Vins du Domaine de la Romanée-Conti

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°568 Octobre 2001Rédacteur : Laurens DELPECH

La vigne de la Romanée-Con­ti s’est d’abord appelée Cloux (ou Clos) des Cinq Jour­naux, puis Cros des Cloux (ou Creux des Clos), avant de pren­dre le nom de Romanée à la fin du XVIIe, et enfin de Romanée-Con­ti, à la fin du XVIIIe siè­cle. Ses lim­ites sont con­nues depuis 1512 : c’était un des Clos que pos­sé­dait sur Vosne le monastère de Saint-Vivant. Le vin de la Romanée est vrai­ment entré dans la légende le 18 juil­let 1760, lors de son rachat par Louis-François de Bour­bon, Prince de Con­ti (1717–1776), mari de Louise-Diane d’Orléans, fille cadette du Régent.

Le ter­roir était déjà con­sid­éré comme le plus grand de Bour­gogne, puisque les meilleures vignes valaient à l’époque 250 livres l’ouvrée, alors que l’ouvrée de la Romanée- Con­ti atteignit, lors de la trans­ac­tion, le prix record de 2 310 livres.

La Romanée-Con­ti con­naî­tra des for­tunes divers­es sous la Révo­lu­tion et au cours du dix-neu­vième siè­cle, avant d’être acquise en 1869 par Jacques-Marie Duvault-Blo­chet, dont descend Aubert de Vil­laine, le plus ancien des actuels cogérants du Domaine. La vigne de La Tâche a rejoint le Domaine dans l’entre-deux guer­res, avant que Hen­ri Leroy, négo­ciant bour­guignon, ne rachète 50 % de la pro­priété en 1942.

Depuis cette date, deux familles se parta­gent, cha­cune pour moitié, la pro­priété et la ges­tion du Domaine de la Romanée-Con­ti : la famille de Vil­laine et les héri­tiers d’Henri Leroy. Les gérants actuels sont Aubert de Vil­laine (depuis 1974) et Hen­ry-Frédéric Roch (depuis 1992), ce dernier a suc­cédé à Lalou Bize-Leroy, cogérante de 1974 à 1992.

La vigne de la Romanée-Con­ti s’étend sur 1 hectare, 80 ares et 50 cen­tiares. Elle a été main­tenue en vigne française “ franche de pied ”, c’est-à-dire non gref­fée, jusqu’en 1945, date à laque­lle elle fut arrachée, pour être replan­tée sur porte-greffes (il n’y a pas eu de mil­lésime de Romanée-Con­ti de 1946 à 1951 inclus). La pro­duc­tion moyenne est de l’ordre de 6 000 bouteilles par an, toutes signées et numérotées (à titre de com­para­i­son, la pro­duc­tion de Petrus est de 60 000 bouteilles).

Depuis des lus­tres, ce vin mythique est le vin rouge le plus cher du monde. Au Domaine, il n’est pas ven­du à l’unité. Pour avoir une bouteille de Romanée- Con­ti, il faut acheter une caisse de douze bouteilles qui con­tient des Échézeaux, des Grands-Échézeaux, des La Tâche, des Romanée-Saint-Vivant, des Richebourg et… une Romanée-Con­ti. Cette forme de com­mer­cial­i­sa­tion a pour but de décourager la spécu­la­tion et de per­me­t­tre au plus grand nom­bre pos­si­ble d’amateurs d’accéder à la Romanée-Conti.

À la dif­férence d’autres grands domaines de Bour­gogne, la stratégie de la Romanée-Con­ti a tou­jours été de se con­cen­tr­er sur un petit nom­bre de grands crus, tous situés sur le ter­ri­toire de la com­mune de Vosne-Romanée. L’exception qui con­firme cette règle a été l’acquisition, au début des années soix­ante, d’une petite par­celle (67 ares) de Mon­tra­chet (3 000 bouteilles environ).

