Restructuration : l’anticipation et le sur mesure pour sauver les entreprises en difficulté

Dossier : Vie des entreprises | Magazine N°808 Octobre 2025
Par Bérangère RIVALS
Par Lionel LAMOURE

Bérangère Rivals et Lionel Lamoure, avocats associés et cofondateurs du cabinet Lamoure Rivals, accompagnent depuis plus de vingt ans les entreprises confrontées à des difficultés économiques ou financières. Spécialistes du « restructuring », ils interviennent à la croisée du droit, de la finance
et de la stratégie pour construire des solutions sur mesure. Entretien.

Pouvez-vous vous présenter, ainsi que votre cabinet ?

Bérangère Rivals : Nous sommes avocats d’affaires, tous deux spécialisés depuis plus de vingt ans dans l’accompagnement des entreprises en difficulté, de leurs actionnaires ou créanciers. En 2022, après avoir été associés pendant quinze ans d’une structure de niche spécialisée en restructuring et associée à un grand cabinet anglo-saxon, nous avons décidé de créer notre propre cabinet, Lamoure Rivals. Nous sommes une structure indépendante dotée d’une expertise pointue que l’on met en œuvre en constituant avec le client des équipes sur-mesure, avec d’autres experts si le dossier le nécessite.

Lionel Lamoure : Notre équipe compte aujourd’hui huit avocats (deux associés et six collaborateurs expérimentés), et nous intervenons principalement sur des opérations complexes, aux côtés de dirigeants, d’actionnaires, de fonds d’investissement, ou de repreneurs (à la barre ou en amiable) mais aussi pour le compte d’institutions financières et de créanciers. Nous couvrons tous les aspects du « restructuring » : préventif, judiciaire, distressed M&A, contentieux liés. Le cœur de notre activité reste la résolution de situations de crise — en amont autant qu’en aval.

Comment vous positionnez-vous dans votre domaine d’activité ?

L. L. : Le « restructuring » est à la fois un métier d’urgence et d’anticipation. Nous travaillons sur des opérations souvent intenses et courtes, sur quelques mois, où il faut diagnostiquer vite, bâtir des scénarios afin d’établir le meilleur plan de retournement ou de transformation, sécuriser les options juridiques. C’est un travail qui nécessite à la fois technicité juridique, compréhension du business, sens de la négociation et finesse humaine. Nous intervenons sur des dossiers généralement portés par des groupes de 50 à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires.

B. R. : Nous ne sommes ni un « cabinet d’affaire généraliste » ni un « grand cabinet pluridisciplinaire ». Nous sommes un cabinet de niche, très identifié sur ce segment, avec une forte culture du résultat et de la confidentialité. Chaque mission est taillée sur mesure, en lien étroit avec les clients. Notre objectif n’est pas d’imposer un schéma standard, mais de comprendre les contraintes spécifiques de chaque affaire pour construire des solutions viables, et, lorsque l’on est du côté de l’entreprise en difficulté sauver l’essentiel : l’emploi, l’activité, la pérennité de l’entreprise.

Vous insistez beaucoup sur la notion d’anticipation. Pourquoi est-ce si central ?

L. L. : Anticiper, c’est refuser de subir. C’est agir quand les marges de manœuvre existent encore. Dans notre métier, l’anticipation est une formule souvent galvaudée, mais elle prend tout son sens dès lors qu’on en mesure les effets concrets : conserver des options, éviter la cessation de paiement, préserver la confiance des partenaires, négocier à froid en étant force de proposition. Cela suppose de reconnaître les signaux faibles : une évolution sectorielle ou réglementaire, une baisse d’activité, une perte de rentabilité, une tension sur la trésorerie, un retard dans le business plan, une situation de dépendance ou de conflit avec un client ou un fournisseur clé… et d’accepter de poser un diagnostic avec un regard extérieur, structuré, stratégique, financier et juridique.

B. R. : Anticiper ne veut pas dire ouvrir d’emblée une procédure de prévention des difficultés. C’est d’abord une démarche intellectuelle et managériale. C’est comprendre que le dirigeant ne peut pas tout voir seul, surtout dans une période compliquée qui fait appel à des réflexes particuliers et qu’il faut l’aider à prendre de la hauteur. Dans la plupart des cas, les décisions prises tôt permettent de mettre en œuvre des solutions pérennes. Nos clients qui ont connu une première crise reviennent souvent en prévention à la moindre alerte : ils ont intégré que le temps joue contre eux.

Quels sont les outils juridiques dont vous disposez ?

