TÉMOIGNAGES

Dossier : Les X en AlsaceMagazine N°663 Mars 2011

Pour de nouvelles rencontres

J’ai beau­coup appré­cié l’ini­tia­tive de notre jeune cama­rade, et, ce, d’au­tant plus qu’il est jeune. En effet, ce genre de réu­nions reste sou­vent, mal­heureuse­ment, l’a­panage des très anciens (les vieilles burnes).

Vers la fin des années qua­tre-vingt, les X d’Al­sace — sans qu’il y ait un groupe offi­ciel — se réu­nis­saient une fois par an pour une ” bouffe “, à l’ini­tia­tive d’un cama­rade décédé depuis. L’habi­tude s’est per­due au début des années qua­tre-vingt-dix. J’ai sou­vent pen­sé à repren­dre le flam­beau, mais ne suis jamais passé à l’acte.

Pourquoi suis-je venu tra­vailler en Alsace ? En sor­tant de l’É­cole, je désir­ais avoir un tra­vail sur le tas — pas d’ad­min­is­tra­tion — et, étant jurassien, si pos­si­ble dans le quart nord-est. Le DG des Mines de Potasse d’Al­sace cher­chait un X pour tra­vailler comme ingénieur du fond, c’est-àdire dans le fond de la mine (400 à 1 200 m de profondeur).

J’ai débar­qué en Alsace en novem­bre 1963 pour y rester défini­tive­ment avec toute­fois une par­en­thèse, de jan­vi­er 1972 à juil­let 1975, où j’ai tra­vail­lé au Con­go-Braz­za dans une fil­iale des MDPA (tou­jours une mine de potasse).

Travailler sur le tas

Avan­tages et agré­ments : tra­vail sur le tas puisque, jusqu’à la fin, comme directeur de l’ex­ploita­tion, je con­tin­u­ais à “descen­dre” régulièrement.

Le cli­mat : toutes les his­toires qu’on a faites récem­ment pour quelques cen­timètres de neige (que les jour­nal­istes s’ob­sti­nent à appel­er poudreuse, même quand elle est bien mouil­lée et bien lourde) nous ont bien fait rire en Alsace. De plus, j’é­tais pro­duc­teur de sel de déneige­ment et, il faut bien le dire, les con­di­tions finan­cières étaient intéressantes.

Enfin, un avan­tage un peu spé­cial : je fais par­tie des rares X ” fana mili “. En Alsace, j’ai pu faire une car­rière par­al­lèle dans la Réserve. J’ai ter­miné colonel.

Les seigneurs du fond

Est-il impor­tant d’être X ? La grande majorité de mes col­lègues du fond était issue des trois écoles des Mines (avec quelques géo­logues, des chimistes pour la par­tie traite­ment au jour et des élec­tromé­cani­ciens pour l’en­tre­tien). Dans une mine, les “seigneurs” sont les gens du fond et ce sont eux qui tien­nent les emplois de direc­tion. Je n’ai jamais eu de prob­lème mais cela ne m’a pas apporté d?avantage sup­plé­men­taire. Ce qui m’a été utile, c’est d’ac­cepter de par­tir en Afrique et d’aller sou­vent à l’é­tranger alors que cer­tains ne pou­vaient pas quit­ter la ligne bleue des Vosges !

Jean Breniaux (60)


Sur les rails

Une nou­velle ren­con­tre a été organ­isée il y a quelques jours à peine. Cette édi­tion 2011 du dîn­er des X en Alsace a rassem­blé dans une ambiance très con­viviale les poly­tech­ni­ciens alsa­ciens. Toutes les généra­tions étaient représen­tées, de la pro­mo 1960 à la 2004.

Ce dîn­er a été l’oc­ca­sion de décider de fonder un groupe X‑Alsace, d’ores et déjà acces­si­ble sur : polytechnique.org.

Ren­dez-vous en mai prochain pour une pre­mière ren­con­tre officielle.

Julien Beccherle (2003)


Le premier tram-train de France

Arrivé en Alsace voilà presque deux ans, en tant que chef du pôle ” maîtrise d’ou­vrage routes” à la Direc­tion régionale de l’En­vi­ron­nement, de l’Amé­nage­ment et du Loge­ment d’Al­sace, j’ap­prends à con­naître et à appréci­er cette région chaque jour un peu plus.

L’Al­sace est une région pilote pour les ques­tions de mobil­ité, ren­dant les métiers liés aux trans­ports par­ti­c­ulière­ment intéres­sants. Ain­si avec le tram-train de la val­lée de la Thur, l’Al­sace a depuis quelques semaines le pre­mier tram-train de France. Plus proche de Stras­bourg, l’É­tat et le Con­seil général du Bas-Rhin imag­i­nent ensem­ble un bus à haut niveau de ser­vice capa­ble d’emprunter les autoroutes stras­bour­geois­es en s’ex­trayant de la congestion.

