Seekyo : révolutionner le traitement des tumeurs solides grâce à un ciblage ultra-précis

Seekyo : révolutionner le traitement des tumeurs solides grâce à un ciblage ultra-précis

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Oury CHETBOUN

Jeune entre­prise inno­vante, See­kyo The­ra­peu­tics, sous la direc­tion d’Oury Chet­boun, s’attaque aux can­cers solides dif­fi­ciles à trai­ter, comme notam­ment le pan­créas. Avec une tech­no­lo­gie de rup­ture basée sur un ciblage ultra-pré­cis, l’entreprise exploite les pro­prié­tés de la tumeur afin d’induire son auto-des­truc­tion, tout en rédui­sant dras­ti­que­ment les effets indé­si­rables que l’on observe dans les trai­te­ments actuels. Ques­tions-réponses avec Oury Chet­boun, PDG de See­kyo Therapeutics.

Comment est née l’idée de Seekyo ?

See­kyo a vu le jour à par­tir des tra­vaux du pro­fes­seur Sébas­tien Papot, cher­cheur au CNRS en chi­mie et bio­chi­mie médi­ci­nales. Pen­dant plus de 20 ans, son labo­ra­toire a étu­dié la pos­si­bi­li­té de déli­vrer des trai­te­ments direc­te­ment au cœur des tumeurs, une avan­cée clé pour sur­mon­ter les limites des chi­mio­thé­ra­pies tra­di­tion­nelles. Ces recherches pro­met­teuses ont conduit à une réflexion sur la façon de trans­fé­rer ces inno­va­tions du cadre aca­dé­mique vers une appli­ca­tion concrète chez les patients. 

Après une phase de matu­ra­tion au sein d’un incu­ba­teur uni­ver­si­taire et local, la déci­sion a été prise de créer une start-up indé­pen­dante. À ce moment-là, nos che­mins se sont croi­sés. Fort de mon expé­rience en busi­ness déve­lop­pe­ment dans le domaine de la bio­tech, notam­ment en Suisse, j’avais à cœur de créer ma propre entre­prise. La ren­contre avec le pro­fes­seur Papot et la conver­gence de nos visions ont ren­du cette créa­tion pos­sible en juin 2018. Nous avons alors ima­gi­né un modèle entre­pre­neu­rial indé­pen­dant, capable de conci­lier inno­va­tion scien­ti­fique et effi­ca­ci­té économique.

Sur quel type de cancers vous concentrez-vous aujourd’hui ?

Nous nous concen­trons prin­ci­pa­le­ment sur les can­cers du pan­créas, du sein triple néga­tif, du côlon et du pou­mon (qua­li­fiés de tumeurs solides). Ces can­cers repré­sentent un défi majeur en rai­son de leur diag­nos­tic tar­dif et de l’absence de trai­te­ments effi­caces. Pre­nons l’exemple du can­cer du pan­créas : il est sou­vent détec­té trop tard pour être opé­ré, et les trai­te­ments actuels offrent un ratio effi­ca­ci­té-toxi­ci­té très limi­té. Ce sont des tumeurs dif­fi­ciles à péné­trer pour les trai­te­ments tra­di­tion­nels, et notre objec­tif est de contour­ner ces bar­rières avec une pré­ci­sion inédite.

Quelle est l’innovation principale de votre technologie ?

Notre tech­no­lo­gie repose sur un méca­nisme de ciblage ultra-pré­cis. Les tumeurs solides, comme celles du pan­créas ou du sein triple néga­tif, modi­fient l’environnement bio­lo­gique qui les entoure, notam­ment en sur­ex­pri­mant cer­taines enzymes ou pro­téines spé­ci­fiques. Nous exploi­tons ces carac­té­ris­tiques uniques pour acti­ver notre trai­te­ment direc­te­ment au sein de la tumeur, et seule­ment là. Le sys­tème fonc­tionne en trois étapes clés : d’abord, il iden­ti­fie la tumeur grâce à ces mar­queurs spé­ci­fiques, ensuite il y pénètre, et enfin il s’auto-active loca­le­ment pour détruire la tumeur de l’intérieur. Ce triple méca­nisme nous per­met de réduire consi­dé­ra­ble­ment les effets secon­daires sou­vent asso­ciés à la chi­mio­thé­ra­pie clas­sique, comme la perte de che­veux ou les troubles immu­ni­taires. Notre approche est conçue pour limi­ter au maxi­mum les effets indé­si­rables sur les tis­sus sains, une contrainte majeure des trai­te­ments actuels.

“Sa technologie de rupture basée sur un ciblage ultra-précis exploite les propriétés de la tumeur afin d’induire son auto-destruction. Cette stratégie réduit drastiquement les effets indésirables habituellement observés.”

Quels résultats avez-vous obtenus jusqu’à présent ?

Avec notre pro­duit « lead » ou can­di­dat médi­ca­ment SKY01, nous avons obte­nu des résul­tats impres­sion­nants sur des modèles ani­maux. Dans plus de la moi­tié des cas, la tumeur a tota­le­ment dis­pa­ru, et pour l’autre moi­tié, elle a été réduite à une taille com­pa­tible avec une inter­ven­tion chi­rur­gi­cale. Cela repré­sente une avan­cée signi­fi­ca­tive par rap­port aux options actuelles.

