Transmission d’entreprise familiale : La structure sociétale

Dossier : Les X et le droitMagazine N°625 Mai 2007
Par Christophe PICHARD (85)
Par Bruno PICHARD (82)

Un très grand nom­bre d’en­tre­pris­es sont appelées à chang­er de mains dans les prochaines années compte tenu de l’âge de leurs dirigeants actuels. Moment clé de la vie d’une entre­prise, la trans­mis­sion est une opéra­tion sou­vent très déli­cate à met­tre en oeu­vre. Le lég­is­la­teur ne s’y est d’ailleurs pas trompé et, depuis plusieurs années, dif­férentes lois ont été votées dans le but de faciliter cette trans­mis­sion d’en­tre­prise et de préserv­er en con­séquence un tis­su économique per­for­mant et l’emploi cor­re­spon­dant. À ce titre notam­ment, deux lois ont été adop­tées au cours des années 2005–2006 :

  • la loi du 23 juin 2006 n° 2006–728 por­tant réforme des suc­ces­sions et des libéralités,
  • la loi du 2 août 2005 n° 2005–882 en faveur des petites et moyennes entreprises.
     

De nom­breuses dis­po­si­tions ont ain­si été mis­es en place afin de favoris­er les trans­mis­sions d’en­tre­pris­es et plus par­ti­c­ulière­ment les sociétés à car­ac­tère famil­ial. En effet, le lég­is­la­teur a bien com­pris que la péren­nité de ce type d’en­tre­prise pas­sait le plus sou­vent par sa trans­mis­sion au sein de la famille des dirigeants et néces­si­tait la mise en place d’un cadre rel­a­tive­ment favor­able. Même si le lég­is­la­teur a insisté sur l’aspect fis­cal, cet aspect n’est qu’une des facettes de l’opéra­tion et des mesures ont égale­ment été pris­es sur le plan juridique. 

Les caractéristiques du nouvel actionnariat

Au moment de la trans­mis­sion d’une entre­prise famil­iale, la struc­ture de l’ac­tion­nar­i­at va se trou­ver pro­fondé­ment mod­i­fiée. En effet, de nou­velles caté­gories d’ac­tion­naires aux intérêts diver­gents vont être amenées à coex­is­ter. Sché­ma­tique­ment, on pour­ra retrou­ver trois prin­ci­pales caté­gories d’actionnaires.

  • Les fon­da­teurs : ces action­naires ont con­stru­it et dévelop­pé l’en­tre­prise, ou tout au moins ont large­ment con­tribué à son développe­ment et ils auront à coeur de voir cette entre­prise, qu’ils con­sid­èrent comme leur bien per­son­nel, pour­suiv­re son développe­ment dans de bonnes conditions.

Dans le cadre de cette étude, on con­sid­ér­era que les fon­da­teurs n’ont plus voca­tion à exercer une activ­ité opéra­tionnelle au sein de la société. Toute­fois, ils souhaiteront bien sou­vent con­serv­er un droit de regard plus ou moins éten­du sur sa ges­tion, voire être asso­ciés à cer­taines déci­sions, sans avoir la respon­s­abil­ité de son fonc­tion­nement quo­ti­di­en. Ils souhaiteront donc d’une part béné­fici­er du fruit de leur tra­vail notam­ment pour jouir de leur retraite (sans doute con­fort­able et méritée) et d’autre part voir la société prospérer.

  • Les action­naires act­ifs : ces action­naires seront en fait les nou­veaux dirigeants de la société et par­ticiper­ont active­ment à sa ges­tion. Au-delà des titres qu’ils détien­dront, ils seront dans la plu­part des cas avant tout ani­més par le souci de pou­voir gér­er la société dans les meilleures conditions.

Ils priv­ilégieront l’aspect opéra­tionnel de la société et souhaiteront avoir le plus de marge de manoeu­vre pos­si­ble en lim­i­tant les droits des autres action­naires. D’un point de vue financier, même s’ils seront cer­taine­ment intéressés par la dis­tri­b­u­tion de div­i­den­des réguliers, au titre de leurs revenus, ils voudront préserv­er la tré­sorerie de la société et ses capac­ités d’autofinancement.

