Programme #Genius, le Pôle Diversité et Réussite change d’échelle

Dossier : Nouvelles du PlatâlMagazine N°748 Octobre 2019
Par Alix VERDET

Depuis son lan­ce­ment en 2005, le Pôle Diver­si­té et Réus­site tra­vaille à rendre l’excellence scien­ti­fique acces­sible à tous sans dis­tinc­tion de genre ni d’origine sociale ou géographique.
Alice Car­pen­tier, la res­pon­sable du PDR, tire le bilan très posi­tif d’une pre­mière décen­nie d’actions et expose les ambi­tions régio­nales et natio­nales de la « start-up de la diver­si­té » de l’X.

Quel constat peut-on dresser des activités du Pôle Diversité et Réussite (PDR) ?

Après la signa­ture de la charte sur la diver­si­té en 2006 avec l’École, le Pôle Diver­si­té Réus­site s’est lan­cé dans le pro­gramme GEPPM « Une Grande École pour­quoi pas moi ? », un pro­gramme de tuto­rat basé sur l’orientation active avec l’idée de pro­vo­quer des ren­contres entre des élèves poly­tech­ni­ciens et des lycéens sélec­tion­nés pour leur moti­va­tion, leur appé­tence pour les sciences et leur poten­tiel scolaire.

Aujourd’hui, nous sommes en mesure de prendre du recul et nous avons fait une étude sur l’impact du pro­gramme sur les anciens membres. Les résul­tats sont excel­lents. 94 % des anciens – dont les parents n’ont pas fait d’études – ont atteint le niveau uni­ver­si­taire bac + 5 et cer­tains sont doc­to­rants. Par­mi ceux qui sont actuel­le­ment en emploi, 84 % occupent un poste hau­te­ment qua­li­fié. On dépasse un sys­tème d’ascenseur social : là où il fal­lait deux géné­ra­tions pour atteindre le niveau CSP+, le pro­gramme a per­mis aux élèves d’atteindre ce but en une géné­ra­tion. Et pour­tant, ce ne sont pas les pre­miers de la classe que l’on choi­sit, parce qu’il ne faut pas de pro­fils trop scolaires.
Le pro­gramme demande un enga­ge­ment impor­tant (tous les mer­cre­dis soirs, les same­dis, pen­dant les vacances). On va sélec­tion­ner quelqu’un qui a l’énergie et la sou­plesse pour vivre ce programme.


Programme #Genius

#Genius est une ini­tia­tive por­tée par l’X, HEC, l’Ensae Paris­Tech, l’Ensta Paris­Tech, Télé­com Paris­Tech et Cen­trale Lyon.

#Genius s’adresse aux lycéens et étu­diants, de la seconde au bac +2.

Le dis­po­si­tif est com­po­sé de deux actions phares : 

- une série thé­ma­tique de for­ma­tions en ligne sous forme de MOOCs,

- un pro­gramme de tuto­rat en ligne à des­ti­na­tion de lycéens de toute la France (de la seconde aux classes pré­pa­ra­toires), sous la res­pon­sa­bi­li­té de professeurs.


Parlez-nous du programme #Genius

Nous vou­lons pro­po­ser des tuto­rats par inter­net, des MOOCs, des stages et sémi­naires dans l’esprit des Science Camps que nous orga­ni­sons. Nous pro­je­tons pour la ren­trée 2020 d’avoir des cor­dées de la réus­site dans les régions en par­te­na­riat avec les grandes écoles locales. Nous avons l’expérience du modèle solide, his­to­rique de l’Essonne que nous avons élar­gi à l’Île-de-France en cette ren­trée 2019, en atten­dant de pas­ser à l’échelon natio­nal en 2020.

Nous avons reçu un finan­ce­ment pour le pro­gramme #Genius qui va per­mettre d’étendre ce tuto­rat sur des ter­ri­toires plus éloi­gnés, sou­vent ruraux, via inter­net : un élève poly­tech­ni­cien sur le pla­teau sera en contact avec 5 tuto­rés. Pour déployer le pro­gramme, nous devons four­nir un impor­tant tra­vail d’information pour don­ner aux jeunes l’envie de s’inscrire. Grâce aux affec­ta­tions civiles (stage FHM) des élèves poly­tech­ni­ciens répar­tis chaque année sur tout le ter­ri­toire, l’X pos­sède un atout de taille pour opé­rer des mis­sions d’information dans les lycées.

Qui élabore les MOOCs ?

Ce sont des ensei­gnants-cher­cheurs de l’École qui conçoivent nos MOOCs. Nous avons déjà expé­ri­men­té dans le cadre du pro­gramme action lycée des MOOCs en maths phy­sique pro­po­sés sur la pla­te­forme FUN-Mooc. Nous sou­hai­tons déployer une série de MOOCs bac ‑3 jusqu’à bac +3. Il ne s’agit pas de suivre le manuel sco­laire mais d’apporter des com­plé­ments de notions et une autre façon de les aborder.

