Ranch Computing : Les pionniers du HPC pour les rendus 3D sont parisiens

Ranch Computing : Les pionniers du HPC pour les rendus 3D sont parisiens

Dossier : Vie des entreprises - Transformation numérique et intelligence artificielleMagazine N°805 Mai 2025
Par Julien DE SOUZA
Par Léo MARCHÉ (X18)

Depuis 2006, Ranch Com­pu­ting met à la dis­po­si­tion de tous les info­gra­phistes de puis­sants ser­veurs de cal­culs pour les accom­pa­gner lors du ren­du de leurs scènes. L’entreprise fran­çaise surfe sur les inno­va­tions, avec tou­jours un coup d’avance.

Ranch Computing : de l’appartement parisien au data center sécurisé… 

Julien De Sou­za : Ranch Com­pu­ting a été créée fin 2006, prin­ci­pa­le­ment par deux asso­ciés, moi-même et Fré­dé­ric Lou­guet, suite au constat d’un manque dans le domaine des fermes de ren­du (ren­der farms), plu­tôt excep­tion­nelles à l’époque. Comme beau­coup qui ont com­men­cé dans leur garage, nous avons débu­té dans un appar­te­ment pari­sien, à l’intérieur duquel nous avons mon­té jusqu’à 128 micro-ordi­na­teurs « grand public », empi­lés sur des éta­gères. Il fai­sait alors 0° au sol et… 50° au niveau du plafond.

Fin 2010 après la crise finan­cière, nous avons démé­na­gé vers des locaux plus pro­pices à l’installation d’un data cen­ter. Tou­jours à Paris, dans la zone Cap18. Ces nou­veaux locaux nous ont per­mis de répondre à trois contraintes liées à notre sec­teur d’activité : la résis­tance au sol (les ser­veurs peuvent faci­le­ment peser plus d’une tonne au mètre car­ré), la régle­men­ta­tion, notam­ment sonore, liée au refroi­dis­se­ment des ser­veurs et enfin un accès à la fibre optique, encore peu répan­due en France à l’époque.

Quelle est la mission première de Ranch Computing ? 

Julien De Sou­za : Ranch Com­pu­ting tra­vaille avec les sec­teurs de la bijou­te­rie, de l’horlogerie, de l’architecture, du jeu vidéo… Mais aus­si l’imagerie médi­cale, l’industrie auto­mo­bile, l’aéronautique, le ciné­ma, la publi­ci­té ou le desi­gn… Nous nous occu­pons de cal­cu­ler les images de syn­thèse de nos clients. Une fois qu’ils ont pro­cé­dé à l’étape de la modé­li­sa­tion, nous pre­nons en main ce qui concerne le ren­du. Il s’agit du cal­cul des images elles-mêmes dans le but d’obtenir une image réa­liste du pro­jet du client.

Cette étape peut prendre énor­mé­ment de temps, d’où l’importance de notre acti­vi­té. Nos ser­veurs de cal­culs per­mettent d’obtenir en une heure, des images qui auraient sol­li­ci­té plus d’un mois de tra­vail au client s’il avait vou­lu le faire lui-même. De la même façon, même s’il est à l’autre bout du monde, son pro­jet sera trai­té en temps réel et de façon auto­ma­tique grâce à l’ensemble de nos logi­ciels et de notre maté­riel de pointe.

Vous proposez également de louer des serveurs dans votre data center ?

Léo Mar­ché : Si le client ne sou­haite pas uti­li­ser notre ser­vice de ren­du auto­ma­tique en ligne, il peut néan­moins béné­fi­cier de nos ins­tal­la­tions. En effet, les clouds publics ne sont pas des plus adap­tés pour le ren­du d’images en 3D. En plus de leurs capa­ci­tés tech­niques par­fois limi­tées, leur coût est dis­pro­por­tion­né. Le ren­du 3D en CPU ou en GPU consomme beau­coup de puis­sance, et peu d’acteurs HPC peuvent riva­li­ser avec notre offre de mise à dis­po­si­tion de maté­riel, en CPU ou GPU. Nous sommes aujourd’hui en mesure de four­nir à nos clients des équi­pe­ments 20 fois plus ren­tables que les grands clouds publics en se libé­rant d’une par­tie de leurs contraintes, notam­ment en matière de disponibilité.

L’idée étant vrai­ment de tou­jours pri­vi­lé­gier la per­for­mance CPU, RAM, GPU et réseau, notam­ment parce que les don­nées 3D sont extrê­me­ment lourdes et néces­sitent une grande bande pas­sante. En termes d’hébergement, nous pro­po­sons éga­le­ment de récu­pé­rer les ser­veurs des clients et de les ins­tal­ler dans notre data cen­ter haute den­si­té. Ils béné­fi­cient ain­si d’une meilleure den­si­té élec­trique et d’un refroi­dis­se­ment opti­mal, avec des cou­loirs contrô­lés entre 18 et 19 degrés, là où usuel­le­ment, on atteint les 25 degrés.

Comment rester à la pointe, dans un Monde numérique en perpétuelle évolution ? 

