Poisson chirurgien jaune Zebrasoma flavescens.

Pour un océan riche et fertile : l’exigence d’une transition bleue

Dossier : Environnement et sociétéMagazine N°804 Avril 2025
Par Robert CALCAGNO (X80)

Le numé­ro 791 de La Jaune et la Rouge a en jan­vier 2024 consa­cré son dos­sier à la sau­ve­garde de l’océan. Dans sa pos­té­ri­té et dans la pers­pec­tive de la Confé­rence des Nations unies sur l’océan pré­vue du 9 au 13 juin à Nice, voi­ci un rap­pel des menaces qui pèsent sur notre océan, des ini­tia­tives qui se déve­loppent, des défis à rele­ver et de la néces­si­té de chan­ger de mode de ges­tion de cette res­source natu­relle majeure au niveau mondial.

L’économie a ceci de spé­ci­fique qu’il suf­fit par­fois de lui attri­buer une cou­leur pour que l’on com­prenne immé­dia­te­ment de quoi il est ques­tion. Dès lors, par­ler d’économie bleue et l’océan est là, sous nos yeux. Ces deux mots asso­ciés sous-tendent qui plus est une autre idée essen­tielle : celle de dura­bi­li­té. Telle est d’ailleurs la défi­ni­tion de la Banque mon­diale : « L’économie bleue est l’utilisation durable des res­sources océa­niques pour la crois­sance éco­no­mique, l’amélioration de sub­sis­tance et la créa­tion d’emplois, tout en pré­ser­vant la san­té des océans et des éco­sys­tèmes qui les constituent. »

L’économie bleue a fait ses pre­miers pas sur la scène inter­na­tio­nale dans les années 90, avant d’être pour la pre­mière fois popu­la­ri­sée en 2012 à la Confé­rence des Nations unies sur le déve­lop­pe­ment durable, dite Rio+20, quand au même moment émer­geaient les désastres éco­lo­giques, dont l’océan n’est évi­dem­ment pas épar­gné. Le chan­ge­ment cli­ma­tique, la pol­lu­tion, la des­truc­tion des habi­tats, la sur­ex­ploi­ta­tion des res­sources sont chaque jour un peu plus annon­cia­teurs de catastrophes.

Poissons sangliers Capros aper. © M. Dagnino
Pois­sons san­gliers Capros aper. © M. Dagnino

Vers une transformation de l’économie bleue

La mer est un mar­ché en crois­sance constante. D’après l’OCDE, la contri­bu­tion annuelle de l’océan au PIB mon­dial était de 1 800 mil­liards de dol­lars en 2021 et devrait dépas­ser les 3 000 mil­liards en 2030. Au pre­mier regard, les chiffres impres­sionnent. Pour­tant, ils cachent un para­doxe frap­pant : l’océan couvre 70 % de la sur­face de notre pla­nète mais ne repré­sente que 5 % de l’économie mon­diale, révé­lant ain­si un poten­tiel encore lar­ge­ment sous-exploité.

Les pers­pec­tives sont vastes, por­teuses de pos­si­bi­li­tés mais aus­si de risques. Sommes-nous à l’aube d’une exploi­ta­tion déré­gu­lée, où la nature paie­ra le prix de notre avi­di­té, ou sau­rons-nous construire un modèle plus équi­li­bré et res­pec­tueux ? S’il n’est pas envi­sa­geable, ni sou­hai­table, de faire de l’océan un vaste sanc­tuaire inter­dit à l’homme, il ne peut pas non plus être aban­don­né à une exploi­ta­tion anar­chique dic­tée par la seule logique du pro­fit. Par­mi ces deux scé­na­rios, la véri­té se trouve au milieu : le déve­lop­pe­ment d’une éco­no­mie bleue forte et durable, qui doit être au cœur de notre feuille de route pour l’océan.


Économie maritime et économie bleue : quelles différences ? 

Il existe un fos­sé impor­tant entre l’économie mari­time, qui englobe l’ensemble des acti­vi­tés éco­no­miques direc­te­ment liées aux océans, mers et zones côtières, et l’économie bleue, qui pri­vi­lé­gie une ges­tion et une exploi­ta­tion durables des res­sources marines afin de limi­ter les impacts envi­ron­ne­men­taux et de maxi­mi­ser les béné­fices sociaux et économiques. 


