Questions pour un économiste

Dossier : Après la crise : Les nouveaux défis de la théorie économiqueMagazine N°656 Juin/Juillet 2010
Par Vivien LEVY-GARBOUA (67)

REPÈRES

REPÈRES
La » crise finan­cière » consti­tue un moment de remise en ques­tion, d’exal­ta­tion et d’in­tense acti­vi­té pour les éco­no­mistes. La remise en ques­tion est résu­mée par l’in­ter­ro­ga­tion can­dide de la reine d’An­gle­terre : Why did no one see the cri­sis coming ? Per­sonne dans la pro­fes­sion ne peut y être indif­fé­rent. L’exal­ta­tion vient du sen­ti­ment de vivre un épi­sode unique, par son ampleur et sa gra­vi­té. D’où l’in­tense acti­vi­té des cher­cheurs et conseillers, dési­reux de rele­ver sans tar­der les défis du moment.

Le calme avant la tempête

Le para­doxe de la tranquillité
Lorsque les affaires vont bien, la vola­ti­li­té dimi­nue, un cli­mat de sta­bi­li­té s’ins­talle, pro­pice à l’ex­tra­po­la­tion de lacrois­sance et à la confiance. Les acteurs baissent la garde : les entre­prises sont prêtes à s’en­det­ter davan­tage pour­dé­ve­lop­per leurs pro­jets, les ban­quiers réduisent leurs exi­gences et riva­lisent d’au­dace, et le « levier d’en­det­te­ment« grimpe. Ce fai­sant, la vul­né­ra­bi­li­té aux chocs aug­mente, et les bases d’une pro­chaine crise sont posées.

Avant que la crise n’é­clate, le cli­mat était à l’op­ti­misme. La crise asia­tique avait concer­né les pays émer­gents. Elle leur avait per­mis de remettre de l’ordre dans leurs struc­tures et leur finan­ce­ment et avait débou­ché sur l’ap­pa­ri­tion des « BRIC » (Bré­sil, Rus­sie, Inde, Chine) et leur impres­sion­nante marche en avant ; la bulle Inter­net avait été sur­mon­tée, sans effet durable sur la crois­sance ou l’innovation.

L’in­fla­tion des actifs s’est sub­sti­tuée à l’in­fla­tion des prix

Le thème à la mode par­mi les éco­no­mistes était celui de la » Grande Modé­ra­tion » (Great Mode­ra­tion), c’est-à-dire de la baisse conti­nue, à par­tir des années quatre-vingt, de la vola­ti­li­té de l’in­fla­tion et de la crois­sance aux États-Unis et dans les pays indus­tria­li­sés (à l’ex­cep­tion du Japon). Cet apla­tis­se­ment du cycle était inter­pré­té par de grands éco­no­mistes comme le résul­tat d’une poli­tique moné­taire adap­tée et réac­tive. Rétros­pec­ti­ve­ment, le déclin de la vola­ti­li­té doit sans doute s’a­na­ly­ser dif­fé­rem­ment : le cli­mat de confiance a ame­né les acteurs éco­no­miques à être moins vigi­lants. Cette fois, ce n’est pas du côté des entre­prises que la crise s’est déclen­chée mais de celui des par­ti­cu­liers, aux États-Unis, dans le sec­teur de l’im­mo­bi­lier, avec les fameux sub­primes.

Un effet de résonance

Qu’est-ce qui a fait que la fac­ture risque d’être, in fine, dix fois plus lourde que les enjeux de départ ? La carac­té­ris­tique de cette crise res­te­ra la rapi­di­té de sa pro­pa­ga­tion, du cré­dit immo­bi­lier à l’en­semble des cré­dits, puis aux autres mar­chés, et l’ef­fet de réso­nance à l’in­té­rieur de la sphère financière.

Risque sys­té­mique
À par­tir d’août 2007 s’en­clenche le risque sys­té­mique, qui connaî­tra son paroxysme en sep­tembre 2008 quand, en moins d’une semaine, Leh­man Bro­thers sera mis en faillite, AIG, le grand assu­reur amé­ri­cain, sera natio­na­li­sé, Mer­rill Lynch sera rache­té en catas­trophe par Bank of Ame­ri­ca et les deux sur­vi­vants par­mi les « invest­ment banks », Gold­man Sachs et Mor­gan Stan­ley, se met­tront sous la pro­tec­tion de la Fed.

