Vinci concessions

Vinci concessions : « Le modèle de la concession est particulièrement pertinent pour accompagner la décarbonation »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Nicolas NOTEBAERT (X89)

Acteur clé de la mobil­ité de demain, VINCI Con­ces­sions s’engage forte­ment en faveur de la décar­bon­a­tion des usages et de la mobil­ité. Nico­las Note­baert (X89), Directeur Général de VINCI Con­ces­sions et Prési­dent de VINCI Air­ports et Éric Delo­bel, Directeur tech­nique de VINCI Air­ports et référent du pôle de com­pé­tence Hydrogène de VINCI Con­ces­sions, nous en dis­ent plus sur les objec­tifs ambitieux que le groupe s’est fixé et sur la place accordée à l’hydrogène dans leur stratégie de décar­bon­a­tion. Entretien.

Comment VINCI Concessions et VINCI Airports appréhendent la question de la décarbonation ? Dans ce cadre, quels sont vos objectifs et engagements ?

Partout sur la planète, nous con­sta­tons les effets du change­ment cli­ma­tique. Les rap­ports du GIEC sont clairs : nous devons réduire les émis­sions de gaz à effet de serre. Le secteur des infra­struc­tures et des trans­ports représente 15 % des émis­sions mon­di­ales de gaz à effet de serre, et même 23 % des émis­sions mon­di­ales de car­bone (la route essen­tielle­ment, le mar­itime, l’aérien, et dans une moin­dre mesure le fer­rovi­aire). VINCI Con­ces­sions a choisi d’être un leader de cette tran­si­tion. En 2016, nous avons été le pre­mier acteur du secteur à s’engager dans une démarche de décar­bon­a­tion de nos activ­ités. Ce plan s’articule autour de plusieurs axes : 

Réduire les émis­sions des bâti­ments avec un focus sur l’éclairage, le chauffage et la cli­ma­ti­sa­tion ; la révi­sion de l’isolation, des chaudières ; le recours aux LED dans les bâti­ments, les tun­nels et les pistes et les park­ings des aéroports ;

Adopter pro­gres­sive­ment un mix d’énergie plus décar­boné et pro­duire locale­ment une énergie verte. Nous avons ain­si lancé un plan de cen­trales pho­to­voltaïques sur toutes nos con­ces­sions nous per­me­t­tant de dévelop­per l’auto-consommation d’électricité verte sur l’ensemble de nos infrastructures ;

Le change­ment des sources d’énergies pour nos véhicules, engins et équipements. Pour les véhicules du siège, nous avons bas­culé sur des véhicules hybrides ou électriques.

Pour la péri­ode 2018 à 2030, nous nous sommes fixés l’objectif de réduire de 51 % nos émis­sions de car­bone. En 2022, nous enreg­istri­ons déjà une baisse supérieure à 40 % de nos émis­sions. 

L’enjeu est bien évidem­ment de dépass­er le cadre des infra­struc­tures, car l’essentiel des émis­sions sont celles des voy­ages et des trans­ports asso­ciés. En par­al­lèle, nous avons donc mis en place une poli­tique inci­ta­tive pour tra­vailler sur la réduc­tion des émis­sions de nos clients. C’est l’enjeu du scope 3 où nous souhaitons être par­ti­c­ulière­ment volon­taires. Dans le domaine aéro­por­tu­aire, nous avons, par exem­ple, ini­tié la mod­u­la­tion car­bone des rede­vances que les com­pag­nies nous paient pour utilis­er nos aéro­ports. Plus l’avion est mod­erne et moins il con­somme de CO2 dans son cycle de rota­tion (de l’atterrissage au décol­lage), moins la rede­vance est élevée. Inverse­ment, nous attribuons un malus aux avions les plus con­som­ma­teurs de car­bone et les plus pol­lu­ants. C’est une ini­tia­tive qui vise à encour­ager le renou­velle­ment des flottes avec des avions moins con­som­ma­teurs de car­bone et qui incite aus­si à utilis­er des bio­car­bu­rants durables. Ain­si, Cler­mont-Fer­rand est le pre­mier aéro­port français à avoir accueil­li cette typolo­gie de car­bu­rant. Après avoir réduit au max­i­mum nos émis­sions, nous avons mis en place un pro­gramme de refor­esta­tion pour attein­dre notre objec­tif zéro émis­sion nette de car­bone le plus tôt pos­si­ble. À Lyon Saint Exupéry, qui est le grand aéro­port région­al le plus en avance, nous nous sommes asso­ciés à l’ONF pour ini­ti­er ce pro­gramme cer­ti­fié « label bas car­bone », dans la forêt du Beau­jo­lais. Nous invi­tons, d’ailleurs, les com­pag­nies aéri­ennes qui n’auraient pas leur pro­pre pro­gramme à s’engager, à nos côtés, dans nos pro­grammes locaux de refor­esta­tion et de régénéra­tion des forêts français­es ou à l’étranger. Lyon Saint Exupéry sera ain­si Zéro Emis­sion Nette dès 2026. Pour résumer, c’est un plan com­plet et ambitieux. Et pour des ingénieurs, c’est un incroy­able défi à relever que de trou­ver les solu­tions de mobil­ité qui nous per­me­t­tront de con­tin­uer à nous déplac­er tout en préser­vant la planète. Plus que jamais, nous avons besoin des tal­ents et com­pé­tences pour réus­sir notre décar­bon­a­tion et con­tribuer à la lutte con­tre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique dans le secteur de la mobil­ité. 

