Surveillance spatiale : une nouvelle ère de sécurité

Face à la prolifération des satellites et des débris spatiaux, Look Up Space se positionne comme un acteur clé dans la gestion du trafic orbital. Grâce à des technologies innovantes, l’entreprise ambitionne de sécuriser l’espace et de répondre aux enjeux géopolitiques émergents. Michel Friedling, cofondateur et CEO de Look Up Space, apporte son expertise militaire à cette mission stratégique.
Vous avez quitté l’uniforme alors que vous étiez général dans l’armée de l’air pour créer Look Up. Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?
Avec Juan Carlos Dolado, mon associé, nous avons fondé Look Up pour répondre à un enjeu majeur : celui d’une évolution hors de contrôle de l’environnement orbital de la Terre, dans un contexte géopolitique désormais plus qu’incertain, cela n’a échappé à personne. Nous avions moins de 2 000 satellites actifs en orbite il y a 5 ans, nous en avons environ 12 000 aujourd’hui et sans doute entre 50 000 et 100 000 en 2030. Les chiffres sont vertigineux. À ces satellites s’ajoutent les objets qui orbitent autour de la Terre et que l’on appelle les « débris » : ce sont des satellites désactivés, des étages de fusée restés en orbite, ou encore le résultat d’événements catastrophiques comme des collisions, des fragmentations ou même des tirs de missiles anti-satellites. Il faut savoir que l’on estime à près d’un million ces objets représentant un risque vital pour les satellites en orbite en cas de collision. En outre, l’espace est devenu un vrai champ d’affrontement militaire et les menaces anti-satellites, notamment celles qui évoluent en orbite, s’y développent à l’abri des regards. J’ai décrit en détail ces menaces dans mon livre « Commandant de l’espace » paru en 2023.
Comment votre vision en matière de surveillance spatiale s’intègre dans la stratégie globale de l’entreprise ?
Juan Carlos est membre de l’Académie internationale d’astronautique et ancien responsable du département de surveillance de l’espace du CNES. Il a participé, et participe toujours, à de nombreux travaux scientifiques sur le sujet des débris spatiaux et de la gestion du trafic spatial, et il a représenté la France dans de nombreuses instances internationales sur ces sujets. Il est l’un des meilleurs spécialistes en Europe, et même dans le monde, sur ces sujets.
De mon côté, avec mon parcours militaire et ayant été le premier Commandant de l’espace français, j’ai une bonne compréhension des enjeux militaires et de défense, en particulier dans le domaine spatial. Notre complémentarité nous a permis dès le début d’avoir une vision globale des enjeux et de développer une solution duale, c’est-à-dire répondant aux besoins civils et militaires, publics et privés. Nous avons donc voulu développer les capacités qui nous manquaient dans nos fonctions précédentes pour faire face à ces enjeux. C’est depuis le début la stratégie de Look Up, construite par cette réflexion en commun et notre complémentarité.
Pouvez-vous présenter cette solution duale développée par Look Up pour garantir la sécurité et la durabilité des opérations spatiales ?
Look Up est née de l’idée d’apporter une capacité souveraine à la France et à l’Europe pour la connaissance et la maîtrise de l’environnement spatial. Et, pour cela, il fallait d’une part développer des capteurs différenciants, capables de détecter des objets de quelques centimètres en orbite basse, quelles que soient les conditions météo. Le choix de la technologie radar, bien que plus complexe et plus coûteuse que la technologie optique adoptée par la plupart des autres acteurs du domaine, s’est donc imposé. C’est un choix ambitieux mais totalement différentiant : une seule autre société au monde a développé et opère ce type de capteurs, et elle est américaine.
Il fallait d’autre part une solution numérique capable de collecter, gérer, traiter de très grands volumes de données pour en tirer de l’information exploitable et des services à nos clients. Nous avons là encore fait des choix ambitieux et disruptifs : celui d’une solution agnostique au type de capteurs ou de données et celui d’une solution basée dans le cloud ou déployable sur les infrastructures cloud du client. Cela demande une parfaite connaissance des besoins clients et une grande maîtrise en matière d’infrastructures numériques, de développement logiciel et algorithmique, de data science et bien sûr de mécanique spatiale. Ces choix nous différencient également de la plupart de nos concurrents et se révèlent payants.
