courts ou d’échecs du sys­tème sco­laire, 27 % échouent à un bilan de lec­ture) et par l’absence de qual­i­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle (80 % ne dépassent pas le niveau CAP). En prison les détenus, désoeu­vrés, vivent dans un univers clos (en cel­lule 23 heures sur 24) où ils per­dent tout lien social, ce qui rend encore plus aléa­toire leur réin­ser­tion dans la société : 60 % des détenus sor­tant sans accom­pa­g­ne­ment retour­nent en prison dans les cinq ans. 

Et en effet, après une mise en exa­m­en, une con­damna­tion, un séjour en prison, il est humaine­ment impos­si­ble, de but en blanc, de se présen­ter en face de recru­teurs dans les dis­po­si­tions qu’il faut pour être reçu et accep­té. Reso­cialis­er les délin­quants, les remet­tre au niveau d’instruction min­i­mum indis­pens­able, leur don­ner une for­ma­tion pro­fes­sion­nelle répon­dant aux besoins du marché du tra­vail, encour­ager les entre­pris­es à accepter les sor­tants de prison con­stituent à l’évidence ce que le Général de Gaulle dis­ait du Com­mis­sari­at au Plan : une ardente nécessité. 

Un exemple concret

L’association recon­nue d’utilité publique l’Îlot a créé en 2009, à Paris puis en Seine-Saint-Denis, un dis­posi­tif inno­vant à des­ti­na­tion des plus jeunes : l’Atelier Qual­i­fi­ca­tion-Inser­tion. L’Atelier accueille essen­tielle­ment des hommes (97 % de la pop­u­la­tion car­cérale). Il fonc­tionne par ses­sions de onze mois, en petits groupes. Recrutés en même temps, les jeunes sélec­tion­nés par l’Îlot en fonc­tion de leur moti­va­tion pro­fes­sion­nelle et de leur volon­té de sor­tir de la délin­quance suiv­ent d’abord une ses­sion d’intégration de plusieurs semaines. Ensuite com­mence leur par­cours de for­ma­tion en alter­nance, qui s’achève par le pas­sage de l’examen pro­fes­sion­nel : l’obtention d’un diplôme recon­nu, qui est une garantie d’emploi pérenne, est un objec­tif essen­tiel. La for­ma­tion dis­pen­sée est donc qual­i­fi­ante : c’est ce que rap­pelle le nom d’Atelier Qual­i­fi­ca­tion-Inser­tion don­né au dispositif. 

À aucun moment les jeunes ne sont lais­sés seuls, ni en cen­tre de for­ma­tion, ni en entre­prise. Et la pro­mo­tion est réu­nie régulière­ment, tout au long des onze mois, pour des ate­liers et chantiers col­lec­tifs qui por­tent sur des thèmes aus­si var­iés que la com­mu­ni­ca­tion ver­bale et non ver­bale, l’intégration dans un col­lec­tif, les droits et devoirs d’un salarié ou la remise à niveau en français et en cal­cul. Les édu­ca­teurs spé­cial­isés aident en out­re ces jeunes à régler leurs dif­fi­cultés per­son­nelles, tout par­ti­c­ulière­ment les addic­tions à l’alcool ou au cannabis qui sont mal­heureuse­ment fréquentes chez les jeunes délinquants. 

La charte de la réinsertion

L’Îlot et l’Institut Mon­taigne ont rédigé ensem­ble en 2011 une charte des entre­pris­es pour la réin­ser­tion des sor­tants de prison inspirée de la charte de la diver­sité. Afin de sen­si­bilis­er le pub­lic à cette thé­ma­tique et de mobilis­er les entre­pris­es une asso­ci­a­tion a été créée en 2013 : Sor­tir de prison, inté­gr­er l’entreprise (SPILE). Com­posée d’entreprises et d’associations et par­rainée par le bar­reau de Paris et l’ANDRH (Asso­ci­a­tion nationale des directeurs de ressources humaines) elle est présidée par Nico­las de Tav­er­nost, prési­dent du direc­toire du Groupe M6. L’association a pour objec­tif de porter cette charte et d’aider les entre­pris­es à men­er des actions con­crètes en faveur de la réin­ser­tion des sor­tants de prison. 

