SUR LES ROUTES DE LA FAIM

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°668 Octobre 2011Par : Marcel Cassou (61)Rédacteur : Philippe Bonnamy (61)

Sur les routes de la faim - CouvertureDepuis le temps que je le con­nais (depuis la pre­mière), je croy­ais tout con­naître de Mar­cel Cas­sou. Eh bien non ! Il a fal­lu la pub­li­ca­tion de Sur les routes de la faim, à l’origine presque un sim­ple rap­port d’activité à l’attention des spon­sors de ses aven­tures, pour décou­vrir qu’il avait aus­si créé et ani­mé pen­dant sept ans une ONG. Celle-ci a joué un rôle recon­nu et émi­nent dans l’acheminement des sec­ours à cer­tains sin­istrés du Sahel pen­dant la sécher­esse épou­vantable qu’a con­nue cette région tout au long des années soixante-dix.

C’est bien Cas­sou de l’avoir fait en toute dis­cré­tion, et s’il en partage le mérite avec la cinquan­taine de bénév­oles qui ont aus­si par­ticipé à l’odyssée, c’est indé­ni­able­ment lui qui a don­né l’impulsion ini­tiale, réu­ni les moyens et les finance­ments, en un mot : ren­du l’exploit faisable.

De quoi s’agissait-il ? Au début des années soix­ante-dix, la zone dite « sahéli­enne » qui sépare le Sahara des pays riverains du golfe de Guinée ne reçoit plus une goutte d’eau pen­dant plusieurs années. C’est un drame qui se traduit par l’hécatombe du déjà mai­gre chep­tel, et, par voie de con­séquence, la famine et la dis­pari­tion annon­cée des pop­u­la­tions nomades touaregs qui en vivaient. Cas­sou con­naît déjà bien toutes ces régions. Il pré­side à l’époque un club fer­mé de baroudeurs qui ont sil­lon­né les pistes africaines dans tous les sens et pour qui chang­er un axe de trans­mis­sion de 4 x 4 dans le sable et avec une clef à molette n’a pas de secret.

Une séance d’entraînement dans le parc de Thoiry, on imag­ine ensuite quelques bières (nous sommes entre baroudeurs) autour d’un bar­be­cue le soir et Cas­sou lance l’idée : « Et si nous fai­sions du trans­port de vivres au Niger ? Les vivres sont là-bas, mais le prob­lème est de les achem­iner dans des régions sans cartes, sans routes…»

Six mois plus tard, c’était chose faite : deux, puis qua­tre, puis neuf camions et presque qua­tre mille tonnes de vivres dis­tribuées pen­dant deux ans auprès de pop­u­la­tions com­plète­ment isolées et autrement con­damnées à dis­paraître, avant de con­stru­ire un petit bar­rage pour irriguer une plaine fer­tile à la sai­son des pluies.

Cas­sou racon­te cela dans son livre et comme tou­jours, quand il par­le du Sahara, il est à son meilleur. Quel scé­nario ! On imag­ine les Lino Ven­tu­ra, Bel­mon­do dans ses belles années, le reste de la bande de Un taxi pour Tobrouk et les dia­logues d’Audiard (c’était de l’humanitaire certes, mais j’imagine qu’on devait aus­si bien rigol­er à l’ombre des chameaux) et il n’y manque même pas l’intrigue avec la belle Touareg.

Ceux qui ont lu et aimé le réc­it du désas­tre des expédi­tions Flat­ters1 adoreront, et les autres aussi.

Pour infor­ma­tion, aucun BHL, ni droit de l’hommiste paten­té, ne s’était fait con­naître à l’époque pour apporter son concours.

L’intérêt de l’ouvrage est aus­si sa présen­ta­tion : un texte et un CD qui, en pho­tos, racon­te cette aven­ture humaine et désintéressée.

1. Le Transsa­harien – L’échec sanglant des mis­sions Flat­ters, L’Harmattan (2004).

Poster un commentaire