Combien de jeunes sont concernés ?

Près de 300 dans l’Essonne. En région pari­sienne, nous pro­je­tons de tou­cher 420 tuto­rés par an. Le pro­jet est de mettre en place une cor­dée de la réus­site sud, une cor­dée nord, une cor­dée ouest, une cor­dée est, en nous appuyant sur les affec­ta­tions civiles ain­si que les stages défense des élèves. Nous béné­fi­cie­rons d’un maillage très impor­tant grâce auquel les acti­vi­tés du PDR seront pro­po­sées aux lycées.

Quel est l’impact de ces programmes sur la motivation des élèves ?

Un impact très posi­tif est que nous n’avons pas à déplo­rer de décro­chage sco­laire. Lorsque les élèves sont confron­tés à un échec ou une dif­fi­cul­té dans leur par­cours, ils arrivent à rebon­dir même s’ils se sont trom­pés de voie. La phi­lo­so­phie du pro­gramme, à l’origine créé par l’Essec, est de déve­lop­per ce concept d’orientation active qui est fait de hasards ; et le hasard, c’est aus­si par­fois échouer. L’orientation, ça n’est pas un choix binaire ou défi­ni­ti­ve­ment arrê­té. Au contraire, il existe un grand choix de pos­sibles. Le but est d’amener les jeunes à ne pas avoir l’impression d’être enfer­més dans une seule voie. De plus, apprendre à gérer l’échec, c’est un soft skill précieux.

Qu’est-ce que le programme leur apporte et qu’ils ne pourraient pas trouver par eux-mêmes pour développer ce qu’ils sont ?

Tout d’abord, on leur donne une idée de ce qui existe et qui peut les faire rêver. Quand on ne connaît pas, on ne rêve pas. Notre pre­mière démarche, c’est d’aller ouvrir une porte et de sus­ci­ter leur curio­si­té. Ensuite, la proxi­mi­té d’âge entre les jeunes X fraî­che­ment reçus et les lycéens est un excellent moyen d’éveiller le désir d’entreprendre des études scien­ti­fiques de haut niveau et d’ouvrir le spectre des métiers et car­rières pos­sibles dans les sciences. Pen­dant les repas par­ta­gés ensemble, nous ouvrons des débats et des dis­cus­sions, où cha­cun peut plus sim­ple­ment et direc­te­ment dis­cu­ter avec les jeunes X et ain­si apprendre à débattre sur des sujets socié­taux, poli­tiques, etc., ce que tous les élèves n’ont pas for­cé­ment l’occasion de faire chez eux. Nous recréons en quelque sorte des « repas de famille », une manière plus infor­melle de déve­lop­per les ambitions.

Par exemple, il arrive sou­vent que des jeunes choi­sissent par défaut la fac qui est proche de chez eux en région pari­sienne pour faci­li­ter la ques­tion du loge­ment, au risque d’effectuer de longues heures de tra­jet. En dis­cu­tant avec les élèves, ils découvrent que la fac, c’est aus­si un cam­pus, des asso­cia­tions étu­diantes, toute une vie estu­dian­tine qui mérite qu’ils se délo­ca­lisent dans une ville moins chère, à Lille par exemple, pour en pro­fi­ter. Cette proxi­mi­té avec les élèves crée un atta­che­ment durable envers l’École chez les anciens du programme.

Un détail impor­tant, on ne parle pas de béné­fi­ciaires de ce pro­gramme mais de membres, pour sor­tir de l’image un peu condes­cen­dante de l’assistanat.


Les actions du Pôle Diversité et Réussite

Les cor­dées de la réus­site : GEPPM, Trem­plin, le Tuto­rat poly­tech­nique IDF.

Les ren­contres à l’X : les Jour­nées X‑Campus Décou­verte, les Entre­tiens de l’Excellence, les Jour­nées Filles et Maths, les stages d’observation pour les col­lé­giennes en troi­sième, les X‑Science Camps mixtes et les X‑Science Camps au féminin.

Plus d’informations sur le site du PDR : https://portail.-polytechnique.edu/diversite-inclusion/fr


Que peut faire la communauté des anciens pour ce programme ?

Nous avons besoin de figures ins­pi­rantes, de pro­fes­sion­nels qui viennent par­ler de leur par­cours, mais aus­si d’ingénieurs qui nous aident à réflé­chir à la manière de mesu­rer l’impact d’un X pla­cé dans un ter­ri­toire au cours de son affec­ta­tion civile ou mili­taire. En effet, on parle d’impact posi­tif sur l’autocensure des élèves et des pro­fes­seurs. Com­ment l’évaluer ? Quel impact sur une zone géo­gra­phique ? Par­ler de l’X à des pro­fes­seurs exer­çant dans des éta­blis­se­ments de niveau moyen leur semble tota­le­ment incon­gru. En revanche, leur par­ler de « colo de maths » leur per­met de pas­ser volon­tiers l’information, sans pen­ser que leurs élèves n’ont pas le niveau.

