Préserver la solidarité et la dimension humaine

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°750 Décembre 2019
Par Roland BERTHILIER

Avec plus de 4 mil­lions de per­sonnes pro­té­gées et 10 000 sala­riés, MGEN est un acteur majeur de la pro­tec­tion sociale. Le point avec Roland Ber­thi­lier, Pré­sident du groupe.

La MGEN est confrontée à une concurrence accrue sur son champ historique, pourquoi ?

La plu­part des minis­tères fonc­tionnent désor­mais par réfé­ren­ce­ment. Tous les Opé­ra­teurs Com­plé­men­taires d’Assurance Mala­die (OCAM) peuvent répondre à un appel d’offre repo­sant sur un cahier des charges éta­bli par l’employeur, restrei­gnant para­doxa­le­ment la liber­té des fonc­tion­naires à choi­sir leurs propres cri­tères de protection.

Si la liber­té d’adhésion reste de mise, la ‘‘concur­rence’’ entre opé­ra­teurs sur un mar­ché déjà ouvert entraîne des effets per­vers : la des­truc­tion des soli­da­ri­tés effec­tives, risques de dum­ping tari­faire, sélec­tion des pro­fils d’assurés. La san­té ne sau­rait être un pro­duit mar­chand comme les autres. La MGEN est une com­mu­nau­té de valeurs, de par­tage et d’entraide qui se maté­ria­lise par un accom­pa­gne­ment au quo­ti­dien dans une rela­tion de pair à pair, notam­ment en prévention.

Quelle est donc votre stratégie de diversification ?

Notre crois­sance répond à une volon­té d’organiser la soli­da­ri­té plus lar­ge­ment avec ceux qui par­tagent nos convic­tions et nos valeurs.
Nous avons ren­for­cé nos posi­tions sur l’ensemble de la fonc­tion publique, avec le réfé­ren­ce­ment de 10 minis­tères et une nou­velle offre pour les per­son­nels hos­pi­ta­liers, en plus d’une offre pour les agents de la fonc­tion publique ter­ri­to­riale en col­la­bo­ra­tion avec la MNT.
Nous sou­hai­tons ren­for­cer notre accom­pa­gne­ment des struc­tures de l’Économie Sociale et Soli­daire avec MGEN Solu­tions. Nous avons d’ailleurs obte­nu avec le groupe VYV la label­li­sa­tion CCN Sport.

Quel regard portez-vous sur les contrats collectifs obligatoires ?

L’ANI de 2013 a eu un impact sur la cou­ver­ture des ménages les plus modestes et l’accès aux soins. Mais, l’an der­nier, l’IRDES éva­luait les pertes en termes de bien-être supé­rieures aux gains, par­ti­cu­liè­re­ment pour les popu­la­tions les plus fra­giles, avec des niveaux de pro­tec­tion par­fois infé­rieurs. En 2017, ¼ des per­sonnes béné­fi­ciant d’une com­plé­men­taire d’entreprise avait recours à des options ou à une sur­com­plé­men­taire, ajou­tant un niveau de com­plexi­té pour les assurés.

L’ANI n’aurait aucun sens dans le public, l’adhésion étant his­to­ri­que­ment indi­vi­duelle pour cor­res­pondre au plus proche des besoins et la soli­da­ri­té exer­cée avec les retrai­tés. Ce qui n’est pas le cas des contrats col­lec­tifs obli­ga­toires por­tés par les entre­prises pri­vées, entraî­nant une seg­men­ta­tion avec les actifs. Enfin, la pro­tec­tion sociale des fonc­tion­naires porte l’héritage de garan­ties spé­ci­fiques fon­dées sur un cou­plage san­té et pré­voyance répon­dant à la spé­ci­fi­ci­té du sta­tut des fonctionnaires.

Quel rôle peut jouer la MGEN dans la société de la longévité et la Silver économie ?

La MGEN s’engage dans le bien-vieillir, notam­ment par l’innovation tech­no­lo­gique et sociale au ser­vice de la méde­cine et de la pré­ven­tion. Elle a d’ailleurs été labé­li­sée dans le cadre de l’art. 51 de la LFSS 2018 pour por­ter des expé­ri­men­ta­tions avec le minis­tère de la San­té. Mais c’est davan­tage sur la dépen­dance que se braquent les regards aujourd’hui, un mar­ché encore res­treint avec des offres sou­vent complexes.

Nous pro­po­sons une garan­tie dépen­dance en inclu­sion dans le pro­lon­ge­ment de notre soli­da­ri­té inter­gé­né­ra­tion­nelle, com­plé­tée par une impor­tante poli­tique d’accompagnements et d’action sociale pour assu­rer le main­tien à domi­cile et en socié­té le plus long­temps pos­sible, et un sou­tien aux aidants.

La ges­tion d’établissements sus­cite l’intérêt de groupes com­mer­ciaux, qui pos­sèdent déjà près d’un tiers des EHPAD. L’obligation de ren­ta­bi­li­té est cepen­dant un risque pour la qua­li­té de ser­vice, et les poli­tiques tari­faires peuvent par­fois reje­ter des popu­la­tions déjà fra­gi­li­sées et vic­times de la satu­ra­tion des éta­blis­se­ments publics.

À tra­vers les 10 EPHAD que nous gérons, au sein de VYV Care, notre prio­ri­té est de pré­ser­ver les qua­li­tés humaines de trai­te­ment des rési­dents. C’est l’un des défis majeurs du mutua­lisme : face aux logiques de mar­ché, nous vou­lons pré­ser­ver la soli­da­ri­té et la dimen­sion humaine.

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