Les cas de l’Europe et de la Méditerranée

Les don­nées publiées par Euro­stat montrent que l’économie bleue euro­péenne se porte plu­tôt bien. En 2021, elle employait 3,6 mil­lions de per­sonnes (soit une hausse de 17 % par rap­port à 2020), son chiffre d’affaires était de près de 624 mil­lions d’euros (+21 %) et elle repré­sen­tait 171 mil­liards d’euros de valeur ajou­tée brute (+35 %). Les sec­teurs pris indi­vi­duel­le­ment ont éga­le­ment amé­lio­ré leurs performances. 

C’est par­ti­cu­liè­re­ment vrai pour l’éolien en mer qui a connu une crois­sance de +326 %. La flotte de pêche euro­péenne montre éga­le­ment des pro­grès sur le plan de la tran­si­tion éner­gé­tique, avec une dimi­nu­tion de 8 % des émis­sions de CO₂ entre 2009 et 2021 pour un kilo de pois­son pêché. Du côté de la Médi­ter­ra­née, l’économie bleue est éga­le­ment en crois­sance. Selon les don­nées de l’Union euro­péenne, elle a géné­ré 67 mil­liards d’euros de valeur ajou­tée brute et plus de 2 mil­lions d’emplois en 2019.

“Mieux répartir les forces entre les différents usages de la mer.”

Tou­te­fois, cette dyna­mique repose lar­ge­ment sur le tou­risme côtier, qui repré­sente à lui seul 61 % de la valeur ajou­tée brute du sec­teur, tan­dis que la pêche et l’aquaculture ne contri­buent qu’à hau­teur de 7,5 %. Ce qui sou­lève une ques­tion stra­té­gique : l’économie bleue médi­ter­ra­néenne ne devrait-elle pas être davan­tage diver­si­fiée ? La crise de la Covid-19 a révé­lé la fra­gi­li­té d’un modèle trop dépen­dant du tou­risme : lorsque celui-ci s’effondre, c’est donc près de 60 % de l’économie bleue qui vacille. Cette vul­né­ra­bi­li­té appelle à un rééqui­li­brage des acti­vi­tés mari­times ver­tueuses, en ren­for­çant d’autres sec­teurs comme la pêche arti­sa­nale, l’aquaculture durable ou encore les éner­gies marines renou­ve­lables. Construire une éco­no­mie bleue plus rési­liente implique donc de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier et de mieux répar­tir les forces entre les dif­fé­rents usages de la mer.

Poisson chauve-souris.
Pois­son chauve-sou­ris. © Ins­ti­tut océa­no­gra­phique de Mona­co. Fré­dé­ric Pacorel

Pêche : une course vers l’épuisement

Selon la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), la dura­bi­li­té des res­sources halieu­tiques mon­diales conti­nue de se dété­rio­rer. Elle est pas­sée de 90 % en 1974 à 62,3 % en 2021. À cela s’ajoute la pêche dite INN – illi­cite, non décla­rée, non régle­men­tée – qui repré­sente jusqu’à 26 mil­lions de tonnes de pois­sons cap­tu­rés chaque année. Or on sait que des pêche­ries bien gou­ver­nées et bien gérées, qui luttent contre la pêche illé­gale, qui appliquent des quo­tas durables et des périodes de repos bio­lo­gique par exemple, assurent la recons­ti­tu­tion des stocks, la sécu­ri­té ali­men­taire et la rési­lience des éco­sys­tèmes. Un méca­nisme qui garan­tit ain­si une bio­masse plus abon­dante et une pêche plus ren­table à long terme, alors que l’inaction mène­ra inévi­ta­ble­ment à l’épuisement des ressources.

La question de la durabilité

La ques­tion de la dura­bi­li­té concerne de la même manière le trans­port mari­time, les éner­gies renou­ve­lables, la séques­tra­tion du car­bone, le tou­risme, les res­sources géné­tiques, l’aquaculture… La liste est longue. « Les actifs clés de l’océan ont été esti­més à 24 000 mil­liards de dol­lars, mais ce chiffre est de plus en plus mena­cé en rai­son de la dégra­da­tion de l’environnement et du sous-inves­tis­se­ment », rap­porte le Glo­bal Ocean Accounts Part­ner­ship. « Les recherches indiquent que le main­tien des pra­tiques actuelles pour­rait mettre en péril 8 400 mil­liards de dol­lars de valeur pour les inves­tis­seurs au cours des quinze pro­chaines années.

