S’engager durablement pour l’enfance qui souffre

Dossier : Formation humaine et militaire à l’XMagazine N°708 Octobre 2015
Par Marion ROGER (10)

Quelles sont les raisons qui t’ont amenée à choisir un stage en milieu hospitalier ?

Mes moti­va­tions ini­tiales dans le choix de ce stage étaient diverses. Je vou­lais avant tout me rendre utile. Le milieu de l’hôpital me fai­sait un peu peur mais je l’ai choi­si car il me touche beaucoup.

À Palai­seau, je me suis arrê­tée sur le stand qui pré­sen­tait cette asso­cia­tion et j’ai eu un vrai coup de coeur. Le fait d’être au contact d’enfants m’attirait tout par­ti­cu­liè­re­ment. Dans la liste de choix que j’ai rem­plie, c’était le seul stage civil que j’ai mentionné.

En le choi­sis­sant, je m’attendais à vivre une expé­rience humaine très forte et je n’ai vrai­ment pas été déçue.

REPÈRES

Depuis plus de dix ans‚ L’enfant@l’hôpital apporte la culture par Internet aux enfants malades et handicapés‚ hospitalisés dans toute la France : des voyageurs et des savants dialoguent avec eux‚ parfois du bout du monde‚ et les enfants‚ dont la curiosité est piquée‚ retrouvent le goût de lire et d’écrire.
Pour animer ces forums‚ de jeunes stagiaires‚ polytechniciens en service civil ou élèves d’autres écoles de l’enseignement supérieur‚ sillonnent la France en train pour accompagner les enfants à leur chevet ou dans la classe de l’hôpital. Les enseignants s’appuient sur ces échanges pour continuer d’assurer la scolarité des enfants‚ aiguiser leur appétit d’apprendre et leur sens artistique‚ et les sortir de l’isolement et de la fatigue.
Trois mille jeunes malades sont ainsi accompagnés chaque année et l’association propose maintenant ses méthodes à des établissements pénitentiaires pour mineurs et des classes des quartiers sensibles où sont parfois accueillis des enfants nomades.

Quels ont été les moments forts de cette période ?

Ces six mois ont été excep­tion­nel­le­ment intenses et riches et il m’est dif­fi­cile de par­ler d’un temps fort. J’ai vécu mille moments émou­vants. Mais les débuts furent dif­fi­ciles : dès le pre­mier jour, après quelques brèves expli­ca­tions sur ce que j’aurais à faire, j’ai reçu une liste de chambres à visi­ter et ai dû me jeter dans le bain.

J’ai com­pris qu’être moi-même suf­fi­sait et que les enfants ne deman­daient qu’à par­ta­ger ce moment.

J’ai éga­le­ment vite appris à rela­ti­vi­ser et je me suis ren­du compte que ce n’est pas en por­tant la souf­france de l’autre que l’on peut le soulager.

Qu’as-tu retiré de cette expérience ?

À la fois des ensei­gne­ments pro­fes­sion­nels – des « savoir-faire » – et des ensei­gne­ments per­son­nels – des « savoir-être ».

“ Ce n’est pas en portant la souffrance de l’autre que l’on peut le soulager ”

Dans la pre­mière caté­go­rie, je cite­rais l’intégration aux dif­fé­rentes équipes dans le milieu hos­pi­ta­lier, l’adaptation à la per­son­na­li­té de chaque enfant, le déve­lop­pe­ment de la créa­ti­vi­té en réponse aux besoins de chaque cas. Et aus­si l’occasion de pré­sen­ter l’association devant des publics divers et de déve­lop­per des rela­tions avec les entre­prises qui sou­tiennent cette activité.

Dans la seconde caté­go­rie, la varié­té et la richesse des ren­contres m’ont don­né une vision beau­coup plus éten­due de l’humain, de la socié­té et de ses dif­fé­rents milieux.

Les situa­tions aux­quelles j’ai été confron­tée m’ont énor­mé­ment mûrie. Elles ont été pour moi l’occasion d’apprendre à réagir face à la dou­leur, à dire non quand il le faut, à mesu­rer sa peine en fonc­tion du but vers lequel on tend et à prendre du recul.

Comment as-tu décidé de t’investir durablement dans L’enfant@l’hôpital ?

Mon tra­vail en milieu hos­pi­ta­lier m’a tel­le­ment mar­quée que j’ai vou­lu gar­der des liens avec les per­ma­nents de l’association. Au début, il s’agissait de contacts informels.