Le programme France 2030 a-t-il contribué au développement des capacités de surveillance spatiale
de Look Up ?
Oui, nous avons eu la chance de créer la société au moment où France 2030 était à plein régime. Nous avons obtenu deux financements essentiels : l’un pour le développement du démonstrateur de notre radar et l’autre pour lever quelques verrous technologiques de notre solution digitale. Pour nous, c’est une évidence : sans France 2030, nous n’existerions pas. Avec un projet aussi capitalistique et ambitieux que le nôtre, sur un marché émergent, nous n’aurions pas pu lever les capitaux nécessaires à l’amorçage auprès d’investisseurs privés uniquement. Nous aimons dire que nous sommes un bébé France 2030 !
Comment Look Up collabore-t-elle avec d’autres entreprises et institutions dans le secteur spatial ?
D’abord, il faut dire que nous n’avons pas développé nos solutions seuls. Le radar, par exemple, a été développé avec un peu plus de quinze entreprises françaises cotraitantes ou sous-traitantes, dont un centre expert en signaux hyperfréquences et un grand équipementier électronique. Pour la solution digitale, nous avons travaillé avec une start-up franco-suisse et une très grande entreprise française de services numériques.
Aujourd’hui, nous avons plusieurs projets, dont l’un soutenu par l’Union européenne, pour lesquels nous développons des coopérations avec des acteurs du spatial. Il y a beaucoup de synergies et de co-développements possibles dans ce domaine. Sur le plan institutionnel, nous avons, comme toutes les sociétés du spatial en France, des interactions régulières et suivies avec le CNES. Les capacités que nous développons intéressent en effet le CNES tout autant que la défense.
Vous avez récemment annoncé un tour de table de 50 millions d’euros. Quel est l’impact de cette levée de fonds sur le développement technologique de Look Up ?
Cette levée de fonds va nous permettre de poursuivre le déploiement de notre réseau de radars autour du globe. Nous avons déjà déployé un radar en métropole, qui valide notre technologie et qui est la première brique de notre capacité globale. La levée de fonds va nous permettre de déployer deux radars supplémentaires en Polynésie française en 2026 et 2027, cofinancés par l’Union européenne. Nous allons également poursuivre le développement de notre solution digitale SYNAPSE, qui rencontre déjà un très beau succès commercial parce qu’elle est bien pensée et offre des fonctionnalités qui répondent parfaitement aux demandes des clients. Nous allons également réaliser une démonstration en orbite de notre solution d’opérations spatiales « as-a-service », intégrée avec l’offre de sécurité. C’est une suite logique du projet ATLAS2, qui signifie « Acceleration Towards LEO Automated Space Safety », que nous avons remporté et que finance l’Union européenne. Enfin, la levée de fonds va nous permettre de renforcer notre équipe, qui compte déjà environ 75 collaborateurs, et d’accélérer notre développement international.
Quelles sont les innovations technologiques clés que Look Up prévoit d’introduire dans le domaine de la surveillance spatiale dans les prochaines années ?
Nous avons beaucoup d’idées, bien sûr. Mais si l’on veut pérenniser la société, la rendre rentable et en faire un champion mondial, il faut avant tout développer de bons produits, qui répondent à des besoins clients. Et les commercialiser. L’innovation technologique en tant que telle doit répondre à un besoin utilisateur, améliorer son expérience, apporter une nouvelle solution. Nous sommes très clairement orientés produits et clients. Une vision claire, de bons produits, une grande ambition et beaucoup d’agilité : c’est notre ADN.
Look Up Space en bref
Look Up Space, fondée en 2022 par Michel Friedling et Juan Carlos Dolado, vise à devenir un leader mondial dans la surveillance spatiale en développant des solutions innovantes telles que la plateforme Synapse et un réseau avancé de radars pour la détection et la gestion du trafic spatial.