L’Al­sace est aus­si une cap­i­tale régionale, au cœur de l’Eu­rope. Out­re le par­lement européen, Stras­bourg porte de nom­breux pro­jets et ini­tia­tives avec l’Alle­magne : ain­si, dans quelques mois le tramway reliera le cen­tre de Stras­bourg au cen­tre de Kehl de l’autre côté du Rhin.

Enfin, j’ai décou­vert en Alsace un envi­ron­nement excep­tion­nel. La ville est riche cul­turelle­ment avec son opéra, son théâtre nation­al et ses musées ; et la prox­im­ité des Vos­ges et de la forêt Noire rav­it le pas­sion­né de sports de plein air que je suis… Pour faire court j’ai suc­com­bé à l’ap­pel du grès (des Vosges !).

Julien Beccherle (2003)


Un binet alsacien

J’ai eu le plaisir de par­ticiper au repas organ­isé par Fer­di­nand, réu­nion qui fut très intéres­sante à tout point de vue. Je pro­pose d’ap­porter un éclairage un peu dif­férent. En effet, je ne tra­vaille pas en Alsace, puisque je suis actuelle­ment en deux­ième année à l’É­cole poly­tech­nique, mais étant né à Stras­bourg d’un père alle­mand et d’une mère lor­raine, y ayant vécu vingt ans, y ayant fait ma pré­pa et en tant que prési­dent du binet Elsass’X, je veux par­ler plus spé­ciale­ment des activ­ités menées par les X d’Al­sace à l’École.

Le binet Elsass’X rassem­ble chaque année une trentaine d’élèves des deux pro­mo­tions sur le plateau. S’il est générale­ment dirigé par les anciens du lycée Kléber de Stras­bourg, il s’adresse à tous les élèves ayant des racines en Alsace et à ceux qui désirent con­naître cette région mag­nifique aux tra­di­tions très fortes. Cette année, des élèves viet­namiens et chi­nois ont, par exem­ple, souhaité se join­dre à nous afin de décou­vrir notre cul­ture régionale qui con­stitue à leurs yeux une spé­ci­ficité de la France et de son histoire.

Gastronomie d’abord

Les activ­ités du binet sont nom­breuses : nous cher­chons tout d’abord à faire con­naître la gas­tronomie alsa­ci­enne (Flam­mekueche, Bre­dele, bière Fis­ch­er, Gewurz­tramin­er, etc.), pen­dant le Point Gam­ma et lors des grands événe­ments de l’É­cole (week-end d’in­té­gra­tion, Cam­pagne Kès, soirées, etc.).

Nous essayons aus­si de faire con­naître et aimer l’Al­sace à nos cama­rades (rap­pelons que moins d’un tiers des X vient d’un lycée de province). À ce titre, nous organ­is­erons cette année un week-end en Alsace pour une quin­zaine d’élèves (avec prob­a­ble­ment une journée sur la route des vins). Enfin, nous seri­ons heureux de pou­voir relay­er aux pro­mo­tions sur le Plateau toutes les deman­des de cama­rades instal­lés en Alsace (stages offerts dans des entre­pris­es ou des lab­o­ra­toires alsa­ciens, pro­mo­tion de pro­duits alsa­ciens, con­férences à l’É­cole, etc.).

Nous sommes con­va­in­cus que la représen­ta­tion des cul­tures régionales est un véri­ta­ble enjeu, car elle est un indi­ca­teur, elle aus­si, de la représen­ta­tiv­ité de l’É­cole vis-à- vis de la pop­u­la­tion française.

Karl Neuberger (2009)


Ciel ! Mon mari est muté en Alsace

Ce titre d’un best-sell­er région­al exprime bien le para­doxe d’une région qui revendique plus que toute autre son attache­ment à la France, mais affirme forte­ment sa dif­férence et l’at­tache­ment à sa cul­ture ger­manique. Venir tra­vailler et s’in­staller en Alsace néces­site en effet de s’adapter à des par­tic­u­lar­ités lin­guis­tiques, religieuses et juridiques. Ain­si, l’ex­is­tence d’un droit local, qui n’est rien d’autre que la sur­vivance d’une par­tie du Code civ­il alle­mand, vaut-il par exem­ple à l’Al­sace un régime d’as­sur­ance mal­adie spé­ci­fique et dont la ges­tion est excédentaire.

