Commande d'un drone par mouvement de la tête

Trois projets scientifiques collectifs primés

Dossier : ExpressionsMagazine N°719 Novembre 2016
Par Jean NETTER (65)

Tous les élèves de deux­ième année par­ticipent à un Pro­jet sci­en­tifique col­lec­tif (PSC), par groupes de qua­tre à sept. Ici la présen­ta­tion finale de neuf pro­jets — 30 min­utes pour cha­cun — devant le jury qui retient les trois meilleurs en leur décer­nant un prix. 

Tous les élèves de deux­ième année par­ticipent à un Pro­jet sci­en­tifique col­lec­tif (PSC), par groupes de qua­tre à sept. Les sujets choi­sis par les élèves peu­vent être en liai­son avec un lab­o­ra­toire de l’École, un organ­isme de recherche ou une entreprise. 

Les élèves y con­sacrent plusieurs heures par semaine durant toute l’année. Chaque groupe est suivi par un tuteur sci­en­tifique et présente ses travaux à un jury con­sti­tué de chercheurs académiques et de per­son­nes issues d’entreprises.

“ 30 minutes pour séduire le jury ”

La Fon­da­tion de l’X, en la per­son­ne de Michel Geor­gin (66), aide à mobilis­er les com­pé­tences issues des entre­pris­es pour per­me­t­tre aux jurys de fonc­tion­ner harmonieusement. 

Comme chaque année, le cru 2016 rassem­ble des pro­jets de très haut niveau. Les neuf pro­jets en com­péti­tion sont d’une extrême diver­sité, allant des sci­ences « dures » aux sci­ences sociales en pas­sant par des pro­jets de créa­tion d’entreprises. Chaque groupe dis­pose à tour de rôle de 30 min­utes pour « séduire le jury » : 20 min­utes de présen­ta­tion et 10 min­utes de questions-réponses. 

À L’ORIGINE DE LA VIE AVEC LES THOLINS

On démarre à 10 heures du matin par un tra­vail sur les tholins, des macro­molécules à base de car­bone, d’hydrogène et d’azote qui pour­raient être à l’origine de l’apparition sur Terre des pre­miers acides aminés et donc de la vie. Des tholins ont été observés sur la planète Titan, mais il n’en existe pas sur la Terre. 

LES PROJETS SCIENTIFIQUES COLLECTIFS

Le Projet scientifique collectif a pour objectifs : de permettre un travail d’approfondissement scientifique piloté par les élèves eux-mêmes, sur un sujet de leur choix, dans une démarche qui doit être créative et collective ; d’encourager le travail collectif et l’esprit d’équipe, sur une durée longue, permettant d’acquérir des bases d’organisation ; de donner aux élèves une première expérience de la réalisation et de la gestion de projet ; de favoriser la collaboration entre élèves et chercheurs.

Les élèves de ce PSC ont donc dû com­mencer par pro­duire des tholins et ont util­isé pour cela le réac­teur PAMPRE de l’université de Versailles-Saint-Quentin. 

Les tholins peu­vent être une source d’acides aminés pour les bac­téries : voilà ce qui a été à nou­veau mon­tré au tra­vers de ce PSC, à la fron­tière entre la biolo­gie, la chimie et la physique. 

On passe ensuite aux mod­èles math­é­ma­tiques appliqués aux neu­ro­sciences. Il s’agit d’étudier la struc­ture du cor­tex visuel pri­maire. Le groupe, en par­tant de don­nées obtenues au Col­lège de France, a dévelop­pé des algo­rithmes en décou­vrant des méth­odes sub­tiles et innovantes. 

Les travaux réal­isés ont per­mis d’identifier des pistes aux per­spec­tives par­ti­c­ulière­ment intéressantes. 

LE PROJET ENVOL

Pour le pro­jet Envol, les élèves ont dévelop­pé un nou­veau mode de com­mande de drone, dans lequel l’utilisateur dirige intu­itive­ment l’appareil par des mou­ve­ments du corps. Les mou­ve­ments de la tête ori­en­tent la caméra embar­quée sur le drone, grâce à un iPhone placé dans un masque de réal­ité virtuelle. 


Les élèves ont dévelop­pé un nou­veau mode de com­mande de drone, dans lequel l’utilisateur dirige intu­itive­ment l’appareil par des mou­ve­ments du corps. Les mou­ve­ments de la tête ori­en­tent la caméra embar­quée sur le drone, grâce à un iPhone placé dans un masque de réal­ité virtuelle.
© ZAMURUEV / FOTOLIA.COM

Un deux­ième iPhone, tenu dans la main, per­met de faire décoller, atter­rir, accélér­er ou ralen­tir le drone. 

Le pro­jet a été con­stru­it comme une start-up, en lev­ant aus­si les fonds néces­saires à la con­struc­tion du pre­mier pro­to­type, qui fonc­tionne. Ce pro­jet a été récom­pen­sé par le deux­ième prix attribué par le jury. 

