Vingt ans d’urbanisme amoureux à Paris

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°618 Octobre 2006Par : Jacques Marvillet (61)Rédacteur : Philippe BONNAMY (61)

Il y a plu­sieurs lec­tures du livre de Jacques Mar­vil­let et le titre en sug­gère au moins trois :

Vingt ans : 1982–2001. Vingt ans durant les­quels Paris s’est, sans doute, davan­tage trans­for­mé que pen­dant les quatre-vingts années pré­cé­dentes. La liste des chan­tiers entre­pris pen­dant cette période est trop longue pour la rap­pe­ler ici. Citons, pèle-mêle, les plus mar­quants dans la mémoire col­lec­tive : l’aménagement du Grand Louvre, Ber­cy, la nou­velle Biblio­thèque natio­nale, le réamé­na­ge­ment du palais des Congrès de la porte Maillot, la ligne 14 du métro, etc., alors même que le livre sou­ligne la mul­ti­tude des opé­ra­tions plus dis­crètes qui ont eu lieu pen­dant cette période et qui n’en ont pas moins mar­qué le pay­sage et la vie de leur quar­tier res­pec­tif. Vingt ans qui ont vu se suc­cé­der trois maires bien dif­fé­rents et pour­tant si sem­blables que, en la matière, aucun, à de rares excep­tions près, n’a remis en cause l’héritage du précédent.

Le mot est lâché : Vingt ans d’urbanisme et c’est une autre lec­ture du livre qui com­mence. Je ne crois pas avoir trou­vé dans le texte une défi­ni­tion de l’urbanisme. Mais la mul­ti­tude des facettes évo­quées par Jacques Mar­vil­let dans son ouvrage en donne un contour fina­le­ment assez pré­cis : c’est à la fois, bien sûr, de l’architecture et de l’art tout court mais c’est aus­si de l’Histoire, de la socio­lo­gie, de l’économie, et, on serait ten­té de dire, beau­coup de patience et de diplo­ma­tie. À cet égard, les pro­fes­sion­nels liront ce livre d’un oeil assez aver­ti pour tirer un ensei­gne­ment des pro­ces­sus admi­nis­tra­tifs variés, et le plus sou­vent longs et dou­lou­reux, à l’issue des­quels seule­ment les pre­mières réa­li­sa­tions purent enfin voir le jour. Jacques Mar­vil­let en dévoile les détails les plus fins et même, par­fois, les arti­fices – je ne sais pas s’il appré­cie­ra le terme – aux­quels il eut plus d’une fois recours pour sur­mon­ter les innom­brables obs­tacles admi­nis­tra­tifs, asso­cia­tifs, etc., qui sem­blaient condam­ner la plu­part des pro­jets dans l’oeuf. D’aucuns pour­ront s’étonner, voire s’indigner, de (re) décou­vrir com­bien l’Administration au sens large (État, Région, muni­ci­pa­li­tés) a le réflexe de s’autoproclamer, dans ce domaine comme dans d’autres, juge infaillible du bien public. Mais, les mêmes seront, en fin de compte, sur­pris de décou­vrir com­ment, miracle fran­çais ren­du pos­sible par la géné­ra­tion spon­ta­née des contre­pou­voirs divers… et l’intervention dis­crète des Mar­vil­let de ser­vice, les règles fon­da­men­tales de la démo­cra­tie res­tent res­pec­tées et le bien public, in fine, effec­ti­ve­ment servi.

Vingt ans d’urbanisme amou­reux à Paris. C’est le troi­sième volet du livre écrit par un authen­tique amou­reux de Paris. Jacques Mar­vil­let a une connais­sance ency­clo­pé­dique de sa ville et la pro­me­nade com­men­tée dans laquelle il nous emmène dès les pre­mières pages est, en soi, une lec­ture à part entière de son ouvrage. Avec la réserve que ses amis lui connaissent, l’auteur ne se découvre qu’avec une extrême pudeur ; mais la dimen­sion la plus humaine de son livre réside, si dis­cret soit-il, dans ce véri­table culte qu’il a voué à Paris. Au poste qu’il occu­pait, avec la liber­té de manœuvre dont il dis­po­sait ou, ce qui revient au même, la confiance dont il béné­fi­ciait de sa ligne hié­rar­chique, il est cer­tain qu’il por­tait une lourde res­pon­sa­bi­li­té sur le deve­nir de la Ville lumière.

À chaque ligne de son livre, et avec son habi­tuelle extrême dis­cré­tion, Jacques Mar­vil­let trouve le mot juste pour tra­duire le poids de cette res­pon­sa­bi­li­té : com­ment res­pec­ter l’Histoire, le patri­moine au sens large (celui avec un grand « P » et la mul­ti­tude des autres avec un petit « p ») et com­ment, en même temps, faire évo­luer cette ville avec un véri­table sou­ci du déve­lop­pe­ment durable ? Pas celui, mal défi­ni et trop gal­vau­dé dont on nous rebat trop sou­vent les oreilles, mais celui, authen­tique, de ne pas hypo­thé­quer le plai­sir des géné­ra­tions futures.

En fin de compte un livre indis­pen­sable dans la biblio­thèque de tout amou­reux de notre capitale.

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