When good science meets good technologies

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Virginie DOMINGUEZ (X98)
Par Claude BERTRAND

R&D phar­ma­ceu­tique, essai clin­ique, inno­va­tion thérapeu­tique, nou­velles tech­nolo­gies, dig­i­tal­i­sa­tion… sont autant de sujets et d’enjeux qui mobilisent Servi­er au ser­vice des patients et des pro­fes­sion­nels de san­té. Vir­ginie Dominguez (X98), vice-prési­dente exéc­u­tive Dig­i­tal Data & SI, et Claude Bertrand, vice-prési­dent exé­cu­tif R&D au sein de Servi­er, nous en dis­ent plus sur les syn­er­gies col­lab­o­ra­tives qui exis­tent entre leur deux direc­tions afin juste­ment de relever ces chal­lenges. Ren­con­tre.

Le digital, l’IA, le Big Data et les nouvelles technologies redessinent les contours du monde de la santé et plus particulièrement la R&D. Qu’observez-vous à ce niveau ?

Claude Bertrand : La trans­for­ma­tion dig­i­tale est large­ment engagée dans le monde de la phar­ma­ceu­tique, notam­ment dans le domaine de la R&D. C’est un enjeu dont Servi­er s’est emparé depuis déjà plus de 5 ans. Dans ce cadre, il nous sem­ble essen­tiel de faire la dif­férence entre ce que l’on appelle les « case stud­ies » et les proces­sus fon­da­men­taux qui vont véri­ta­ble­ment chang­er les proces­sus R&D. Encore aujourd’hui, les prob­a­bil­ités de suc­cès d’un can­di­dat médica­ment restent faibles notam­ment à cause de la dif­fi­culté à mod­élis­er des proces­sus molécu­laires et cel­lu­laires extrême­ment com­plex­es dans les patholo­gies d’intérêt. Si le dig­i­tal et l’IA vont claire­ment faire la dif­férence sur le court et le moyen ter­mes, nous en sommes tout de même aux prémices de cette révo­lu­tion qui ne con­cern­era pas unique­ment la R&D, mais tout le cycle et la chaîne de valeur de la R&D, ain­si que le time-to-mar­ket, l’industrialisation… Toutes les tech­nolo­gies qui se dévelop­pent aujourd’hui dans le monde phar­ma­ceu­tique, comme le machine learn­ing, le Nat­ur­al Lan­guage Pro­cess­ing, le knowl­edge graph, ou encore tout ce qui tourne autour de la data… vont venir « aug­menter » les chercheurs et les médecins. Ces tech­nolo­gies sont donc des out­ils sup­plé­men­taires à leur dis­po­si­tion et elles n’ont pas voca­tion à les remplacer.

“La transformation digitale est largement engagée dans le monde de la pharmaceutique, notamment dans le domaine de la R&D.”

Vir­ginie Dominguez : Il s’agit, en effet, d’allier « good sci­ence with good tech­nolo­gies » pour accélér­er la recherche et les pro­grès sci­en­tifiques. Nos équipes data et dig­i­tal tra­vail­lent aujourd’hui main dans la main avec la R&D autour de plusieurs axes, tou­jours au ser­vice des patients. Les prin­ci­paux sujets sont ain­si l’accélération du proces­sus de décou­verte et de mise sur le marché de nou­veaux médica­ments ; l’optimisation de la phase de diag­nos­tic ; le développe­ment de la médecine per­son­nal­isée ; l’amélioration de l’adhérence aux traite­ments, le suivi des patients et la col­lecte de don­nées de vie réelle grâce à des dis­posi­tifs et des assis­tants digitaux.

Ces tech­nolo­gies vont aus­si con­tribuer à opti­miser les essais clin­iques grâce à de nou­velles méthodolo­gies qui vont per­me­t­tre amélior­er le traite­ment et l’analyse des don­nées de san­té, et, in fine, accélér­er aus­si le time-to-mar­ket. D’ailleurs, on peut imag­in­er que, demain, les essais clin­iques seront décen­tral­isés et ne seront plus exclu­sive­ment réal­isés dans les hôpi­taux. Cela per­me­t­tra de les éten­dre à plus de patients, de lim­iter les déplace­ments sys­té­ma­tiques dans les étab­lisse­ment pour pren­dre des mesures (ambu­la­toires), mais aus­si de col­lecter beau­coup plus de don­nées, ce qui est essen­tiel pour aller plus vite dans la recherche et pro­pos­er des traite­ments plus adap­tés et personnalisés.
Enfin, ces tech­nolo­gies vont aus­si con­tribuer à trans­former d’autres activ­ités clés comme la sup­ply chain, ou encore la réduc­tion de notre empreinte environnementale.

