Un temps d’immobilité

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°650 Décembre 2009Par : Jacques Lesourne (48)Rédacteur : Vivien Levy-Garboua (67)

Jacques Lesourne nous a habitués à un univers rationnel. Tout au long de son œuvre, il a défriché de nou­veaux ter­ri­toires, bous­culé des fron­tières, con­stru­it inlass­able­ment des analy­ses économiques et géopoli­tiques où se com­bi­nent rigueur et imag­i­na­tion. Mais il explore l’avenir avec méth­ode, il s’indigne des choses avec mesure et le souci per­ma­nent de bal­ancer le pour et le con­tre ; il sim­pli­fie pour dégager des lignes de force ; il imag­ine des scé­nar­ios qui bal­ayent le champ du pos­si­ble. Un pétille­ment bien­veil­lant sur­plombe tou­jours ce souci de maîtrise et de raison.

Quand Jacques Lesourne fait son blog

Couverture du livre : Un temps d'immobilitéOr, voilà que son dernier livre, Un temps d’immobilité, rompt avec cette tra­di­tion. C’est la chronique d’une péri­ode (2000–2005) douloureuse pour lui. Douloureuse par la mal­adie, et les lim­ites incon­tourn­ables qu’elle nous fixe ; douloureuse par la vision d’une France immo­bile et inca­pable de se réformer, qu’il con­tem­ple en spec­ta­teur (mal­gré lui) engagé et par­fois enragé. C’est dans ce décor que Jacques Lesourne nous révèle ses deux facettes : le réfor­ma­teur lucide et raisonnable, et l’homme qui s’émerveille et se désespère.

Ce livre est un inces­sant va-et-vient entre les deux, et c’est ce qui fait son charme. Il nous offre des textes de réflex­ion sur la nou­velle économie, sur les con­séquences mon­di­ales du 11 sep­tem­bre, sur la recherche et l’innovation, sur le référen­dum européen, sur la démoc­ra­tie et le marché, sur la France et la réforme, sur l’élection prési­den­tielle d’avril 2002, sur l’hésitation de la France entre con­cur­rence et statut, et, en même temps, des bil­lets d’humeur, par­fois déca­pants, comme ceux sur « Tiepo­lo, Pre­mier min­istre », « À moi l’univers ou mon vil­lage », Panem et Circens­es et un très beau texte en hom­mage à Jean Yanne, « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gen­til », plus une analyse d’une actu­al­ité sai­sis­sante, bien qu’écrite en 2002 : « Fausse Droite et Fausse Gauche ». Avec en prime, ce per­son­nage pudique qui renonce à refouler son amour pour les siens, et cet homme curieux de tout qui dévore l’histoire, la poli­tique, l’économie et les romans avec la boulim­ie du temps comp­té et la soif de com­pren­dre et de con­stru­ire l’avenir.

S’il avait été plus jeune, ç’aurait pu être un blog. Mais c’est un livre, un beau livre que Jacques Lesourne nous offre, avec une fraîcheur de cœur et d’esprit qui fait du bien.

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