Récital Martha Argerich et Guy Braunstein Sonates de Franck, Schumann, Prokofiev

Voici un concert passionnant de février 2020 avec deux monstres sacrés dont les parcours sont très différents. ‑Martha Argerich, pianiste argentine considérée comme l’une des plus grandes interprètes de sa génération. Elle remporte ses premiers concours de piano dès 1957 et décide d’abandonner les récitals et enregistrements en solo dès 1980, se concentrant sur la musique de chambre et les concertos.
Guy Braunstein, prodige israélien promis à une carrière exceptionnelle de soliste, ne peut refuser en 2000 le poste prestigieux de premier violon de l’Orchestre philharmonique de Berlin, poste qu’il a occupé pendant treize ans. Braunstein joue presque à domicile, puisque ce concert est joué dans la très belle ‑nouvelle salle Pierre-Boulez de la Philharmonie de Berlin, où le public entoure les musiciens de très près, très adaptée à la musique de chambre.
À l’affiche, trois sonates pour piano et violon, de Schumann, Prokofiev et Franck, un programme exemplaire qui s’achève sur deux bis fabuleux de Fritz Kreisler que Braunstein joue sur le propre violon du compositeur, prêté au soliste pour l’occasion.
L’œuvre la plus ancienne, la première sonate de Schumann, est composée en septembre 1851. Schumann en dit : « La première sonate ne me plaisait pas, c’est pourquoi j’en ai fait une seconde, dont j’espère qu’elle sera meilleure. » Pour notre part nous chérissons les deux sonates, qui sont rarement jouées en concert (et qu’Argerich a déjà enregistrées avec Gidon Kremer).
La Sonate pour piano et violon de Franck est une des plus connues du répertoire pour violon et piano, et c’est l’œuvre la plus jouée de César Franck : il en existe plus de 200 enregistrements. Martha Argerich l’a enregistrée elle-même de nombreuses fois (-avec ‑Perlman, Capuçon, Ivry Gitlis, Ruggiero Ricci, James Galway à la flûte, et Mischa Maisky au violoncelle plusieurs fois).
De 1886, cette sonate est comme celle de Schumann une œuvre de la maturité, c’est-à-dire de la fin de carrière du ‑compositeur (chez César Franck, on ne joue régulièrement que les œuvres de la fin de sa vie). Elle est dédiée au violoniste belge Eugène Ysaÿe et elle fait partie des hypothèses pour avoir été prise par Marcel Proust comme modèle pour la sonate de Vinteuil, l’œuvre musicale fictive pour piano et violon plusieurs fois évoquée tout au long de À la recherche du temps perdu.
La Sonate pour violon et piano no 2 de Serge Prokofiev est la transcription pour violon de la Sonate pour flûte en ré majeur composée en 1942, Prokofiev a transformé l’œuvre en une sonate pour violon à la demande de son ami, le ‑violoniste David Oïstrakh. Le concurrent de Prokofiev, Chostakovitch, qui ne fut pas toujours favorable à Prokofiev, ‑qualifiait cette sonate d’« œuvre absolument magnifique ! » Nous sommes bien d’accord.
L’entente des solistes lors de ce beau concert est parfaite, Argerich est la musique même, la sonorité de Braunstein est lumineuse. Une de ces soirées musicales bénies dont on se réjouit qu’elles aient été captées pour la postérité.
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