Une alliance « green » sans greenwashing

La Net-Zero Asset Owner Alliance (NZAOA) est une alliance internationale d’investisseurs institutionnels s’engageant en faveur de la lutte contre le changement climatique. Elle a rencontré un grand succès international et est reconnue comme particulièrement crédible. La Caisse des Dépôts en est le coordonnateur en France.
La NZAOA est une alliance internationale d’investisseurs institutionnels de premier plan qui se sont engagés à lutter contre le changement climatique en se fixant des objectifs ambitieux de décarbonation de leurs portefeuilles et d’investissements en actifs verts, tout en étant très rigoureux sur les méthodologies, les trajectoires et la communication, afin d’avoir un effet réel sur l’économie.
Une alliance rondement menée
Printemps 2019 : cela fait plus de trois ans que l’Accord de Paris sur le climat a été signé par près de 200 pays, et quelques grands institutionnels se disent qu’il serait grand temps d’accélérer et de s’engager plus fortement en faveur de la lutte contre le changement climatique. Sous les auspices des PRI (Principles for Responsible Investment) et de l’UNEP FI (programme des Nations unies pour l’environnement, initiative finance), deux émanations de l’ONU, 12 investisseurs institutionnels de premier plan de plusieurs pays s’allient pour former la Net-Zero Asset Owner Alliance (NZAOA), dont en France la Caisse des Dépôts.
Portée sur fonts baptismaux lors de la Climate Week de septembre 2019 à New York, l’Alliance prospère rapidement, puisqu’elle compte fin 2024 88 membres sur les cinq continents, totalisant des actifs de près de 10 000 milliards de dollars. Avec 15 membres, compagnies d’assurances, fonds de pension, caisses de retraite, etc., la France peut s’enorgueillir de compter le plus grand nombre de signataires ! Le WWF et divers instituts scientifiques, universités, think tanks, etc., apportent leur appui à la NZAOA.
Une alliance ambitieuse
Qu’ont en commun ces 88 institutions ? Tout d’abord ce sont des asset owners, c’est-à-dire des institutions financières qui gèrent des actifs sur leur propre bilan — à la différence des asset managers qui doivent prouver leur capacité à bien intégrer des facteurs de performance ESG pour attirer des fonds à gérer. En rejoignant la NZAOA, chaque signataire s’engage à remplir trois des quatre objectifs suivants : se fixer une trajectoire pour faire converger ses portefeuilles financiers vers une cible net zéro émissions de gaz à effet de serre en 2050 (d’où le nom de l’Alliance !) ; se fixer des trajectoires spécifiques à certains secteurs très émissifs ; engager les entreprises (directement et indirectement via les asset managers qui gèrent les actifs du signataire) à se fixer elles-mêmes des trajectoires net zéro ; investir dans des solutions favorables au climat (obligations vertes, immobilier vert, forêts, fonds d’énergies renouvelables, etc.).
“La trajectoire est primordiale dans l’atteinte des objectifs climatiques mondiaux.”
Mais 2050, c’est loin… Pour être crédible et éviter d’attendre le dernier moment pour agir, et comme la trajectoire est primordiale dans l’atteinte des objectifs climatiques mondiaux, chaque signataire se fixe des cibles intermédiaires, en 2025 ou en 2030. Le degré d’atteinte par chaque entité des trois objectifs choisis est mesuré chaque année par le secrétariat de l’Alliance et la synthèse en est rendue publique.
Une alliance réaliste et reconnue
Il serait facile pour un investisseur institutionnel de se donner bonne conscience à peu de frais en excluant de ses investissements quelques secteurs particulièrement émissifs et ainsi atteindre sa cible. Telle n’est pas l’ambition de la NZAOA qui cherche à agir sur l’économie réelle, en limitant sa politique d’exclusion essentiellement au charbon thermique, et qui parie d’abord et avant tout sur l’engagement actionnarial.