Les jour­nées décou­verte « filles et mathé­ma­tiques », les jour­nées d’entretiens de l’excellence sont aus­si des pro­duits aux­quels les pro­fes­seurs adhèrent faci­le­ment. Ces petites actions ciblées du PDR per­mettent de faire connaître l’X dans des lycées qui n’auraient pas eu l’idée d’en par­ler. Sur 40 élèves par­ti­ci­pants aux Science Camps, on touche presque 40 lycées dif­fé­rents car les élèves par­le­ront de leur expé­rience à leur retour, autant à leurs pro­fes­seurs qu’à leurs cama­rades de classe, ce qui crée une ému­la­tion très positive.

“C’est un gain pour l’École
de trouver des talents
qui viennent d’ailleurs”

Quelle est votre satisfaction intime dans la réussite de ce programme ?

En tra­vaillant sur ces pro­grammes, on a vrai­ment l’impression d’aider à chan­ger le monde. On a pu tra­vailler à relan­cer l’ascenseur social. J’ai déjà une expé­rience pro­fes­sion­nelle dans l’associatif mais ici, nous tra­vaillons avec la marque de l’X. Nous avons les idées, les leviers d’action et la sou­plesse liés à cette marque de Poly­tech­nique de pou­voir trou­ver de nou­veaux par­te­naires, d’avancer, de tes­ter des idées, sou­te­nus par la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne. Nous avons l’agilité pour mon­ter très vite des pro­jets et éga­le­ment pour apprendre en les réa­li­sant. Nous sommes une start-up de la diver­si­té : nous savons chif­frer, éva­luer les besoins et nous arrê­ter quand il faut. Tra­vailler ici est très enri­chis­sant et for­ma­teur ; d’ailleurs, on recrute !

Humai­ne­ment, c’est aus­si très fort. Quand je vois ces résul­tats, je sais pour­quoi je tra­vaille. Je vois des des­tins qui ont chan­gé, et quand c’est un des­tin dans une famille, c’est toute la famille qui change. Un jeune qui suit un pro­gramme comme les nôtres n’est pas le même quand il rentre chez lui. Le taux de fré­quen­ta­tion des théâtres entre les classes de seconde, de pre­mière et de ter­mi­nale est signi­fi­ca­tif. On passe d’un quart en seconde, à un tiers en pre­mière et plus de la moi­tié en ter­mi­nale. Ça a été un choix du pro­gramme de leur mon­trer les pro­gram­ma­tions cultu­relles non pas à Paris mais dans leur envi­ron­ne­ment, à Palai­seau, en Essonne.

Cela change tel­le­ment de la petite musique lan­ci­nante qu’on entend dans les médias sur les élites décon­nec­tées, sur le sché­ma de repro­duc­tion sociale des élites. Je trouve que c’est par­fois un faux pro­cès, d’autant plus injuste au vu de l’engagement de l’École sur ces ques­tions. Quelle autre école peut, au moyen des affec­ta­tions civiles et mili­taires, être en lien avec des ter­ri­toires et des publics si dif­fé­rents ? Et quel mes­sage envoie-t-on quand on répète à lon­gueur de temps que l’X n’est acces­sible qu’à un cer­tain type de public pri­vi­lé­gié ? On décou­rage encore plus notre public, les jeunes pour qui ces pro­grammes sont faits et leur famille.

His­to­ri­que­ment, l’X allait cher­cher les talents ailleurs que dans les cir­cuits habi­tuels. C’est la culture de l’École. Ce n’est pas une bonne action, c’est un gain pour l’École de trou­ver des talents qui viennent d’ailleurs, qui pensent dif­fé­rem­ment. Ces jeunes membres de ces pro­grammes n’ont plus la même vision des grandes écoles. Ils ont appris à les connaître et ne se sentent plus exclus d’un sys­tème inac­ces­sible pour eux. Du côté des élèves poly­tech­ni­ciens, nous ne ren­con­trons aucun sou­ci d’adhésion : la ques­tion de la diver­si­té sociale et de la diver­si­té de ter­ri­toire est très prégnante.

Et après le programme, que se passe-t-il ?

Pour les anciens du pro­gramme, nous réflé­chis­sons à mettre sur pied un club pour qu’ils puissent se réunir entre anciens et se consti­tuer un réseau pro­fes­sion­nel. Ils ne sont pas les béné­fi­ciaires d’un pro­gramme mais membres d’un pro­gramme où leurs talents peuvent s’épanouir.

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