Notre trai­te­ment est aujourd’hui bien tolé­ré par les ani­maux, sans effets secon­daires. Les sou­ris et les chiens que nous avons trai­tés n’ont mon­tré aucune perte de poids ni modi­fi­ca­tion des para­mètres bio­lo­giques, ce qui est un indi­ca­teur clé de l’absence de toxicité.

Modélisation de la molécule SKY01.
Modé­li­sa­tion de la molé­cule SKY01.

Comment vous préparez-vous à passer aux essais cliniques ?

Nous avons ter­mi­né les phases pré­cli­niques non régle­men­taires, qui nous ont per­mis de vali­der l’efficacité et l’absence de toxi­ci­té de notre trai­te­ment sur des modèles ani­maux. La pro­chaine étape est la pré­cli­nique régle­men­taire, où nous repro­dui­rons ces résul­tats sous des condi­tions conformes aux exi­gences des agences de san­té. Cette phase est cru­ciale pour obte­nir l’autorisation de pas­ser à des essais cli­niques chez l’homme. Les essais pré­cli­niques régle­men­taires néces­sitent une pro­duc­tion à grande échelle de notre can­di­dat médi­ca­ment, dans des condi­tions rigou­reu­se­ment contrô­lées. Nous avons déjà mis en place les infra­struc­tures néces­saires pour répondre à ces standards.

Où en êtes-vous dans votre levée de fonds ?

Nous avons déjà levé plus de 2,5 mil­lions d’euros grâce à des inves­tis­seurs pri­vés, comme le réseau d’investisseurs Badge (Busi­ness Angels des Grandes Écoles), WeLi­keS­tar­tup ou encore Syner­gence. Aujourd’hui, nous cher­chons à lever 4 mil­lions d’euros pour fina­li­ser la pré­cli­nique et 10 mil­lions sup­plé­men­taires pour les phases cli­niques. Nous espé­rons bou­cler cette levée cou­rant 2025, pour débu­ter les essais sur des patients humains en 2027. Pour atti­rer de nou­veaux inves­tis­seurs, nous met­tons en avant non seule­ment nos résul­tats pro­met­teurs, mais aus­si l’impact poten­tiel de notre tech­no­lo­gie sur les stan­dards de trai­te­ment actuels. Cette levée de fonds repré­sente une étape clé pour démon­trer la fai­sa­bi­li­té cli­nique de notre approche et ame­ner un arse­nal com­plé­men­taire aux pra­ti­ciens, donc aux patients. C’est notre vision.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre portefeuille de technologie ?

Sur la base de sa pla­te­forme, See­kyo déve­loppe de façon pré­li­mi­naire SKY02. Conçue pour sti­mu­ler le sys­tème immu­ni­taire en acti­vant les défenses natu­relles du corps, SKY02 per­met une réponse pro­lon­gée et aus­si ciblée contre les tumeurs. En com­bi­nant SKY01 et SKY02, nous espé­rons atteindre une syner­gie entre la des­truc­tion directe des cel­lules can­cé­reuses et la sti­mu­la­tion durable du sys­tème immu­ni­taire. Nous voyons SKY02 comme un com­plé­ment idéal à SKY01, mais éga­le­ment comme une thé­ra­pie auto­nome dans cer­tains contextes.

Nous déve­lop­pons aus­si des outils diag­nos­tiques pour par­fai­te­ment cibler les patients à trai­ter avec SKY01 et/ou SKY02

Quel est l’impact sociétal de votre approche ?

L’enjeu va bien au-delà de l’innovation scien­ti­fique. Pour les patients et leurs familles, une thé­ra­pie ciblée comme la nôtre pour­rait signi­fier une meilleure qua­li­té de vie, avec des effets indé­si­rables consi­dé­ra­ble­ment réduits. Cela pour­rait aus­si sou­la­ger les sys­tèmes de san­té, en rédui­sant la durée et le coût des hos­pi­ta­li­sa­tions liées aux com­pli­ca­tions des chi­mio­thé­ra­pies classiques.

Pre­nons l’exemple du can­cer du pan­créas, un des plus mor­tels. Aujourd’hui, les patients sont sou­vent condam­nés à des trai­te­ments lourds avec peu d’espoir de rémis­sion. Avec des solu­tions comme SKY01, nous espé­rons non seule­ment pro­lon­ger nota­ble­ment leur espé­rance de vie, mais aus­si amé­lio­rer la qua­li­té de chaque jour vécu, qui sait, induire une rémis­sion totale.

L’impact que nous visons est glo­bal. Nous ne cher­chons pas uni­que­ment à trans­for­mer les trai­te­ments, mais aus­si à réima­gi­ner la manière dont les patients vivent avec et après le cancer. 

C’est une démarche pro­fon­dé­ment humaine, por­tée par une ambi­tion d’améliorer concrè­te­ment la vie des per­sonnes tou­chées par cette maladie.

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