À l’inverse, la tran­si­tion vers des pra­tiques durables, qui intègrent l’impact envi­ron­ne­men­tal et social des déci­sions éco­no­miques, pour­rait poten­tiel­le­ment réduire ce risque de plus de 5 000 mil­liards de dol­lars », sou­ligne encore l’organisation. Si les poli­tiques publiques acca­pa­rées par la ges­tion des crises socio-éco­no­miques de ces der­nières années ne se trouvent pas aux avant-postes d’une éco­no­mie océa­nique durable, les entre­prises et les inves­tis­seurs, les pro­prié­taires d’actifs et les ins­ti­tu­tions finan­cières « com­mencent à com­prendre l’importance d’investir dans ce domaine, l’intégration de l’impact social et envi­ron­ne­men­tal deve­nant un élé­ment cen­tral de la prise de déci­sion en matière d’investissement », explique Friends of Ocean Action.

Poisson mandarin Synchiropus splendidus. © M. Dagnino - Musée océanographique de Monaco
Pois­son man­da­rin Syn­chi­ro­pus splen­di­dus. © M. Dagni­no – Musée océa­no­gra­phique de Monaco

Une amélioration des systèmes de mesure de la performance

De nou­veaux cadres régle­men­taires et stan­dards, aux­quels les entre­prises sous­crivent volon­tai­re­ment, ont récem­ment vu le jour. La Task­force on Nature-rela­ted Finan­cial Dis­clo­sure (TNFD) et le Science Based Tar­gets for Nature (SBTN) en témoignent. La TNFD, qui aide les entre­prises à éva­luer et à gérer les risques liés à la nature, inclut spé­ci­fi­que­ment l’océan en ana­ly­sant les dépen­dances et impacts sur les éco­sys­tèmes marins, orien­tant ain­si les inves­tis­se­ments vers des pra­tiques durables. 

Le SBTN quant à lui per­met aux entre­prises de fixer des objec­tifs d’impact réduit sur l’environnement fon­dés sur la science. Il va, en 2025, pro­po­ser des cibles spé­ci­fiques pour l’océan, telles que la réduc­tion de la sur­pêche, la pro­tec­tion des récifs coral­liens et des her­biers marins, ain­si que la limi­ta­tion des impacts de la pêche sur des espèces telles que les tor­tues et les requins, pour garan­tir un océan sain et rési­lient. Il suf­fit enfin de par­cou­rir les tra­vées des COP (confé­rences des Par­ties) consa­crées au cli­mat ou à la bio­di­ver­si­té pour mesu­rer l’intérêt du sec­teur pri­vé pour la recherche de solu­tions durables.

Le développement de crédits ou certificats biodiversité

Ces enga­ge­ments accom­pagnent le déve­lop­pe­ment d’outils finan­ciers inno­vants. Il en va ain­si des cré­dits et cer­ti­fi­cats liés à la bio­di­ver­si­té. Sem­blables aux cré­dits car­bone dans leur concep­tion, ces méca­nismes doivent per­mettre de pré­ser­ver ou res­tau­rer la bio­di­ver­si­té. Ils inter­viennent dans le cadre des accords Kun­ming-Mont­réal adop­tés lors de la COP15, qui ont fixé pour objec­tif de mobi­li­ser 200 mil­liards de dol­lars par an d’ici 2030 pour la bio­di­ver­si­té. Ils néces­sitent tou­te­fois un cadre régle­men­taire strict per­met­tant de garan­tir leur inté­gri­té. Des ini­tia­tives ont émer­gé pour ten­ter de pro­po­ser ce cadre et d’encourager la régu­la­tion par les États.

L’International Advi­so­ry Panel on Bio­di­ver­si­ty Cre­dits, démarche fran­co-bri­tan­nique, a ain­si publié une publi­ca­tion de réfé­rence lors de la COP16 à Cali. Il existe éga­le­ment une série d’instruments obli­ga­taires, comme les obli­ga­tions bleues, qui sont émis par des gou­vernements, des banques de déve­lop­pe­ment ou encore des acteurs pri­vés, afin de lever des fonds auprès d’investisseurs. Autres pro­duits phares : les Dept-for-nature swaps. Ils per­mettent qu’une par­tie de la dette d’un État débi­teur soit refi­nan­cée à un taux d’intérêt rela­tif infé­rieur, en échange d’instruments finan­ciers dédiés à l’amélioration de l’environnement. Les Sey­chelles font notam­ment figure de pré­cur­seur en la matière, ayant sous­crit à ces deux mécanismes.