  • Les action­naires pas­sifs : ces derniers détien­dront une par­tic­i­pa­tion dans la société qu’ils auront reçue des action­naires fon­da­teurs lors de la trans­mis­sion de l’en­tre­prise mais ils ne par­ticiper­ont pas à la ges­tion de celle-ci.

Tout autre sera donc l’in­térêt de ces action­naires pas­sifs qui se con­duiront cer­taine­ment beau­coup plus comme de sim­ples investis­seurs financiers : ils priv­ilégieront les dis­tri­b­u­tions de div­i­den­des ou la val­ori­sa­tion de la société dans le but d’une plus-val­ue. Dans cette optique, ils auront besoin de béné­fici­er d’un cer­tain droit de regard, d’in­for­ma­tion et de con­trôle, sachant qu’ils ne souhaiteront pas être impliqués dans sa ges­tion. Pour con­cili­er les intérêts de tous, dif­férents out­ils juridiques sont à la dis­po­si­tion des actionnaires :

  • la struc­ture socié­tale : le choix d’une forme de société appro­priée per­me­t­tra de résoudre un cer­tain nom­bre de dif­fi­cultés en ten­ant compte des intérêts de cha­cun. C’est d’ailleurs pour cette rai­son qu’une trans­mis­sion d’en­tre­prise s’ac­com­pa­gne la plu­part du temps d’un change­ment de forme et de struc­ture de la société cible ;
  • le pacte d’ac­tion­naire : au-delà de cette struc­ture juridique, les action­naires pour­ront envis­ager de con­clure entre eux un pacte d’ac­tion­naires des­tinés à régir leurs rela­tions de façon har­monieuse au sein de la société ;
  • les actions de préférence : un dernier mécan­isme lié à la struc­ture socié­tale pour­rait être util­isé, à savoir les actions de préférence insti­tuées par l’or­don­nance 2004–604 du 24 juin 2004. Ces actions ont été créées par le lég­is­la­teur en réponse à une attente plus spé­ci­fique des investis­seurs en cap­i­tal mais ont une voca­tion très générale.
     

Dans le cadre de cet arti­cle, nous analy­serons les aspects juridiques liés à la struc­ture socié­tale dans le cadre de la trans­mis­sion de l’en­tre­prise familiale.

À cet égard, les prin­ci­pales struc­tures juridiques retenues dans ce type d’opéra­tions sont les sociétés anonymes (SA) et les sociétés par actions sim­pli­fiées (SAS). Nous nous lim­iterons donc ici aux aspects qui parais­sent les plus déter­mi­nants dans le choix d’une struc­ture appropriée.

La société anonyme de type classique

Une forme bien connue

Il s’ag­it là de la société anonyme la plus con­nue à savoir la SA à con­seil d’ad­min­is­tra­tion, à oppos­er à la SA à direc­toire et con­seil de sur­veil­lance étudiée ci-après. Un des pre­miers avan­tages de ce type de struc­ture est sa con­nais­sance rel­a­tive­ment répan­due. De ce fait, même les action­naires peu fam­i­liers du droit auront néan­moins cer­taines con­nais­sances sur le mode de fonc­tion­nement d’une telle société, ce qui pour­ra faciliter les rela­tions : en par­ti­c­uli­er, les action­naires pas­sifs seront moins sus­picieux sur le mode d’or­gan­i­sa­tion qui aura pu être retenu pour trans­met­tre le pou­voir au sein de la société. Ils se sen­tiront égale­ment ras­surés par le fait qu’ils auront une idée rel­a­tive­ment claire des droits dont ils peu­vent bénéficier.

