Au Mexique

Une industrie qui arrive à maturité

Dossier : Les énergies renouvelablesMagazine N°730 Décembre 2017
Par Jérôme GUILLET (89)
Par Pascale JEAN (89)
Par Nicolas OTT (01)

Le déve­lop­pe­ment récent des éner­gies renou­ve­lables n’a pu être lan­cé qu’a­vec une poli­tique de sou­tien publique. Cette étape a été rapi­de­ment fran­chie et les prix des éner­gies renou­ve­lables deviennent de plus en plus com­pé­ti­tifs grâce aux évo­lu­tions tech­no­lo­giques et à la concurrence. 

Depuis les années 2000, les éner­gies renou­ve­lables (prin­ci­pa­le­ment l’éolien et le solaire) ont béné­fi­cié de sou­tiens impor­tants en Europe dans un contexte de poli­tique volon­ta­riste d’évolution du mix éner­gé­tique vers un mix moins car­bo­né. Ces sou­tiens publics ont per­mis de lan­cer et de sou­te­nir le déve­lop­pe­ment de ces énergies. 

Ils visaient éga­le­ment à accé­lé­rer l’innovation de ce sec­teur émergent pour atteindre des tailles cri­tiques d’installation et béné­fi­cier d’effets d’échelle en termes industriels. 

REPÈRES

Pour comparer au plan économique les diverses sources d’énergie, on a recours au LCOE (levelized cost of energy), un indicateur permettant de calculer le coût complet d’une énergie sur la durée de vie de l’équipement qui la produit.
Communément utilisé pour les investissements de nouvelles installations, il intègre à la fois le coût de l’investissement initial et les coûts de fonctionnement sur toute la durée de vie de l’installation.
Les tarifs de rachat, contrats long terme de rachats (PPA – power purchase agreement) et les CFD (contract for difference) se basent sur cet indicateur.

140 PAYS ENGAGÉS DANS CETTE VOIE

Quinze ans plus tard, le pay­sage est tota­le­ment dif­fé­rent. Vu du mar­ché mon­dial, le mar­ché des éner­gies renou­ve­lables a désor­mais des fon­da­men­taux qui ne sont plus liés aux sou­tiens publics. 

“ Les incitations étatiques ont donné une formidable accélération à un processus commencé au début des années 2000 ”

Divers fac­teurs expliquent ce déve­lop­pe­ment des éner­gies renou­ve­lables dans le monde. Tout d’abord, la pro­blé­ma­tique de la tran­si­tion éner­gé­tique a été inté­grée par un nombre crois­sant d’États.

Selon le réseau REN 21, depuis 2004, le nombre de pays fai­sant la pro­mo­tion de l’énergie renou­ve­lable dans leur poli­tique éner­gé­tique est pas­sé de 48 à plus de 140. 

Les inci­ta­tions éta­tiques sous diverses formes ont don­né une for­mi­dable accé­lé­ra­tion à un pro­ces­sus com­men­cé au début des années 2000. 

Le deuxième fac­teur d’explication est l’évolution des capa­ci­tés de finan­ce­ment. Le contexte de taux bas et l’appétence des fonds pour les infra­struc­tures ont per­mis de four­nir les moyens néces­saires aux ambi­tions étatiques. 

DES FACTEURS ÉCONOMIQUES FAVORABLES

Cepen­dant, de plus en plus, ce sont des fac­teurs éco­no­miques qui prennent le relais du déve­lop­pe­ment des renou­ve­lables. La forte baisse du LCOE (leve­li­zed cost of ener­gy) des éner­gies renou­ve­lables toutes tech­no­lo­gies confon­dues, l’étendue des ins­tal­la­tions pos­sibles (de la « méga » cen­trale de plu­sieurs cen­taines de méga­watts aux petites ins­tal­la­tions de quelques kilo­watts) et la plus grande maî­trise des pro­jets sont autant d’éléments qui ont ren­du pos­sible un déve­lop­pe­ment à grande échelle. 

“ Un marché mondial, fragmenté en multiples marchés compétitifs ”

Enfin, la forte crois­sance de la demande élec­trique dans les pays émer­gents est le der­nier fac­teur qui aujourd’hui prend le relais de la dyna­mique enclen­chée par la poli­tique de sou­tien dans les pays développés. 

Certes, dans ces pays déve­lop­pés, les sou­tiens publics sont encore néces­saires pour sou­te­nir cer­taines filières, mais l’accroissement conti­nu de la com­pé­ti­ti­vi­té et sur­tout le rythme des inno­va­tions tech­no­lo­giques amè­ne­ront pro­gres­si­ve­ment ces éner­gies dans un mar­ché libre et concurrentiel. 

