Récital Martha Argerich et Guy Braunstein Sonates de Franck, Schumann, Prokofiev

Récital Martha Argerich et Guy Braunstein Sonates de Franck, Schumann, Prokofiev

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°804 Avril 2025
Par Marc DARMON (83)

Voi­ci un concert pas­sion­nant de février 2020 avec deux monstres sacrés dont les par­cours sont très dif­fé­rents. ‑Mar­tha Arge­rich, pia­niste argen­tine consi­dé­rée comme l’une des plus grandes inter­prètes de sa géné­ra­tion. Elle rem­porte ses pre­miers concours de pia­no dès 1957 et décide d’abandonner les réci­tals et enre­gis­tre­ments en solo dès 1980, se concen­trant sur la musique de chambre et les concertos.

Guy Braun­stein, pro­dige israé­lien pro­mis à une car­rière excep­tion­nelle de soliste, ne peut refu­ser en 2000 le poste pres­ti­gieux de pre­mier vio­lon de l’Orchestre phil­har­mo­nique de Ber­lin, poste qu’il a occu­pé pen­dant treize ans. Braun­stein joue presque à domi­cile, puisque ce concert est joué dans la très belle ‑nou­velle salle Pierre-Bou­lez de la Phil­har­mo­nie de Ber­lin, où le public entoure les musi­ciens de très près, très adap­tée à la musique de chambre.

À l’affiche, trois sonates pour pia­no et vio­lon, de Schu­mann, Pro­ko­fiev et Franck, un pro­gramme exem­plaire qui s’achève sur deux bis fabu­leux de Fritz Kreis­ler que Braun­stein joue sur le propre vio­lon du com­po­si­teur, prê­té au soliste pour l’occasion.

L’œuvre la plus ancienne, la pre­mière sonate de Schu­mann, est com­po­sée en sep­tembre 1851. Schu­mann en dit : « La pre­mière sonate ne me plai­sait pas, c’est pour­quoi j’en ai fait une seconde, dont j’espère qu’elle sera meilleure. » Pour notre part nous ché­ris­sons les deux sonates, qui sont rare­ment jouées en concert (et qu’Argerich a déjà enre­gis­trées avec Gidon Kremer).

La Sonate pour pia­no et vio­lon de Franck est une des plus connues du réper­toire pour vio­lon et pia­no, et c’est l’œuvre la plus jouée de César Franck : il en existe plus de 200 enre­gis­tre­ments. Mar­tha Arge­rich l’a enre­gis­trée elle-même de nom­breuses fois (-avec ‑Perl­man, Capu­çon, Ivry Git­lis, Rug­gie­ro Ric­ci, James Gal­way à la flûte, et Mischa Mais­ky au vio­lon­celle plu­sieurs fois).

De 1886, cette sonate est comme celle de Schu­mann une œuvre de la matu­ri­té, c’est-à-dire de la fin de car­rière du ‑com­po­si­teur (chez César Franck, on ne joue régu­liè­re­ment que les œuvres de la fin de sa vie). Elle est dédiée au vio­lo­niste belge Eugène Ysaÿe et elle fait par­tie des hypo­thèses pour avoir été prise par Mar­cel Proust comme modèle pour la sonate de Vin­teuil, l’œuvre musi­cale fic­tive pour pia­no et vio­lon plu­sieurs fois évo­quée tout au long de À la recherche du temps per­du.

La Sonate pour vio­lon et pia­no no 2 de Serge Pro­ko­fiev est la trans­crip­tion pour vio­lon de la Sonate pour flûte en ré majeur com­po­sée en 1942, Pro­ko­fiev a trans­for­mé l’œuvre en une sonate pour vio­lon à la demande de son ami, le ‑vio­lo­niste David Oïs­trakh. Le concur­rent de Pro­ko­fiev, Chos­ta­ko­vitch, qui ne fut pas tou­jours favo­rable à Pro­ko­fiev, ‑qua­li­fiait cette sonate d’« œuvre abso­lu­ment magni­fique ! » Nous sommes bien d’accord.

L’entente des solistes lors de ce beau concert est par­faite, Arge­rich est la musique même, la sono­ri­té de Braun­stein est lumi­neuse. Une de ces soi­rées musi­cales bénies dont on se réjouit qu’elles aient été cap­tées pour la postérité. 


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