Women In Restructuring : « Mettre en avant les femmes expertes des entreprises en difficulté »

Créée en 2018, l’association Women in Restructuring réunit des femmes professionnelles du retournement et de l’insolvabilité des entreprises : avocates, administratrices et mandataires judiciaires, banquières, expertes du chiffre, communicantes, consultantes, directrices de fonds de retournement, etc. Objectifs : briser l’invisibilité, renforcer la solidarité, mettre en avant les valeurs humaines et peser dans un secteur encore marqué par des déséquilibres profonds. Mylène Boché-Robinet, cofondatrice de l’initiative, détaille une démarche aussi collective que politique.
Vous avez cofondé l’association Women in Restructuring. Pourquoi cet engagement ?
Parce que dans nos professions du monde des affaires (et notamment le droit et la finance), la visibilité des femmes reste encore trop faible. Il y a des expertes, des praticiennes remarquables, mais elles sont encore trop peu invitées à s’exprimer, à représenter, à piloter. Nous avons voulu créer un réseau pour leur donner une voix collective, favoriser de la solidarité, ouvrir des portes. Women in Restructuring, c’est une plateforme pour mettre en avant les talents féminins du secteur, encourager la transmission, participer aux débats et créer des opportunités d’échanges. C’est une action pour l’équilibre, pour la pluralité des regards.
Comment est née l’association Women in Restructuring ?
Elle est née d’un constat partagé : dans les dossiers de place et les événements professionnels du retournement, les femmes sont encore trop peu présentes. Et pourtant, elles sont là. Compétentes, impliquées, expertes. Il manquait un espace pour fédérer cette énergie, pour lui donner de la voix. Le restructuring est un univers encore très masculin, notamment dans ses figures dominantes. Les femmes sont très présentes dans les équipes, mais pas nécessairement dans les rôles de leader. Il y a un plafond de verre. En outre, nous voulions créer un espace de rencontre et de partage dédié aux femmes de la profession, pour répondre à des besoins variés : acquisition de compétences, de savoirs, de visibilité et recherche de moments conviviaux.
“Le restructuring ne se joue pas qu’en audience, mais aussi dans les couloirs, les panels, les réseaux .”
Quels sont les objectifs concrets de Women in Restructuring ?
Nous avons trois axes principaux.
Le premier axe, c’est le partage et la transmission des savoirs et des valeurs. Nous organisons régulièrement des rencontres entre nos membres ou avec des intervenants externes, qui favorisent les échanges interprofessionnels, ainsi que des ateliers sous forme de « retours d’expériences ». La transmission est aussi intergénérationnelle, avec par exemple notre programme de mentorat entre les WiR et l’Association des Jeunes du Restructuring (AJR).
Le deuxième axe, c’est la visibilité. Nous mettons en avant nos membres (en interne mais également, quand cela est possible, sur des événements externes) ; nous signalons les absentes, nous interpellons les organisateurs. Il ne s’agit pas de remplir des quotas ou d’imposer des femmes, mais de mettre fin à l’amnésie. Notre association est partenaire de nombreux événements professionnels et peut, à cet égard, rappeler la richesse d’une assemblée plurale. Encore très récemment, j’ai participé à l’organisation d’une journée de conférences techniques en matière de restructuring et d’insolvabilité. Le projet de programme n’incluait absolument aucune femme parmi les conférenciers, et cela n’avait choqué personne.
Le troisième axe, c’est l’influence. Nous voulons porter une parole sur les pratiques de la profession, participer aux débats, faire bouger les lignes.
Quel accueil a reçu l’initiative depuis son lancement ?
L’accueil a été à la fois bienveillant et très mobilisateur. Beaucoup de femmes nous ont rejointes et l’association compte près de 200 membres à ce jour, ce qui en fait l’une des principales associations nationales de femmes du restructuring. WiR a aussi le soutien des hommes de la profession, qui promeuvent une démarche pour l’équilibre. Certains participent à nos événements, d’autres nous aident à relayer nos actions. Women in Restructuring incarne un mouvement affiché qui promeut un travail plus équilibré, plus collectif, au service de chacune et de chacun.
Quelles actions avez-vous déjà menées ?