Une structure codifiée

Cette struc­ture présente égale­ment l’a­van­tage d’être extrême­ment cod­i­fiée, ce qui laisse moins de marge à des inter­pré­ta­tions diver­gentes pos­si­bles. En revanche, et c’est là un de ses incon­vénients majeurs, elle laisse peu de place à l’adap­ta­tion des statuts en vue de répon­dre à des besoins spé­ci­fiques. En d’autres ter­mes, si ce type de struc­ture ne répond pas exacte­ment aux besoins exprimés, il ne sera pas pos­si­ble, en principe, de déroger aux règles légales pour les amé­nag­er sauf recours à un pacte extra-statu­taire ou aux actions de préférence.

Un conseil d’administration de taille variable

Le con­seil d’ad­min­is­tra­tion peut être com­posé de 3 à 18 mem­bres, ce nom­bre pou­vant être aug­men­té dans cer­tains cas. Cette struc­ture per­me­t­tra d’as­soci­er dif­férents mem­bres de la famille en leur con­férant des fonc­tions offi­cielles et le titre d’ad­min­is­tra­teur avec les respon­s­abil­ités qui y sont asso­ciées. Sur le plan humain, cet aspect n’est pas nég­lige­able et per­met bien sou­vent d’a­planir cer­taines ten­sions familiales.

Dissociation des fonctions de président et de directeur général

Depuis la loi n° 2001–420 du 15 mai 2001, il est pos­si­ble de dis­soci­er les fonc­tions de prési­dent du con­seil d’ad­min­is­tra­tion et de directeur général. Aupar­a­vant, le prési­dent du con­seil d’ad­min­is­tra­tion assumait oblig­a­toire­ment la direc­tion générale de la société.

Dès lors, l’as­so­cié fon­da­teur qui souhaitait pren­dre du recul par rap­port à la direc­tion de la société n’avait d’autre choix dans ce type de struc­ture que de se retir­er com­plète­ment de la direc­tion et d’être sim­ple admin­is­tra­teur ou action­naire. Aujour­d’hui ce fon­da­teur peut devenir prési­dent du con­seil d’ad­min­is­tra­tion sans assumer la direc­tion générale de la société. Même si les pou­voirs du prési­dent du con­seil d’ad­min­is­tra­tion sont rel­a­tive­ment lim­ités par rap­port au directeur général, ce titre mar­que claire­ment la place que le fon­da­teur con­serve au sein de la société. En par­ti­c­uli­er, le prési­dent du con­seil d’ad­min­is­tra­tion organ­ise et dirige les travaux du Con­seil d’ad­min­is­tra­tion et veille au bon fonc­tion­nement des organes de la société.

L’organisation de la direction

Directeur Général
La direc­tion opéra­tionnelle de la SA est assurée par le directeur général qui représente la société dans ses rap­ports avec les tiers : il est investi des pou­voirs les plus éten­dus pour agir en toutes cir­con­stances au nom de la société dans les lim­ites de l’ob­jet social et des pou­voirs réservés aux assem­blées d’ac­tion­naires ou au con­seil d’ad­min­is­tra­tion. Notons ici que les pou­voirs du directeur général peu­vent être lim­ités par les statuts ou par la déci­sion du con­seil d’ad­min­is­tra­tion le nom­mant, mais de telles lim­i­ta­tions sont inop­pos­ables aux tiers. Le directeur général dans ce type de société béné­ficiera donc bien sou­vent de pou­voirs très éten­dus. Une ques­tion récur­rente des action­naires porte sur les con­di­tions de révocation :

  • le directeur général peut être révo­qué à tout moment par le con­seil d’ad­min­is­tra­tion. Toute­fois si cette révo­ca­tion est décidée sans juste motif, elle peut don­ner lieu à des dom­mages et intérêts. De plus, il ne faut pas que cette révo­ca­tion inter­vi­enne dans des con­di­tions bru­tales ou vex­a­toires ce qui pour­rait don­ner lieu à indem­ni­sa­tion : plus par­ti­c­ulière­ment, l’in­téressé doit tou­jours être mis en posi­tion de faire-val­oir ses obser­va­tions, préal­able­ment à toute déci­sion du con­seil d’ad­min­is­tra­tion sur une telle révocation ;
  • toute­fois, cette règle ne s’ap­plique pas dans le cas où le directeur général cumule ses fonc­tions avec celles de prési­dent. Dans un tel cas, le prési­dent du con­seil d’ad­min­is­tra­tion, égale­ment directeur général, peut être révo­qué à tout moment, sans juste motif et sans indem­nité, sauf si cette révo­ca­tion se fait dans des con­di­tions bru­tales ou vex­a­toires ou sus­cep­ti­bles de porter atteinte ou sans pos­si­bil­ité de se défendre, à l’honor­a­bil­ité du président.
     