Les grands pro­jets comme l’éolien off­shore ou les fermes solaires cen­tra­li­sées néces­sitent cepen­dant des méca­nismes de « déris­quage » via des finan­ce­ments inno­vants ou des garanties. 


Le Mexique a choi­si de miser sur les EnR.
© CAMERAMAN / FOTOLIA.COM

L’ENGAGEMENT DU MEXIQUE

Le Mexique fut cantonné dans un schéma de monopole étatique jusqu’en 2013, date à laquelle la libéralisation fut mise en place.
Dès cette date, les énergies renouvelables ont été mises en avant avec des appels d’offres compétitifs pour le développement d’installations de grande taille et en parallèle des logiques novatrices permettant à des consommateurs d’acheter directement leur électricité auprès des producteurs renouvelables. Ainsi Walmart qui approvisionne ses magasins directement auprès d’un champ éolien de 67 MW dans la région d’Oaxaca.
Avec des LCOE pour l’éolien entre 40 et 60 $/MWh et inférieurs à 40 $/ MWh pour le solaire (le Mexique est au cœur de la Sun Belt), le développement des renouvelables au Mexique est un choix économique concomitant à la libéralisation du marché et illustre les logiques en cours dans les pays émergents.

UNE BAISSE INEXORABLE DES PRIX

L’évolution des LCOE des pro­jets de construc­tion des éner­gies renou­ve­lables de 2012 à 2017 per­met d’illustrer la baisse des prix des renou­ve­lables sur cette période. 

Pour l’éolien mari­time, le tarif d’achat sur appel d’offres passe de 190€ par méga­watt­heure en 2012 à 50€ en 2017. Les chiffres sont res­pec­ti­ve­ment de 82€ et 43€ pour l’éolien ter­restre ; et de 129€ et 53€ pour le solaire photovoltaïque. 

DES MARCHÉS OUVERTS ET CONCURRENTIELS

Dans ce contexte, l’industrie des renou­ve­lables se trouve aujourd’hui en pleine muta­tion. Ini­tia­le­ment cen­trée sur l’Europe et sou­te­nue par des méca­nismes de sou­tien de type « tarif de rachats » (feed-in-tariff sys­tem), l’industrie des renou­ve­lables est désor­mais confron­tée à un mar­ché mon­dial, frag­men­té en mul­tiples mar­chés com­pé­ti­tifs. Les méca­nismes de sou­tien per­met­tant de garan­tir la ren­ta­bi­li­té des pro­jets, comme les sub­ven­tions directes, diminuent. 

LA PERCÉE RÉCENTE DE L’ÉOLIEN OFFSHORE

L’éolien offshore connaît aujourd’hui une évolution à l’image de la perception que l’on peut avoir des énergies renouvelables. Il y a encore cinq ans, tout le monde considérait son développement comme un non-sens économique ne percevant aucune possibilité de faire baisser significativement les coûts de production qui se situaient entre 150 et 250 €/MWh là où l’éolien terrestre était depuis longtemps entre 70–90 €/MWh.
Aujourd’hui, le tableau est différent avec des coûts de production en dessous de 50 €/MWh pour certains projets en mer du Nord. L’innovation réglementaire (« le dérisquage »), l’innovation technologique et l’innovation industrielle dans les phases de construction / exploitation / maintenance ont permis cette révolution… toujours en cours.

Ils sont sub­sti­tués sur la majo­ri­té des géo­gra­phies par des mises en concur­rence via des appels d’offres ou des méca­nismes de tari­fi­ca­tion inté­grant des élé­ments indexés sur les prix de mar­ché de l’énergie (contract for difference). 

Cette situa­tion de mise en concur­rence com­bi­née avec les évo­lu­tions tech­no­lo­giques comme la baisse du LCOE et les fac­teurs éco­no­miques men­tion­nés pré­cé­dem­ment ont conduit à une baisse dras­tique des prix des pro­jets des renou­ve­lables dans les zones géo­gra­phiques à forte demande en éner­gie comme les pays émergents. 

De fait, sur ces zones, l’industrie des renou­ve­lables est deve­nue com­pé­ti­tive et son déve­lop­pe­ment ne néces­site plus de méca­nisme de sou­tien. Elle est per­çue comme une indus­trie clé pour le déve­lop­pe­ment économique. 