Dans ce cadre, pouvez-vous nous rappeler le positionnement de Servier ?

C.B : Servi­er est un groupe phar­ma­ceu­tique inter­na­tion­al, gou­verné par une fon­da­tion. Cette par­tic­u­lar­ité nous donne une indépen­dance et une autonomie absolues en matière de gou­ver­nance et de choix stratégiques. Parce que nous n’avons pas d’actionnaires, nous avons cette capac­ité à nous inscrire dans le temps long et à avoir une cer­taine marge de manœu­vre en matière de prise de risques. Avec ce posi­tion­nement unique, le béné­fi­ci­aire ultime de notre action est le patient ! Pou­voir pren­dre des risques, toute­fois mesurés et raison­nés, est un véri­ta­ble vecteur de dif­féren­ci­a­tion et d’attractivité !

” Il s’agit, en effet, d’allier « good science with good technologies » pour accélérer la recherche et les progrès scientifiques.”

Servi­er est aus­si le deux­ième groupe phar­ma­ceu­tique français. Nous pro­duisons 97 % de nos principes act­ifs en France et 60 % de notre pro­duc­tion phar­ma­ceu­tique en Europe. Nous expor­tons 90 % de cette pro­duc­tion dans plus de 150 pays. L’indépendance san­i­taire de l’Europe et de la France a tou­jours été au cœur de nos préoc­cu­pa­tions. Nous sommes fiers de cet ancrage nation­al qui crée non seule­ment de la valeur, mais égale­ment des emplois. Nous restons mobil­isés afin de main­tenir cette indus­trie stratégique, ce savoir-faire et cette excel­lence, notam­ment en matière de recherche, en France.

Quelles sont les pistes et les projets qui mobilisent vos deux directions ?

V.D : La R&D est le cœur du réac­teur de l’industrie et de la recherche phar­ma­ceu­tiques. Au ser­vice de la décou­verte et du développe­ment de nou­veaux médica­ments, notre R&D occupe plus d’un tiers de nos ressources humaines, finan­cières et technologiques.

Dans ce cadre, nous avons lancé plusieurs pro­jets dont :
La plate­forme col­lab­o­ra­tive FEDERATES, un véri­ta­ble cock­pit du chercheur, où il va retrou­ver toutes les don­nées de recherche internes et externes ; réserv­er des ressources humaines et/ou tech­nologique pour réalis­er des expéri­men­ta­tions, des mod­éli­sa­tions… Comme précédem­ment men­tion­né, cet out­il con­tribue à « aug­menter » le chercheur afin qu’il puisse avancer plus rapi­de­ment et effi­cace­ment sur ses pro­jets. Ce pro­jet, qui a occupé pen­dant deux ans une quar­an­taine de per­son­nes et a néces­sité un investisse­ment de près de 30 mil­lions d’euros, nous per­met de cap­i­talis­er aujourd’hui sur un out­il per­for­mant et unique au monde dans notre secteur.

“Nous avons lancé SCORE, une plateforme qui permet de récolter et d’analyser plus rapidement les données relatives à nos essais cliniques.”

Sur la par­tie clin­ique, nous avons lancé SCORE, une plate­forme qui per­met de récolter et d’analyser plus rapi­de­ment les don­nées rel­a­tives à nos essais clin­iques en lien avec nos 16 cen­tres de recherche dans le monde. Elle per­met aus­si de dig­i­talis­er cer­taines phas­es de ces essais qui doivent ensuite être soumis­es aux dif­férentes agences (FDA, ANSM…). Elle apporte un véri­ta­ble gain de temps, de pro­duc­tiv­ité et d’efficacité grâce notam­ment à un suivi en temps réel des recrute­ments. Nous avons aus­si opté pour une tech­nolo­gie ouverte sur son envi­ron­nement dans cette optique de développe­ment d’essais clin­iques décen­tral­isés avec une col­lecte de don­nées provenant de dif­férents objets con­nec­tés, cap­teurs et sources…