Le Domaine pos­sède en mono­pole deux grands crus : la Romanée- Con­ti (1,8 ha) et La Tâche (plus de 6 ha, 20 000 bouteilles env­i­ron), près de la moitié de deux autres grands crus Richebourg (3 ha 51 a 10 ca, 11 000 bouteilles env­i­ron) et Grands Échézeaux (3 ha 52 a 63 ca, 11 500 bouteilles env­i­ron), ain­si que les deux tiers de la Romanée-Saint- Vivant dont la Romanée-Saint-Vivant Marey-Mon­ge (5 ha 28 a 58 ca, 17 000 bouteilles env­i­ron) et une par­tie du grand cru Échézeaux (4 ha 67 a 3 ca, 15 000 bouteilles environ).

Par ailleurs, le Domaine pos­sède et exploite 17 a 46 ca en Bâtard-Mon­tra­chet, 1 ha 1 a 90 ca en Vosne- Romanée pre­mier cru Les Suchots, 40 a 50 ca dans les Petits Monts et quelques par­celles comme une ouvrée en Gau­di­chot et une autre dans les Reignots ; tous ces vins sont vinifiés au Domaine mais ne sont pas com­mer­cial­isés par lui, ils sont ven­dus au négoce.

La philoso­phie des actuels gérants du Domaine est de respecter le ter­roir et son équili­bre, le rôle du vini­fi­ca­teur se bor­nant à en traduire fidèle­ment les incom­pa­ra­bles qual­ités. Un grand soin est donc apporté à la cul­ture de la vigne (d’un âge moyen de quar­ante ans). Les ren­de­ments comptent par­mi les plus bas de Bour­gogne (20 à 30 hec­tolitres max­i­mum à l’hectare, quand la régle­men­ta­tion per­met la pro­duc­tion de 42 hec­tolitres pour les grands crus).

Le matériel végé­tal (clones de pinot noir, le “cépage tra­duc­teur” de ce ter­roir) est d’une grande finesse grâce à des sélec­tions mas­sales et clonales très rigoureuses. La tra­di­tion veut qu’on ne ven­dan­ge au Domaine que le plus tard pos­si­ble, avec tous les risques que cela com­porte, pour obtenir des raisins par­faite­ment mûrs. La vini­fi­ca­tion est tra­di­tion­nelle et s’effectue dans des cuves en bois ou en inox.

La cuve dans laque­lle est vinifiée la Romanée-Con­ti a été fab­riquée en 1862… Tous les vins du Domaine sont ensuite élevés dans des fûts neufs, renou­velés chaque année.

Voici nos com­men­taires sur quelques crus du Domaine, récem­ment dégustés.

• Échézeaux 1989

Rouge légère­ment pat­iné. Nez d’églantine avec des arômes de fraise et de pruneau. Début d’évolution. Notes de havane. Déjà agréable en bouche, grâce à une trame tan­nique fine et veloutée.

• Richebourg 1991

Robe grenat avec des nuances d’évolution. Le pre­mier nez révèle des arômes intens­es de gibier aux­quels suc­cè­dent des notes fines de cuir, de moka, d’épices et de réglisse. En bouche, les fruits rouges sont très présents. Vin riche, presque char­nel, mais sub­til. Élé­gance et vigueur.

• Romanée-Saint-Vivant 1988

Robe rubis assez claire. Nez de musc, de civette accom­pa­g­nés de notes flo­rales. En bouche, la struc­ture est com­plexe, les tan­nins sont présents ain­si que l’acidité, typ­ique du mil­lésime. Fin de bouche très fraîche, car­ac­téris­tique d’un grand vin. Une bouteille qui sera grandiose dans vingt ans, comme les 1966 le sont aujourd’hui…

• La Tâche 1988

Robe d’un beau rubis pro­fond. Nez dis­cret mais com­plexe de fram­boise et de tabac blond avec des notes flo­rales de vio­lette. Superbes tan­nins bien ronds, très présents en milieu de bouche. Son acid­ité lui apporte beau­coup de fraîcheur et sou­tient un fruité d’une grande pureté aro­ma­tique. Belle finale très longue.

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