Une plateforme intuitive et structurante pour fluidifier les paiements

Yohann Videgrain-Charreyron a fondé Paybystep pour s’attaquer à un fléau récurrent dans les entreprises : les délais de paiement. Sa solution innovante introduit un modèle de paiement par étapes, aligné sur l’avancement réel des projets et accompagné d’une cession progressive de la propriété intellectuelle. Entretien avec un entrepreneur qui veut réconcilier prestataires, clients et flux de trésorerie.
Quelle problématique vous a conduit à créer Paybystep ?
L’origine du projet réside dans une expérience de terrain étendue. Ayant fondé ma première entreprise à 22 ans et travaillé ensuite en tant que freelance ou associé dans divers projets internationaux — en Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, en Roumanie ou encore aux États-Unis — j’ai été confronté à la problématique récurrente et profondément ancrée des délais de paiement. C’est un enjeu structurel, que j’ai observé dans presque toutes les configurations professionnelles. Malgré l’existence d’outils de gestion de projet de plus en plus sophistiqués, le décalage entre production et rémunération persiste. L’idée de Paybystep a donc germé de cette dissonance : pourquoi ne pas faire évoluer le paiement pour qu’il suive la logique du projet ?
En quoi consiste précisément votre solution ?
Paybystep repose sur un principe simple mais fondamental : substituer au modèle classique d’acompte puis solde final, un système de règlement par étapes successives. Chaque ligne d’un devis devient ainsi une étape opérationnelle, validée à la livraison par le client. Une fois cette validation actée, le paiement correspondant est déclenché dans un délai encadré de 1 à 30 jours, conformément aux obligations légales. Ce modèle assure à la fois un alignement opérationnel, une fluidité transactionnelle et une responsabilisation mutuelle des parties.
Votre plateforme intègre également un mécanisme de cession progressive des droits de propriété intellectuelle. Pouvez-vous en expliquer la logique et les bénéfices ?
Effectivement, au-delà de l’aspect financier, nous avons voulu sécuriser juridiquement la relation client-prestataire. En collaboration avec un juriste de l’INPI, nous avons développé un système de cession progressive de la propriété intellectuelle. Concrètement, chaque étape livrée et payée donne lieu à la génération automatique d’un contrat précisant le transfert des droits sur les éléments produits. Ainsi, le client devient propriétaire de ce qu’il a effectivement payé. Cela protège les deux parties en cas de litige : le prestataire ne peut être dépossédé de son travail sans compensation, et le client conserve la propriété des livrables déjà réglés. Ce mécanisme contribue à assainir la relation commerciale.
Quels profils d’utilisateurs ont aujourd’hui adopté votre solution ?
Nous avons initialement ciblé les professions à forte valeur intellectuelle ou créative : avocats, architectes, développeurs, graphistes, coachs ou encore ESN. Ces professionnels, parfois peu équipés technologiquement, ont trouvé dans Paybystep une plateforme à la fois intuitive et structurante. Outre le paiement par étapes, notre outil leur permet de générer automatiquement des factures et contrats, ce qui représente un gain de temps notable. Nous entamons maintenant une phase d’ouverture à d’autres secteurs, en nous adaptant aux outils existants des entreprises, notamment via le développement de connecteurs spécifiques.
Quel retour obtenez-vous de vos utilisateurs, tant prestataires que clients ?
Les retours sont très positifs. Les prestataires apprécient d’être payés à temps et de voir leur travail valorisé à sa juste mesure. Cela favorise un engagement accru, une meilleure qualité de livraison, et souvent une fidélisation renforcée. Côté client, plusieurs entreprises valorisent l’usage de Paybystep dans une logique RSE : elles montrent ainsi leur volonté de travailler de manière responsable, éthique et collaborative. Nous avons aussi des retours très pragmatiques : en respectant les délais de paiement, les entreprises se prémunissent contre les sanctions de la DGCCRF, ce qui, dans certains cas, représente des économies substantielles.
Quels ont été les principaux obstacles au développement de la plateforme ?
Le premier défi est technologique : de nombreuses entreprises disposent déjà d’outils ERP ou comptables complexes. Il est donc impératif de créer des intégrations sur mesure pour que Paybystep puisse s’insérer dans leurs systèmes sans générer de frictions. Le second défi est culturel : il s’agit d’un changement d’usage. Il faut donc évangéliser, démontrer, faire tester. Heureusement, le bouche-à-oreille fonctionne bien. Une entreprise convaincue en amène souvent deux ou trois autres. Enfin, le troisième défi, plus stratégique, concerne l’accès aux grands groupes. Nous avons appris à ne pas proposer une brique logicielle de plus, mais plutôt une démarche de diagnostic, appuyée par une future IA capable de détecter automatiquement les points de blocage dans leurs processus de paiement.
Quel modèle économique avez-vous retenu pour rendre votre solution viable ?
Après plusieurs tests, nous avons opté pour un modèle fondé sur la consommation réelle. Chaque étape payée coûte un euro à l’utilisateur, l’émission automatique de facture coûte cinquante centimes, et le contrat de cession de propriété cinq euros. Nous proposons également une offre de support à 59 euros de l’heure pour les entreprises qui souhaitent un accompagnement sur leurs projets. Enfin, à partir de septembre, nous intégrerons sur la plateforme des services complémentaires tels que l’affacturage ou l’assurance projet, sur lesquels nous percevrons une commission.
Quelles sont vos ambitions à moyen et long terme ?
Notre premier objectif est d’accélérer le développement technique, en particulier le déploiement de notre intelligence artificielle. Cette IA sera capable de cartographier en temps réel les points de friction dans les circuits de paiement des grands groupes, et de recommander l’usage de Paybystep sur des prestations stratégiques. Par ailleurs, nous projetons de devenir opérateur de paiement en propre à l’échelle européenne d’ici deux ans. À l’international, nous privilégierons une stratégie de licences commerciales : nous avons déjà mené des études de marché concluantes en Amérique du Nord et des premiers échanges ont été amorcés avec des partenaires potentiels.
Quel message souhaitez-vous adresser aux grandes entreprises, souvent perçues comme les mauvais payeurs ?
Il est essentiel de sortir d’une vision manichéenne. Le terme de « mauvais payeur », souvent employé dans les médias ou par certains acteurs institutionnels, ne reflète que très partiellement la réalité des grandes entreprises. Dans la majorité des cas, les retards de paiement ne relèvent pas de la mauvaise foi, mais sont la conséquence directe de systèmes organisationnels complexes, de contraintes financières multiples et de chaînes de validation très segmentées.
Nous observons que beaucoup de directions financières ou achats sont elles-mêmes conscientes des limites de leur fonctionnement. Payer une facture de 100 000 euros est parfois plus simple, d’un point de vue procédural, que d’en régler une de 1 500. C’est un paradoxe administratif, mais c’est une réalité concrète. À cela s’ajoute souvent une pression forte liée aux objectifs trimestriels, à la gestion du besoin en fonds de roulement (BFR), voire à des injonctions de reporting vis-à-vis des investisseurs ou des actionnaires.
Il ne s’agit donc pas de pointer du doigt, mais de comprendre. Nous proposons une approche pragmatique et structurée pour réconcilier performance financière, exigence légale et respect des partenaires. Notre conviction, c’est qu’en fluidifiant les paiements, on fluidifie aussi les relations humaines, la qualité des projets et, in fine, la compétitivité des entreprises.




