Promenades bourguignonnes

Le Domaine de l’Arlot

Au cha­pitre XXIV des Trois Mous­que­taires, d’Artagnan s’exclame : “ Il y a long­temps que nous n’avons pas fait un dîner conve­nable (…), je ne serais pas fâché, je l’avoue, de me mon­ter un peu la tête avec quelques bou­teilles de vieux Bour­gogne. ” C’est dans cet esprit que nous avons vou­lu com­men­cer nos pro­me­nades bour­gui­gnonnes, avec un vin qui vieillit admi­ra­ble­ment, puisqu’il s’agit d’un Nuits-Saint- Georges.

Le Domaine de l’Arlot est situé sur la com­mune de Pre­meaux, dont les vins ont droit depuis tou­jours à l’appellation Nuits-Saint-Georges. Comme l’écrit Camille Rodier, le célèbre écri­vain des vins de Bour­gogne : “ Le vignoble de Nuits, dis­so­cié de celui de Pre­meaux par la seule fan­tai­sie du cadastre, se conti­nue sur ce ter­ri­toire sans qu’aucune modi­fi­ca­tion éta­blisse la moindre dif­fé­rence. C’est le même sol, le même sous-sol, la même expo­si­tion. Aus­si, ce qui est vrai de l’un des vignobles est vrai de l’autre, et les vins pro­duits dans les bons cli­mats de Nuits ou de Pre­meaux ont des qua­li­tés identiques. ”

Le Domaine de l’Arlot est une belle et ancienne pro­prié­té, qui a appar­te­nu à plu­sieurs grandes familles de négo­ciants bour­gui­gnons, comme les Vié­not et les Belin qui y fai­saient, avant-guerre, le fameux “ Marc à la Cloche ”, un diges­tif qui eut son heure de gloire. Le Domaine a été rache­té en 1986 par le groupe d’assurances AXA, diri­gé par Claude Bébéar (55), qui pos­sède tout le fon­cier et 51 % de la socié­té d’exploitation qui gère le domaine, les 49 % res­tants étant la pro­prié­té de Jean-Pierre de Smet. Cet ancien élève de l’ESSEC vit là une nou­velle aven­ture, après avoir été cham­pion de ski et avoir fait le tour du monde sur un voilier.

Il applique main­te­nant ses talents à la pro­duc­tion de vins rouges qui comptent par­mi les plus grands de Bour­gogne (Roma­née-Saint-Vivant, Vosne-Roma­née pre­mier cru, Nuits-Saint-Georges pre­mier cru, Beaune pre­mier cru) ain­si que d’un très rare Nuits-Saint- Georges blanc.

Les quinze hec­tares que compte le domaine sont trai­tés avec le moins pos­sible d’engrais et de pro­duits chi­miques. Les vignes sont taillées de manière à obte­nir de faibles ren­de­ments, de l’ordre de trente hec­to­litres par hec­tare, contre cin­quante auto­ri­sés, ce qui est un gage de concen­tra­tion et donc de qua­li­té du vin. L’âge éle­vé des vignes – un autre fac­teur de qua­li­té – vient éga­le­ment contri­buer à la fai­blesse des rendements.

Ce res­pect de la nature se retrouve dans les prin­cipes de vini­fi­ca­tion appli­qués par Jean-Pierre de Smet. La ven­dange est entiè­re­ment manuelle, les rai­sins ne sont que par­tiel­le­ment égrap­pés et seules des levures indi­gènes sont uti­li­sées. La cuvai­son dure une ving­taine de jours, pré­cé­dée par quelques jours de macé­ra­tion à froid, qui favo­rise l’extraction d’arômes. Les tem­pé­ra­tures de fer­men­ta­tion sont peu éle­vées. L’élevage a lieu en fûts de chêne (neufs pour moi­tié). La mise en bou­teilles a lieu après dix-huit mois d’élevage, le vin ayant été col­lé aux blancs d’oeuf mais non filtré.

Dégus­ta­tion du der­nier millésime
au Domaine de l’Arlot.

Le vin blanc est fer­men­té en fûts et éle­vé sur lies, il est mis en bou­teilles l’automne sui­vant la récolte, après une légère filtration.

Le Clos de l’Arlot blanc (mono­pole) est pro­duit à par­tir de deux hec­tares de vignes plan­tées en Char­don­nay, avec quelques pieds de Pinot Beu­rot. C’est un vin blanc fait à par­tir de terres pour vignes rouges. Il est riche, puis­sant, concen­tré et déve­loppe dans sa jeu­nesse des arômes de fruits exo­tiques (pam­ple­mousse, banane…) avant de s’assagir et d’évoluer, après cinq ou six ans, vers des arômes de miel sec et de pâte de coings : c’est à ce moment-là qu’il est le plus délectable.

Le Clos de l’Arlot rouge (mono­pole) pro­vient éga­le­ment de deux hec­tares de vignes, plan­tées en Pinot Noir. C’est un vin élé­gant, aux tan­nins soyeux et aux agréables fla­veurs de fruits rouges. C’est aus­si un vin ori­gi­nal, plus Cham­bolle-Musi­gny que Nuits-Saint- Georges par cer­tains aspects.

Le Clos des Forêts Saint-Georges (mono­pole) est un Nuits-Saint-Georges typique. Ferme, struc­tu­ré, doté d’une excel­lente capa­ci­té de vieillis­se­ment, il déve­loppe dans sa jeu­nesse de superbes arômes frui­tés (cerise, gro­seille) et épi­cées (can­nelle) avec des notes de vio­lette. En vieillis­sant, il acquiert des arômes de cuir et de cho­co­lat, sans perdre son fruit. C’est un vin qu’il ne faut pas boire trop tôt (dix ans de cave ne lui font pas peur) et qu’il faut impé­ra­ti­ve­ment décan­ter au moins deux heures avant de le boire pour qu’il ait le temps de s’épanouir. Vous aurez alors la chance de dégus­ter un suc­cu­lent bourgogne.

Le Vosne-Roma­née Les Suchots pro­vient d’une par­celle voi­sine du grand cru Riche­bourg et plan­tée en très vieilles vignes (qua­rante ans d’âge). Il se dis­tingue par une remar­quable com­plexi­té aro­ma­tique et par la finesse et la ron­deur de ses tan­nins. Il n’est mal­heu­reu­se­ment pro­duit que quelques mil­liers de bou­teilles de ce cru exceptionnel…

Le Domaine de l’Arlot pré­sente un inté­rêt sup­plé­men­taire : c’est le siège d’une micro­sco­pique socié­té de négoce “ Lise Judet Sélec­tion ”. Cette socié­té, créée par la femme de Jean-Pierre de Smet, ne vend qu’aux par­ti­cu­liers. Son cata­logue pré­sente un choix tout à fait remar­quable de vins, cer­tains rares et répu­tés (Domaine de la Roma­née-Conti, Domaine des Comtes Lafon…), d’autres plus acces­sibles (bons bour­gognes géné­riques, en blanc comme en rouge, à par­tir de trente francs).

La plu­part des vins pro­po­sés pro­viennent des meilleurs domaines de Bour­gogne et sont donc extrê­me­ment dif­fi­ciles à obte­nir. Les prix pra­ti­qués sont les mêmes qu’à la pro­prié­té et plu­sieurs mil­lé­simes sont dis­po­nibles à la vente. Il est pos­sible d’acheter en toute petite quan­ti­té et de pana­cher les vins choisis.

Enfin Lise Judet se fera un plai­sir de vous conseiller, en fonc­tion de vos besoins (consom­ma­tion immé­diate ou vins des­ti­nés à vieillir).

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