Dans le domaine de la mobilité, on retrouve l’hydrogène. Quelles sont les perspectives qu’il peut offrir ? 

Depuis la sécuri­sa­tion de sa pro­duc­tion, de son stock­age et de sa dis­tri­b­u­tion, l’hydrogène s’impose comme un vecteur énergé­tique très promet­teur au ser­vice de la mobil­ité et de sa décar­bon­i­sa­tion, à con­di­tion qu’il soit pro­duit à par­tir d’une source d’énergie verte comme le pho­to­voltaïque, l’éolien ou l’hydraulique. Que ce soit pour la mobil­ité ter­restre, aéri­enne et fer­rovi­aire, quand l’électrique est dif­fi­cile­ment envis­age­able, l’hydrogène est une solu­tion d’avenir. Aujourd’hui, nous voulons accélér­er cette logique de bas­cule de la motori­sa­tion vers l’hydrogène, même s’il est impor­tant de bien con­serv­er à l’esprit que l’hydrogène n’est pas en com­péti­tion avec l’électrique. Dans les aéro­ports du Kan­sai au Japon, nous dis­posons, par exem­ple, de trois sta­tions hydrogène pour des véhicules et engins de piste (char­i­ots élé­va­teurs ser­vant nos activ­ités Car­go). Nous venons aus­si d’inaugurer un ser­vice d’autobus à hydrogène en parte­nar­i­at avec les autorités locales. Dans le domaine de l’aviation, Air­bus s’est fixé un objec­tif ambitieux qui lui per­me­t­tra d’asseoir son lead­er­ship : avoir un avion à hydrogène à hori­zon 2035. Pour que cette ambi­tion devi­enne réal­ité, out­re les briques tech­niques et tech­nologiques néces­saires au développe­ment de cet avion, il faut égale­ment des infra­struc­tures aéro­por­tu­aires en capac­ité d’accueillir ces avions. Avec Air­bus et Air Liq­uide, nous avons décidé d’être pilote sur ce sujet en dévelop­pant ces infra­struc­tures en trois temps sur un site pio­nnier, l’aéroport de Lyon Saint Exu­pery : une petite sta­tion à hydrogène pour la mobil­ité légère (véhicules par­ti­c­uliers, véhicules util­i­taires, taxis…) à hori­zon 2023 ; une sta­tion à hydrogène gazeux pour la mobil­ité lourde (poids lourds ser­vant les activ­ités de transport/fret/logistique, bus, engins des piste, char­i­ots élé­va­teurs ) qui sera prête d’ici 2025 ; des instal­la­tions in situ dédiées à l’hydrogène liq­uide vert devant servir les besoins des futurs aéronefs. Nous allons donc pro­duire sur site de l’hydrogène gazeux pour les usages de mobil­ité ter­restre (au sein et autour de l’aéroport) et de l’hydrogène liq­uide pour ali­menter les avions, dès 2035.  

Et dans ce cadre, quelle est votre stratégie ?

