Vingt mois à Matignon, récit
Élisabeth Borne (X81)
Rédacteur : Pierre LaszloEditeur : Éditions Flammarion, octobre 2024Un parallèle s’impose : Angela Merkel fut à la tête de son pays seize ans durant, Élisabeth Borne (X81) vingt-deux mois ! La France est-elle ingouvernable ? C’est l’une des conclusions à la lecture de ce livre, amer et lucide. Il se clôt sur une liste des réformes indispensables à notre République.
Deux vies exemplaires et se ressemblant. Angela Merkel : fille d’un pasteur protestant, puis scientifique, jusqu’à la chute du mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne. Élisabeth Borne : fille d’un Juif, survivant de l’Occupation et des déportations, qui se suicida quand elle avait seulement 11 ans ; élève brillante, puis polytechnicienne, passée par le corps des Ponts et Chaussées. À la tête de la RATP, avant des fonctions à la tête de notre pays.
Ce livre est doublement remarquable : totale absence de polémique ad hominem ; admirable clarté d’expression. Bien qu’il traite d’histoire immédiate, c’est un cours d’histoire. Il rappelle Tocqueville, celui des Souvenirs de la révolution de 1848. Aussi par l’histoire, poignante, de la Shoah et du martyre familial des Bornstein, tout particulièrement du père et de l’oncle d’Élisabeth Borne, qui subirent un atroce trajet de Grenoble à Drancy,
puis à Auschwitz et Buchenwald.
Qui admire-t-elle parmi les politiques ? Lionel Jospin, qu’elle conseilla de 1997 à 2002 : une formation à la politique dans ce qu’elle a de plus éprouvant. Peu après, Élisabeth Borne fut préfète de région (2013−2014), dircab de Ségolène Royal (2014−2015) et PDG de la RATP (2015−2017). Puis elle dirigea plusieurs ministères, avant de devenir Première ministre en 2022.
Je conclus cette recension en citant ce qui pourrait bien devenir son programme lors de la présidentielle en 2027 : « Imaginons un pays capable de bâtir des coalitions et de s’attaquer avec constance aux fractures qui minent notre société depuis des décennies, une démocratie territoriale vivante, une administration à l’écoute des usagers et en soutien des projets locaux, des organisations patronales et syndicales capables de bâtir des compromis au bénéfice des salariés et de la prospérité, des élites dans lesquelles la population se reconnaît ; un pays qui tend la main à sa jeunesse et donne à chacun sa chance, où l’autorité et les valeurs républicaines sont respectées, où chacun contribue selon ses moyens à la solidarité nationale ; un pays qui concilie transition écologique et qualité de vie, qui rayonne par sa culture et ses créateurs, sa recherche et ses innovations ; un pays qui construit avec ses partenaires une Europe plus souveraine et qui continue à s’affirmer comme la patrie des droits de l’homme. »