En ter­mes de sta­bil­ité, la posi­tion de directeur général pour­ra donc s’avér­er plus ou moins con­fort­able notam­ment en fonc­tion de la durée ini­tiale­ment fixée pour son man­dat et en fonc­tion d’un éventuel cumul de ses fonc­tions avec celles de président.

Directeur général délégué


La Bourse de Paris.

Le directeur général peut être assisté par un ou plusieurs directeurs généraux délégués, nom­més par le con­seil d’ad­min­is­tra­tion sur propo­si­tion du directeur général. Ce pou­voir de propo­si­tion appar­tient au directeur général et à lui seul et ne saurait être exer­cé par le prési­dent ou un administrateur.

Après sa nom­i­na­tion, la révo­ca­tion du directeur général délégué doit être décidée par le con­seil d’ad­min­is­tra­tion sur la propo­si­tion du directeur général. On peut donc se retrou­ver dans une sit­u­a­tion où le directeur général, après avoir pro­posé la nom­i­na­tion d’un directeur général délégué, souhaite le révo­quer, sans obtenir l’ac­cord du con­seil d’ad­min­is­tra­tion auquel cas le directeur général délégué reste en place. À l’in­verse, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion pour­rait souhaiter révo­quer le directeur général délégué mais le directeur général refu­sant de faire une telle propo­si­tion, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion ne pour­rait alors pas pren­dre une telle décision.

Si la révo­ca­tion du directeur général délégué est décidée sans juste motif, elle peut don­ner lieu à des dom­mages et intérêts. De la même façon, il ne faut pas que cette révo­ca­tion inter­vi­enne dans des con­di­tions vexatoires. 

La société anonyme à directoire et conseil de surveillance

Le mode d’or­gan­i­sa­tion de cette struc­ture moins con­nue s’ar­tic­ule autour de deux organes :

  • le directoire,
  • le con­seil de surveillance.

Un organe de direction collégiale et égalitaire

Le direc­toire est com­posé de deux à cinq mem­bres, action­naires ou non. Ce nom­bre peut être porté à sept pour les sociétés cotées ou encore ramené à 1 si le cap­i­tal social est inférieur à 150 000 euros.

Le direc­toire con­stitue un organe de direc­tion col­lé­giale et ses déci­sions doivent être pris­es par l’ensem­ble des mem­bres du direc­toire. Plus pré­cisé­ment, les actes indi­vidu­els de chaque mem­bre du direc­toire sont réputés avoir été accom­plis col­lé­giale­ment et enga­gent donc le direc­toire dans son ensemble.

Cette organ­i­sa­tion col­lé­giale dif­fère de la SA à con­seil d’ad­min­is­tra­tion dans laque­lle peut n’être nom­mé qu’un seul directeur général.

Un tel organe aura l’a­van­tage de faire par­ticiper à la ges­tion de la société plusieurs mem­bres de la famille sur un pied d’é­gal­ité. En revanche dans la SA clas­sique à con­seil d’ad­min­is­tra­tion, le directeur général a un rôle pré­dom­i­nant puisque c’est sur sa propo­si­tion que sont nom­més d’éventuels directeurs généraux délégués : en d’autres ter­mes, même s’il n’a pas un pou­voir de nom­i­na­tion des directeurs généraux délégués, il a néan­moins un droit de veto sur leur désignation.

