Henri Poincarré X1873

T’auras du galon mon garçon !

Dossier : TraditionsMagazine N°T’auras du galon mon garçon!
Par Serge DELWASSE (X86)

L’uniforme de l’École Poly­tech­nique, le Grand U comme on disait jusque dans les années 70, le GU (pro­non­cer « guë » comme dans « conti­guë ») depuis, n’a qua­si­ment pas évo­lué depuis le milieu du XIXe siècle. A contra­rio, le sort des galons qui ornent, ou n’ornent pas ses manches, a lui subi plu­sieurs chan­ge­ments de politique

Dans une école militaire, la hiérarchie se voit sur les manches

A sa mili­ta­ri­sa­tion en 1804, puis sa remi­li­ta­ri­sa­tion sous la res­tau­ra­tion, l’organisation de l’école était… mili­taire. C’est ain­si que les 50 pre­miers du concours, chefs de kazers (caserts), étaient nom­més ser­gents. Ils por­taient donc sur leur uni­forme – dont il ne faut pas oublier que c’est, dès l’origine, un uni­forme de sous-offi­cier – l’insigne de leur grade.

Le pre­mier du concours était lui nom­mé ser­gent-… major ! C’est, nous semble-t-il là l’origine du terme major pour dési­gner, chaque année, le plus doué d’entre nous. Il por­tait donc les deux galons en dia­go­nale. A cette époque, point de ser­gent PDL, ADL, et encore moins de ser­gent-chef ; les plus anciens d’entre nous, qui ont encore connu les vieux ser­gents-majors à quatre che­vrons, me comprendront.

On peut ain­si voir Ara­go rece­vant le dra­peau de l’École des mains de Napo­léon, ou, plus près de nous, Poin­ca­ré en 1873.

Hen­ri Poin­car­ré X1873 en tenue de sergent-major

Un "Serpent"
Un » Ser­pent » vers 1880

Un élève-officier, ça doit se voir !

Un élève polytechnicien inconnu
Un élève en GU vers 1910

A la fin du XIXe siècle, il se pas­sa un phé­no­mène inté­res­sant, pro­bable consé­quence de la géné­ra­li­sa­tion des classes pré­pa­ra­toires, et donc du vieillis­se­ment des élèves : en effet, on ne gère pas une école de « gamins de 16 ans » comme une école de jeunes hommes de 18, dont la qua­si-tota­li­té devien­dra, de sur­croît, offi­cier des armes.

C’est en effet, jusqu’en 1914, la période « guer­rière » de l’X. Cette dé-hié­rar­chi­sa­tion des élèves – le terme de cro­tale appa­raît à cette époque pour rem­pla­cer celui de ser­pent – se retrouve sur la tenue, iden­tique pour tous.

A l’aube de la Grande Guerre, on dote les élèves de galons d’élèves-officiers, les alphas blancs ornée d’un lise­ré rouge, qui res­te­ront en vigueur sur la tenue d’arme des étran­gers jusque dans les années 90, et qui, sous forme de pas­sants d’épaules, sont encore dis­tri­bués aux X à l’intégration pour mettre une touche de cou­leur sur leur treillis.

Une ver­sion dorée de ces alphas, cor­res­pon­dant au grade d’aspirant, a été mise en ser­vice, pro­ba­ble­ment en 1919, puis ré-ins­tau­rée en 1945, ain­si que l’écrit le Géné­ral Bri­sac, com­man­dant l’École, au Ministre de la Guerre – le lec­teur atten­tif note­ra d’ailleurs deux points intéressants :

Le papier à en-tête uti­li­sé, signe des temps de disette dans l’immédiat après-guerre
Les pré­oc­cu­pa­tions hau­te­ment stra­té­giques du ministre en 1947…

Et les vrais guerriers dans tout cela ?

Prise d'armes de polytechniciens en 1945
Une prise d’armes à l’É­cole en 1945, au pre­mier rang de gauche à droite : Yvon Comol­li (42) croix de guerre, Mar­cel Lan­ger (38) Offi­cier de la Légion d’hon­neur, Com­pa­gnon de la Libé­ra­tion, ‚Croix de guerre, Mili­ta­ry Cross„Distinguished Ser­vice Medal ‚Paul Schrumpf (43) Croix de guerre, Médaille mili­taire (His­toire de l’É­cole polytechnique)

Un cer­tain nombre d’élèves sont reve­nus à l’École après avoir fait la guerre, la pre­mière comme la seconde. Si Mar­cel Lan­ger, Com­pa­gnon de la Libé­ra­tion, por­tait sa tenue de com­man­dant d’aviation – il faut dire que, pro­mo­tion 38, il avait près de 30 ans, ce qui est un peu âgé pour por­ter une tenue d’élève, Comol­li (42) et Schrumpf (43) por­taient tous deux une tenue d’élève galon­née en lieu­te­nant et sous-lieutenant.

Ce choix n’est pas nou­veau puisque c’est le même qui avait été fait en 1919, lors du retour du GU. L’auteur de ces lignes détient une tunique por­tant des galons de sous-lieu­te­nant sous forme de petite bar­rette – la dis­cré­tion… – de 3 cm de long. A l’époque, le galon­nage dépen­dait des armées, des armes et des tenues. Cette varié­té se retrouve dans le galon­nage du GU. Par exemple, celui tout à gauche des gardes au dra­peau de la 1919S porte son galon de sous-lieu­te­nant sous forme de fer de lance, comme le ser­vice de l’air le fai­sait à l’époque.

Le retour à l’uniformisation ?

Il sem­ble­rait que la requête du Géné­ral Bri­sac n’ait pas été prise en compte : depuis la pro­mo­tion 47, les X ont de nou­veau per­du tout insigne de grade sur leur uni­forme. Même si cela peut pro­vo­quer quelques mal­en­ten­dus (ain­si, l’auteur de ces lignes, se ren­dant en voi­ture au Bal à l’École Royale Mili­taire de Bruxelles accom­pa­gné d’un élève de ladite ERM, s’entendit dire « vous dépo­sez le lieu­te­nant et vous pou­vez aller l’attendre sur le par­king »), cette évo­lu­tion est cohé­rente avec l’évolution pro­fonde du GU, qui, d’une tenue mili­taire de l’École, est deve­nu la tenue des élèves.

Nul doute qu’un jour, d’ailleurs, les dits élèves légi­fé­re­ront pour mettre un terme à l’inflation de médailles de la défense natio­nale, de pucelles et autre « pin’s » qui n’apportent pas grand-chose…

La garde au drapeau 1919 de l'Ecole polytechnique
La garde au dra­peau 1919

Lettre du général BRISAC sur les uniformes polytechniciens (recto)

Lettre du général BRISAC sur les uniformes polytechniciens (verso)

L’auteur renou­velle ses remer­cie­ments à Oli­vier Azzo­la pour son aide dans la réunion de la documentation.
Il remer­cie éga­le­ment ses relec­teurs ano­nymes mais ô com­bien précieux

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