Appel du groupe X‑Réinsertion

Le groupe X‑Réinsertion, agréé par l’AX, a pour voca­tion la réin­ser­tion des sor­tants de prison. Il s’est don­né pour mis­sion d’aider les asso­ci­a­tions actives dans le domaine de la réin­ser­tion par l’activité économique, de con­va­in­cre les entre­pris­es de se garder de toute dis­crim­i­na­tion envers les anciens détenus, de pro­mou­voir la charte des entre­pris­es, de lancer des actions de com­mu­ni­ca­tion péd­a­gogique pour con­va­in­cre les élus, les médias, l’opinion publique des avan­tages économiques et soci­aux de la réin­ser­tion par la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle, seul moyen d’enrayer la récidive et source d’économies car la réin­ser­tion coûte moins cher que la prison. 

La com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne, par la place qu’elle occupe dans tous les domaines d’activité de notre pays, a un rôle émi­nent à jouer en la matière. 

Arnaud MOREL (89)Troubles psychiques et insertion par le travail

Arnaud MOREL (89)
Directeur production Ecodair

L’entreprise asso­cia­tive Eco­dair a pour voca­tion la réin­ser­tion par le tra­vail de per­son­nes en souf­france psy­chique. Notre activ­ité con­siste en la col­lecte et le recon­di­tion­nement de parcs infor­ma­tiques d’administrations et d’entreprises de toutes tailles. Les PCs les plus récents retrou­vent ain­si une sec­onde vie auprès de nos clients par­ti­c­uliers, asso­ci­a­tions, écoles, entre­pris­es (www.ecodair.org). Eco­dair emploie à Paris et Mar­seille 90 per­son­nes, dont la majorité a une recon­nais­sance « hand­i­cap psy­chique »1.

Ecodair révèle, telle une loupe, la souf­france engen­drée par notre société, au sein de nos familles, de nos écoles et de notre sys­tème économique et de man­age­ment, dont le sys­tème de recon­nais­sance est basé essen­tielle­ment sur la per­for­mance indi­vidu­elle. Les « tra­vailleurs » d’Ecodair peu­vent inté­gr­er Eco­dair suite à des trou­bles psy­chiques depuis la nais­sance, l’enfance ou l’adolescence (schiz­o­phrénie, bipo­lar­ité, autisme, etc.), ou suite à des acci­dents de par­cours, comme un burnout. Le développe­ment des trou­bles psy­chiques représente un phénomène de société de plus en plus préoccupant. 

La sen­si­bil­ité par­ti­c­ulière des tra­vailleurs agit comme une loupe sur nos bonnes pra­tiques man­agéri­ales comme sur nos dif­fi­cultés : Eco­dair est devenu un véri­ta­ble lab­o­ra­toire de ressources humaines. Si une sim­ple mar­que d’attention le matin peut aider un tra­vailleur à dépos­er ses soucis et se con­cen­tr­er sur son tra­vail, l’absence d’un encad­rant peut génér­er, sur un autre, de l’angoisse, des trou­bles du som­meil et des retards le matin, voire un arrêt maladie. 

Osons dire quelques mots sur la souf­france psy­chique, et sol­liciter notre cerveau droit pour évo­quer ce sujet ô com­bi­en sen­si­ble. Imag­inez-vous dans un champ de blé vert, au mois de mai, avec un mag­nifique coqueli­cot au milieu de ce champ ; qu’allez-vous regarder ? Le coqueli­cot bien sûr. Imag­inez que, dans ce même champ, en plus du coqueli­cot rouge, il y ait des cen­taines de coqueli­cots verts, de la même couleur que le blé ! Les ver­rez-vous ? Pas sûr ! 

