Une mission vitale pour la ville

Dossier : Dossier FFEMagazine N°706 Juin/Juillet 2015
Par Thibaud DESBARBIEUX (02)

Thibaud Desbarbieux, parlez-nous de L’ANRU, de sa fonction, de son but ?

L’ANRU est un éta­blis­se­ment public créé en 2003. Au sein d’une poli­tique plus large dite « poli­tique de la ville », l’objectif de l’ANRU est de mettre en œuvre un pro­gramme natio­nal qui vise à restruc­tu­rer les quar­tiers clas­sés en zones urbaines sen­sibles. L’objectif est de réno­ver ces quar­tiers, leur habi­tat et leurs équi­pe­ments publics.

Notre métier consiste à mettre en œuvre ce pro­gramme, qui est sur le point de s’achever, mais sera sui­vi d’un nou­veau, lan­cé en 2014, et dont nous aurons éga­le­ment la charge. Le but sera à nou­veau de tra­vailler sur des sec­teurs qui concentrent sou­vent trop de pau­vre­té, en inter­ve­nant sur l’habitat et la com­po­si­tion urbaine.

Concrètement comment fonctionne votre mission ?

Pointe-à-Pitre – Rési­dence Ger­trude Decorbin.

Les agglo­mé­ra­tions et com­mu­nau­tés urbaines fédèrent les acteurs locaux (offices HLM…), nous pré­sentent leurs pro­jets de réno­va­tion urbaine, avec un dos­sier com­plet que nous étu­dions. En fonc­tion de la fia­bi­li­té esti­mée de leur pro­jet mais sur­tout de leur ambi­tion, nous éva­luons si celui-ci cor­res­pond aux objec­tifs que nous pour­sui­vons (diver­si­té de l’habitat, mixi­té des fonc­tions, den­si­té appro­priée, ouver­ture du quar­tier sur la ville, effi­ca­ci­té éner­gé­tique…) et si les réponses sont adap­tées au contexte.

En fonc­tion, nous déci­dons si nous sommes à même d’apporter notre concours finan­cier, qui est modu­lé en fonc­tion de la qua­li­té des projets.

Par-delà l’aspect financier, jusqu’où va le rôle de votre établissement ?

Nous appor­tons notre concours finan­cier aux agglo­mé­ra­tions et com­mu­nau­tés urbaines et nous sui­vons la bonne exé­cu­tion des pro­jets sub­ven­tion­nés, certes, mais inter­ve­nons éga­le­ment dans une fonc­tion d’appui et de conseil, forts de notre expé­rience et notre exper­tise en matière de pro­jets sociaux et urbains.

En outre, nous sommes exté­rieurs au jeu d’acteurs locaux et pou­vons éga­le­ment jouer un rôle de faci­li­ta­teur dans ces pro­jets émi­nem­ment complexes.

Quelles sont les priorités de l’ANRU qui ont été décrétées pour l’année 2015 en cours ?

Notre prio­ri­té consiste à s’assurer que toutes les conven­tions arrivent bien à échéance, et à repar­tir sur de nou­veaux projets.

L’expérience nous incite à prendre le temps néces­saire à leur concep­tion. Ils doivent être conçus à une échelle de temps et d’espace plus longue, afin de pou­voir garan­tir l’insertion des quar­tiers dif­fi­ciles dans la dyna­mique des agglo­mé­ra­tions et des métropoles.

Un autre point d’inflexion de notre inter­ven­tion est que nous vou­lons faire en sorte que les actions menées sur les aspects sociaux puissent mieux conver­ger, créer davan­tage de syner­gies. Par exemple, l’école ne sera pas abor­dée que sous l’angle du bâti mais éga­le­ment sous celui de l’évitement sco­laire afin d’éviter qu’elle ne concentre un trop impor­tant taux de popu­la­tions en difficulté.

In fine, quel est l’objectif pour ces quartiers en réhabilitation ?

