TotalEnergies : le digital au service des renouvelables

En 2024, TotalEnergies a célébré son centenaire. Historiquement présente dans les secteurs du pétrole et du gaz, la Compagnie opère depuis plusieurs années une diversification vers les énergies renouvelables et les molécules bas carbone. Pour accompagner cette transition, TotalEnergies mise sur des solutions digitales innovantes. Entretien avec Victor Martin, responsable de la plateforme numérique au sein des équipes de recherche et développement (R&D) de TotalEnergies.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre rôle chez TotalEnergies ?
Je travaille chez TotalEnergies depuis plus de vingt ans. J’ai débuté comme ingénieur géophysicien en exploration pétrolière, puis j’ai occupé différentes fonctions techniques et business. Aujourd’hui, je coordonne les équipes numériques de la R&D au sein de la branche d’ingénierie de TotalEnergies, appelée OneTech. Mon rôle consiste à piloter les recherches et les développements liés à la croissance du secteur électrique, en mettant l’accent sur les données et l’intelligence artificielle.
Comment s’intègre cette activité dans la stratégie globale de l’entreprise ?
TotalEnergies a engagé une évolution majeure de son mix énergétique avec l’ambition d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, ensemble avec la société. Elle met en œuvre une stratégie de croissance équilibrée, reposant sur les hydrocarbures et l’électricité, tout en réduisant fortement ses émissions carbone.
“Le numérique au cœur de la stratégie de TotalEnergies pour un avenir énergétique durable.”
À court terme, nous visons 35 gigawatts de capacité installée en énergies renouvelables d’ici fin 2025 et plus de 100 TWh de production nette d’électricité à horizon 2030. Cette croissance repose sur l’optimisation des coûts et du déploiement des infrastructures ainsi que sur une gestion optimisée de la production et de la consommation. Le numérique joue un rôle clé pour trouver des sites, optimiser leur conception, anticiper la demande et ajuster les ressources en temps réel.
Quels sont les principaux projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?
Chez TotalEnergies, les grands usages industriels du digital concernent, historiquement, la maintenance prédictive et, plus récemment, la réduction des émissions des installations et l’optimisation de leur consommation énergétique. Dans le domaine de l’électricité, qui est plus nouveau pour nous, nous développons aussi des modèles de prévision pour anticiper au mieux la production d’énergies renouvelables, qui est intermittente. L’intelligence artificielle joue ici un rôle clé dans l’estimation du potentiel énergétique des sites solaires et éoliens, afin de maximiser leur rendement. Au-delà de la prédiction, nous étudions également des techniques avancées comme l’apprentissage par renforcement pour optimiser le pilotage des infrastructures. Nous travaillons sur ces projets en interaction avec notre Digital Factory, qui est en charge du développement de solutions digitales au sein de la compagnie, notre rôle à la R&D étant d’explorer et qualifier les nouvelles technologies.
Le solaire semble être un axe majeur de votre stratégie. Pourquoi ce choix ?
TotalEnergies est un leader dans le développement de projets solaires dans le monde. Le solaire est aujourd’hui une source d’énergie renouvelable très compétitive en termes de coûts, en particulier pour les très grands projets. Pour continuer à investir dans des zones où le foncier est limité, le digital sert à identifier des surfaces adaptées, comme les toitures, les parkings ou les friches, à partir d’images satellites. De manière générale, l’exploitation de ces images permet aussi de déterminer des caractéristiques terrain (pente, albédo) qui sont indispensables pour la conception des fermes solaires. Nous explorons également l’agrivoltaïsme, qui permet de combiner production d’énergie renouvelable et agriculture sur un même terrain. Mais nous poursuivons aussi nos investissements dans l’éolien.
La compagnie a d’ailleurs récemment inauguré un projet offshore au large de Taïwan et exploite plusieurs fermes éoliennes terrestres en France et à l’étranger. Là encore, le digital sert à mieux comprendre les phénomènes de turbulence au sein des fermes pour mieux prévoir la production d’énergie.
