Réenchanter le travail

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°638 Octobre 2008Par : Roger Godino (51), préface d’Alain CailléRédacteur : Serge RAFFET (50)Editeur : Éditions La Découverte 9 bis, rue Abel-Hovelacque, 75013 Paris.

Lorsqu’il est entré à la Mai­son-Blanche, le pré­sident Nixon a réuni les 500 meilleurs éco­no­mistes de l’époque dont de nom­breux prix Nobel, pour lui pré­sen­ter le pro­gramme qui lui per­met­trait de déve­lop­per le monde – ou à tout le moins les États-Unis. Désastre : il a reçu 500 pro­jets cou­vrant tout l’horizon.

Couverture du livre : Réenchanter le travailRoger Godi­no n’est pas un éco­no­miste. Après l’X et Har­vard, il a par­ti­ci­pé à la créa­tion de l’INSEAD où il a long­temps été pro­fes­seur puis doyen tout en créant à par­tir de champs de neige vierge la sta­tion des Arcs et en déve­lop­pant le tou­risme étran­ger en France sous le gou­ver­ne­ment Rocard, et pré­sident de l’Action inter­na­tio­nale contre la faim, par­mi bien d’autres réa­li­sa­tions. Nor­mal qu’avec le ralen­tis­se­ment d’activité qui accom­pagne mal­heu­reu­se­ment l’accumulation des années, il ait son­gé à faire pro­fi­ter les autres de son expé­rience et cela donne un ouvrage aty­pique, éton­nant : Réen­chan­ter le tra­vail, pour une réforme du capitalisme.

Car dès le titre Godi­no, qui sait de quoi il parle, fait un pied de nez à la pen­sée domi­nante poli­tique et aux 35 heures. Les éco­no­mistes diluent leurs théo­ries et leurs expli­ca­tions dans des textes alam­bi­qués, inter­mi­nables et obs­curs. Godi­no fonce direc­te­ment vers sa lumière et ne s’embarrasse pas de phrases de bois, qui com­posent le lan­gage épo­nyme (c’est moi main­te­nant qui uti­lise des mots abs­cons). Pour lui, l’amélioration du niveau de vie des popu­la­tions (pas seule­ment en France, mais sur­tout) passe par l’augmentation de la pro­duc­tion (ce qui paraît évident quand on réflé­chit un peu, mais qui réflé­chit dans notre beau pays qui aime tant les dis­cus­sions sté­riles ?) car quand on par­tage un gâteau, les parts aug­mentent en pro­por­tion de son dia­mètre et de son épais­seur. Pour cela, il faut tra­vailler sans s’encombrer d’innombrables régle­men­ta­tions para­ly­santes. Évident, doc­teur Wat­son. Mais qui parle ain­si de nos jours ?
Quelques idées phares de Godi­no : accor­der aux Uni­ver­si­tés une réelle auto­no­mie ; déga­ger la recherche des mains de l’État car l’on sait ce que vaut la ges­tion publique en termes d’efficacité et de mana­ge­ment ; il faut for­mer des entre­pre­neurs, comme aux USA ; avoir le cou­rage d’appliquer une poli­tique de reve­nus. Il s’attaque aux impôts – les taxes pro­por­tion­nelles : si A gagne deux fois plus que B, il ne sera pas deux fois plus malade et il n’y a pas de rai­son qu’il paye deux fois plus de taxes pour la Sécu­ri­té sociale. Et de mul­tiples autres véri­tés d’évidence, que curieu­se­ment per­sonne ne semble com­prendre et encore moins vou­loir accep­ter – et appliquer.

En bref, une sorte de voyage d’un Can­dide dans le monde de l’économie. Godi­no enfonce nombre de portes pous­sié­reuses et cela donne beau­coup d’air et de fraî­cheur. Quand on res­pire bien, on réflé­chit plus et mieux.

Pour finir, Godi­no est proche de per­son­na­li­tés dites de gauche et a par­ti­ci­pé à la créa­tion d’un cercle de pen­sée influent. En le lisant, je rede­viens opti­miste pour l’avenir de la France.

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