L’onde de choc est la consé­quence d’une triple cause. Le blo­cage du mar­ché inter­ban­caire d’a­bord : l’in­cer­ti­tude sur les déten­teurs de sub­primes, très dis­per­sés du fait de la titri­sa­tion à grande échelle des cré­dits, et la com­plexi­té des pro­duits qui leur avaient été ven­dus, ont pro­vo­qué une défiance géné­rale. D’où l’ar­rêt des cré­dits entre banques, le blo­cage du mar­ché moné­taire et la crise de liqui­di­té qui en a résul­té. Les banques ne se fai­saient plus confiance et reti­raient leurs dépôts de chez leurs confrères. Le doute sur les valo­ri­sa­tions des pro­duits finan­ciers ensuite. Dès lors que la liqui­di­té dis­pa­raît, les tran­sac­tions cessent et il n’y a plus de prix de réfé­rence pour éva­luer les innom­brables pro­duits qui cir­culent dans la sphère financière.

Un mécanisme de transmission des chocs

Sys­tème fan­tôme, risques réels
La décou­verte d’un « sys­tème finan­cier fan­tôme » (sha­dow finan­cial sys­tem) a révé­lé tout un ensemble d’ins­ti­tu­tions, de struc­tures juri­diques et de hedge funds non régu­lés, mais néan­moins accro­chés, in fine, au sys­tème ban­caire tra­di­tion­nel. Il s’é­tait for­mé pour échap­per aux rigueurs des exi­gences en fonds propres et de la régulation.

Pour com­prendre com­ment fonc­tionnent les banques dans le mar­ché, les thèmes ne manquent pas : les » bulles » se sont mul­ti­pliées dans un monde où l’in­fla­tion des actifs s’est sub­sti­tuée à l’in­fla­tion des prix des biens et sont deve­nues le prin­ci­pal moteur des cycles éco­no­miques, un peu comme la hausse des taux d’in­té­rêt l’é­tait au XXe siècle ; l’in­te­rac­tion entre les mar­chés et les banques, donc entre les prix des actifs et la poli­tique moné­taire, est désor­mais un méca­nisme essen­tiel de trans­mis­sion des chocs dans l’é­co­no­mie. le spread OIS-Libor, qui exprime l’in­cer­ti­tude sur la liqui­di­té du mar­ché moné­taire, a été l’in­di­ca­teur essen­tiel de la crise finan­cière et cepen­dant quelle place tient le coût du risque dans la théo­rie macroé­co­no­mique ? La liqui­di­té passe par les bilans des banques et pour­tant quel rôle jouent-ils dans l’a­na­lyse actuelle ? Com­ment rendre compte des non-linéa­ri­tés, des rup­tures et des effets de propagation ?

Laxisme et excès opposés

Indice de risque
Les taux d’in­té­rêt pra­ti­qués entre banques qui se prêtent de l’argent sont réfé­ren­cés par le LIBOR (Lon­don Inter­bank Offe­red Rate). L’OIS (Over­night Index Swap) est un indice lié à des caté­go­ries d’o­pé­ra­tions moins ris­quées, publié par les banques cen­trales. L’é­cart entre LIBOR et OIS est une mesure impor­tante de risque et de liqui­di­té sur le mar­ché moné­taire : il fut long­temps 10 points de base (10÷10 000), attei­gnit 364 points de base en octobre 2008 et n’a retrou­vé des valeurs de 1015 points qu’en sep­tembre 2009.

Dès cette période appa­raît une seconde ques­tion : quelle est la cause » pre­mière » de la crise ? La débâcle finan­cière ne serait-elle que le symp­tôme d’un dés­équi­libre plus pro­fond, de nature réso­lu­ment macroé­co­no­mique ? Pour cer­tains, c’est la poli­tique moné­taire amé­ri­caine qui est en cause. Trop laxiste, elle a main­te­nu des taux exa­gé­ré­ment bas pen­dant trop long­temps et a ali­men­té la crois­sance moné­taire et les dés­équi­libres qui en ont décou­lé. C’est d’a­bord l’ex­cé­dent d’é­pargne (le savings glut) des pays émer­gents et de la Chine (où le taux d’é­pargne est supé­rieur à 50 % du PIB) qui est à l’o­ri­gine de gigan­tesques défi­cits de la balance des paie­ments aux USA, et d’une créa­tion moné­taire non moins gigan­tesque du côté des pays excé­den­taires qui accu­mulent des réserves et gonflent la masse de mon­naie en cir­cu­la­tion à l’é­chelle mon­diale. La ver­sion euro­péenne de cette ana­lyse insiste sur l’autre face de la médaille, celle qui concerne les États-Unis. Dans ce pays, la crois­sance des quinze der­nières années a repo­sé sur un modèle où les ménages, qui s’en­dettent pour consom­mer ou se loger, n’é­pargnent plus. Du point de vue de la théo­rie éco­no­mique, toutes ces ana­lyses ne sont pas contradictoires.