L. L. : La palette s’est considérablement élargie, notamment avec les dispositions relatives aux plans avec classes de parties affectées qui permettent des solutions particulièrement innovantes pour les créanciers et/ou les actionnaires. Plus généralement, le droit français des entreprises en difficulté est très tourné vers la prévention et est à ce titre pionnier dans le développement de dispositifs comme le mandat ad hoc ou la conciliation. Ces procédures confidentielles permettent d’engager un dialogue avec les créanciers en amont, sans publicité. Elles sont aujourd’hui regardées comme des modèles à l’étranger. À l’inverse, quand la situation est trop dégradée ou que les partenaires ne veulent plus négocier, il faut pouvoir basculer vers une procédure collective — sauvegarde, redressement judiciaire, voire liquidation — mais de manière choisie, structurée.

B. R. : Le rôle de l’avocat « restructuring » est double : à la fois stratégique et technique. Pour ce faire, la première qualité est l’écoute et le dialogue avec le dirigeant pour être en mesure de comprendre l’ensemble des enjeux et établir une relation de confiance. On élabore ensuite une feuille de route avec le dirigeant, on arbitre sur la procédure à suivre, on met en place l’équipe adéquate (mandataire, auditeur financier, manager de transition notamment), on négocie sur la base d’informations fiabilisées (souvent en faisant établir une IBR – Independant Business Review), puis on rédige les accords, les protocoles, on interagit avec les tribunaux et les administrateurs judiciaires. L’objectif est de redonner de la lisibilité, de créer de la confiance, d’ouvrir des perspectives.

Avez-vous un exemple concret qui illustre cette approche ?

L. L. : Un dossier marquant récent dans l’industrie de l’agro-alimentaire. Un fonds d’investissement nous appelle juste avant Noël : leur participation montre des signes de tension. Nous échangeons avec le dirigeant du groupe qui accepte, dans les 24 heures, d’ouvrir une procédure de conciliation. En trois semaines, la situation se révèle bien plus grave que prévu : la trésorerie ne tiendra pas un mois. En mobilisant tous les acteurs — financeurs, État, région, banques, factor, actionnaires — nous avons bâti (grâce en premier lieu à un dirigeant réaliste et agissant avec méthode) une solution en cinq mois, suivie de la cession d’une filiale non stratégique pour recentrer le groupe sur son core-business. Résultat : 400 emplois préservés, une marque relancée, une entreprise pérennisée. Si l’appel avait eu lieu deux semaines plus tard, l’histoire aurait été toute autre.

Intervenez-vous également en contentieux ?

B. R. : Oui, sur tous les contentieux complexes liés au droit des entreprises en difficulté et sur tout contentieux dit de « haut de bilan », c’est une des forces de notre cabinet. La mise en place d’une stratégie précontentieuse peut être une arme efficace au service d’une restructuration. Par ailleurs, lorsque la restructuration échoue ou que des responsabilités sont en jeu — actionnaires, dirigeants ou partenaires financiers — nous intervenons à leurs côtés pour les défendre. Mais notre objectif premier, ce sont les restructurations réussies, rapides, discrètes. C’est ce qui fait que les clients nous rappellent.

Quelles sont les valeurs qui vous animent ?

L. L. : La confidentialité, d’abord. Beaucoup de nos interventions ne sont jamais rendues publiques. Ensuite, la technicité : nous maîtrisons les montages financiers complexes, les LBO, les procédures contentieuses. Enfin, l’exigence collective : notre équipe est resserrée, mais extrêmement investie. Nos collaborateurs ne sont pas interchangeables : ils portent les dossiers avec nous, dans la durée.

B. R. : Notre structure repose sur un équilibre solide entre droit des affaires, M&A, private equity, contentieux et finance. Ce qui fait la différence, c’est cette capacité à combiner analyse stratégique, sens des responsabilités et discrétion absolue. Car dans notre domaine, ce qui ne se voit pas est souvent ce qui fonctionne le mieux.

Quelles sont vos ambitions pour les prochaines années ?

L. L. : Consolider notre place de cabinet de référence sur le restructuring, tout en restant fidèles à notre taille et à notre exigence. Nous voulons continuer à intervenir sur des dossiers complexes, en France et à l’international, avec la même agilité et la même implication. Ce modèle nous permet de construire des relations durables avec nos clients.

B. R. : Notre ambition, c’est aussi de faire grandir notre équipe, en transmettant à nos collaborateurs l’exigence et l’éthique qui font notre pratique. Ce sont eux qui incarneront demain ce métier où chaque dossier compte, parce qu’il engage des emplois, des histoires humaines, des enjeux industriels. La restructuration est une matière vivante.  


91, rue du Faubourg Saint-Honoré – 75008 PARIS

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