UN DRONE DÉTECTEUR DE SOUS-MUNITIONS

On passe à un drone détecteur de sous-muni­tions. Les bombes à sous-muni­tions se présen­tent sous la forme d’un con­teneur rem­pli de petites bombes. Une par­tie de celles-ci n’explosent pas en touchant le sol et devi­en­nent des mines antiper­son­nel. Il y en aurait 75 mil­lions rien qu’au Laos. 

Elles sont com­posées de métal et sont regroupées sur une sur­face ellip­tique car­ac­téris­able : le tra­vail du groupe a con­sisté à car­ac­téris­er le champ mag­né­tique, grâce à un char­i­ot qui trans­porte le sys­tème de détection. 

Ce PSC a obtenu le troisième prix du jury. 

Vient ensuite un groupe dont l’objectif est de con­cevoir un fau­teuil roulant pilotable par des per­son­nes atteintes de la mal­adie de Char­cot (le malade, à un cer­tain stade, ne con­serve pra­tique­ment que la mobil­ité des yeux). Il faut donc con­stru­ire une voiture dotée d’une caméra, toutes deux télé­com­mandées par le regard. 

“ Diriger intuitivement un drone par les mouvements du corps ”

Ce pro­jet a per­mis de réalis­er une maque­tte opéra­tionnelle qu’il faudrait main­tenant tester avec des usagers. 

L’équipe suiv­ante a réfléchi à des sys­tèmes de vote alter­nat­ifs. Après un exa­m­en des faib­less­es des sys­tèmes en place, le groupe s’est intéressé à des proces­sus alter­nat­ifs, aus­si bien au plan théorique qu’en tes­tant sur le ter­rain la réac­tion des électeurs. 

La réu­nion d’un tra­vail théorique et d’une expéri­men­ta­tion n’a pas per­mis, on le com­prend, de dégager des répons­es définitives. 

Tour
Le principe de ten­ségrité per­met de con­cevoir des assem­blages de bar­res et câbles assur­ant un bon ratio de résis­tance de la struc­ture par rap­port à son poids propre.

TENSÉGRITÉ = TENSION + INTÉGRITÉ

La tenségrité est, en architecture, la faculté d’une structure à se stabiliser par le jeu des forces de tension et de compression qui s’y répartissent et s’y équilibrent. Les structures établies par la tenségrité sont donc stabilisées, non par la résistance de chacun de leurs constituants, mais par la répartition et l’équilibre des contraintes mécaniques dans la totalité de la structure.

LA TENSÉGRITÉ À L’HONNEUR

Dans des zones reculées ou touchées par des cat­a­stro­phes naturelles, il peut y avoir un besoin d’infrastructures, ponts ou routes, adap­tées aux cir­con­stances, sans toute­fois répon­dre aux normes, par­fois exces­sives, de pays riches. 

Dans cet esprit, les étu­di­ants de ce PSC ont voulu con­cevoir une passerelle longue de 10 mètres, sécurisée et pas chère. La tech­nique retenue se fonde sur le principe de ten­ségrité, car elle per­met de con­cevoir des assem­blages de bar­res et câbles assur­ant un bon ratio de résis­tance de la struc­ture par rap­port à son poids propre. 

Il n’existe pas de procédé sys­té­ma­tique de con­cep­tion pour ces ouvrages. Il a donc fal­lu démar­rer par l’étude géométrique de la struc­ture, jusqu’à son dessin final sans oubli­er les modal­ités pra­tiques de con­struc­tion, pas si sim­ples quand on réu­nit des élé­ments rigides com­primés et des élé­ments sou­ples en tension. 

“ Concevoir une passerelle longue de 10 mètres ”

C’est finale­ment une maque­tte d’1,5 m qui a été con­stru­ite, tan­dis qu’un pro­gramme a été écrit pour le dimen­sion­nement de toute poutre en ten­ségrité. Ces travaux ont valu à leurs auteurs de se voir attribuer le pre­mier prix du jury. 

Le huitième groupe s’est penché sur le fast check­ing en temps réel : il s’agit par exem­ple de pou­voir véri­fi­er immé­di­ate­ment une affir­ma­tion d’une per­son­ne inter­venant dans une émis­sion de radio ou de télévision. 

Pour ce faire, les élèves ont conçu un pro­to­type élé­men­taire basé sur un nano-ordi­na­teur mono­carte (Rasp­ber­ry Pi) et sur un algo­rithme de véri­fi­ca­tion, dévelop­pé par leurs soins, fondé sur des bib­lio­thèques libres d’analyse du lan­gage et sur une base de don­nées ontologique (Yago).

Un neu­vième pro­jet con­cour­ait : on ne peut en dire davan­tage ici car l’entreprise qui avait pro­posé le thème d’étude a souhaité que les travaux ne soient pas divulgués. 

Pour ter­min­er, on ne peut qu’être admi­ratif devant les com­pé­tences acquis­es et util­isées par les élèves au cours de ces PSC qui, jointes à une sérieuse ténac­ité, ont per­mis à tous ces pro­jets, y com­pris ceux qui n’ont pas été sélec­tion­nés, de débouch­er sur des réal­i­sa­tions, con­crètes ou abstraites, dont beau­coup auront des suites.

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