Vect-Horus, la biotech française qui permet aux médicaments d’atteindre le cerveau


Vect-Horus apporte une solution inédite et disruptive afin de résoudre une problématique majeure dans le traitement de maladies incurables et du cancer : garantir le passage des molécules administrées du système sanguin vers le tissu nerveux. Michel Khrestchatisky, cofondateur et conseiller scientifique de Vect-Horus, et Jean-Manuel Péan, directeur de la recherche et développement nous en disent plus.
Spin-off de l’Institut de Neurophysiopathologie, quelle a été la genèse de Vect-Horus ?
Michel Khrestchatisky : Dans le cadre de nos travaux sur le plan fondamental, notamment au CNRS où j’ai exercé pendant de nombreuses années, nous avons très souvent été amenés à faire le constat que même si le collectif scientifique avait la capacité de développer des molécules thérapeutiques intéressantes pour traiter certaines pathologies du système nerveux central, leur usage était néanmoins restreint en raison des propriétés très spécifiques du système vasculaire cérébral, et notamment de la barrière hémato-encéphalique (BHE), qui empêche le passage de nombreuses molécules administrées aux patients du système sanguin vers le tissu nerveux.
J’ai cherché à développer des stratégies pour contourner le frein de la BHE. J’ai capitalisé sur le cadre réglementaire de la loi Allègre du 12 juillet 1999 qui permet notamment aux chercheurs de créer des entreprises pour valoriser leurs travaux de recherche. En 1999, j’ai participé à un concours du ministère de la Recherche en présentant mon projet qui consistait à développer des technologies et des stratégies pour passer la BHE. Lauréat de ce concours et grâce au prix reçu (300 000 francs à l’époque !), j’ai pu amorcer les travaux de recherche dans un contexte académique.
Après 6 années de travail sur le volet technologique pour développer des stratégies, et grâce à l’aide d’Alexandre Tokay, un banquier d’investissement, nous avons ensemble déposé les statuts de Vect-Horus fin 2005. Au cours des 19 dernières années, l’entreprise s’est depuis développée au fil des levées de fonds menées par Alexandre et des contrats de recherche publics privés, notamment européens, sur lesquels j’ai pu travailler.
« Réussir à transporter spécifiquement dans le cerveau des molécules thérapeutiques utiles pour le traitement de maladies neurodégénératives ou de tumeurs cérébrales. »
Jean-Manuel Péan : Vect-Horus est une illustration concrète de la genèse d’une innovation. Son point de départ est un tourment, la volonté de résoudre un problème : réussir à transporter spécifiquement dans le cerveau des molécules thérapeutiques utiles pour le traitement de maladies neurodégénératives ou de tumeurs cérébrales. C’est aussi une rencontre humaine entre les deux cofondateurs, Michel Khrestchatisky et Alexandre Tokay, animés par une vision commune. Enfin, depuis sa création, l’entreprise a su lever plus de 40 millions d’euros, essentiellement auprès d’investisseurs privés qui ont financé avec patience un projet ambitieux. Vect-Horus emploie aujourd’hui une quarantaine de personnes qui animent une plateforme technologique unique en Europe.
Concrètement, Vect-Horus identifie des récepteurs spécifiques capables de transporter des médicaments dans le cerveau. Dites-nous en plus.
M.K : L’organisation très particulière du système vasculaire cérébral le rend très imperméable au passage de molécules comme les médicaments du sang vers le tissu nerveux. Paradoxalement, le cerveau, qui représente 2 % du poids corporel, va au quotidien consommer 20 à 30 % de tout ce que nous pouvons absorber : ces éléments sont captés dans le sang par des récepteurs et des transporteurs présents au niveau de la BHE. Ils servent normalement au transport du sang vers le tissu nerveux de molécules indispensables au cerveau comme l’insuline, le fer, etc. Vect-Horus a développé des stratégies pour utiliser ces récepteurs comme des chevaux de Troie. Concrètement, nous développons des molécules complexes que nous appelons « vecteurs », qui ciblent ces récepteurs, et nous conjuguons les médicaments à ces vecteurs afin qu’ils puissent être transportés à travers la BHE par ces récepteurs.