Chaque État a repris ses droits et ses obli­ga­tions dans la crise

Le « lan­ci­nant pro­blème de la balance des paie­ments » amé­ri­caine, une poli­tique moné­taire accom­mo­dante et l’ar­ri­mage du yuan au dol­lar, dans un uni­vers glo­ba­li­sé, ont engen­dré une abon­dance de liqui­di­tés, favo­rable à la spé­cu­la­tion et au déve­lop­pe­ment des acti­vi­tés de mar­ché, et ont sus­ci­té un besoin de recy­clage finan­cier, qui est (aus­si) le métier des banques. L’eu­pho­rie et l’in­no­va­tion qui ont pré­cé­dé la crise sont la consé­quence de ce phé­no­mène macroéconomique.

Éviter l’asphyxie financière

Quand la crise a été là, un impé­ra­tif est appa­ru immé­dia­te­ment. Il fal­lait évi­ter les erreurs de la poli­tique moné­taire de 1929. Le consen­sus existe : bais­ser les taux d’in­té­rêt et four­nir les liqui­di­tés dont les banques ont besoin pour évi­ter leur asphyxie. C’est ce qui a été fait à grande échelle, à la BCE comme à la Fed, et d’au­tant plus faci­le­ment que les risques d’in­fla­tion sont faibles dans un contexte de sur­ca­pa­ci­tés de pro­duc­tion mas­sives à l’é­chelle du monde et d’une pres­sion à la baisse des prix indus­triels dans les pays avan­cés du fait de la concur­rence des pays à bas coûts de pro­duc­tion (qui s’exer­ce­ra encore quelques années).

La créa­tion du G20 est une ten­ta­tive pour créer une sorte d’exé­cu­tif mondial

Du point de vue des éco­no­mistes, la situa­tion est par­ti­cu­liè­re­ment sti­mu­lante. D’un côté, la per­ti­nence de l’a­na­lyse de Keynes est sai­sis­sante dans cette période et il n’est pas inutile de la » revi­si­ter » avec l’i­dée qu’elle a encore des choses à nous apprendre, des choses que nous avons lais­sé échap­per et qui ont dis­pa­ru des syn­thèses réa­li­sées depuis trente ans. D’un autre côté, le monde a changé.

Les anti­ci­pa­tions, les effets à long terme les mesures conjonc­tu­relles, la glo­ba­li­sa­tion des mar­chés et les pro­grès for­mi­dables de la théo­rie des inci­ta­tions (cen­trale dans les ana­lyses de la » gou­ver­nance ») ne doivent pas être per­dus de vue au pré­texte qu’ils ne suf­fisent pas à rendre compte de la tota­li­té de la confi­gu­ra­tion actuelle de l’é­co­no­mie. On a donc paré au plus pres­sé avec un poli­cy mix très expan­sion­niste, pas seule­ment au plan moné­taire mais aus­si en matière bud­gé­taire, où l’on est allé bien au-delà du simple jeu des « sta­bi­li­sa­teurs automatiques « .

Bulle immo­bi­lière
Les ménages amé­ri­cains ont été encou­ra­gés à s’en­det­ter pour l’a­chat de leur loge­ment grâce à un gon­fle­ment de la valeur des actifs qui servent de gage à leur endet­te­ment (réa­li­sé dans 80% des cas par des prêts à taux variable) et qui ne peut donc se pour­suivre que tant que les prix conti­nuent de grim­per. Le modèle s’est effon­dré dès lors que l’on a pris conscience de la bulle sur les prix de l’immobilier.