En réa­li­té, le but est de faire en sorte qu’ils deviennent des quar­tiers comme les autres, voire mieux que les autres, et dans les­quels des choses se passent, des dyna­miques se créent.

L’objectif de la poli­tique de la ville, c’est d’en sor­tir. Pour cela, l’enjeu est de savoir iden­ti­fier les pro­blèmes, de détec­ter les dys­fonc­tion­ne­ments mais aus­si les atouts, et d’apporter une réponse adaptée.

En quoi ces problématiques sur lesquelles l’ANRU travaille sont-elles, selon vous, au cœur de l’actualité ?

“ Notre action est importante car elle a vocation à concourir à casser les ghettos et à favoriser le vivre ensemble ”

Notre action est clai­re­ment actuelle. Pre­nez les évé­ne­ments tra­giques de ce début d’année, avec les atten­tats. Ces drames qui ont bou­le­ver­sé tout le pays et même au-delà ont contri­bué à relan­cer le débat sur un apar­theid social, que l’on peut tenir en par­tie pour res­pon­sable de dérives graves.

Notre action est impor­tante car elle a voca­tion à concou­rir à cas­ser les ghet­tos et à favo­ri­ser le vivre ensemble. Nous savons que notre mis­sion est impor­tante, et qu’en consé­quence, nous sommes atten­dus au tournant.

Justement comment appréhendez-vous cette attente dont vous faites l’objet ?

La méthode « pro­jet » et « par­te­na­riat » a fait ses preuves. Le cadre de vie a été consi­dé­ra­ble­ment trans­for­mé dans beau­coup de sites et les habi­tants ont repris confiance dans l’action publique.

Il faut donc la dupli­quer en pre­nant mieux en compte les pro­blé­ma­tiques de déve­lop­pe­ment éco­no­mique pour être à même de rame­ner les gens vers l’emploi, de créer une dyna­mique dans les quar­tiers, de faire venir des entre­prises, de déve­lop­per des pépi­nières, de mettre tous les moyens pos­sibles en œuvre pour per­mettre la réin­ser­tion du plus grand nombre.

Derrière le cas particulier de chacun de ces quartiers sensibles, il y a bien entendu une vision plus globale…

Eco Quartier Wolf Wagner.à Mulhouse
Mul­house – Eco Quar­tier Wolf Wag­ner. © Nor­bert Lhos­tis – Ville de Mulhouse

Abso­lu­ment, nous sommes dans une logique d’intégration, afin que ces quar­tiers sen­sibles puissent ser­vir le déve­lop­pe­ment des métro­poles. Aujourd’hui, la réus­site de ces pro­jets tient en par­tie à l’investissement de chacun.

Je pense notam­ment aux inves­tis­se­ments pri­vés. Nous devons inci­ter les entre­pre­neurs à chan­ger leur regard sur ces quar­tiers, à savoir voir la source d’opportunité qu’ils repré­sentent. Il faut par­ve­nir à rame­ner de l’activité. Com­merces, bureaux, loge­ments pri­vés en acces­sion ou à la loca­tion, petits locaux artisanaux…

Les oppor­tu­ni­tés ne manquent pas pour ceux qui se sentent prêts à recréer la ville dans toutes ses com­po­santes. Il y a de la place pour ces inves­tis­seurs et c’est le mes­sage que nous sou­hai­tons leur adres­ser ici.

EN BREF

L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine met en œuvre des projets de renouvellement urbain afin de transformer les conditions de vie de 5 millions d’habitants.
A travers le Programme National de Rénovation Urbaine (12,350 milliards d’euros en provenance de l’ANRU et de ses partenaires, qui génèrent 45 milliards d’euros de travaux) et le Programme « Quartiers Anciens », l’ANRU intervient notamment sur les logements, les espaces publics, les équipements scolaires, les crèches, les commerces, l’activité économique.
Elle mène également des actions en faveur de l’insertion par l’emploi et agit pour le développement des internats de la réussite et de la culture scientifique, technique et industrielle au titre du Programme d’Investissement d’Avenir.

Poster un commentaire