J‑M. P : 90 % des études cliniques échouent en grande partie parce que les molécules testées ne se concentrent pas suffisamment dans les territoires d’intérêt, Vect-Horus vient résoudre cette problématique en forçant l’accumulation de molécules thérapeutiques, dans des territoires spécifiques, comme le système nerveux central ou des organes touchés par le cancer, en particulier les tumeurs cérébrales.
Qu’en est-il de votre business modèle ?
M.K et J‑M. P : Nous proposons une plateforme technologique destinée aux entreprises pharmaceutiques qui développent de nouvelles entités ou molécules thérapeutiques pour lesquelles elles souhaitent réaliser un essai clinique pour répondre à des besoins non couverts ou traiter des maladies incurables. Sous la responsabilité du Dr. Jamal Temsamani, nous avons déposé des brevets pour protéger notre technologie et commercialisons des licences. Aujourd’hui, Vect-Horus ne développe donc pas de produits médicaments en propre.
D’ailleurs, votre actualité est marquée par de récents contrats de licensing, notamment avec Novo Nordisk. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J‑M. P : Novo Nordisk, une société danoise très présente sur le territoire français, a licencié notre technologie et nous a versé en retour des revenus de licence pour pouvoir utiliser nos découvertes et nos brevets. Leur objectif est de coupler des molécules d’intérêt thérapeutique de leur portefeuille à nos vecteurs. Concrètement, nous mettons à leur disposition la technologie nécessaire pour assurer le transport de leurs molécules et, in fine, améliorer leur profil biopharmaceutique et leur distribution dans l’organisme.
La société américaine Ionis Pharmaceuticals qui développe des thérapies à ARN a également licencié notre technologie pour améliorer la distribution et l’efficacité de ses molécules. Dans le domaine de l’oncologie, nous avons aussi un co-développement en cours avec la société américaine RadioMedix pour emmener un radiopharmaceutique dans le système nerveux central et dans le pancréas pour mieux traiter les tumeurs qui peuvent se développer dans ces organes. Nous avons également d’autres partenariats en cours de discussion.
Le domaine de la « vectorisation » attire de plus en plus d’acteurs. Quel regard portez-vous sur ce secteur ?
M.K : En effet ! Au niveau mondial, on observe un intérêt croissant de nombreux grands groupes industriels de la pharmaceutique pour ce sujet. Cet intérêt est notamment motivé au sein des grands groupes par la volonté de développer une compétence et une maîtrise en interne des technologies de vectorisation ou bien d’acquérir une plateforme immédiatement opérationnelle. Ces dernières années ont ainsi été marquées par de nombreuses transactions. On peut notamment citer le rachat de la plateforme BioArctic par Eisai et Biogen, le rachat de Morphic, une plateforme de distribution de molécules, par Eli Lilly, ou encore de la plateforme ArmaGen par JCR Pharmaceuticals. Le laboratoire AbbVie a également acheté la plateforme Aliada Therapeutics, qui a un produit en cours de développement pour la maladie d’Alzheimer pour un montant avoisinant 1,4 milliard de dollars.
Cette prise de conscience autour de l’importance de la technologie de vectorisation laisse entrevoir des perspectives très intéressantes pour Vect-Horus. Ce phénomène vient aussi légitimer la démarche entrepreneuriale, scientifique et technologique que nous avons initiée il y a près de 20 ans.
Au-delà, le développement de la vectorisation ouvre bien évidemment aussi de nouvelles perspectives thérapeutiques au service des patients et de leur bien-être.
À partir de là, comment vous projetez-vous sur le marché ?
M.K et J‑M. P : À l’instar des autres acteurs du secteur, nous poursuivons quand nécessaire la recherche de sources de financement et, dans le contexte propice au développement des technologies de vectorisation, de nombreuses pistes s’ouvrent pour Vect-Horus avec un focus sur le traitement des maladies incurables, telles que les maladies neurodégénératives ou différents types de cancer.