Léo Mar­ché : La veille et l’anticipation sont nos maîtres mots. Par exemple, nous fai­sions par­tie des pre­miers à uti­li­ser les cartes gra­phiques dédiées au gaming pour le ren­du en ligne dès que les logi­ciels ont pu les supporter.

En plus de notre veille constante, nous par­ti­ci­pons à de nom­breux salons en tant que visi­teur ou expo­sant. Notre noto­rié­té nous per­met éga­le­ment d’y entre­te­nir des rela­tions étroites avec des lea­ders tels qu’AMD, Giga­byte, HPE… qui nous mettent régu­liè­re­ment à dis­po­si­tion du maté­riel de pointe, afin que nous le tes­tions. Nous avons notam­ment un par­te­na­riat avec AMD dans le cadre du Pixar’s Ren­der­Man Art Chal­lenge. Cette veille et ces par­te­na­riats nous per­mettent aus­si un accès aux nou­velles tech­no­lo­gies avant même qu’elles soient commercialisées.

On observe éga­le­ment un virage dans les sys­tèmes de refroi­dis­se­ment et Ranch Com­pu­ting n’attend pas avant d’agir. Nous avons pris depuis 2024 la direc­tion franche de l’immersion cooling, qui est en train de révo­lu­tion­ner le refroi­dis­se­ment des serveurs.

Comment abordez-vous la question écologique dans un domaine considéré comme énergivore ? 

Léo Mar­ché : Les data cen­ters consomment beau­coup d’énergie, c’est une réa­li­té mais il y a eu des gains d’efficacité consi­dé­rables au fil des années. Il y a vingt ans, on consom­mait 100 watts par cœur CPU. La tech­no­lo­gie actuelle, plus puis­sante a réduit cette valeur à 2 W/cœur. Certes, nous uti­li­sons deux fois et demie plus d’énergie en abso­lu qu’il y a vingt ans, mais pour un rap­port vitesse mul­ti­plié par 200. Il faut donc sou­li­gner qu’aujourd’hui, on fait beau­coup plus de choses avec beau­coup moins d’énergie. On peut éga­le­ment ache­ter cette éner­gie auprès de four­nis­seurs renou­ve­lables ou bas car­bone, c’est ce que nous faisons.

Il est tou­te­fois impor­tant de se rap­pe­ler que nos sec­teurs res­tent de gros consom­ma­teurs d’énergie et qu’il est de notre devoir d’éduquer les uti­li­sa­teurs à les sol­li­ci­ter avec par­ci­mo­nie. Mul­ti­plier les recherches inutiles ou l’envoi de tâches trop lourdes contri­bue à ce gas­pillage éner­gé­tique et il est impor­tant d’inclure la sobrié­té dans nos habitudes.

Les sys­tèmes de refroi­dis­se­ment pré­cé­dem­ment évo­qués ont éga­le­ment leur impor­tance. Pour un data cen­ter, il est cru­cial de maî­tri­ser le PUE (Power Usage Effec­ti­ve­ness), qui éva­lue le ren­de­ment éner­gé­tique et per­met de com­pa­rer l’énergie totale consom­mée par le data cen­ter à celle uti­li­sée par les équi­pe­ments informatiques.

Le refroi­dis­se­ment par immer­sion nous per­met une grande effi­ca­ci­té et un PUE le plus bas possible.

Récupérer la « chaleur fatale », un enjeu écologique ? 

Léo Mar­ché : Refroi­dir est une chose, mais quid de la cha­leur per­due ? Presque 100 % de la cha­leur géné­rée par un ser­veur finit par se dis­si­per dans l’atmosphère. La ques­tion est de savoir com­ment la récu­pé­rer et la réuti­li­ser, ce qui n’est pas simple. L’énergie col­lec­tée peut être redis­tri­buée pour chauf­fer des pis­cines, des loge­ments ou des bureaux par exemple, mais les pos­si­bi­li­tés dépendent beau­coup de l’aménagement urbain à proxi­mi­té du centre de données.

La réglementation pourrait-elle devenir plus contraignante ? 

Julien De Sou­za : Le ques­tion­ne­ment autour du bilan car­bone des pro­duc­tions audio­vi­suelles est un sujet très actif au sein des indus­tries cultu­relles et créa­tives. Si aujourd’hui la régle­men­ta­tion au niveau mon­dial n’est pas très contrai­gnante, la France, à tra­vers le CNC (Centre Natio­nal de la du ciné­ma et de l’image ani­mée) a mis en place des règles de bonnes conduites. Ces règles sont néces­saires, mais vont venir bou­le­ver­ser notre milieu. Nous sommes éga­le­ment membres de l’association Eco­prod, qui accom­pagne les acteurs des indus­tries créa­tives et cultu­relles dans leur tran­si­tion vers des pra­tiques plus res­pon­sables. À ce titre, nous avons contri­bué à la rédac­tion de deux guides à des­ti­na­tion des stu­dios d’animation et d’effets spé­ciaux. Une fois encore, nous ten­tons d’anticiper, ce qui n’est pas aisé à l’heure actuelle. Nous dépen­dons énor­mé­ment des sec­teurs du ciné­ma et de l’architecture, qui feront par­tie des pre­miers concer­nés par la réglementation.

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