De même, notre regard sur la souf­france psy­chique applique des fil­tres qui nous cachent cer­taines réal­ités : nous pou­vons pass­er nos journées à côté d’un col­lègue dépres­sif sans décel­er les signes pour­tant man­i­festes de son état. Des per­son­nes se retrou­vent sur­pris­es en burnout, sans avoir prêté atten­tion aux alertes ayant précédé leur épuise­ment. À l’inverse, cer­taines dif­fi­cultés peu­vent être exagérées, voire mis­es en scène à des fins nar­cis­siques ou politiques. 

Tout le monde voit le hand­i­cap d’une per­son­ne qui se déplace en fau­teuil roulant, et réag­it émo­tion­nelle­ment assez spon­tané­ment (empathie, pitié, peur, etc.) ; à l’inverse, détecter la souf­france psy­chique d’une per­son­ne est un art beau­coup plus sub­til, qui passe par la con­nais­sance per­son­nelle de chacun. 

Voir…

Voir, au-delà du sourire de Sacha2 le masque qui recou­vre un puits de solitude. 

Voir, der­rière le sens du ser­vice de Jacques, un être écrasé par la dynamique du « faire plaisir », au point d’avoir voulu « en finir ». Voir les lèvres ser­rées d’Yvon, aux pris­es avec un sen­ti­ment d’angoisse.

Voir les « invis­i­bles », ceux qui sont absents, ceux qui sont dis­crets. Voir « avec les mains » Auguste qui tend une main plus ferme et, tout à coup, l’entendre rire pour la pre­mière fois depuis des années, un rire de libéra­tion, quelle joie ! 

Accompagner…

Accom­pa­g­n­er Pierre à qui une nou­velle tâche est con­fiée, et lever ensem­ble les obsta­cles matériels ou psy­chologiques qui posent difficulté. 

Accom­pa­g­n­er Jor­dan et Anselme, dans leur rela­tion tan­tôt fusion­nelle, tan­tôt conflictuelle. 

Afin de se déciller, nous nous réu­nis­sons toutes les semaines pour ladite « réu­nion sociale », réu­nion pluridis­ci­plinaire qui per­met de crois­er nos regards sur la sit­u­a­tion des tra­vailleurs : les moni­teurs d’atelier, dont le coeur de méti­er est l’accompagnement de per­son­nes hand­i­capées ; la psy­cho­logue et l’assistante sociale ; le directeur de pro­duc­tion, for­mé à l’Approche cen­trée sur la per­son­ne (ACP)3, et le directeur. 

Je suis frap­pé par la patience des moni­teurs qui pren­nent le temps pour accueil­lir un sta­giaire, pour expli­quer une tâche, pour écouter un tra­vailleur qui exprime une dif­fi­culté. Ce temps pris, et qui sem­ble « per­du » pour la pro­duc­tion, est néces­saire pour dévelop­per ce regard empathique, cette approche respectueuse de ce que vit l’autre, de l’intérieur, et pour accom­pa­g­n­er chaque tra­vailleur dans les tâch­es qui leur sont confiées. 

C’est aus­si ce temps con­sacré à chaque tra­vailleur, de façon réelle­ment dés­in­téressée, qui entraîne leur moti­va­tion. Ce temps don­né peut aus­si être vu comme un investisse­ment, mais ne me deman­dez pas le ROI, car toute mesure d’une expéri­ence trans­forme l’expérience4 ! (Il ne doit pas être suff­isant car nous avons encore besoin de dons pour attein­dre l’équilibre financier.) 

Dans un man­age­ment ordi­naire, n’est-il pas néces­saire de porter une grande atten­tion à nos col­lab­o­ra­teurs ? À leur vécu sub­jec­tif en entre­prise ? À pren­dre le temps néces­saire au moment de déléguer des tâch­es ? À ris­quer des réu­nions sur le mode coopératif, où les dif­férents regards sur une sit­u­a­tion peu­vent réelle­ment s’exprimer à pied d’égalité ?

