Une technologie unique au monde…

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°771 Janvier 2022
Par Shane MANSFIELD
Par Pascale SENELLART (X93)

Ren­con­tre avec Pas­cale Senel­lart (93), cofon­da­trice de Quan­dela et direc­trice de recherche au cen­tre de nanosciences et de nan­otech­nolo­gies du CNRS et de l’Université Paris-Saclay et Shane Mans­field, chef de l’algorithmie quan­tique chez Quan­dela et doc­teur de l’Université d’Oxford. Ils nous présen­tent Quan­dela, une pépite française du quan­tique, et nous en dis­ent davan­tage sur leurs recherch­es, qui à l’évidence vont révo­lu­tion­ner le monde du cal­cul quantique.

Quelle est la genèse de Quandela ?

Pas­cale Senel­lart : Créée en 2017, Quan­dela est issue du cen­tre de nanosciences et de nan­otech­nolo­gies, un lab­o­ra­toire au cœur du Cam­pus Paris-Saclay, né en 2016 du regroupe­ment de deux lab­o­ra­toires fran­ciliens : le lab­o­ra­toire de pho­tonique et de nanos­truc­tures (LPN) et l’Institut d’électronique fon­da­men­tale (IEF). Cette jeune pousse, qui développe de petits com­posants à semi-con­duc­teurs, qui ressem­blent aux poin­teurs laser, mais qui au lieu d’émettre de la lumière de type laser ou lumière blanche pour l’éclairage, émet­tent de la lumière quan­tique, a réus­si à dévelop­per un com­posant qui s’avère être cen­tral pour le développe­ment de plusieurs tech­nolo­gies, le cal­cu­la­teur quan­tique. Notre tech­nolo­gie est le fruit d’une ving­taine d’années de recherche. Elle a déjà été adop­tée par les chercheurs et ingénieurs des tech­nolo­gies quan­tiques en Aus­tralie, en Russie, en Ital­ie, aux Pays-Bas ou encore en Autriche.

L’année dernière, pour aller encore plus loin, nous avons décidé de faire appel à Shane, un expert du cal­cul quan­tique, avec l’idée qu’en com­bi­nant nos exper­tis­es, nous serons en mesure de créer une plate­forme de cal­cul quantique.

Et pouvez-vous nous en dire plus sur cette plateforme de calcul quantique ?

Shane Mans­field : Il s’agit d’une plate­forme mod­u­laire de cal­cul quan­tique à base de pho­tons. Il existe plusieurs pistes tech­nologiques pour créer des ordi­na­teurs quan­tiques – ions piégés, cir­cuits supra­con­duc­teurs, atom­es froids… 

Notre plate­forme a la par­tic­u­lar­ité d’utiliser des pho­tons uniques : des qubits dit « volants ». C’est une approche avec beau­coup d’avantages, et qui m’enthousiasme en tant que théoricien par sa net­teté, sa poly­va­lence, et son car­ac­tère naturelle­ment appro­prié pour créer des réseaux de processeurs quan­tiques. Effec­tive­ment la pho­tonique est très promet­teuse pour pou­voir croître en puis­sance plus rapi­de­ment, sans subir les freins inhérents aux autres tech­nolo­gies. Actuelle­ment, dans nos lab­o­ra­toires à Massy, notre équipe réalise la con­cep­tion de processeurs qui font inter­a­gir les pho­tons pour des appli­ca­tions bien spé­ci­fiques. Nous faisons actuelle­ment nos tous pre­miers cal­culs à base de deux pho­tons. Mais atten­tion, bien que ce nom­bre puisse paraître petit, la vraie mesure de l’intérêt d’une plate­forme de cal­cul quan­tique n’est pas le nom­bre de pho­tons ou de qubits mais ce qu’on peut faire avec. Nous avons réus­si à cer­ti­fi­er la généra­tion de nom­bres aléa­toires – une brique tech­nologique à la base de la plu­part des pro­to­coles cryp­tographiques – avec un niveau de sécu­rité impos­si­ble de réalis­er avec des processeurs clas­siques. Nous allons bien­tôt rajouter de la com­plex­ité et pass­er à six pho­tons ouvrant la voie à d’autres appli­ca­tions. Notre objec­tif est de met­tre à dis­po­si­tion de nos clients le pre­mier ordi­na­teur pho­tonique com­plet et per­me­t­tre son accès via une plate­forme en ligne. L’idée est dans un pre­mier temps de favoris­er la recherche et faciliter l’accès à ce type de ressources de calcul.

