StarkAge Therapeutics : la biotech qui cible la sénescence* pour lutter contre le cancer

StarkAge Therapeutics : la biotech qui cible la sénescence* pour lutter contre le cancer

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Thierry MATHIEU

Et si éli­mi­ner cer­taines cel­lules sénes­centes per­met­tait de mieux com­battre le can­cer ? Star­kAge The­ra­peu­tics et Thier­ry Mathieu, son fon­da­teur, misent sur cette approche nova­trice pour réduire les réci­dives, les méta­stases et les effets secon­daires liés aux trai­te­ments tra­di­tion­nels. En déve­lop­pant des anti­corps mono­clo­naux ultra-ciblés, la bio­tech ambi­tionne de trans­for­mer l’oncologie moderne et d’offrir de nou­velles pers­pec­tives aux patients.

StarkAge Therapeutics est une entreprise spécialisée dans le domaine de la sénescence. Pourquoi vous intéresser à l’étude de ces cellules ?

Mon inté­rêt pour la sénes­cence cel­lu­laire est né d’une his­toire per­son­nelle : dans ma famille pater­nelle, les hommes sont décé­dés très jeunes, entre 55 et 57 ans. Cette expé­rience dif­fi­cile m’a inci­té, en tant que méde­cin et entre­pre­neur, à com­prendre pour­quoi nous vieillis­sons et pour­quoi cer­taines mala­dies appa­raissent avec l’âge. Plus tard, en tant que Chief Medi­cal Offi­cer chez Syn­lab, j’ai sui­vi de près l’évolution de la recherche en géno­mique et en onco­lo­gie. Ces connais­sances m’ont convain­cu du rôle essen­tiel de la sénes­cence cel­lu­laire, non seule­ment dans le vieillis­se­ment, mais aus­si dans les can­cers. C’est ain­si qu’est née Star­kAge The­ra­peu­tics, avec pour objec­tif de déve­lop­per des thé­ra­pies visant à éli­mi­ner les cel­lules sénes­centes, par­ti­cu­liè­re­ment celles induites par les trai­te­ments anticancéreux.

Quels sont les plus grands défis que vous rencontrez dans le développement de traitements pour éliminer les cellules sénescentes et donc, des maladies liées à l’âge ?

Le prin­ci­pal défi consiste à cibler pré­ci­sé­ment les cel­lules sénes­centes sans affec­ter les cel­lules saines. La sénes­cence est un méca­nisme com­plexe : cer­taines cel­lules vieillis­santes sont nocives, comme celles appa­rues après une chi­mio­thé­ra­pie ou une radio­thé­ra­pie, qui favo­risent la rechute tumo­rale, la résis­tance aux trai­te­ments et la pro­gres­sion de la mala­die. D’autres, en revanche, peuvent jouer un rôle béné­fique, notam­ment dans la cica­tri­sa­tion. Une approche très spé­ci­fique est donc indis­pen­sable. De plus, nous évo­luons dans un sec­teur émergent où il n’existe pas encore de réfé­rences cli­niques éta­blies. Cela implique de construire un cadre régle­men­taire et scien­ti­fique solide, de convaincre les inves­tis­seurs et de réunir les finan­ce­ments néces­saires pour mener à bien les étapes pré­cli­niques et cli­niques. Le finan­ce­ment reste d’ailleurs un enjeu majeur, car ces phases sont longues et coûteuses.

Vos thérapies pourraient-elles aussi ralentir le vieillissement général du corps, ou se concentrent-elles uniquement sur certaines maladies ?

Notre approche se concentre d’abord sur le can­cer, car nous avons décou­vert que les cel­lules sénes­centes jouent un rôle clé dans la pro­gres­sion tumo­rale et les réci­dives. Les anti­corps mono­clo­naux que nous déve­lop­pons, cou­plés à une toxine (ADC), ciblent spé­ci­fi­que­ment ces cel­lules. À plus long terme, si nous par­ve­nons à éli­mi­ner ces cel­lules de manière sûre et effi­cace, nous pour­rons élar­gir notre stra­té­gie à d’autres mala­dies liées à l’âge. En théo­rie, la réduc­tion du far­deau des cel­lules sénes­centes pour­rait ralen­tir cer­tains aspects du vieillis­se­ment, mais cela reste un objec­tif à plus long terme. Notre prio­ri­té immé­diate demeure l’amélioration des trai­te­ments contre le cancer.

“En développant des anticorps monoclonaux ultra-ciblés, la biotech ambitionne de transformer l’oncologie moderne et d’offrir de nouvelles perspectives aux patients.”

Quels bénéfices concrets les patients peuvent-ils attendre de vos traitements ?

En éli­mi­nant les cel­lules sénes­centes induites par la chi­mio­thé­ra­pie ou la radio­thé­ra­pie, nous rédui­sons la pro­ba­bi­li­té de rechutes, de méta­stases à long terme et de fibroses post-trai­te­ment. Les patients pour­raient ain­si béné­fi­cier d’une meilleure qua­li­té de vie, avec moins d’effets secon­daires et un risque de réci­dive réduit. À terme, de telles approches peuvent révo­lu­tion­ner la prise en charge du can­cer en com­plé­ment des trai­te­ments stan­dards et offrir aux patients des pers­pec­tives de rémis­sion plus durables.