Une tradition industrielle

Étant d’o­rig­ine alsa­ci­enne et mar­ié à une Alsa­ci­enne, mon opin­ion sur les fac­teurs qui pour­raient inciter un cama­rade de l’X à s’in­staller dans ma région est évidem­ment sus­pecte de par­tial­ité. Je vais donc essay­er de m’en tenir à des élé­ments objec­tifs. Il n’est pas besoin d’in­sis­ter sur le dynamisme économique de l’Al­sace, qui se traduit d’ailleurs par des sol­des démo­graphiques posi­tifs : forte à la fois d’un réseau de grandes entre­pris­es (Peu­geot, Alstom, Hager, etc.) et d’un tis­su de PME dens­es et diver­si­fiées, l’Al­sace a tou­jours su main­tenir sa tra­di­tion indus­trielle en s’adap­tant aux crises successives.

Elle béné­fi­cie de la présence de nom­breuses entre­pris­es alle­man­des, sou­vent famil­iales, qui ont su garder une vraie cul­ture indus­trielle, dans la tra­di­tion du “cap­i­tal­isme rhé­nan “. La recherche et l’in­no­va­tion y sont très actives, et les ser­vices diversifiés.

La plus grande université française

Pour ce qui est de l’en­vi­ron­nement intel­lectuel, l’u­ni­ver­sité de Stras­bourg est la plus grande uni­ver­sité française, la pre­mière à avoir regroupé les trois uni­ver­sités préex­is­tantes. Stras­bourg a d’ex­cel­lents lycées sci­en­tifiques et lit­téraires, comme Col­mar et Mulhouse.

La vie cul­turelle est intense, avec l’Opéra et le Bal­let du Rhin, l’Orchestre phil­har­monique de Stras­bourg, La Fila­ture de Mul­house, et de nom­breuses insti­tu­tions cul­turelles de haut niveau. La vie asso­cia­tive est excep­tion­nelle­ment active dans tous les domaines, en par­ti­c­uli­er la sol­i­dar­ité, qui n’est pas un vain mot dans la région.

L’Al­sace a une répu­ta­tion de région à l’i­den­tité forte­ment pro­filée, mais cette iden­tité ne s’af­firme pas au détri­ment de l’ou­ver­ture. La présence des insti­tu­tions européennes et la posi­tion géo­graphique au coeur de l’Eu­rope favorisent un cli­mat très inter­na­tion­al : la plu­part des grands pays européens ont un insti­tut cul­turel à Stras­bourg, et la région est aus­si proche de Prague que de Paris.

Christian Albecker (75)


Développer l’École

Ayant un pied en Alsace par ma respon­s­abil­ité de gérant de Sicat, une start-up locale dans le domaine des sup­ports de catal­y­seurs, issue de travaux de recherche con­duits au Lab­o­ra­toire de chimie du CNRS à l’u­ni­ver­sité Louis Pas­teur de Stras­bourg, j’ai été invité à partager le dîn­er des Alsa­ciens et, à cette occa­sion, à y présen­ter les actions de la Fon­da­tion de l’É­cole poly­tech­nique en sou­tien du développe­ment de notre École.

Un groupe vivant

Ce groupe, qui n’est pas encore un groupe offi­ciel agréé par l’AX, réu­nit une quar­an­taine de cama­rades de la Région Alsace, cou­vrant un large échan­til­lon de pro­mo­tions, acteurs du monde de l’en­tre­prise, de la poli­tique locale et nationale, des ser­vices admin­is­trat­ifs français ou européens, etc.

Ce groupe est vivant, démon­tre un attache­ment fort à son École, com­mu­nique très régulière­ment par cour­riel, fait preuve d’une grande sol­i­dar­ité entre généra­tions ou entre secteurs d’ac­tiv­ité. Il m’a réservé un accueil chaleureux, atten­tif et motivé par les évo­lu­tions de l’É­cole, dont quelques mem­bres avaient une vague connaissance.

Les valeurs traditionnelles

Les inter­ro­ga­tions por­taient sur la place de l’in­ter­na­tion­al, l’in­térêt des élèves pour l’in­no­va­tion et la créa­tion d’en­tre­pris­es, la pré­pa­ra­tion à la vie pro­fes­sion­nelle par une approche moins restreinte à l’en­seigne­ment académique que cer­tains avaient con­nu, le main­tien, au fil des change­ments mis en oeu­vre, des valeurs poly­tech­ni­ci­ennes qui con­stituent les fonde­ments de leur groupe.

Au final, une soirée ” rafraîchissante ” met­tant en lumière un par­fait équili­bre entre l’ou­ver­ture aux exi­gences de la com­péti­tiv­ité du monde mod­erne, et l’at­tache­ment aux valeurs tra­di­tion­nelles, ciment des activ­ités de ce groupe.

