Serendip innovations : une innovation végétale pour révolutionner les thérapies du futur

Serendip innovations : une innovation végétale pour révolutionner les thérapies du futur

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Alexandre HILL

PDG de Seren­dip inno­va­tions, Alexandre Hill revient sur l’origine de cette jeune entre­prise spé­cia­li­sée dans le déve­lop­pe­ment de par­ti­cules pseu­do-virales modu­lables déri­vées d’un virus végé­tal et de ce fait pro­duites en plantes. C’est une inno­va­tion unique qui pour­rait trans­for­mer le trai­te­ment des can­cers, mais aus­si ouvrir la voie à des appli­ca­tions thé­ra­peu­tiques révo­lu­tion­naires. Entretien.

Pourquoi le nom de Serendip ?

Il évoque à la fois séren­di­pi­té et séré­ni­té. Il reflète notre état d’esprit et notre par­cours scien­ti­fique, où une décou­verte inat­ten­due s’est trans­for­mée en une véri­table oppor­tu­ni­té pour la san­té humaine et animale.

D’où vient l’idée de Serendip ?

L’histoire de Seren­dip est inti­me­ment liée à la recherche aca­dé­mique. Pen­dant une dizaine d’années, une équipe de l’Institut de bio­lo­gie molé­cu­laire des plantes (IBMP) à Stras­bourg a étu­dié un virus infec­tant la vigne. Ce virus, qui menace les ren­de­ments viti­coles, a dévoi­lé des pro­prié­tés inat­ten­dues. Son enve­loppe externe, une cap­side, a révé­lé un poten­tiel extra­or­di­naire : dépouillé de son génome viral, le virus se trans­forme en une « par­ti­cule vide et modu­lable », prête à être fonc­tion­na­li­sée pour lut­ter contre le cancer.

Qu’avez-vous découvert ?

Nous avons décou­vert qu’il était pos­sible de modi­fier, à façon, les sur­faces interne et externe de la par­ti­cule et notam­ment de l’utiliser pour pro­té­ger et ache­mi­ner des molé­cules actives dans l’organisme. L’idée ini­tiale était de l’appliquer à l’oncologie, un domaine où les besoins médi­caux non satis­faits res­tent immenses et où nous avons besoin de res­tau­rer l’activité du sys­tème immu­ni­taire. J’ai rejoint les deux cher­cheurs à l’origine des tra­vaux pour struc­tu­rer ce pro­jet et don­ner nais­sance à Serendip.

Comment cette particule agit-elle contre le cancer ?

Notre par­ti­cule agit comme un petit véhi­cule ultra-pré­cis. Elle trans­porte des anti­gènes issus des tumeurs, des sortes de mar­queurs spé­ci­fiques des cel­lules can­cé­reuses. En plus, elle peut affi­cher des « guides gps » sur sa sur­face, qui les ache­minent direc­te­ment dans les cel­lules immu­ni­taires les plus effi­caces à acti­ver une réponse immu­ni­taire anti­tu­mo­rale. Une fois acti­vé, le sys­tème immu­ni­taire attaque spé­ci­fi­que­ment les cel­lules can­cé­reuses, un peu comme si on entraî­nait une armée à recon­naître et éli­mi­ner spé­ci­fi­que­ment l’ennemi.

“Notre particule agit comme un petit véhicule ultra-précis, transportant des antigènes issus des tumeurs pour activer une réponse immunitaire antitumorale ciblée.”

Sur quel cancer travaillez-vous ?

Nous avons choi­si de cibler le can­cer du côlon méta­sta­tique pour nos pre­mières études cli­niques. C’est une mala­die où les rechutes après chi­mio­thé­ra­pie sont sys­té­ma­tiques sur­tout dans les cas de tumeurs froides, où l’immunothérapie n’est pas effi­cace. Notre objec­tif est d’aboutir à un trai­te­ment d’entretien capable d’intervenir après les trai­te­ments tra­di­tion­nels pour éli­mi­ner les cel­lules can­cé­reuses rési­duelles et réduire les risques de récidive.

Cette stra­té­gie pour­rait éga­le­ment être adap­tée à d’autres types de tumeurs solides ou can­cers dif­fi­ciles à trai­ter. La flexi­bi­li­té de notre par­ti­cule nous per­met d’envisager une adap­ta­tion selon les spé­ci­fi­ci­tés des tumeurs et des patients, ouvrant la voie à une méde­cine de précision.

Quels sont les autres domaines d’application possibles ?

Bien que notre prio­ri­té soit le déve­lop­pe­ment de vac­cins thé­ra­peu­tiques contre le can­cer, les pro­prié­tés uniques de notre par­ti­cule ouvrent la voie à de nom­breuses autres appli­ca­tions. En vac­ci­na­tion pro­phy­lac­tique, elle pour­rait pro­té­ger contre des mala­dies infec­tieuses en expo­sant, en sur­face de la par­ti­cule, des anti­gènes déri­vés du virus à combattre.