“Effectivement la photonique est très prometteuse pour pouvoir croître en puissance plus rapidement, sans subir les freins inhérents aux autres technologies.”

Vous avez donc de fortes chances de passer à l’échelle…

S.M : En effet, l’ordinateur quan­tique à base de lumière est une des deux seules plate­formes au monde – avec les plate­formes supra­con­duc­tri­ces – à avoir mon­tré un avan­tage com­pu­ta­tion­nel quan­tique. Par ailleurs, nous avons beau­coup de pos­si­bil­ités pour pass­er à l’échelle, notam­ment en util­isant des états à plusieurs pho­tons. En effet, un des atouts majeurs des pho­tons vient du fait qu’il s’agit de par­tic­ules quan­tiques sans charge ni masse et qui inter­agis­sent très peu avec leur envi­ron­nement – inter­ac­tion qui con­stitue un défi majeur pour les autres plate­formes de cal­cul… Enfin, côté ingénierie les cal­culs quan­tiques à base de pho­tons peu­vent se faire en grande par­tie à tem­péra­ture ambiante tan­dis que les autres tech­nolo­gies doivent pass­er par des sys­tèmes de cryo­génique énormes. 

Dernier point impor­tant, les pho­tons sont les par­tic­ules de choix pour trans­met­tre l’information quan­tique d’un endroit à l’autre et pour créer un jour un inter­net quan­tique et con­necter divers­es machines de cal­cul quantique.

Quandela est aussi une start-up en pleine croissance. Quels sont les profils dont vous avez besoin pour accompagner votre croissance ?

P.S : En effet, nous sommes aujourd’hui une quar­an­taine de per­son­nes et recru­tons deux à trois per­son­nes par mois. Nous avons besoin de pro­fils divers et var­iés pour accom­pa­g­n­er notre développe­ment : des chercheurs, des infor­mati­ciens, des math­é­mati­ciens, des per­son­nes spé­cial­isées en algo­rith­mique quan­tique et d’autres pour la par­tie développe­ment économique et parte­nar­i­ats avec des util­isa­teurs industriels. 

Quan­dela est un écosys­tème en pleine con­struc­tion. Les tech­nolo­gies quan­tiques de Quan­dela ont bien plus qu’un seul atout à leur arc. Nous four­nissons du hard­ware aux ingénieurs qui dévelop­pent et nous dévelop­pons un ordi­na­teur quan­tique. Nos portes sont ouvertes à toutes les per­son­nes motivées qui ont envie de par­ticiper à une aven­ture tech­nologique pas­sion­nante et en plein essor.


En bref

Quan­dela est une entre­prise experte dans la fab­ri­ca­tion de com­posants pour la pho­tonique quan­tique. La start-up a été fondée en 2017 par Pas­cale Senel­lart, direc­trice de recherche au cen­tre de nanosciences et de nan­otech­nolo­gies du CNRS et de l’Université Paris-Saclay, Valéri­an Giesz, ingénieur et doc­teur en optique quan­tique, et Nic­co­lo Somaschi, doc­teur en nan­otech­nolo­gies semi-con­duc­tri­ces. La jeune pousse se con­cen­tre sur le développe­ment d’un ordi­na­teur quan­tique pho­tonique. Allant dans ce sens, elle a dévoilé dans le courant de l’année 2020 Prometheus, le pre­mier généra­teur de qubits pho­toniques com­mer­cial au monde.

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