Les stratégies publiques

Autre type d’engagement, autre for­mat, les Sus­tai­nable Ocean Plans (SOP), pro­mus par le High Level Panel for Sus­tai­nable Ocean Eco­no­my. Les SOP sont des stra­té­gies natio­nales ou régio­nales conçues pour gérer de manière durable les res­sources marines. Ces plans, qui se fondent sur la science, ambi­tionnent de conci­lier la pro­tec­tion de l’océan avec une exploi­ta­tion éco­no­mique res­pon­sable, en inté­grant les objec­tifs de conser­va­tion, les besoins socio-éco­no­miques des com­mu­nau­tés côtières et les sec­teurs éco­no­miques marins. 

Plu­sieurs pays là encore se sont enga­gés dans cette voie. C’est le cas des Fid­ji dont la zone éco­no­mique exclu­sive est sept fois plus grande que sa sur­face ter­restre. Les îles Fid­ji visent une ges­tion durable de 100 % de sa sur­face océa­nique avec 30 % d’aires marines pro­té­gées. Un pro­jet qui a néces­si­té de mettre autour de la table toutes les par­ties pre­nantes, d’obtenir leur appro­ba­tion mal­gré les âpres dis­cus­sions avec le sec­teur de la pêche et d’assurer les finan­ce­ments nécessaires.

Façade du musée océanographique de Monaco.
Façade du musée océa­no­gra­phique de Mona­co. © M. Dagni­no – Ins­ti­tut océanographique

Changer de paradigme

Tous ces méca­nismes seront abor­dés à l’occasion du Blue Eco­no­my and Finance Forum (BEFF), qui se tien­dra à Mona­co les 7 et 8 juin 2025, à la veille de la Confé­rence des Nations unies sur l’océan pré­vue du 9 au 13 juin à Nice. Ce forum qui réuni­ra des chefs d’entreprise de la finance et de l’industrie, des repré­sen­tants des gou­ver­ne­ments, des ins­ti­tu­tions mul­ti­la­té­rales, a en effet pour objec­tif d’organiser des échanges au som­met, de favo­ri­ser l’élaboration de par­te­na­riats concrets, et éga­le­ment d’activer des finan­ce­ments durables pour une éco­no­mie bleue régénérative.

“Arrêtons de voir l’océan comme un compte en banque dans lequel il est permis de puiser sans limites !”

Un chan­ge­ment de para­digme est néces­saire, arrê­tons de voir l’océan comme un compte en banque dans lequel il est per­mis de pui­ser sans limites ! l’océan doit être géré comme un patri­moine vivant qui se régé­nère et dont il faut pro­té­ger le capi­tal pour garan­tir des inté­rêts durables.

Les défis persistants pour une transition optimale

Tou­te­fois, il ne faut pas se leur­rer : ces avan­cées ont beau être par­ti­cu­liè­re­ment encou­ra­geantes, le che­min à par­cou­rir reste long et périlleux. La pre­mière rai­son tient à la rapi­di­té avec laquelle la pla­nète se dégrade. Le temps joue contre nous. Pour la pre­mière fois en 2024, la hausse des tem­pé­ra­tures a dépas­sé 1,5 °C, met­tant un peu plus en dan­ger l’océan et ren­dant tou­jours plus com­pli­quées les actions à mener. Chaque retard dans la mise en œuvre de poli­tiques et de finan­ce­ments adap­tés réduit les marges de manœuvre et accroît les coûts futurs de l’inaction. Les approches très cloi­son­nées par sec­teur freinent éga­le­ment les solu­tions glo­bales. Le rap­port Nexus de l’IPBES met par­fai­te­ment en évi­dence l’interdépendance qui existe entre la bio­di­ver­si­té, le cli­mat, la ges­tion de l’eau, l’alimentation, la san­té humaine. Une approche trans­ver­sale est indis­pen­sable, une vision holis­tique s’impose mais on en est encore trop loin.