Jean-Bernard Lartigue (65), délégué général de la Fondation


D’énormes atouts mais un manque d’infrastructures

Je tra­vaille en Alsace depuis 1993, pour y dévelop­per le deux­ième cen­tre infor­ma­tique européen du groupe agroal­i­men­taire Mars, qui a plusieurs usines en Alsace, en par­ti­c­uli­er à Hague­nau où mon activ­ité est basée. J’ai pu dévelop­per ma car­rière inter­na­tionale, à par­tir de notre cen­tre de Hague­nau sans avoir à déménager.

Tourné vers l’Europe

Tra­vailler en Alsace est un énorme avan­tage sur le plan per­son­nel et famil­ial (mon épouse est pro­fesseur doc­u­men­tal­iste dans un col­lège d’Al­sace et mes deux fils au lycée à Stras­bourg); c’est une région agréable, à taille humaine, ouverte sur l’in­ter­na­tion­al, avec Stras­bourg, ville tournée vers l’Eu­rope avec ses insti­tu­tions nom­breuses, une vie cul­turelle riche et variée.

Le clair désa­van­tage, dans un méti­er comme le mien, reste les infra­struc­tures, car même si le TGV nous a rap­prochés de Paris, il a con­tribué au déclin de l’aéro­port de Stras­bourg, ce qui me con­duit à aller fréquem­ment à Franc­fort, ville de départ de mes nom­breux voy­ages internationaux.

Ouvert à des sujets multiples

Être poly­tech­ni­cien, après trente ans d’ex­péri­ence pro­fes­sion­nelle, n’est plus un paramètre impor­tant, en par­ti­c­uli­er dans un groupe inter­na­tion­al comme Mars, où, en dehors de France, la renom­mée de notre École est, il faut bien le recon­naître, qua­si nulle. Il m’ar­rive encore d’avoir à expli­quer la dif­férence entre Poly­tech­nique et la Légion étrangère.

Par con­tre, ce qui a été indis­pens­able, et le reste tout au long de ma car­rière, est l’ou­ver­ture à des sujets mul­ti­ples, les méth­odes de tra­vail, les capac­ités d’analyse et de syn­thèse, acquis­es au cours de mes for­ma­tions en class­es pré­para­toires, à l’X et ensuite à Supélec en école d’application.

Un réseau à cultiver

Étant beau­coup en déplace­ment en dehors d’Al­sace et de France je n’avais pas jusqu’i­ci ressen­ti et perçu le besoin de mieux con­naître le réseau poly­tech­ni­cien régional.

Au-delà de l’aspect très ami­cal de la pre­mière ren­con­tre, j’ai réal­isé qu’il y avait un véri­ta­ble intérêt à cul­tiv­er ce réseau en par­ti­c­uli­er sur les axes du recrute­ment, de la for­ma­tion et de la prob­lé­ma­tique du développe­ment de sociétés inter­na­tionales dans un con­texte local.

De plus à titre per­son­nel je m’in­téresse au développe­ment en tant que Busi­ness Angel d’une petite société locale, et les relais locaux sont, dans ce cadre, indispensables.

François Demongeot (76)


Loin du stress

Je regrette beau­coup qu’il n’y ait pas plus de ren­con­tres entre poly­tech­ni­ciens en Alsace. Celle du 25 févri­er 2010 était la pre­mière depuis quar­ante ans.

Ces ren­con­tres per­me­t­tent d’échang­er des expéri­ences et des con­nais­sances avec des per­son­nes pro­fes­sion­nelle­ment respon­s­ables avec qui les rela­tions sont dépouil­lées des con­traintes comme la retenue ou le secret professionnel.

En 1979, lorsque j’ai cher­ché mon pre­mier job, j’ai ren­con­tré des mem­bres de l’As­so­ci­a­tion régionale qui a dis­paru ensuite. Tous les ans il y avait un repas à l’oc­ca­sion de la sai­son des asperges. Avec la pro­mo 66 nous par­tons en voy­age tous les deux ans (dix jours en Syrie en octo­bre dernier). Les échanges pen­dant et après le voy­age sont nombreux.

Sérieux et fidèles

L’Al­sace est une région où il est agréable de tra­vailler et de résider. Les salariés sont sérieux, tra­vailleurs, fidèles à leur entre­prise. Les clients et les four­nisseurs aus­si. On est loin du stress des déplace­ments de la Région parisi­enne. La cam­pagne, la mon­tagne, le ski sont facile­ment acces­si­bles. La gas­tronomie y est bien dévelop­pée. Le TGV a beau­coup rap­proché Paris de Stras­bourg (deux heures à terme). D’autres villes et d’autres pays sont facile­ment acces­si­bles : l’Alle­magne, le Lux­em­bourg, la Bel­gique, la Suisse, l’Italie.

C’est pour avoir épousé une Alsa­ci­enne que je suis venu tra­vailler en Alsace. Je n’ai jamais regret­té le choix de cette région, pour le tra­vail comme pour la vie personnelle.

Maurice Vallet (66)

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