La mise en place d’une roadmap « Data & IA for R&D » très ambitieuse avec 25 cas d’usages à très forte valeur ajoutée comme le développe­ment d’un algo­rithme de machine learn­ing et d’un knowl­edge graph pour iden­ti­fi­er des cibles thérapeu­tiques à l’origine de patholo­gies et pro­pos­er ain­si un sous-ensem­ble de cibles pour accélér­er le Tar­get Dis­cov­ery ; ou encore d’un moteur de con­cep­tion de pro­téines et d’identification de leur pro­priétés in sil­li­co afin de se con­cen­tr­er sur des nou­velles molécules qui auront le plus grand intérêt.

En par­al­lèle, dans cette démarche, nous col­laborons avec l’ensemble de l’écosystème et notam­ment de nom­breuses start-up dont Aqemia, Owkin, Iktos ou encore Qubit.

Vous ouvrez également au premier semestre 2023 votre Institut de recherche et de développement Servier à Paris-Saclay. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C.B : L’arrivée des pre­miers col­lab­o­ra­teurs a eu lieu le 14 févri­er dernier et la dernière vague d’arrivée devrait se ter­min­er fin mai. Le choix de Saclay s’inscrit dans notre volon­té de venir con­solid­er tous nos cen­tres de recherche français sur un hub mon­di­al unique qui sera à la croisée des sci­ences dures et du vivant. Sur une super­fi­cie de 45 000 mètres car­rés, cet insti­tut de recherche va accueil­lir nos équipes de R&D (hormis la CMC) et devrait regrouper 1 500 col­lab­o­ra­teurs. L’idée est de rassem­bler tout notre chaîne de valeur R&D sur ce site qui aura égale­ment voca­tion à tra­vailler avec nos cen­tres de recherche clin­ique et de R&D dans le monde entier.
Au-delà, Saclay est aus­si une implan­ta­tion de choix pour l’industrie phar­ma, car il rassem­ble un écosys­tème unique com­posé des plus belles écoles et uni­ver­sités ; des insti­tuts de recherche pres­tigieux comme INRIA, l’Inserm ou encore le CEA ; ain­si que de grandes entre­pris­es et des start-up de dif­férents secteurs d’activité. Cet envi­ron­nement va con­tribuer à assur­er l’accélération de notre inno­va­tion et de nos découvertes.
Enfin, nous ouvrons aus­si un incu­ba­teur avec Bio­Labs, le leader mon­di­al sur ce seg­ment. Ce sera, d’ailleurs, leur pre­mier site en France pou­vant accueil­lir plus d’une dizaine de jeunes pousses.

En termes de digitalisation et de transformation des SI, quels sont vos enjeux ?

V.D : Nous en avons prin­ci­pale­ment trois : con­tribuer à l’accélération de l’innovation thérapeu­tique ; met­tre à dis­po­si­tion des nou­veaux out­ils, ser­vices dig­i­taux et data à des­ti­na­tion des patients et des pro­fes­sion­nels de san­té ; et, sur un plan plus clas­sique, amélior­er l’efficience du groupe et de nos proces­sus pour con­tin­uer à croître et inve­stir dans la recherche.

Et sur le plan humain et compétences, quels sont les talents que vous recherchez ?

C.B : Nous recru­tons bien évidem­ment des pro­fils clas­siques de notre indus­trie : biol­o­gistes, chimistes, phar­ma­ciens, médecins ; mais aus­si des data sci­en­tists, des data ingénieurs, des bioin­for­mati­ciens, des bio­sta­tis­ti­ciens… En par­al­lèle, nous accor­dons une atten­tion plus par­ti­c­ulière à la pluridis­ci­pli­nar­ité, aux tal­ents ayant une dou­ble com­pé­tence ain­si qu’aux soft skills. Nous recher­chons avant tout des col­lab­o­ra­teurs curieux, qui aiment tra­vailler de manière col­lab­o­ra­tive, prêts à pren­dre des risques et dotés d’une âme d’entrepreneurs.

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