En quoi StarkAge Therapeutics est-elle différente des autres entreprises qui travaillent aussi sur des thérapies innovantes ?

De nom­breuses entre­prises explorent la piste des « séno­ly­tiques », ces molé­cules qui détruisent les cel­lules sénes­centes. Le pro­blème de la plu­part de ces approches réside dans une toxi­ci­té éle­vée et un manque de spé­ci­fi­ci­té. Star­kAge The­ra­peu­tics se dis­tingue en ciblant une pro­téine mem­bra­naire spé­ci­fique, DPP4 (CD26), sur les cel­lules sénescentes.

Notre can­di­dat STX‑1 est un ADC (Anti­bo­dy-Drug Conju­gate), c’est-à-dire un anti­corps mono­clo­nal cou­plé à un agent cyto­toxique. Cette tech­no­lo­gie garan­tit une action pré­cise et très effi­cace, mini­mi­sant les effets secon­daires. Nos don­nées pré­cli­niques montrent une excel­lente tolé­rance, une grande sta­bi­li­té et un ciblage pré­cis. Nous sommes ain­si les pre­miers à appli­quer cette thé­ra­pie ciblée au domaine de la sénes­cence, offrant un posi­tion­ne­ment unique et une réelle avance concurrentielle.

Quelles sont les étapes clés à venir ?

Nous entrons dans une phase cru­ciale. Nous fina­li­sons actuel­le­ment l’optimisation de STX‑1, avec des vali­da­tions pré­cli­niques qui confirment déjà son poten­tiel impor­tant. Sur le plan finan­cier, nous pré­voyons une levée de fonds (Seed) de 5 mil­lions d’euros qui nous per­met­tra de fina­li­ser STX‑1, d’élargir notre pipe­line avec la pro­duc­tion d’un second anti­corps mono­clo­nal STX‑2, et pré­pa­rer le dos­sier pré-IND (Inves­ti­ga­tio­nal New Drug). L’étape sui­vante sera une levée de 25 mil­lions d’euros (Série A) pré­vue en 2026, qui nous per­met­tra de lan­cer les pre­miers essais cli­niques de STX‑1. En paral­lèle, nous déve­lop­pons STX‑2 à STX‑8 qui sont d’autres cibles asso­ciées à la sénes­cence, afin d’élargir notre por­te­feuille de bre­vets et de bâtir un véri­table arse­nal thé­ra­peu­tique contre le can­cer et d’autres mala­dies liées à l’âge.

Quelles compétences ou qualités recherchez-vous lorsque vous recrutez de nouveaux talents pour votre entreprise ?

Nous recher­chons des scien­ti­fiques et des ingé­nieurs de haut niveau dotés d’une solide exper­tise en onco­lo­gie, immu­no­lo­gie ou bio­tech­no­lo­gies, et qui soient capables de sai­sir l’ensemble du pro­ces­sus — de la recherche en labo­ra­toire jusqu’aux études pré­cli­niques, voire cli­niques. La rigueur scien­ti­fique, l’excellence tech­nique et la capa­ci­té à tra­vailler en équipe sont essen­tielles. Nous évo­luons dans un sec­teur pro­fon­dé­ment inno­vant, où la flexi­bi­li­té, l’agilité et l’ouverture d’esprit sont pri­mor­diales. L’objectif est d’attirer des talents capables de pro­po­ser des solu­tions nou­velles et de rele­ver des défis scien­ti­fiques ou régle­men­taires avec enthousiasme.

Quelle est la vision à long terme de StarkAge Therapeutics ?

Nous aspi­rons à deve­nir un acteur majeur dans la lutte contre la sénes­cence cel­lu­laire. STX‑1 doit démon­trer la vali­di­té de notre approche pour ensuite étendre notre pipe­line à d’autres cibles et patho­lo­gies avec la pers­pec­tive de contri­buer à ralen­tir le vieillis­se­ment cel­lu­laire et pré­ve­nir l’apparition de mala­dies dégé­né­ra­tives. Nous n’avons pas voca­tion à deve­nir une « Big Phar­ma », mais plu­tôt un incu­ba­teur de solu­tions Deep­tech capables de trans­for­mer la méde­cine. Notre stra­té­gie à long terme inclut des par­te­na­riats indus­triels, des accords de licence, voire un rachat par un grand groupe, si cela sert au mieux la dif­fu­sion de nos inno­va­tions. L’objectif final est de mettre à dis­po­si­tion des patients des trai­te­ments effi­caces, durables et moins inva­sifs, pour leur don­ner plus d’années de vie en bonne santé. 

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*Sénes­cence : vieillis­se­ment natu­rel des tis­sus et de l’organisme.

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