Théorie de la Fédération

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°633 Mars 2008Par : Olivier Beaud professeur des facultés de droit à l'université Paris-IIRédacteur : Bernard CHARTIER (59)

Le pro­pos du pro­fes­seur Oli­vier Beaud, il l’annonce dès les pre­mières pages et le rap­pelle en ter­mi­nant, n’est pas étran­ger à l’odyssée de la construc­tion euro­péenne, mais il n’y est pas consa­cré cepen­dant. Peut-être est-ce là un de ses mérites, il évite ain­si de déclen­cher chez le lec­teur des réac­tions sur un ter­rain polé­mique étran­ger à son pro­jet, qui est, comme chez tout juriste, de trai­ter son sujet de façon scien­ti­fique, ou du moins sys­té­ma­tique et, comme l’indique le titre, d’abord théo­rique. L’exercice auquel il se livre est un grand exemple de l’approche doc­tri­nale chère à sa pro­fes­sion : une argu­men­ta­tion orga­ni­sée et tou­jours claire pour expo­ser et défendre le point de vue proposé.
C’est pour écar­ter la mise en pers­pec­tive, tou­jours expli­cite ou sous-jacente – en France en par­ti­cu­lier – de la Fédé­ra­tion avec l’État, que le pro­fes­seur écrit. En effet, qui s’aventure à rai­son­ner par rap­port à l’État tombe dans le piège de la sou­ve­rai­ne­té, qui elle-même ramène à l’État : la Fédé­ra­tion perd toute auto­no­mie, tant comme forme de gou­ver­ne­ment que comme forme poli­tique. Sa seule des­ti­née devient, ou plu­tôt demeure l’État. Or, et l’une des richesses du livre est d’appuyer le rai­son­ne­ment sur un fon­de­ment his­to­rique large et très démons­tra­tif, il montre que la dua­li­té dans une Union d’États, atta­chée à l’équilibre entre les États membres et la struc­ture cen­trale de nature fédé­ra­tive, pro­voque dans l’ensemble, dans la Fédé­ra­tion, non pas une dis­per­sion de la sou­ve­rai­ne­té, mais une pré­ser­va­tion de la sou­ve­rai­ne­té ori­gi­nelle des États fédé­rés au niveau appro­prié de sécu­ri­té et de déve­lop­pe­ment que ceux-ci recher­chaient en s’unissant. Si la forme fédé­ra­tive ne se trouve pas dis­pa­raître dans un État, néces­sai­re­ment cen­tra­li­sa­teur, les peuples fédé­rés béné­fi­cie­ront de plus d’un enri­chis­se­ment de leur liber­té et de leurs choix que seul le méca­nisme de la citoyen­ne­té fédé­ra­tive par­ta­gée peut leur faire espérer.

Le pro­fes­seur Beaud se réfère à la Fédé­ra­tion en construc­tion, pour mon­trer que si la Suisse est la seule Fédé­ra­tion – la dis­tinc­tion Fédé­ra­tion et Confé­dé­ra­tion n’étant plus per­ti­nente dès que l’on peut s’abstraire de la fata­li­té éta­tique – qui n’est pas deve­nue un État fédé­ral, une approche ouverte de l’Union d’États, atta­chée à pré­ser­ver ses objec­tifs ini­tiaux, per­met de pré­ser­ver l’équilibre har­mo­nieux d’un des­tin confor­té par l’Unité.

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