Cette forte baisse des prix des pro­jets des éner­gies renou­ve­lables s’observe éga­le­ment dans les pays déve­lop­pés aux États- Unis et en Europe. Elle concerne aus­si bien les grandes ins­tal­la­tions (comme ce qui a pu être obser­vé sur les appels d’offres de l’été 2016 en mer du Nord sur l’éolien off­shore) que les plus petites ins­tal­la­tions de type solaire en autoconsommation. 

Sur ces zones, le déve­lop­pe­ment des éner­gies renou­ve­lables néces­site d’intégrer ces modes de pro­duc­tion inter­mit­tente dans des sys­tèmes élec­triques inter­con­nec­tés et de déve­lop­per d’autres méca­nismes pour assu­rer la sta­bi­li­té du système. 

UNE INDUSTRIE EN VOIE DE CONSOLIDATION

Pour les indus­triels inter­ve­nant sur le sec­teur des éner­gies renou­ve­lables, le fort déve­lop­pe­ment ini­tial d’acteurs indé­pen­dants inter­ve­nant aux dif­fé­rentes étapes de la chaîne de valeur en tant que pro­mo­teurs de pro­jets, finan­ceurs, exploi­tants ou ache­teurs de l’électricité pro­duite (off taker) a fait place à une pre­mière conso­li­da­tion et une recherche d’échelle.

“ La fragmentation originelle des acteurs tend à diminuer ”

La frag­men­ta­tion ori­gi­nelle des acteurs tend donc à dimi­nuer sans qu’aujourd’hui il soit pos­sible d’identifier la ten­dance domi­nante pour cette muta­tion. Déte­nir un por­te­feuille pro­jets sur dif­fé­rentes tech­no­lo­gies et zones géo­gra­phiques pour maxi­mi­ser les taux de ren­ta­bi­li­té interne (TRI) des pro­jets et mini­mi­ser les risques ? 

Concen­trer des acti­vi­tés de pro­duc­tion d’électricité y com­pris ther­mique voire inté­grer des dis­po­si­tifs de sto­ckage pour pro­po­ser des capa­ci­tés de pro­duc­tion ou une solu­tion auto­nome pour les zones non connectées ? 

Inté­grer des acti­vi­tés de com­mer­cia­li­sa­tion d’électricité et se réin­ven­ter comme ges­tion­naires de com­mu­nau­tés d’énergie ?

Autant d’histoires qui res­tent à écrire.
 

Tarif d’achat énergies renouvelables au cours du temps
Tarif d’achat par appel d’offres (€/MWh).

3 Commentaires

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Peter Burépondre
7 décembre 2017 à 11 h 06 min

Com­pa­rai­son des prix des « renou­ve­lables » et du « nucléaire« 
La para­graphe « UNE BAISSE INEXORABLE DES PRIX » ne pour­rait-il pas et ne devrait-il pas rap­pe­ler l’é­vo­lu­tion contraire du prix de l’éner­gie d’o­ri­gine nucléaire qui s’a­che­mine vers 120€ / KWh ? Ne serait-il pas grand temps d’accélérer le pas­sage de l’éner­gie nucléaire vers les renouvelables ? 

Laher­rererépondre
12 décembre 2017 à 20 h 15 min

solaire et éolien
quand on parle du poten­tiel du solaire et de l’éo­lien il faut aus­si par­ler du pro­blème d’in­ter­mit­tence et du backup, quand on aura sup­pri­mer fos­siles et nucléaire, l’hy­drau­lique ne suf­fi­ra pas car il est au maxi
actuel­le­ment en France le solaire ne fonc­tionne que 13% et l’éo­lien que 23 % du temps
L’exemple de l’Al­le­magne qui pousse à fond les renou­ve­lables ce qui a conduit à un prix de l’élec­tri­ci­té double de la France doit aus­si être cité

Peter Burépondre
16 décembre 2017 à 17 h 11 min

Réponse à Laherrere

Mer­ci pour votre réponse, mais tan­dis que l’Al­le­magne s’achemine vers la solu­tion de ses pro­blèmes éner­gé­tiques, la France s’obs­tine à se main­te­nir sur la voie du nucléaire. 

Bien­tôt nous paye­rons l’élec­tri­ci­té plus cher que les Alle­mands et serons heu­reux si nous échap­pons à une catas­trophe du type Fuku­shi­ma – qui n’est pas exclue, direc­teur de l’ASN dixit. 

A part cela, on sait sto­cker l’élec­tri­ci­té de dif­fé­rentes manières et d’autres pro­cé­dés sont en cours de déve­lop­pe­ment. Ce n’est plus un argu­ment valable contre les renouvelables.

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