Une efficacité discutable

Quelle est la per­ti­nence d’un tel poli­cy mix ? Depuis vingt ans, les éco­no­mistes s’é­taient per­sua­dés que le bud­get était un outil inef­fi­cace pour relan­cer l’é­co­no­mie, en invo­quant un argu­ment avan­cé par Ricar­do : tout défi­cit devant se tra­duire, tôt ou tard, par un sup­plé­ment d’im­pôts des­ti­né à rem­bour­ser la dette néces­saire à le finan­cer, les contri­buables l’an­ti­cipent et en tiennent compte dans leurs choix immé­diats de consom­ma­tion ou d’in­ves­tis­se­ment. Ain­si, au clas­sique » effet d’é­vic­tion » engen­dré par la relance bud­gé­taire, pro­vo­qué par la hausse des taux d’in­té­rêt s’a­joute cet effet » ricar­dien » qui, dans le cas où les anti­ci­pa­tions sont » ration­nelles « , anni­hile tota­le­ment le béné­fice de la relance et la rend inefficace.

Intervention des États

Keynes revi­si­té
Des taux proches de zéro, des prix qui ne montent pas, un chô­mage mas­sif : nous revoi­là dans l’u­ni­vers de la Théo­rie géné­rale de Keynes. Et, de fait, tous les thèmes key­né­siens ont été sor­tis des éta­gères pous­sié­reuses où on les avait aban­don­nés : la trappe de liqui­di­té, le mul­ti­pli­ca­teur de dépenses publiques, le modèle IS-LM (épargne inves­tis­se­ment/­li­qui­di­té-mon­naie), la pré­fé­rence pour la liqui­di­té, les » esprits ani­maux », etc.

Les banques cen­trales ont su inno­ver en matière de poli­tique moné­taire dans leur rôle de prê­teur en der­nier res­sort, par­ti­cu­liè­re­ment aux États-Unis. La Fed ne s’est pas conten­tée d’as­su­rer la liqui­di­té des banques en leur rache­tant des titres éli­gibles au mar­ché moné­taire ; elle a rache­té direc­te­ment aux entre­prises des billets de tré­so­re­rie et aux agences hypo­thé­caires (les fameuses Fan­ny Mae et Fred­die Mac) leurs créances, se pro­po­sant de les » por­ter » dans la durée, pour leur lais­ser le temps de retrou­ver leur valeur. Et la créa­tion du G20 est une ten­ta­tive pour créer une sorte d’exé­cu­tif mon­dial char­gé de fixer un cadre et une orien­ta­tion à l’ac­tion col­lec­tive pour les années à venir. Le résul­tat est sur­pre­nant : tout » glo­ba­li­sé » que soit le monde quand tout va bien, chaque État a repris ses droits et ses obli­ga­tions dans la crise. D’où la ques­tion : com­ment ana­ly­ser une poli­tique de relance dans notre monde glo­ba­li­sé ? Dans une éco­no­mie ouverte, aider un construc­teur auto­mo­bile fran­çais, c’est, pro­ba­ble­ment, créer une exter­na­li­té en faveur des pays où sont ins­tal­lées ses usines. Mais, sur le plan des poli­tiques macroé­co­no­miques, les ques­tions se bous­culent éga­le­ment : com­ment, par exemple, répar­tir les efforts de relance en évi­tant le phé­no­mène de « pas­sa­ger clan­des­tin » et l’a­léa moral au sein d’une zone moné­taire ? Com­ment y main­te­nir une soli­da­ri­té quand per­sonne ne veut renon­cer à sa sou­ve­rai­ne­té économique ? 

Changer de méthode

Les effets incer­tains de la relance
Le Coun­cil of Eco­no­mic Advi­sors du pré­sident Oba­ma consi­dère que, dans le cadre d’un plan de relance, 100 dol­lars de dépenses sup­plé­men­taires per­mettent un accrois­se­ment de l’ac­ti­vi­té de 1,5 fois 100 = 150 dol­lars, soit un effet » mul­ti­pli­ca­teur » de 1,5. Mais d’autres modèles fai­sant une place à ces méca­nismes ricar­diens conduisent à éva­luer à 0,4 ou 0,5 cet effet mul­ti­pli­ca­teur (40 à 50 dol­lars d’ac­ti­vi­té sup­plé­men­taire pour 100 dol­lars de relance). La dif­fé­rence est consi­dé­rable, sur­tout quand on sait que le défi­cit bud­gé­taire amé­ri­cain a été de 800 mil­liards de dollars.