Pour lut­ter con­tre le change­ment cli­ma­tique et réduire les émis­sions de car­bone, notre groupe a fait le choix de priv­ilégi­er une approche parte­nar­i­ale en facil­i­tant les col­lab­o­ra­tions entre des acteurs qui ont des forces com­plé­men­taires. Con­cer­nant les parte­naires externes, nous con­clu­ons des accords de parte­nar­i­at stratégiques comme celui signé avec Air­bus et Air Liq­uide en sep­tem­bre 2021 pour dévelop­per sur nos aéro­ports des instal­la­tions hydrogène. Con­cer­nant les parte­naires internes, nous nous appuyons sur les exper­tis­es et les savoir-faire de VINCI Con­struc­tion et VINCI Éner­gies pour dévelop­per des pro­jets de pro­duc­tion et de stock­age de l’hydrogène. Nous avons égale­ment rejoint l’Alliance pour l’Aviation à Emis­sions Nulles (AZEA), lancée par l’Union Européenne et réu­nis­sant les prin­ci­paux acteurs qui s’engagent à pré­par­er une avi­a­tion à émis­sions nulles, grâce notam­ment à l’hydrogène. Il y a sur ce sujet de l’hydrogène une oppor­tu­nité pour dévelop­per un lead­er­ship français. Dans le Plan d’Investissement d’Avenir, l’hydrogène occupe une place cen­trale avec plus de 1,5 mil­liards de cap­i­taux engagés, qui peu­vent aller jusque 2 mil­liards. Avec l’ensemble des finance­ments à l’échelle mon­di­ale, cela représente plus de 15 mil­liards d’euros de pro­jets. Dans ce cadre, nous nous rap­pro­chons d’acteurs nationaux et inter­na­tionaux pour mutu­alis­er ces fonds et avancer ensem­ble. VINCI Con­ces­sions, aux côtés de Total­En­er­gies et Air Liq­uide, a ain­si été à l’initiative du plus grand fonds mon­di­al pour l’hydrogène décar­boné dans les infra­struc­tures, HY24. A ce titre et en tant qu’investisseur de référence dans ce fonds, nous avons co-investi dans H2 Mobil­i­ty, une entre­prise qui exploite et développe en Alle­magne (où VINCI Con­ces­sions est le 1er con­ces­sion­naire autorouti­er) le plus grand réseau de sta­tions de dis­tri­b­u­tion d’hydrogène décar­boné en Europe. Nous sommes aus­si ouverts à des oppor­tu­nités aux États-Unis ou au Japon où nous avons déjà une pre­mière expéri­ence dans l’utilisation de l’hydrogène au sein d’un aéro­port. 

Comment contribuez-vous, à votre niveau, au développement de ce leadership français en matière d’hydrogène ? 

Notre posi­tion­nement de leader en matière de con­ces­sions d’infrastructures de mobil­ité est une fierté, mais il implique aus­si une respon­s­abil­ité en ter­mes de sécu­rité, d’innovation et aujourd’hui de décar­bon­a­tion et de sou­veraineté. Pour relever ce défi et assumer cette respon­s­abil­ité, nous ne sommes bien évidem­ment pas seuls. Nous nous appuyons sur d’autres lead­ers français dans leurs domaines. Notre parte­nar­i­at avec Air­bus, né à Lyon, s’est déployé ces derniers mois dans de nou­velles géo­gra­phies : nos aéro­ports en parte­nar­i­at au Chili (San­ti­a­go) et au Japon (Kan­sai) vien­nent de rejoin­dre le pro­jet. Plus récem­ment encore, c’est au Por­tu­gal que nous avons tis­sé un nou­veau parte­nar­i­at entre nos aéro­ports (ANA) et Cae­tano et Galp pour dévelop­per les bus et engins de piste à hydrogène. Notre mis­sion est donc de tra­vailler ensem­ble pour créer les syn­er­gies et les oppor­tu­nités qui per­me­t­tront à la France de se dis­tinguer à une échelle inter­na­tionale. Dans cette démarche, nous cap­i­tal­isons aus­si sur les acteurs de la recherche et les uni­ver­sités pour ren­forcer notre capac­ité d’innovation, de R&D et de recherche appliquée. 

En quoi le modèle de la concession est-il pertinent pour relever l’ensemble de ces défis ? 

Parce que nous sommes con­ces­sion­naires d’infrastructures de mobil­ité, nous sommes au cœur des par­ties prenantes qui sont con­cernées par le développe­ment et l’adoption de l’hydrogène comme énergie du futur. Au-delà, comme précédem­ment men­tion­né, nous nous diri­geons pro­gres­sive­ment vers un mod­èle où l’hydrogène vert sera pro­duit et dis­tribué au sein des infra­struc­tures de mobil­ité pour répon­dre aux besoins en énergie, mais aus­si pour décar­bon­er les usages. Le mod­èle de la con­ces­sion est par­ti­c­ulière­ment per­ti­nent pour accom­pa­g­n­er cette évo­lu­tion sur le long terme, les con­trats de con­ces­sion ayant, en effet, une durée moyenne de plusieurs décen­nies. La force de ce mod­èle réside ain­si dans sa capac­ité d’investissement qui va au-delà des con­sid­éra­tions budgé­taires annuelles. En effet, nous dis­posons d’un rap­port au temps qui nous per­met de remod­el­er les plans d’infrastructures et de pou­voir amor­tir ces évo­lu­tions par la suite. 

Et pour conclure ?

C’est aujourd’hui que nous posons les bases de la mobil­ité pos­i­tive de demain. La mobil­ité est un bien essen­tiel de l’humanité. Nous devons con­tin­uer à nous déplac­er tout en préser­vant la planète. Nous sommes forte­ment engagés pour apporter notre con­tri­bu­tion à cet enjeu socié­tal et envi­ron­nemen­tal cru­cial. 

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