StarkAge Therapeutics : la biotech qui cible la sénescence* pour lutter contre le cancer

Et si éliminer certaines cellules sénescentes permettait de mieux combattre le cancer ? StarkAge Therapeutics et Thierry Mathieu, son fondateur, misent sur cette approche novatrice pour réduire les récidives, les métastases et les effets secondaires liés aux traitements traditionnels. En développant des anticorps monoclonaux ultra-ciblés, la biotech ambitionne de transformer l’oncologie moderne et d’offrir de nouvelles perspectives aux patients.
StarkAge Therapeutics est une entreprise spécialisée dans le domaine de la sénescence. Pourquoi vous intéresser à l’étude de ces cellules ?
Mon intérêt pour la sénescence cellulaire est né d’une histoire personnelle : dans ma famille paternelle, les hommes sont décédés très jeunes, entre 55 et 57 ans. Cette expérience difficile m’a incité, en tant que médecin et entrepreneur, à comprendre pourquoi nous vieillissons et pourquoi certaines maladies apparaissent avec l’âge. Plus tard, en tant que Chief Medical Officer chez Synlab, j’ai suivi de près l’évolution de la recherche en génomique et en oncologie. Ces connaissances m’ont convaincu du rôle essentiel de la sénescence cellulaire, non seulement dans le vieillissement, mais aussi dans les cancers. C’est ainsi qu’est née StarkAge Therapeutics, avec pour objectif de développer des thérapies visant à éliminer les cellules sénescentes, particulièrement celles induites par les traitements anticancéreux.
Quels sont les plus grands défis que vous rencontrez dans le développement de traitements pour éliminer les cellules sénescentes et donc, des maladies liées à l’âge ?
Le principal défi consiste à cibler précisément les cellules sénescentes sans affecter les cellules saines. La sénescence est un mécanisme complexe : certaines cellules vieillissantes sont nocives, comme celles apparues après une chimiothérapie ou une radiothérapie, qui favorisent la rechute tumorale, la résistance aux traitements et la progression de la maladie. D’autres, en revanche, peuvent jouer un rôle bénéfique, notamment dans la cicatrisation. Une approche très spécifique est donc indispensable. De plus, nous évoluons dans un secteur émergent où il n’existe pas encore de références cliniques établies. Cela implique de construire un cadre réglementaire et scientifique solide, de convaincre les investisseurs et de réunir les financements nécessaires pour mener à bien les étapes précliniques et cliniques. Le financement reste d’ailleurs un enjeu majeur, car ces phases sont longues et coûteuses.
Vos thérapies pourraient-elles aussi ralentir le vieillissement général du corps, ou se concentrent-elles uniquement sur certaines maladies ?
Notre approche se concentre d’abord sur le cancer, car nous avons découvert que les cellules sénescentes jouent un rôle clé dans la progression tumorale et les récidives. Les anticorps monoclonaux que nous développons, couplés à une toxine (ADC), ciblent spécifiquement ces cellules. À plus long terme, si nous parvenons à éliminer ces cellules de manière sûre et efficace, nous pourrons élargir notre stratégie à d’autres maladies liées à l’âge. En théorie, la réduction du fardeau des cellules sénescentes pourrait ralentir certains aspects du vieillissement, mais cela reste un objectif à plus long terme. Notre priorité immédiate demeure l’amélioration des traitements contre le cancer.
“En développant des anticorps monoclonaux ultra-ciblés, la biotech ambitionne de transformer l’oncologie moderne et d’offrir de nouvelles perspectives aux patients.”
Quels bénéfices concrets les patients peuvent-ils attendre de vos traitements ?
En éliminant les cellules sénescentes induites par la chimiothérapie ou la radiothérapie, nous réduisons la probabilité de rechutes, de métastases à long terme et de fibroses post-traitement. Les patients pourraient ainsi bénéficier d’une meilleure qualité de vie, avec moins d’effets secondaires et un risque de récidive réduit. À terme, de telles approches peuvent révolutionner la prise en charge du cancer en complément des traitements standards et offrir aux patients des perspectives de rémission plus durables.
En quoi StarkAge Therapeutics est-elle différente des autres entreprises qui travaillent aussi sur des thérapies innovantes ?
De nombreuses entreprises explorent la piste des « sénolytiques », ces molécules qui détruisent les cellules sénescentes. Le problème de la plupart de ces approches réside dans une toxicité élevée et un manque de spécificité. StarkAge Therapeutics se distingue en ciblant une protéine membranaire spécifique, DPP4 (CD26), sur les cellules sénescentes.
Notre candidat STX‑1 est un ADC (Antibody-Drug Conjugate), c’est-à-dire un anticorps monoclonal couplé à un agent cytotoxique. Cette technologie garantit une action précise et très efficace, minimisant les effets secondaires. Nos données précliniques montrent une excellente tolérance, une grande stabilité et un ciblage précis. Nous sommes ainsi les premiers à appliquer cette thérapie ciblée au domaine de la sénescence, offrant un positionnement unique et une réelle avance concurrentielle.
Quelles sont les étapes clés à venir ?
Nous entrons dans une phase cruciale. Nous finalisons actuellement l’optimisation de STX‑1, avec des validations précliniques qui confirment déjà son potentiel important. Sur le plan financier, nous prévoyons une levée de fonds (Seed) de 5 millions d’euros qui nous permettra de finaliser STX‑1, d’élargir notre pipeline avec la production d’un second anticorps monoclonal STX‑2, et préparer le dossier pré-IND (Investigational New Drug). L’étape suivante sera une levée de 25 millions d’euros (Série A) prévue en 2026, qui nous permettra de lancer les premiers essais cliniques de STX‑1. En parallèle, nous développons STX‑2 à STX‑8 qui sont d’autres cibles associées à la sénescence, afin d’élargir notre portefeuille de brevets et de bâtir un véritable arsenal thérapeutique contre le cancer et d’autres maladies liées à l’âge.
Quelles compétences ou qualités recherchez-vous lorsque vous recrutez de nouveaux talents pour votre entreprise ?
Nous recherchons des scientifiques et des ingénieurs de haut niveau dotés d’une solide expertise en oncologie, immunologie ou biotechnologies, et qui soient capables de saisir l’ensemble du processus — de la recherche en laboratoire jusqu’aux études précliniques, voire cliniques. La rigueur scientifique, l’excellence technique et la capacité à travailler en équipe sont essentielles. Nous évoluons dans un secteur profondément innovant, où la flexibilité, l’agilité et l’ouverture d’esprit sont primordiales. L’objectif est d’attirer des talents capables de proposer des solutions nouvelles et de relever des défis scientifiques ou réglementaires avec enthousiasme.
Quelle est la vision à long terme de StarkAge Therapeutics ?
Nous aspirons à devenir un acteur majeur dans la lutte contre la sénescence cellulaire. STX‑1 doit démontrer la validité de notre approche pour ensuite étendre notre pipeline à d’autres cibles et pathologies avec la perspective de contribuer à ralentir le vieillissement cellulaire et prévenir l’apparition de maladies dégénératives. Nous n’avons pas vocation à devenir une « Big Pharma », mais plutôt un incubateur de solutions Deeptech capables de transformer la médecine. Notre stratégie à long terme inclut des partenariats industriels, des accords de licence, voire un rachat par un grand groupe, si cela sert au mieux la diffusion de nos innovations. L’objectif final est de mettre à disposition des patients des traitements efficaces, durables et moins invasifs, pour leur donner plus d’années de vie en bonne santé.
*Sénescence : vieillissement naturel des tissus et de l’organisme.