Un potentiel immense, mais un financement encore à contre-courant

Nous vivons une époque où les finances publiques sont sous ten­sion, où chaque euro, chaque dol­lar doit être inves­ti avec dis­cer­ne­ment. Pour­tant, mal­gré des avan­cées cer­taines, le cadre finan­cier géné­ral est encore inadap­té pour une éco­no­mie bleue. Dans de nom­breux sec­teurs, l’argent public conti­nue d’alimenter des modèles éco­no­miques qui vont à l’encontre des impé­ra­tifs envi­ron­ne­men­taux et cli­ma­tiques. Pre­nons l’exemple de la pêche. En 2018, Rashid Sumai­la, éco­no­miste spé­cia­li­sé dans les océans et les pêches, esti­mait que ces sub­ven­tions s’élevaient à $35,4 mil­liards, dont $22,2 mil­liards étaient des­ti­nés à accroître la capa­ci­té, et donc la noci­vi­té des navires.

Ces sub­ven­tions, en finan­çant un effort de pêche prin­ci­pa­le­ment indus­triel aux méthodes rava­geuses pour les éco­sys­tèmes marins, non seule­ment contri­buent à les détruire mais éga­le­ment mettent en dan­ger la pêche arti­sa­nale. Cet argent, sou­vent condi­tion­né par la taille des bateaux et leur capa­ci­té de pêche, per­met en effet aux grands navires-usines de réduire leurs coûts et d’augmenter leurs pro­fits de manière arti­fi­cielle. Mal­gré sa pré­sence dans les négo­cia­tions inter­na­tio­nales, cette ques­tion n’a été sui­vie que de peu ou pas d’action concrète. En effet, les États estiment sou­vent que les sub­ven­tions concernent leurs propres juri­dic­tions, lorsqu’en réa­li­té elles ont un impact en dehors de leurs eaux ter­ri­to­riales et en haute mer.

Lutter contre la frilosité

Nous finan­çons donc, avec de l’argent public, l’appauvrissement de nos océans et la pré­ca­ri­sa­tion de ceux qui en dépendent. Un para­doxe insou­te­nable. Pour­quoi ne pas réorien­ter ces fonds vers des mesures ver­tueuses, et ce à l’échelle mon­diale ? Nous pour­rions ain­si espé­rer un impact posi­tif sur les stocks de pois­sons et l’environnement marin, ain­si que des retom­bées sociales tout aus­si posi­tives. Pour y par­ve­nir, il faut du cou­rage poli­tique ! La réorien­ta­tion de ces sub­ven­tions exige de s’affranchir des pres­sions à court terme, d’affronter les résis­tances d’intérêts bien éta­blis et d’oser trans­for­mer le cadre éco­no­mique actuel. C’est un choix qui ne relève pas d’une uto­pie, mais d’une néces­si­té pragmatique.

Inves­tir dans un ave­nir durable, plu­tôt que sub­ven­tion­ner la des­truc­tion du vivant, est une évi­dence que nous ne pou­vons plus igno­rer. Une cer­taine fri­lo­si­té appa­raît éga­le­ment du côté des inves­tis­seurs, mal­gré la pers­pec­tive de béné­fices à long terme. Le Glo­bal Ocean Accounts Part­ner­ship rap­pelle ain­si qu’investir dans l’économie bleue signi­fie que « d’ici 2030 12 mil­lions d’emplois pour­raient être créés et que d’ici 2050 les océans pour­raient four­nir six fois plus de biens durables et des niveaux d’énergies renou­ve­lables mul­ti­pliés par 40 ». Mais les incer­ti­tudes liées aux sys­tèmes de régu­la­tion, à la com­plexi­té des éco­sys­tèmes, aux manques de garan­ties, décou­ragent les acteurs financiers.

Poisson clown. © M. Dagnino - Institut océanographique
Pois­son clown. © M. Dagni­no – Ins­ti­tut océanographique

Une initiative vertueuse

Le grand livre de l’Économie bleue est ouvert. Beau­coup de pages res­tent à écrire. L’UICN (Union inter­na­tio­nale pour la conser­va­tion de la nature), qui lui a ajou­té le terme de « régé­né­ra­trice », a for­mu­lé une motion qui s’appuie sur cinq piliers qu’elle sou­haite faire adop­ter par ses quelque 1 400 membres à tra­vers le monde – ce qui les enga­ge­rait à ali­gner leurs poli­tiques natio­nales sur ces recom­man­da­tions. Elle inclue éga­le­ment la néces­si­té de pro­mou­voir des par­te­na­riats public-pri­vé, d’investir dans la recherche scien­ti­fique, de ren­for­cer les capa­ci­tés locales et enfin d’intégrer les cri­tères de dura­bi­li­té dans les poli­tiques publiques. L’océan est un allié puis­sant et indis­pen­sable pour la vie sur terre. Ne gâchons pas cette chance.


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