Le rôle accru du conseil de surveillance

Le con­seil de sur­veil­lance doit être com­posé de 3 mem­bres au moins et 18 au plus, ce nom­bre pou­vant être aug­men­té dans cer­tains cas par­ti­c­uliers. Ils sont nom­més par l’assem­blée générale des action­naires. Con­for­mé­ment aux dis­po­si­tions de l’ar­ti­cle L.225–68 alinéa 1 du code de com­merce, le con­seil de sur­veil­lance exerce un con­trôle per­ma­nent de la ges­tion du direc­toire. À ce titre, il peut à tout moment opér­er les véri­fi­ca­tions et con­trôles qu’il juge oppor­tuns et se faire com­mu­ni­quer les doc­u­ments qu’il estime néces­saires à l’ac­com­plisse­ment de sa mission.

Dans la SA de type clas­sique, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion déter­mine les ori­en­ta­tions de la société et veille à leur mise en oeu­vre. Il peut égale­ment se saisir de toutes ques­tions intéres­sant la bonne marche de la société. En théorie, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion sem­ble donc dis­pos­er de pou­voirs plus impor­tants que le con­seil de sur­veil­lance. Toute­fois, en pra­tique, il n’y a pas d’oblig­a­tion légale de réu­nir le con­seil d’ad­min­is­tra­tion régulière­ment con­traire­ment au con­seil de sur­veil­lance et il ne se réu­nit sou­vent que une ou deux fois par an. De plus, il a un rôle lim­ité dans la ges­tion de l’en­tre­prise puisque c’est bien le directeur général qui met en oeu­vre la ges­tion au quo­ti­di­en dans le cadre de la représen­ta­tion de la société à l’é­gard des tiers.

Même si le statut du con­seil de sur­veil­lance dans la SA à direc­toire s’in­spire large­ment du rôle du con­seil d’ad­min­is­tra­tion, il dis­pose en pra­tique de pou­voirs de con­trôle plus importants :

  • le direc­toire doit présen­ter au con­seil de sur­veil­lance un rap­port sur la marche de la société au moins une fois par trimestre ;
  • dans les trois mois à compter de la clô­ture de chaque exer­ci­ce, le direc­toire doit com­mu­ni­quer les comptes annuels de la société au con­seil de sur­veil­lance pour lui per­me­t­tre d’ex­ercer son contrôle ;
  • le con­seil de sur­veil­lance doit égale­ment avoir com­mu­ni­ca­tion des doc­u­ments prévi­sion­nels et de ges­tion de la société.
     

Sig­nalons pour finir une dis­po­si­tion légale sus­cep­ti­ble d’in­téress­er les action­naires d’une entre­prise famil­iale. En effet, dans une SA à direc­toire et con­seil de sur­veil­lance, les ventes d’im­meubles par nature ain­si que les ces­sions totales ou par­tielles de par­tic­i­pa­tion doivent faire l’ob­jet d’une autori­sa­tion du con­seil de sur­veil­lance (arti­cle L.225–68 alinéa 2 du code de commerce). 

La société par actions simplifiée

Ini­tiale­ment, ce type de société ne pou­vait avoir pour action­naires que des sociétés ayant un cap­i­tal d’au moins 1 500 000 francs. Depuis la loi du 12 juil­let 1999, l’u­til­i­sa­tion de la SAS est désor­mais ouverte à toutes per­son­nes physiques ou morales. Le nom­bre de con­sti­tu­tions de SAS a alors explosé et la SAS rivalise avec la SA car elle présente de nom­breux avantages.

Une structure simple et modulable

En ter­mes d’or­gan­i­sa­tion, cette société est par­ti­c­ulière­ment sou­ple puisque, aux ter­mes de l’ar­ti­cle L.227–5 du code de com­merce : ” Les statuts fix­ent les con­di­tions dans lesquelles la société est dirigée. ” L’ar­ti­cle L.227–6 pré­cise : ” La société est représen­tée à l’é­gard des tiers par un prési­dent désigné dans les con­di­tions prévues par les statuts. Le prési­dent est investi des pou­voirs les plus éten­dus pour agir en toutes cir­con­stances au nom de la société dans la lim­ite de l’ob­jet social. ”

Depuis la loi du 1er août 2003, cet arti­cle a été com­plété ain­si qu’il suit : ” Les statuts peu­vent prévoir les con­di­tions dans lesquelles une ou plusieurs per­son­nes autres que le prési­dent por­tant le titre de directeur général ou de directeur général délégué peu­vent exercer des pou­voirs con­fiés à ce dernier par le présent article.