Nous proposons depuis plusieurs années déjà un cycle de rencontres intitulé « Les Dessous du Tribunal ». Plusieurs fois par an, des président(e)s de tribunaux de commerce, greffier(e)s, magistrat(e)s professionnel(le)s se prêtent au jeu pour nous présenter leur carrière et leur parcours, leur activité professionnelle, leurs ressentis personnels. Un moment d’échange, de partage, de bons conseils à l’attention de ceux qui sont « de l’autre côté de la barre », animé avec panache par Hélène Bourbouloux.
Nous faisons également régulièrement intervenir nos membres ou des intervenants extérieurs pour des conférences ou de simples mais riches « retours d’expériences », sur des sujets techniques ou de soft skills. Aucune approche commerciale ni de mise en avant personnelle ; ici, on évoque les difficultés rencontrées sur tel ou tel dossier et comment on a pu y remédier (ou pas !). C’est un atout énorme de l’association que celui de partager des bonnes pratiques, des conseils avisés, des mesures éprouvées (qui ne se lisent dans aucun manuel ou aucun article).
Vous favorisez les échanges entre professionnels et associations ?
Oui c’est un projet qui me tient beaucoup à cœur. Avec la crise du Covid, WiR a noué et renforcé des liens très étroits avec d’autres grandes associations du restructuring, et notamment l’ARE, l’AJR, P&R et AARO. Ensemble, nous avons été signataires du Plan d’action sur l’accompagnement des entreprises en sortie de crise, sous l’égide du ministre Bruno Le Maire. Ensemble, nous œuvrons au soutien des entreprises en difficulté et de leurs dirigeants.
Vous avez également lancé un programme de mentorat pour le secteur du restructuring ?
Oui, WiR a été à l’initiative, en 2024, d’un programme de mentorat entre professionnelles des WiR et membres de l’Association des Jeunes du Restructuring (AJR), qui a été mené avec grand succès, avec l’aide notamment de Laurence Aviragnet, membre des WiR, mais également de Fabienne Hellmann, Lisa Ducani et Benoît Mélin et sera reconduit cette année. Beaucoup (parmi les jeunes générations mais pas uniquement) sont en recherche de sens, et pour ce faire d’accompagnement et de partage.
Quels sont vos projets à venir ?
Nous voulons continuer à offrir à nos membres des opportunités d’échanges de grande qualité, via nos cycles de « Dessous » et de retours d’expériences. Comme chaque année, nous avons une conférence « phare » en préparation, sur le thème du retail en mutation. Bien sûr, nous souhaitons poursuivre le mentorat, si possible avec d’autres associations du restructuring. Pourquoi pas également développer des modules de prise de parole, de leadership, de négociation, à destination des femmes du secteur.
Quelle est votre position sur les quotas ou les obligations légales de représentation ?
Les quotas sont imparfaits, mais ils font avancer les choses. Sans contrainte, les biais ne sont en général pas corrigés spontanément, ou très lentement. Mettre en place un quota, c’est permettre de rétablir un équilibre, cet ajustement étant généralement profitable pour un système. Il ne s’agit pas de remplir des cases, mais de faire émerger des compétences. Il ne s’agit pas d’imposer des femmes, mais de restaurer une harmonie bénéfique.
Et si vous deviez résumer la philosophie de Women in Restructuring en une phrase ?
WiR est un espace de partage de savoirs, de valeurs et de bonne humeur.
Le fonctionnement de WiR
Women In Restructuring est gérée par un bureau : Hélène Bourbouloux (administratrice judiciaire), Valérie Leloup-Thomas (mandataire judiciaire), Véronique Pernin (spécialiste de la communication de crise), Delphine Caramali (avocate, secrétaire générale), Clotilde Delemazure (Experte financière, trésorière de WiR) et Mylène Boché-Robinet (avocate et présidente de WiR). Nous nous investissons bénévolement pour faire vivre l’association avec une volonté commune. L’association fonctionne sans salarié, mais avec beaucoup d’énergie partagée. En outre et de manière essentielle à son fonctionnement, beaucoup de membres des WiR s’investissent pour faire vivre l’association (proposition et accueil d’évènements, interventions, partages, etc.). Le réseau repose sur une dynamique horizontale, sans hiérarchie étouffante. C’est ce qui fait sa force. Chacune peut proposer et s’investir. Cette idée m’est très chère : les WiR,
c’est une association qui existe et vit pour et par ses membres.