Quels sont les défis majeurs pour le développement du solaire ?
Le principal défi réside dans l’accès à des surfaces exploitables sans entrer en concurrence avec d’autres usages. Mais, au-delà, notre enjeu est de restituer l’énergie solaire au moment où nos clients en ont le plus besoin. Pour y parvenir, nous travaillons sur des solutions de stockage à grande échelle, combinant batteries industrielles et gestion de l’énergie via l’intelligence artificielle. L’objectif est d’optimiser la charge et la décharge des batteries en fonction de la production et de la demande, afin d’assurer une alimentation électrique stable et continue, ce que nous appelons « clean firm power ».
Mais encore…
En complément des batteries, TotalEnergies développe des centrales à gaz à cycle combiné, qui sont des actifs flexibles, essentiels pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables et garantir à nos clients la fourniture d’une électricité fiable et stable, disponible en continu. Nous sommes également engagés à fournir des carburants bas carbone, issus notamment de la biomasse. Notre R&D s’efforce d’améliorer leur déploiement et leur compétitivité à grande échelle, et le digital aide ici à optimiser les process de production.
Quels profils recrutez-vous pour accompagner cette transformation numérique ?
TotalEnergies recherche des data scientists et des ingénieurs en simulation, très demandés sur le marché. Notre présence sur le plateau de Paris-Saclay nous permet de recruter d’excellents talents issus des grandes écoles et universités de Paris-Saclay et de son écosystème. Nous accueillons également de nombreux étudiants en stage et en thèse, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’optimisation énergétique. Nous sommes ainsi ravis d’accueillir régulièrement des étudiants des masters en data science de l’École polytechnique.
TotalEnergies collabore-t-elle avec d’autres acteurs dans le domaine du digital et de l’IA ?
Effectivement, TotalEnergies est partenaire du cluster IA Hi ! Paris, qui regroupe l’Institut Polytechnique de Paris et HEC. Cela nous permet de collaborer avec des chercheurs et des étudiants sur des projets liés à l’intelligence artificielle appliquée à l’énergie. Nous avons également un laboratoire commun avec Thales et EDF, appelé Sinclair, où nous explorons trois axes : l’explicabilité des modèles d’IA, l’apprentissage par renforcement et l’utilisation de l’IA pour accélérer les simulations complexes, telles que celles des fermes éoliennes et la gestion des réseaux électriques.
Quels sont les principaux enjeux pour l’avenir ?
Notre objectif est d’intégrer encore davantage le digital dans nos processus pour améliorer notre efficacité, nos business et répondre aux défis de la transition énergétique. Nous observons déjà un changement progressif de notre travail à la R&D depuis l’arrivée de l’IA générative et démarrons un programme dédié à son accélération. Les technologies évoluent rapidement : les prochaines années apporteront de nombreuses innovations en IA et permettront de la faire converger avec l’ingénierie et le design par simulation ainsi que le calcul scientifique, domaines dans lesquels TotalEnergies possède une solide expérience. Cela conduira probablement à de nouvelles solutions accélérant notre travail d’ingénieur. On le voit, le digital est à la fois un levier d’innovation et un moteur de transformation en profondeur de nos métiers. Il nous pousse à repenser notre fonctionnement et nos interactions, ouvrant une opportunité formidable pour construire un avenir énergétique toujours plus durable et performant.
TotalEnergies OneTech
OneTech est une branche de TotalEnergies créée en 2021, regroupant des ingénieurs, des techniciens et des chercheurs répartis sur neuf sites en Europe. Cette entité centralise les compétences techniques et scientifiques de la compagnie, couvrant toutes les formes d’énergie. Elle contribue concrètement aux activités d’ingénierie et de support aux opérations et à l’émergence de solutions innovantes dans les nouvelles énergies.