Soie et Lumières

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°581 Janvier 2003Par : Christian POLAKRédacteur : Christian MARBACH (56)

Les lecteurs atten­tifs de La Jaune et la Rouge peu­vent par­fois lire quelques infor­ma­tions sur les “cama­rades” poly­tech­ni­ciens qui ont con­tribué à la mod­erni­sa­tion du Japon à la fin du XIXe siè­cle au moment de l’ère Meiji.

C’est ain­si qu’un grand arti­cle de La Jaune et la Rouge d’avril 1992 a présen­té la fig­ure de Léonce Verny, X 1856, dont l’œuvre japon­aise con­sid­érable a porté – entre autres – sur la con­struc­tion des pre­miers chantiers navals japon­ais, à Yoko­hama ; c’est ain­si que, lors du bicen­te­naire de l’École, une man­i­fes­ta­tion a eu lieu en 1994 à Tokyo et m’a per­mis d’évoquer les fig­ures de Verny, mais aus­si de Louis Bertin (X 1858) qui joua un rôle dans la mod­erni­sa­tion de la marine ; c’est ain­si que, plus récem­ment, la recen­sion d’un ouvrage japon­ais sur Louis Kre­it­mann (X 1870) et son petit-fils Pierre Kre­it­mann (X 1932) a per­mis de remet­tre en lumière la fig­ure d’un jeune poly­tech­ni­cien mil­i­taire, voyageur et bon obser­va­teur du Japon et des États-Unis par lesquels il revint, comme le mon­trent ses cahiers tran­scrits par son petit­fils, avec fidélité.

Les ama­teurs curieux soit de l’histoire de Poly­tech­nique soit de celle du Japon, et a for­tiori des moments où elles se mêlent, trou­veront donc un grand intérêt à la lec­ture d’un ouvrage de Chris­t­ian Polak inti­t­ulé Soie et Lumières, l’âge d’or des échanges fran­co-japon­ais (des orig­ines aux années 1850).

Ce livre, bilingue et riche­ment illus­tré, ouvre des hori­zons sur les mul­ti­ples domaines dans lesquels, pen­dant toute la péri­ode citée en sous-titre mais surtout dans la sec­onde moitié du XIXe siè­cle, des Français ont con­tribué à la mod­erni­sa­tion du Japon : entre­pre­neurs intéressés par le com­merce de la soie ou la tech­nolo­gie du ver à soie ; mil­i­taires appor­tant leur savoir-faire aux troupes japon­ais­es et se trou­vant d’ailleurs pris dans les tour­mentes de l’histoire, tan­tôt du côté des réformistes, tan­tôt du côté des tra­di­tion­al­istes qui s’opposaient à la mise en place de l’ère Mei­ji ; diplo­mates essayant eux aus­si de pren­dre le vent au mieux tout en endurant la com­péti­tion des Anglais, des Alle­mands, des Améri­cains ; ingénieurs des Mines met­tant en exploita­tion des gise­ments ; juristes pro­posant la mod­erni­sa­tion de codes, etc.

La lec­ture de ce livre nous apporte à la fois le plaisir de la con­nais­sance his­torique, le bon­heur d’admirer de très belles illus­tra­tions, estam­pes ou aquarelles repro­duites avec soin, et pour nous, poly­tech­ni­ciens, la pos­si­bil­ité donc de faire davan­tage con­nais­sance avec des anciens qui avaient à leur manière inter­prété la devise de l’École, voy­ageant au pays du Soleil-Lev­ant avec tout à la fois leur esprit de curiosité et leur esprit de mission.

En ce sens, la fig­ure de Jules Brunet, X 1857, offici­er de la pre­mière mis­sion mil­i­taire arrivée en 1867 au Japon et resté fidèle à ses élèves japon­ais, des des­per­a­dos opposés aux idées réfor­ma­tri­ces de l’empereur, au point de les accom­pa­g­n­er au Hokkai­do dans une rébel­lion vouée à l’échec, est par­ti­c­ulière­ment vivante et col­orée – et c’est à des­sein que je peux employ­er ce terme qui s’applique aus­si aux excel­lentes aquarelles que notre Brunet (qui avait déjà de bonnes notes de dessin à l’École, je l’ai véri­fié dans son dossier per­son­nel à l’École, par exem­ple un 19 sur 20 en dessin au con­cours d’entrée) a cro­quées pen­dant tout son séjour japonais

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