En troi­sième année de l’X, j’ai vou­lu m’occuper de jeunes patients et j’allais pas­ser chaque ven­dre­di après-midi à l’hôpital. Mais je me suis vite aper­çue que je n’avais plus la dis­po­ni­bi­li­té vou­lue pour un enga­ge­ment opé­ra­tion­nel de cette nature.

J’ai donc cher­ché à appor­ter mon concours sous une forme dif­fé­rente en tenant compte des contraintes d’emploi du temps que je rencontrais.

Quelles sont tes activités actuelles au sein de l’association ?

L’association est une petite entre­prise – trois per­ma­nents et l’équivalent d’une quin­zaine de per­sonnes à temps plein qui sont des sta­giaires ou de béné­voles –, petite entre­prise qui est confron­tée aux mêmes pro­blèmes que toute autre : recherche de finan­ce­ments, défi­ni­tion de plans d’action, recru­te­ment, sui­vi d’activité, déve­lop­pe­ments infor­ma­tiques, etc.

“ L’important est que cet engagement réponde à une passion ”

C’est sur ce volet « entre­pre­neu­rial » que j’apporte mon temps de façon assez variable en fonc­tion des besoins et de ma dis­po­ni­bi­li­té. J’ai la chance de tra­vailler avec un pré­sident qui a sui­vi le même par­cours que moi. Il s’agit d’Alexis Demas­siet (2003), qui lui aus­si avait son stage FHM à L’enfant@l’hôpital.

En pra­tique, je m’occupe du recru­te­ment des sta­giaires (des X bien sûr, mais aus­si des élèves de Sciences-po ou de Psy­cho-Prat). Je cherche des spon­sors qui acceptent de nous appor­ter un sou­tien durable. Je monte des dos­siers pour obte­nir des finan­ce­ments auprès de fon­da­tions, ce qui géné­ra­le­ment prend beau­coup de temps.

J’organise la par­ti­ci­pa­tion de notre asso­cia­tion à des concours et évé­ne­ments per­met­tant de don­ner une visi­bi­li­té à notre action et de faci­li­ter en retour la col­lecte de fonds auprès des particuliers.

C’est ain­si que nous avons reçu en 2014 le prix « coup de coeur » Étoile de la Culture don­né par la fon­da­tion Réuni­ca en récom­pense de mon tra­vail auprès des enfants et ados autistes.

Autre dos­sier qui nous a occu­pés récem­ment : la refonte du site infor­ma­tique, un élé­ment essen­tiel dans notre com­mu­ni­ca­tion ain­si que, quelques mois plus tôt, la refonte de notre pla­te­forme Koli­bri : c’est grâce à cette pla­te­forme que les jeunes malades sont en contact avec les voya­geurs qui dia­loguent avec eux.

Dans quelle voie professionnelle t’es-tu engagée ?

Je tra­vaille aujourd’hui chez Jumia. Cette filiale d’Africa Inter­net Group est le plus impor­tant site de e‑commerce en Afrique et est déjà pré­sent dans quinze pays. Mon choix a été dic­té par le côté aven­tu­reux de cette pre­mière expé­rience pro­fes­sion­nelle : on lance une nou­velle acti­vi­té sur un conti­nent où beau­coup reste à construire. La moyenne d’âge chez Jumia est de 25 ans et nous avons la chance d’y avoir très vite des res­pon­sa­bi­li­tés que l’on n’aurait que beau­coup plus tard dans des struc­tures plus conventionnelles.

Per­son­nel­le­ment, je suis cate­go­ry mana­ger, c’est-à-dire que je suis res­pon­sable de dif­fé­rentes caté­go­ries de pro­duits. Cela inclut, entre autres, le sour­cing de l’assortiment, la négo­cia­tion avec les four­nis­seurs, les par­te­na­riats avec les marques, le lien avec le mar­ke­ting, etc.

Ce poste m’amène à voya­ger sou­vent au Kenya pour être sur le terrain.

Que t’apporte ton engagement associatif ?

C’est une acti­vi­té dont j’ai besoin et qui par­ti­cipe à mon équi­libre per­son­nel. Don­ner de son temps au monde de l’enfance avec ce qu’il a de naïf, de simple et d’innocent est pro­fon­dé­ment gratifiant.

Une autre source de satis­fac­tion est de par­ti­ci­per à cette aven­ture col­lec­tive qu’est la vie de l’association pour déve­lop­per nos acti­vi­tés et per­mettre à de nou­veaux enfants d’en béné­fi­cier. Depuis, quelques mois nous inter­ve­nons dans cer­tains col­lèges de ZEP en plus de nos inter­ven­tions dans les hôpi­taux et centres médicalisés.

L’important à mes yeux est que cet enga­ge­ment réponde à une passion.

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