Serendip innovations : une innovation végétale pour révolutionner les thérapies du futur

PDG de Serendip innovations, Alexandre Hill revient sur l’origine de cette jeune entreprise spécialisée dans le développement de particules pseudo-virales modulables dérivées d’un virus végétal et de ce fait produites en plantes. C’est une innovation unique qui pourrait transformer le traitement des cancers, mais aussi ouvrir la voie à des applications thérapeutiques révolutionnaires. Entretien.
Pourquoi le nom de Serendip ?
Il évoque à la fois sérendipité et sérénité. Il reflète notre état d’esprit et notre parcours scientifique, où une découverte inattendue s’est transformée en une véritable opportunité pour la santé humaine et animale.
D’où vient l’idée de Serendip ?
L’histoire de Serendip est intimement liée à la recherche académique. Pendant une dizaine d’années, une équipe de l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) à Strasbourg a étudié un virus infectant la vigne. Ce virus, qui menace les rendements viticoles, a dévoilé des propriétés inattendues. Son enveloppe externe, une capside, a révélé un potentiel extraordinaire : dépouillé de son génome viral, le virus se transforme en une « particule vide et modulable », prête à être fonctionnalisée pour lutter contre le cancer.
Qu’avez-vous découvert ?
Nous avons découvert qu’il était possible de modifier, à façon, les surfaces interne et externe de la particule et notamment de l’utiliser pour protéger et acheminer des molécules actives dans l’organisme. L’idée initiale était de l’appliquer à l’oncologie, un domaine où les besoins médicaux non satisfaits restent immenses et où nous avons besoin de restaurer l’activité du système immunitaire. J’ai rejoint les deux chercheurs à l’origine des travaux pour structurer ce projet et donner naissance à Serendip.
Comment cette particule agit-elle contre le cancer ?
Notre particule agit comme un petit véhicule ultra-précis. Elle transporte des antigènes issus des tumeurs, des sortes de marqueurs spécifiques des cellules cancéreuses. En plus, elle peut afficher des « guides gps » sur sa surface, qui les acheminent directement dans les cellules immunitaires les plus efficaces à activer une réponse immunitaire antitumorale. Une fois activé, le système immunitaire attaque spécifiquement les cellules cancéreuses, un peu comme si on entraînait une armée à reconnaître et éliminer spécifiquement l’ennemi.
“Notre particule agit comme un petit véhicule ultra-précis, transportant des antigènes issus des tumeurs pour activer une réponse immunitaire antitumorale ciblée.”
Sur quel cancer travaillez-vous ?
Nous avons choisi de cibler le cancer du côlon métastatique pour nos premières études cliniques. C’est une maladie où les rechutes après chimiothérapie sont systématiques surtout dans les cas de tumeurs froides, où l’immunothérapie n’est pas efficace. Notre objectif est d’aboutir à un traitement d’entretien capable d’intervenir après les traitements traditionnels pour éliminer les cellules cancéreuses résiduelles et réduire les risques de récidive.
Cette stratégie pourrait également être adaptée à d’autres types de tumeurs solides ou cancers difficiles à traiter. La flexibilité de notre particule nous permet d’envisager une adaptation selon les spécificités des tumeurs et des patients, ouvrant la voie à une médecine de précision.
Quels sont les autres domaines d’application possibles ?
Bien que notre priorité soit le développement de vaccins thérapeutiques contre le cancer, les propriétés uniques de notre particule ouvrent la voie à de nombreuses autres applications. En vaccination prophylactique, elle pourrait protéger contre des maladies infectieuses en exposant, en surface de la particule, des antigènes dérivés du virus à combattre.
Nous explorons également l’encapsulation d’ARN, très en vogue depuis le succès des vaccins anti-Covid. Les particules actuellement utilisées, comme les nanoparticules lipidiques, présentent des limites techniques en termes de stabilité et de ciblage. Notre technologie pourrait offrir une alternative plus stable, sûre et plus efficace, tout en réduisant les doses nécessaires. Nous travaillons enfin avec des partenaires dans le domaine de la santé animale, où le besoin de plateforme vaccinale modulable et abordable est également très fort.
Quels partenaires accompagnent le développement de Serendip ?
Nous bénéficions d’un écosystème riche et varié. Sur le plan académique, nous collaborons avec des institutions comme l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS) à Strasbourg ou encore l’hôpital de Dijon (CGFL) et l’Institut Gustave Roussy pour concevoir notre premier vaccin humain.
Nous sommes également soutenus par des structures d’accompagnement comme Quest for Health à Strasbourg ou le Paris-Saclay Cancer Cluster à Paris. Du côté industriel, nous sommes en train de contractualiser des études de faisabilité avec plusieurs entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques pour co-concevoir et co-développer les médicaments de demain.
Votre technologie repose sur une licence exclusive du CNRS. Que permet-elle ?
Cela nous permet de valoriser les fruits de la recherche académique, donc d’exploiter exclusivement la technologie et de la perfectionner dans tout type de domaine et sur un vaste territoire géographique. Elle permet notamment de sous-licencier la plateforme technologique et ses perfectionnements et ainsi de proposer des partenariats stratégiques de co-développement de médicaments aux industriels pharmaceutiques.
Où en est Serendip aujourd’hui ?
Créée en 2023 à Strasbourg, Serendip est encore jeune mais en pleine croissance. Grâce à un tour de financement pre-seed de 2,7 M€, nous avons récemment déménagé dans des locaux de 440 m² à Illkirch, près de Strasbourg, pour accueillir notre laboratoire de R&D. En 1 an, nous sommes déjà passés de trois cofondateurs à dix collaborateurs, et d’autres recrutements sont prévus pour accompagner notre développement.
Dans l’année, notre priorité est de valider notre technologie adaptée en un système d’immunisation. En fin d’année, nous lancerons une levée de fonds Seed pour financer le plan préclinique et clinique de phase I pour notre vaccin contre le cancer du côlon. Les résultats sont prévus pour 2029. En parallèle, nous poursuivons des collaborations stratégiques pour explorer d’autres applications.
Et à plus long terme ?
Notre ambition est de devenir un acteur clé dans la conception de solutions thérapeutiques de nouvelle génération. En maîtrisant la production, la stabilité, le ciblage et la sûreté de nos particules, nous voulons répondre aux défis majeurs des industriels de la santé humaine et animale tout en garantissant des traitements plus sûrs et plus efficaces pour les patients.
Qu’est-ce qui rend votre approche unique ?
Notre particule, dérivée d’un virus végétal, présente plusieurs avantages décisifs. Produite à partir de plantes, elle est biocompatible, stable et dépourvue d’impuretés d’origine animale, pouvant être toxiques pour la santé humaine. En étant hautement modulable, elle est capable de simultanément protéger et transporter des molécules actives, tout en assurant un ciblage précis et une sécurité optimale. Notre technologie offre une solution novatrice, que ce soit pour soigner des cancers, prévenir des infections ou explorer des thérapies avancées. Nous croyons fermement que cette particule façonnera les médicaments de demain. C’est comme si nous pouvions façonner un actif thérapeutique, à partir d’une cible biologique et d’un mode d’action désirés, capable de minimiser les risques de toxicité et de maximiser les chances d’efficacité pour les patients.