” Ain­si, en adop­tant la forme de SAS, les asso­ciés d’une entre­prise famil­iale vont pou­voir créer des statuts sur mesure.

Les limites des statuts spécifiques

Toute­fois, il faut bien être con­scient des lim­ites de cet avan­tage qui peu­vent même se trans­former en incon­vénient dans cer­tains cas. En effet, en pre­mier lieu, dans la mesure où le fonc­tion­nement de la SAS va dépen­dre en grande par­tie des statuts, les risques d’in­ter­pré­ta­tion diver­gente liés à la rédac­tion retenue seront beau­coup plus impor­tants que pour une société anonyme. En effet, rap­pelons que dans une société anonyme, le fonc­tion­nement est extrême­ment régle­men­té, tant par les textes que par la nom­breuse jurispru­dence qui s’ap­plique de la même façon à l’ensem­ble des SA. À l’in­verse, chaque SAS est un cas par­ti­c­uli­er qui aura ses pro­pres statuts et la jurispru­dence applic­a­ble à cer­taines SAS ne sera sans doute pas trans­pos­able aux autres SAS compte tenu des rédac­tions statu­taires spécifiques.

Par ailleurs, au-delà de cette éventuelle insécu­rité juridique, le fait que le fonc­tion­nement dépende avant tout des statuts pour­rait sus­citer des inter­ro­ga­tions venant de cer­tains asso­ciés pas­sifs qui ne sont pas for­cé­ment fam­i­liers des ques­tions juridiques : en d’autres ter­mes, ils pour­raient s’in­quiéter du recours à une forme de société moins con­nue que la SA.

Une organisation personnalisée de la direction

Le seul impératif légal pour une SAS est la désig­na­tion d’un prési­dent pour représen­ter la société. Il appar­tient alors aux action­naires de définir les autres organes qu’ils souhait­ent met­tre en place dans la SAS. Ain­si, les action­naires pour­ront décider d’établir des organes se rap­prochant par exem­ple de la SA, comme un con­seil de sur­veil­lance ou un con­seil d’ad­min­is­tra­tion, tout en leur attribuant des mis­sions spé­ci­fiques. Ou au con­traire de nou­veaux comités pour­ront être mis en place comme des comités d’ori­en­ta­tion ou de direc­tion. Une des dif­fi­cultés pour la mise en place de ces dif­férents organes sera de définir claire­ment leurs pou­voirs, leurs prérog­a­tives et leurs responsabilités.

Il fau­dra aus­si éviter de ren­dre trop com­plexe la ges­tion de la société par la créa­tion de mul­ti­ples organes.

Par ailleurs, il appar­tien­dra aux statuts de définir le mode de fonc­tion­nement de ces organes qui pour­ra être large­ment sim­pli­fié par rap­port aux règles applic­a­bles aux SA. Notam­ment les règles rel­a­tives aux con­vo­ca­tions, réu­nions, quo­rum, majorité, pour­ront être adap­tées en fonc­tion des besoins et ces règles pour­ront d’ailleurs, selon les sit­u­a­tions, être soit sim­pli­fiées, soit ren­for­cées selon l’ob­jet recherché.

Cette struc­ture per­me­t­tra donc d’im­pli­quer les dif­férents mem­bres de la famille à la direc­tion ou au con­trôle de la ges­tion et de leur attribuer des droits et rôles spécifiques.

Une réglementation spécifique aux associés

Au-delà des règles qui pour­ront être mis­es en place pour la direc­tion de la société, la SAS présente égale­ment l’a­van­tage de ” légalis­er ” cer­taines dis­po­si­tions au niveau des asso­ciés. En effet, dans le cadre d’une société famil­iale, la struc­ture de l’ac­tion­nar­i­at est une ques­tion essen­tielle et l’ensem­ble des asso­ciés auront à coeur de préserv­er cette struc­ture, ou tout au moins de con­trôler son évolution.

