Ranch Computing : Les pionniers du HPC pour les rendus 3D sont parisiens


Depuis 2006, Ranch Computing met à la disposition de tous les infographistes de puissants serveurs de calculs pour les accompagner lors du rendu de leurs scènes. L’entreprise française surfe sur les innovations, avec toujours un coup d’avance.
Ranch Computing : de l’appartement parisien au data center sécurisé…
Julien De Souza : Ranch Computing a été créée fin 2006, principalement par deux associés, moi-même et Frédéric Louguet, suite au constat d’un manque dans le domaine des fermes de rendu (render farms), plutôt exceptionnelles à l’époque. Comme beaucoup qui ont commencé dans leur garage, nous avons débuté dans un appartement parisien, à l’intérieur duquel nous avons monté jusqu’à 128 micro-ordinateurs « grand public », empilés sur des étagères. Il faisait alors 0° au sol et… 50° au niveau du plafond.
Fin 2010 après la crise financière, nous avons déménagé vers des locaux plus propices à l’installation d’un data center. Toujours à Paris, dans la zone Cap18. Ces nouveaux locaux nous ont permis de répondre à trois contraintes liées à notre secteur d’activité : la résistance au sol (les serveurs peuvent facilement peser plus d’une tonne au mètre carré), la réglementation, notamment sonore, liée au refroidissement des serveurs et enfin un accès à la fibre optique, encore peu répandue en France à l’époque.
Quelle est la mission première de Ranch Computing ?
Julien De Souza : Ranch Computing travaille avec les secteurs de la bijouterie, de l’horlogerie, de l’architecture, du jeu vidéo… Mais aussi l’imagerie médicale, l’industrie automobile, l’aéronautique, le cinéma, la publicité ou le design… Nous nous occupons de calculer les images de synthèse de nos clients. Une fois qu’ils ont procédé à l’étape de la modélisation, nous prenons en main ce qui concerne le rendu. Il s’agit du calcul des images elles-mêmes dans le but d’obtenir une image réaliste du projet du client.
Cette étape peut prendre énormément de temps, d’où l’importance de notre activité. Nos serveurs de calculs permettent d’obtenir en une heure, des images qui auraient sollicité plus d’un mois de travail au client s’il avait voulu le faire lui-même. De la même façon, même s’il est à l’autre bout du monde, son projet sera traité en temps réel et de façon automatique grâce à l’ensemble de nos logiciels et de notre matériel de pointe.
Vous proposez également de louer des serveurs dans votre data center ?
Léo Marché : Si le client ne souhaite pas utiliser notre service de rendu automatique en ligne, il peut néanmoins bénéficier de nos installations. En effet, les clouds publics ne sont pas des plus adaptés pour le rendu d’images en 3D. En plus de leurs capacités techniques parfois limitées, leur coût est disproportionné. Le rendu 3D en CPU ou en GPU consomme beaucoup de puissance, et peu d’acteurs HPC peuvent rivaliser avec notre offre de mise à disposition de matériel, en CPU ou GPU. Nous sommes aujourd’hui en mesure de fournir à nos clients des équipements 20 fois plus rentables que les grands clouds publics en se libérant d’une partie de leurs contraintes, notamment en matière de disponibilité.
L’idée étant vraiment de toujours privilégier la performance CPU, RAM, GPU et réseau, notamment parce que les données 3D sont extrêmement lourdes et nécessitent une grande bande passante. En termes d’hébergement, nous proposons également de récupérer les serveurs des clients et de les installer dans notre data center haute densité. Ils bénéficient ainsi d’une meilleure densité électrique et d’un refroidissement optimal, avec des couloirs contrôlés entre 18 et 19 degrés, là où usuellement, on atteint les 25 degrés.
Comment rester à la pointe, dans un Monde numérique en perpétuelle évolution ?