Les membres de la NZAOA sont également bien conscients qu’engager les entreprises ne suffit pas et qu’il est nécessaire d’engager aussi les régulateurs et les gouvernements, ce que l’Alliance fait grâce à divers documents et échanges à haut niveau. D’autant qu’une partie significative des actifs des signataires sont composés de titres d’État.
La NZAOA n’a pas été épargnée par le mouvement anti-ESG qui s’est répandu depuis quelques années, aux États-Unis en particulier. Mais elle a pu démontrer que son existence ne contrevenait nullement aux lois antitrusts (les anti-ESG américains utilisent souvent cet angle d’attaque pour décourager les signataires de coalitions en faveur de la lutte contre le changement climatique), chaque signataire étant souverain pour fixer ses cibles et choisir ses investissements, dans le cadre global de l’Alliance.
La NZAOA peut donc sereinement poursuivre son chemin, là où d’autres alliances, comme la Net-Zero Insurance Alliance, ont dû stopper ou limiter leurs travaux. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a d’ailleurs plusieurs fois indiqué que, selon lui, la NZAOA était la plus crédible de toutes les alliances qui se sont montées ces dernières années pour lutter contre le changement climatique.
Une alliance à qui il reste encore du chemin à parcourir
Les obstacles auxquels nous avons à faire face restent cependant importants. Par exemple, les obligations d’État remplissent souvent un rôle essentiel pour l’équilibre actif-passif d’un investisseur institutionnel. Or même les États les plus engagés dans la lutte contre le changement climatique peinent à atteindre les objectifs qu’ils se sont eux-mêmes fixés dans les NDC (Nationally Determined Contributions). Impossible donc de décarboner plus vite que nos sous-jacents !
Un autre exemple : s’il est (relativement) facile de construire des immeubles neufs économes en énergie, nos portefeuilles contiennent aussi de nombreux immeubles anciens, occupés, où les solutions techniques de décarbonation n’existent pas toujours ou sont partielles. Mais, comme on est plus fort et plus savant ensemble que séparés, la NZAOA a pour grand mérite de rassembler dans de nombreux groupes de travail dédiés à tel ou tel sujet précis des experts des plus grands investisseurs institutionnels mondiaux. Le partage des bonnes pratiques, l’élaboration en commun de méthodologies pertinentes, l’engagement partagé sont une des richesses de l’Alliance.
L’expérience de la Caisse des Dépôts
C’est avec enthousiasme que, au nom de la Caisse des Dépôts (CDC), j’ai fait partie dès le début de cette aventure. La CDC est depuis très longtemps engagée dans la lutte contre le changement climatique. Dès mi-2015, nous nous étions fixé des objectifs de réduction de l’empreinte carbone de nos portefeuilles actions et obligations d’entreprise. C’est donc tout naturellement que la CDC a été membre fondateur de la NZAOA et que nous continuons aujourd’hui à animer le club informel des signataires français. En interne, dans la gestion au quotidien des portefeuilles d’actifs de la CDC, nos objectifs NZAOA sont omniprésents et orientent nos décisions de gestion.
D’autant que, ayant déjà atteint des objectifs ambitieux sur 2014–2020 (c.-à‑d. – 40 % sur les actions cotées en empreinte carbone), nos nouveaux objectifs 2020–2030 (c.-à‑d. – 55 % sur les actions cotées) le sont plus encore ! Le dialogue bilatéral de qualité que la CDC entretient avec la plupart des grands groupes français et européens nous permet de faire passer des messages forts pour inciter les entreprises à se fixer des trajectoires climatiques ambitieuses, validées par des référentiels externes comme le SBTi. Cette action s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie de l’investisseur à long terme, engagé et responsable, qu’est la CDC.
Ressources :
- Le site de la NZAOA : https://www.unepfi.org/net-zero-alliance/
- https://www.unepfi.org/industries/investment/net-zero-asset-owner-alliance-sets-the-pace-on-climate-ambition-action-and-transparency-in-latest-progress-report/
- https://unfccc.int/fr/a‑propos-des-ndcs/contributions-determinees-au-niveau-national-ndcs