L’Approche cen­trée sur la per­son­ne3, dévelop­pée ini­tiale­ment dans le champ psy­chothérapeu­tique, sem­ble adap­tée au man­age­ment au sein d’une struc­ture comme Eco­dair : out­re le regard empathique, l’ACP repose sur deux autres piliers, que sont le regard posi­tif incon­di­tion­nel et la congruence. 

Le regard posi­tif incon­di­tion­nel con­siste à tou­jours croire en la per­son­ne, en sa capac­ité de pro­gress­er en humani­té : dans notre quo­ti­di­en à Eco­dair, c’est ne pas s’arrêter à un com­porte­ment per­tur­ba­teur, mais y décou­vrir le révéla­teur d’une souf­france cachée, et si sou­vent un désir de vie qui s’exprime de façon malencontreuse. 

Dans les rela­tions hiérar­chiques clas­siques, com­bi­en de rela­tions sont blo­quées, cha­cune des par­ties ayant un point de vue défini­tif sur l’autre ?

Enfin, la con­gru­ence, troisième pili­er de l’ACP, peut se traduire par cohérence et authen­tic­ité. Eco­dair étant une struc­ture d’insertion par le tra­vail, il s’agit d’abord de rap­pel­er le cadre : la présence tous les jours, les horaires, la con­cen­tra­tion, la qual­ité atten­due, le respect des col­lègues et de la hiérar­chie. C’est la cohérence avec notre pro­jet, à la fois un milieu pro­tégé du fait des sub­ven­tions reçues, util­isées pour l’accompagnement social, et dans une activ­ité haute­ment concurrentielle. 

La con­gru­ence c’est aus­si l’authenticité des moni­teurs d’ateliers dans leur mode de man­age­ment : mus par le désir d’aider les per­son­nes en sit­u­a­tion de hand­i­cap, tout en étant con­scients de notre réal­ité économique, les moni­teurs ont une démarche sincère, n’essaient pas de manip­uler les tra­vailleurs pour génér­er de la moti­va­tion. Cela ne serait pas pos­si­ble, car les tra­vailleurs à Eco­dair sont sou­vent allergiques à toute ten­ta­tive de manipulation ! 

Dans une entre­prise clas­sique, com­bi­en d’employés esti­ment que leurs man­agers directs et/ou le top man­age­ment ne se préoc­cu­pent pas d’eux ? Ten­tent de les manip­uler pour les motiv­er ? Restent crispés sur une méthode de man­age­ment tay­lo­ri­enne, qui, bien qu’ayant cer­tains atouts, est large­ment inadap­té à notre con­texte du xxie siè­cle ? Quelles con­séquences en ter­mes de motivation ? 

J’aimerais con­clure cet arti­cle sur ma con­vic­tion per­son­nelle : oeu­vr­er à un man­age­ment plus humain, c’est avant tout tra­vailler sur soi ; de même que nous effaçons à Eco­dair les dis­ques durs de nos clients avant de répar­er les PCs, il est néces­saire de se défaire peu à peu de nos divers for­matages : for­matage de notre cul­ture (valeurs de beauté, jeunesse, san­té), de notre for­ma­tion d’ingénieur (fix­a­tion sur le rationnel), de nos familles, et même de notre for­matage exis­ten­tiel, tant notre crispa­tion sur nos idéaux, aus­si divers soient-ils, nous empêchent de voir la réal­ité ! Et c’est ce qui me pas­sionne à Ecodair ! 

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1. Recon­nais­sance attribuée par la Com­mis­sion des Droits et de l’Autonomie des Per­son­nes Hand­i­capées (CDAPH).
2. Tous les noms ont été changés.
3. Approche cen­trée sur la per­son­ne (ACP), école de psy­chothérapie et de la rela­tion d’aide, fondée par Carl Rogers.
4. Principe d’incertitude d’Heisenberg.

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