Léo Marché : La veille et l’anticipation sont nos maîtres mots. Par exemple, nous faisions partie des premiers à utiliser les cartes graphiques dédiées au gaming pour le rendu en ligne dès que les logiciels ont pu les supporter.
En plus de notre veille constante, nous participons à de nombreux salons en tant que visiteur ou exposant. Notre notoriété nous permet également d’y entretenir des relations étroites avec des leaders tels qu’AMD, Gigabyte, HPE… qui nous mettent régulièrement à disposition du matériel de pointe, afin que nous le testions. Nous avons notamment un partenariat avec AMD dans le cadre du Pixar’s RenderMan Art Challenge. Cette veille et ces partenariats nous permettent aussi un accès aux nouvelles technologies avant même qu’elles soient commercialisées.
On observe également un virage dans les systèmes de refroidissement et Ranch Computing n’attend pas avant d’agir. Nous avons pris depuis 2024 la direction franche de l’immersion cooling, qui est en train de révolutionner le refroidissement des serveurs.
Comment abordez-vous la question écologique dans un domaine considéré comme énergivore ?
Léo Marché : Les data centers consomment beaucoup d’énergie, c’est une réalité mais il y a eu des gains d’efficacité considérables au fil des années. Il y a vingt ans, on consommait 100 watts par cœur CPU. La technologie actuelle, plus puissante a réduit cette valeur à 2 W/cœur. Certes, nous utilisons deux fois et demie plus d’énergie en absolu qu’il y a vingt ans, mais pour un rapport vitesse multiplié par 200. Il faut donc souligner qu’aujourd’hui, on fait beaucoup plus de choses avec beaucoup moins d’énergie. On peut également acheter cette énergie auprès de fournisseurs renouvelables ou bas carbone, c’est ce que nous faisons.
Il est toutefois important de se rappeler que nos secteurs restent de gros consommateurs d’énergie et qu’il est de notre devoir d’éduquer les utilisateurs à les solliciter avec parcimonie. Multiplier les recherches inutiles ou l’envoi de tâches trop lourdes contribue à ce gaspillage énergétique et il est important d’inclure la sobriété dans nos habitudes.
Les systèmes de refroidissement précédemment évoqués ont également leur importance. Pour un data center, il est crucial de maîtriser le PUE (Power Usage Effectiveness), qui évalue le rendement énergétique et permet de comparer l’énergie totale consommée par le data center à celle utilisée par les équipements informatiques.
Le refroidissement par immersion nous permet une grande efficacité et un PUE le plus bas possible.
Récupérer la « chaleur fatale », un enjeu écologique ?
Léo Marché : Refroidir est une chose, mais quid de la chaleur perdue ? Presque 100 % de la chaleur générée par un serveur finit par se dissiper dans l’atmosphère. La question est de savoir comment la récupérer et la réutiliser, ce qui n’est pas simple. L’énergie collectée peut être redistribuée pour chauffer des piscines, des logements ou des bureaux par exemple, mais les possibilités dépendent beaucoup de l’aménagement urbain à proximité du centre de données.
La réglementation pourrait-elle devenir plus contraignante ?
Julien De Souza : Le questionnement autour du bilan carbone des productions audiovisuelles est un sujet très actif au sein des industries culturelles et créatives. Si aujourd’hui la réglementation au niveau mondial n’est pas très contraignante, la France, à travers le CNC (Centre National de la du cinéma et de l’image animée) a mis en place des règles de bonnes conduites. Ces règles sont nécessaires, mais vont venir bouleverser notre milieu. Nous sommes également membres de l’association Ecoprod, qui accompagne les acteurs des industries créatives et culturelles dans leur transition vers des pratiques plus responsables. À ce titre, nous avons contribué à la rédaction de deux guides à destination des studios d’animation et d’effets spéciaux. Une fois encore, nous tentons d’anticiper, ce qui n’est pas aisé à l’heure actuelle. Nous dépendons énormément des secteurs du cinéma et de l’architecture, qui feront partie des premiers concernés par la réglementation.