Nous explo­rons éga­le­ment l’encapsulation d’ARN, très en vogue depuis le suc­cès des vac­cins anti-Covid. Les par­ti­cules actuel­le­ment uti­li­sées, comme les nano­par­ti­cules lipi­diques, pré­sentent des limites tech­niques en termes de sta­bi­li­té et de ciblage. Notre tech­no­lo­gie pour­rait offrir une alter­na­tive plus stable, sûre et plus effi­cace, tout en rédui­sant les doses néces­saires. Nous tra­vaillons enfin avec des par­te­naires dans le domaine de la san­té ani­male, où le besoin de pla­te­forme vac­ci­nale modu­lable et abor­dable est éga­le­ment très fort.

Quels partenaires accompagnent le développement de Serendip ?

Nous béné­fi­cions d’un éco­sys­tème riche et varié. Sur le plan aca­dé­mique, nous col­la­bo­rons avec des ins­ti­tu­tions comme l’Institut de bio­lo­gie molé­cu­laire et cel­lu­laire (CNRS) à Stras­bourg ou encore l’hôpital de Dijon (CGFL) et l’Institut Gus­tave Rous­sy pour conce­voir notre pre­mier vac­cin humain.

Nous sommes éga­le­ment sou­te­nus par des struc­tures d’accompagnement comme Quest for Health à Stras­bourg ou le Paris-Saclay Can­cer Clus­ter à Paris. Du côté indus­triel, nous sommes en train de contrac­tua­li­ser des études de fai­sa­bi­li­té avec plu­sieurs entre­prises phar­ma­ceu­tiques et bio­tech­no­lo­giques pour co-conce­voir et co-déve­lop­per les médi­ca­ments de demain.

Votre technologie repose sur une licence exclusive du CNRS. Que permet-elle ?

Cela nous per­met de valo­ri­ser les fruits de la recherche aca­dé­mique, donc d’exploiter exclu­si­ve­ment la tech­no­lo­gie et de la per­fec­tion­ner dans tout type de domaine et sur un vaste ter­ri­toire géo­gra­phique. Elle per­met notam­ment de sous-licen­cier la pla­te­forme tech­no­lo­gique et ses per­fec­tion­ne­ments et ain­si de pro­po­ser des par­te­na­riats stra­té­giques de co-déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments aux indus­triels pharmaceutiques.

Où en est Serendip aujourd’hui ?

Créée en 2023 à Stras­bourg, Seren­dip est encore jeune mais en pleine crois­sance. Grâce à un tour de finan­ce­ment pre-seed de 2,7 M€, nous avons récem­ment démé­na­gé dans des locaux de 440 m² à Ill­kirch, près de Stras­bourg, pour accueillir notre labo­ra­toire de R&D. En 1 an, nous sommes déjà pas­sés de trois cofon­da­teurs à dix col­la­bo­ra­teurs, et d’autres recru­te­ments sont pré­vus pour accom­pa­gner notre développement.

Dans l’année, notre prio­ri­té est de vali­der notre tech­no­lo­gie adap­tée en un sys­tème d’immunisation. En fin d’année, nous lan­ce­rons une levée de fonds Seed pour finan­cer le plan pré­cli­nique et cli­nique de phase I pour notre vac­cin contre le can­cer du côlon. Les résul­tats sont pré­vus pour 2029. En paral­lèle, nous pour­sui­vons des col­la­bo­ra­tions stra­té­giques pour explo­rer d’autres applications.

Et à plus long terme ?

Notre ambi­tion est de deve­nir un acteur clé dans la concep­tion de solu­tions thé­ra­peu­tiques de nou­velle géné­ra­tion. En maî­tri­sant la pro­duc­tion, la sta­bi­li­té, le ciblage et la sûre­té de nos par­ti­cules, nous vou­lons répondre aux défis majeurs des indus­triels de la san­té humaine et ani­male tout en garan­tis­sant des trai­te­ments plus sûrs et plus effi­caces pour les patients.

Qu’est-ce qui rend votre approche unique ?

Notre par­ti­cule, déri­vée d’un virus végé­tal, pré­sente plu­sieurs avan­tages déci­sifs. Pro­duite à par­tir de plantes, elle est bio­com­pa­tible, stable et dépour­vue d’impuretés d’origine ani­male, pou­vant être toxiques pour la san­té humaine. En étant hau­te­ment modu­lable, elle est capable de simul­ta­né­ment pro­té­ger et trans­por­ter des molé­cules actives, tout en assu­rant un ciblage pré­cis et une sécu­ri­té opti­male. Notre tech­no­lo­gie offre une solu­tion nova­trice, que ce soit pour soi­gner des can­cers, pré­ve­nir des infec­tions ou explo­rer des thé­ra­pies avan­cées. Nous croyons fer­me­ment que cette par­ti­cule façon­ne­ra les médi­ca­ments de demain. C’est comme si nous pou­vions façon­ner un actif thé­ra­peu­tique, à par­tir d’une cible bio­lo­gique et d’un mode d’action dési­rés, capable de mini­mi­ser les risques de toxi­ci­té et de maxi­mi­ser les chances d’efficacité pour les patients.

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