Fin 2009, la chute de l’ac­ti­vi­té a été stop­pée et une reprise de la crois­sance a été obser­vée. La mobi­li­sa­tion et la thé­ra­peu­tique key­né­sienne ont réus­si : la crise finan­cière ne sera pas la Grande Dépres­sion. Nous ne sommes pas pour autant tirés d’af­faire. Quelle est la stra­té­gie de sor­tie ? Com­ment sor­tir de l’ad­dic­tion aux défi­cits, aux taux d’in­té­rêt nuls, aux aides de l’É­tat, aux garan­ties don­nées, etc. ? Certes, nous sommes dans « l’a­près-crise finan­cière », mais la crise éco­no­mique (le chô­mage, la pau­vre­té) per­siste et nous arri­vons sans doute à l’aube d’une période de frus­tra­tion sociale (la fatigue face aux efforts deman­dés, le mécon­ten­te­ment sur leur répartition).

Le cycle de l’emploi est en retard sur le cycle économique

Le reflux de la dépense publique va se heur­ter à des obs­tacles poli­tiques : le cycle de l’emploi est en retard sur le cycle éco­no­mique. Com­ment assu­rer un ave­nir stable par un remo­de­lage du pay­sage finan­cier et de ses règles du jeu sans étouf­fer une crois­sance encore bien fra­gile ? Com­ment retrou­ver un équi­libre des balances des paie­ments entre l’A­sie, les USA et l’Eu­rope qui mette fin au dilemme des­truc­teur entre dépré­cia­tion forte du dol­lar et perte de contrôle de la masse moné­taire mon­diale, avec, du coup, une suc­ces­sion de bulles spé­cu­la­tives et le stop-and-go que nous avons connu durant la pre­mière décen­nie du XXIe siècle ? Com­ment maî­tri­ser notre choix de spé­cia­li­sa­tion indus­trielle et enrayer ce qui paraît comme une fata­li­té de la délo­ca­li­sa­tion et qui peut être accen­tué par la crise ?

Incorporer les intuitions

Pour faire revivre la macroé­co­no­mie, il faut sans doute réha­bi­li­ter la des­crip­tion ins­ti­tu­tion­nelle et sta­tis­tique, c’est-à-dire un peu moins de simu­la­tions sur des modèles sim­ple­ment » cali­brés » et un peu plus de véri­table tra­vail éco­no­mé­trique, un peu plus de tra­vail sur des modèles d’é­qui­libre par­tiel, et un peu moins sur des modèles d’é­qui­libre géné­ral, accep­ter un peu moins de rigueur for­melle pour incor­po­rer davan­tage les obser­va­tions et les intui­tions. Les sujets essen­tiels sont des sujets de risque, d’in­cer­ti­tude, d’an­goisse devant le chô­mage et de confiance néces­saire pour que la » des­truc­tion créa­trice » reprenne ses droits. Ne doit-on pas enri­chir la macroé­co­no­mie, à l’i­mage de ce que la théo­rie com­por­te­men­tale a appor­té à la théo­rie finan­cière, en décri­vant davan­tage des com­por­te­ments obser­vés, en fai­sant une part à l’ir­ra­tion­nel et au sub­jec­tif ? Ne doit-on pas faire preuve d’un peu moins d’ar­ro­gance envers les autres dis­ci­plines et accep­ter leur apport, en accep­tant l’i­dée qu’il n’est pas néces­saire d’a­voir la rigueur for­melle pour être per­ti­nent ? Nul doute que les éco­no­mistes auront besoin d’au­dace pour éclai­rer l’a­ve­nir dans les années dif­fi­ciles qui nous attendent. Faute de cette audace, le grand retour de la macroé­co­no­mie – tant néces­saire – n’au­ra pas lieu.

Ani­mal spirits
Selon May­nard Keynes, faute de connais­sance sur le long terme, nos choix à long terme relèvent d’ani­mal spi­rits (esprits ani­maux). Dans un ouvrage épo­nyme, les éco­no­mistes amé­ri­cains George Aker­lof et Robert Shil­ler reprennent cette ana­lyse. Ils sou­lignent que, pour gui­der ces esprits, l’in­ter­ven­tion du gou­ver­ne­ment est indis­pen­sable, le mar­ché n’é­tant pas en mesure de répondre à cette nécessité.

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