Dans le cadre d’une SA, bien sou­vent ce type de dis­po­si­tion fig­ure dans un pacte d’ac­tion­naires. La régle­men­ta­tion applic­a­ble aux SAS autorise toute une série de dis­po­si­tions par­ti­c­ulières statu­taires, ce qui per­met d’éviter d’avoir recours à de tels pactes extrastatu­taires, pour autant que de telles dis­po­si­tions ne néces­si­tent pas une cer­taine con­fi­den­tial­ité. Ain­si, il est pos­si­ble d’in­té­gr­er dans les statuts des dis­po­si­tions spé­ci­fique­ment autorisées par la loi et notamment :

  • des claus­es d’i­nal­ién­abil­ité, à la seule con­di­tion qu’elles n’ex­cè­dent pas dix ans,
  • des claus­es d’ex­clu­sion d’as­so­ciés dans cer­taines conditions.

Conclusion

La trans­mis­sion d’une entre­prise famil­iale par les dirigeants fon­da­teurs aux mem­bres de leur famille sera sans doute l’une des opéra­tions les plus impor­tantes tant sur le plan stratégique que sur le plan affec­tif. Ils auront donc par­ti­c­ulière­ment à coeur de réus­sir cette trans­mis­sion, pour assur­er la péren­nité de leur entre­prise d’une part, et d’autre part pour faciliter l’at­tri­bu­tion à leurs héri­tiers d’une par­tie de leur pat­ri­moine dans les meilleures conditions.

Si la trans­mis­sion d’une entre­prise est déjà en elle-même une opéra­tion rel­a­tive­ment com­plexe, elle prend une dimen­sion par­ti­c­ulière lorsque cette trans­mis­sion se fait au sein du cer­cle famil­ial. Ain­si, la trans­mis­sion du pou­voir et la trans­mis­sion du cap­i­tal devront bien sou­vent être dis­so­ciées pour tenir compte des sit­u­a­tions per­son­nelles de cha­cun des mem­bres de la famille, ce qui ren­dra cet exer­ci­ce plus difficile.

Mais au-delà des aspects juridiques, financiers, fis­caux et soci­aux qui néces­siteront d’être étudiés au cas par cas, les dirigeants devront égale­ment tenir compte du critère ” affec­tif ” et des rap­ports exis­tants au sein de la famille. C’est bien sou­vent cette dernière dimen­sion qui sera la plus déli­cate à gérer.

Notam­ment, si la trans­mis­sion ne fait pas l’ob­jet d’une péd­a­gogie détail­lée vis-à-vis de tous les mem­bres de la famille, cer­tains mem­bres pour­ront exprimer des réti­cences face à des choix qui ne leur don­nent pas une place suff­isam­ment impor­tante dans la nou­velle organ­i­sa­tion, et ce même si finan­cière­ment ils sont traités de la même façon.

En défini­tive, une trans­mis­sion réussie est une trans­mis­sion bien pré­parée. Pour cela il faut du temps :

  • d’une part pour répar­tir les pou­voirs entre les dif­férents mem­bres de la famille,
  • d’autre part pour met­tre en place les struc­tures appro­priées, éventuelle­ment en plusieurs étapes.
     

Chaque trans­mis­sion d’en­tre­prise famil­iale est une opéra­tion spé­ci­fique répon­dant à des besoins et à des con­traintes par­ti­c­ulières : en d’autres ter­mes, cha­cune d’elles néces­site une solu­tion per­son­nal­isée s’in­scrivant dans un cadre glob­al et familial.

On ne peut donc que recom­man­der aux dirigeants d’en­tre­prise de s’y attel­er suff­isam­ment tôt pour relever ce défi.

Pichard & Asso­ciés : 122, Avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine.
bruno.pichard@pichard.com
christophe.pichard@pichard.com

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